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Déclaration des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1959)

3.  Émergence d’une « nouvelle » dynamique

3.2.  Les droits humains des enfants

Le développement des réflexions sur les droits humains des enfants sur un plan transnational s’inscrit dans un double mouvement. Celui-ci est fréquemment décrit comme habité par des tendances contraires : visées protectionnistes versus libérationnistes (voir Archard, 2004 ; Freeman, 1997, Grossberg, 2012-a, Hawes, 1991). Pourtant, il apparaît que les réflexions sont intrinsèquement liées et se coconstruisent mutuellement. Elles sont composées des prises de position des activistes qui luttent infatigablement pour une meilleure garantie des droits de l’enfant à qui le statut de mineur confère certaines spécificités juridiques. L’enfant perçu comme étant le futur de l’humanité doit pouvoir le devenir dans des conditions optimales. Pour ce faire, il faut assurer son éducation de base et supérieure, lui garantir la meilleure santé possible et le protéger contre l’exploitation, la violence

463 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth…, Document de travail n°2 : Brève introduction au débat sur les droits et responsabilités des jeunes.

464 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth…

465 Mayo et Houwer débutent tous deux en 1957 à l’UIPE, en qualité respectivement de président et de secrétaire général. Ils sont également impliqués à l’Unicef, comme membre du Conseil d’administration et membre du Bureau exécutif. Mayo travaille pendant plus de cinquante ans sur des sujets de santé communautaire.

466 AEG FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Letter P. Kuensteler, Division SoA, GE UN office, 24 October 1969.

467 AEG FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Note de Jean Brémond, 13 octobre 1970.

468 AEG FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Report of the secretary-general (draft), 26 October 1971 ; Mémorandum des NU, 5 avril 1972.

et toute autre forme de traitement pouvant entraver son développement. La DNUDE encourage les responsables légaux des enfants ainsi que les États à respecter ces principes dans ses articles 2, 4, 7 et 9, selon certaines lignes directrices (principes 1, 3 et 10 et le concept d’intérêt supérieur de l’enfant). En d’autres termes, les adultes sont responsables de la prise en compte des spécificités juridiques du statut de l’enfant.

La réflexion au sujet des droits humains des enfants est encore liée à une mise en œuvre effective ainsi qu’au développement de connaissances scientifiques au sujet de ces principes. Cela induit la nécessité de repenser fondamentalement le système sur lequel sont bâtis les droits de l’enfant. Nous reviendrons sur les aspects de continuité et de rupture en Partie III de notre recherche. Toutefois, il convient dès à présent de ne pas lire les développements comme une discontinuité, mais au contraire comme une prise en compte progressive de la complexité des dimensions constitutives des droits de l’enfant. L’analyse proposée par la Section éducation de l’Unesco illustre à cet égard la lecture non polarisée qui est faite de la position de la jeunesse dans la société.

« Dans de très nombreux pays, le statut de la jeunesse découlait d’une conception de la vie se déroulant en deux stades ; le temps de la formation et de l’apprentissage, suivi du temps de la responsabilité. La jeunesse appartenait alors au temps de l’apprentissage organisé par la société dans un cadre protégé et caractérisé par un statut d’irresponsabilité, tandis que la puissance paternelle et tous ses substituts avaient pour fonction d’assurer cette protection, cette formation et l’exercice des responsabilités au nom du mineur.

L’accélération du processus de changement, provoqué essentiellement par le développement de la technologie, interdit désormais de continuer à diviser la vie de l’homme en deux stades consécutifs, car aujourd’hui l’éducation est permanente et la prise de responsabilités par les jeunes, plus libres que leurs aînés par rapport aux schémas du passé, ne peut être que souhaitable dans l’intérêt du progrès social. »469

Contrairement aux prises de position plus ou moins extrêmes d’acteurs du mouvement de libération des enfants, à l’exemple des écrits de Farson (1974) ou de Holt (1974, 2013), nous constatons que dans les sphères internationales, la problématique se pose davantage en termes de cohérence du système dans une perspective pragmatique que sur un volet idéologique. La sémantique propre à la description d’une injustice sociale pénètre les sphères, car la jeunesse est décrite comme « marginalisée », « maintenue à l’écart de tout pouvoir réel », ce qui engendre une « aliénation politique, économique et culturelle »470. Certains employés de la Section éducation de l’Unesco s’intéressent de très près à une étude sur l’autorité

469 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53 Study on Rights and responsibilities of Youth Part II - From to 1/1/71, Document de travail n° 2 : Brève introduction au débat sur les droits et responsabilités des jeunes.

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réalisée par le Dr Gérard Mendel471. Dans son ouvrage Pour décoloniser l’enfant, ce dernier adopte une posture provocatrice « sur les sujets les plus discutés de l’heure » et en vient à faire des propositions que le journal Le Monde juge « proprement révolutionnaires, telles abaisser le droit de vote à l’âge de douze ans »472. Les employés de la division Youth  Activities, qui ont accepté de présenter leur rapport Droits et responsabilités des jeunes lors de l’Assemblée mondiale de la jeunesse  (Belgique, 1970), celle-là même qui préconise l’abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, ne sont pas surpris473. Le fait que Mendel considère les enfants non pas comme une classe d’âge mais comme une classe sociale les intéresse particulièrement474.

C’est ce que tentent de faire les autres OI en réfléchissant à comment donner aux jeunes des moyens d’action politique au niveau international. En 1971, lors d’une conférence à Genève, des ONGI et des agences spécialisées des Nations Unies se demandent si un « système permanent de consultation », sous la forme « d’une réunion officielle », est envisageable475. L’option est finalement abandonnée, mais la décision est prise de consulter les organisations de jeunesses pour les actions qui les concernent. Ceci débouche sur une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (2633 – XXV) qui aborde la question des canaux de communication avec les jeunes et de leur participation à la vie internationale :

« Gardant à l’esprit la nécessité d’établir des règles de procédure qui garantissent un traitement équitable et la pleine participation de tous les représentants de la jeunesse, de façon à assurer une représentation véritablement universelle et le strict respect de la liberté d’expression, […]. »476

Comme le souligne l’auteur du rapport sur les droits et les responsabilités des jeunes, « poser le problème des droits et responsabilités des jeunes, [est] une démarche politique qui consiste à remettre en cause [les] relations qu’ils entretiennent, avec

471 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth…

472 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth, Coupure de presse Le Monde, « Pour décoloniser l’enfant » de G. Mendel, 8 octobre 1971.

473 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth Part I - Up to 31 December 1970, Coupures de presse La Dernière Heure, Bruxelles, 1er octobre 1970, Vers l’Avenir, Namur, 30 septembre 1970.

474 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth Part II - From to 1st January 1971, Note sur l’étude du Dr Mendel sur l’autorité (sans date).

475 AE En gardant à l’esprit la nécessité de règles de procédure qui garantissent un traitement équitable et la pleine participation de tous les représentants de la jeunesse, pour une représentation véritablement universelle et pour le strict respect de la liberté d’expression, ainsi que les incidences financières et autres aspects pertinents…

G FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Note de Jean Brémond, 13 octobre 1970.

476 AEG FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Report of the secretary-general (draft), 26 October 1971. Notre traduction de : « Keeping in mind the need for rules of procedure that ensure fair treatment and the full participation of all youth representatives, for a truly universal representation and for the strict observance of freedom of speech, […] ».

les pouvoirs qu’ils soient politiques, économiques, culturels, éducatifs ou autres »477. L’ONU dans son ensemble le perçoit, car des réflexions sont menées sur l’implication possible de la catégorie sociale en son sein, comme dans les programmes de développement. Lorsqu’il faut explorer la sphère éducative, les implications d’un questionnement de la place des enfants et des jeunes sont d’autant plus intéressantes qu’il s’agit d’espaces créés spécifiquement pour la catégorie sociale.

L’interdiction d’avoir recours à des châtiments corporels à l’école est citée comme un pas vers la reconnaissance des droits humains des enfants, ou plus spécifiquement du droit de l’enfant au respect de son intégrité corporelle (Sandin, 2012 ; voir aussi Fass, 2011). Pourtant, la « découverte » du syndrome de l’enfant battu (battered child syndrome), qui fait l’objet de plusieurs publications scientifiques dès le milieu des années 40, engendre un contexte d’inquiétude générale face à la cruauté des adultes envers les enfants. Celle-ci est traduite en des actes législatifs visant à condamner les abus dans de nombreux pays occidentaux, à la suite des États-Unis et de la Grande-Bretagne478. Tout semble indiquer que les développements s’ancrent plus dans une tradition protectionniste que dans une vision émancipatrice.

C’est cependant sur la base d’un argumentaire fortement inspiré d’une rhétorique des droits de l’homme et portant sur la dignité de l’enfant qu’est mené sur la scène internationale un débat sur la problématique. Plusieurs journaux aux États-Unis, en Hollande et en Irlande ouvrent la brèche en 1959. Ils affirment que la Commission des droits de l’homme a « maintenu le droit des enseignants de frapper les enfants », en refusant une proposition de la délégation de l’URSS visant à introduire une interdiction479.

Les Nations Unies s’en défendent. Une telle problématique est couverte par la DNUDE qui prévoit que l’enfant « doit être protégé de toute forme de négligence, de cruauté et d’exploitation […] » (principe 9). Le sujet devient le point de rencontre, voire de convergence, entre deux lectures des droits de l’enfant. L’image proposée par un satiriste hollandais illustre bien le propos : les enfants venus à l’ONU pour voir leurs droits être reconnus quittent par dépit l’organisation en usant d’un droit éminemment politique, celui de manifester (cf. Figure 8)480. L’exemple est d’autant plus intéressant qu’il concerne directement des enfants et non pas uniquement la jeunesse, définie au niveau international comme concernant les individus de 12 à 25 ans481.

477 AUNESCO, ED 769/18 369.4 : 342.7 A 53, Study on Rights and responsibilities of Youth Part II - From to 1st January 1971, Document de travail n° 2 : Brève introduction au débat sur les droits et responsabilités des jeunes.

478 Sur la question du « battered child syndrome » et de ses développements juridiques, voir Freeman (1997), Hendrick (2003) et Veerman (1992) pour le cas de la Grande-Bretagne, Hawes (1991) et Sealander (2003) pour les États-Unis. En lien avec la question des droits de l’enfant voir Jaffé, Rey, Grandjean et Roth (1998).

479 AUNOG S, S-0445-0077 Draft Declaration on the Rights of the Child (1958-1967), Letter from School-Children’s Protection Organization to the Secretary of the UN Commission on Human Rights, 13 April 1959.

480 AUNOG S, S-0445-0077 Draft Declaration on the Rights of the Child (1958-1967), Press.

481 AEG FUIPE, N.1.5, Tri/71.3, Report of the secretary-general (draft), 26 October 1971 ; AEG FUIPE, N.1.5(2), Tri/71.3, mémorandum des Nations Unies, 5 avril 1972.

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