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La dissociation des exceptions et des limites externes des droits de l’auteur

Titre I. Le contenu du paradigme

Section 2. L’aspect matériel du paradigme

A. Les caractéristiques négatives des exceptions

2. La dissociation des exceptions et des limites externes des droits de l’auteur

154. Passant outre les termes « restrictions » et « actes autorisés », trop généraux et à faible valeur cognitive, il convient de se pencher sur la question de savoir si parmi les hypothèses exceptionnelles énumérées à l’art 41 de la loi du 11 mars 1957 se trouvaient des limites externes du droit d’auteur. La réponse est nécessairement négative, et repose sur les arguments se référant à la technique de formalisation des droits d’auteur et des prétendues

« fausses exceptions » (a), elle-même découlant de l’architecture du paradigme consacré par le législateur (b).

a. Les raisons techniques de la dissociation

155. L’on sait que sous l’empire des lois révolutionnaires sur le droit d’auteur, la licéité des usages privés était fondée sur une limitation des droits d’auteur à l’exploitation publique461. Dans cette optique, historiquement, les usages qui avec la codification du droit d’auteur se sont transformés en « copie privée » et en « représentations dans le cercle de famille » se situaient, par nature, en dehors du champ d’application des droits exclusifs.

Il en résulte qu’avant la loi du 11 mars 1957, la licéité des usages privés ne découlait pas

460 Supra, n° 4.

461 Supra, n° 73.

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de quelconques règles dérogatoires, car pour qu’il y ait eu dérogation, il aurait fallu, selon toute logique, que tel ou tel acte se situe dans le champ d’application de la règle de principe.

156. Une partie de la doctrine considère que la grande codification du droit d’auteur n’a rien changé à cet égard. Partant de la conviction selon laquelle la copie privée s’effectue par une fixation matérielle qui n’est, par nature, pas destinée à être communiquée au public462, ils qualifient cette reproduction d’« imparfaite », non couverte par le monopole de reproduction463 et n’entrant pas en conflit avec celui-ci. Le droit d’auteur s’intéresserait ainsi uniquement à l’usage public de l’œuvre, ou bien pour reprendre le vocabulaire des auteurs anglophones, à la diffusion et non pas à la consommation de l’œuvre464.

À suivre ce raisonnement, on devrait admettre que la distinction entre l’utilisation publique et l’utilisation privée permet de déterminer ce qui relève ou non du monopole de l’auteur 465. Certains auteurs issus de la tradition continentale du droit d’auteur approfondissent cette logique en ajoutant que cette limitation du champ d’application de la propriété littéraire et artistique constitue sa spécificité par rapport au droit de propriété

« ordinaire ». Le fait, pour le droit d’auteur, de ne s’appliquer qu’à l’égard des utilisations publiques lui permet de se démarquer du droit de propriété qui, quant à lui, s’intéresse à tout usage du bien466.

Ainsi la copie privée, qui doit ex definitione prendre la forme d’une reproduction non destinée au public, se trouverait en dehors des droits de l’auteur et devrait être analysée comme une limite externe de ceux-ci et non pas comme une exception467. Cette idée, exacte dans la perspective historique, ignore cependant d’importantes innovations apportées au système du droit d’auteur par la loi du 11 mars 1957.

157. Pour définir les utilisations couvertes par le droit exclusif de reproduction le législateur ne considère pas uniquement les copies déjà communiquées au public, mais

462La règle de l’article 41, 2 de la loi du 11 mars 1957 couvre : « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée », nous soulignons.

463 Dans ce sens, P. GAUDRAT, « Réflexions dispersées sur l’éradication méthodique du droit d’auteur dans la “société de l’information” », RTD Com., 2003, pp. 87-108, spec, p. 102.

464 N. HELBERGER, P. B. HUGENHOLTZ, « No Place Like Home for Making a Copy: Private Copying in European Copyright Law and Consumer Law », Berkeley Technology Law Journal, n° 22 (3), 2007, pp. 1062-1098, spéc. p. 1065.

465 F. SARDAIN, « Le droit d’auteur à l’épreuve du logiciel : l’exemple du droit de décompilation », CCE, n° 10, oct. 2002, chron. 24.

466 Cette opinion est partagée par la doctrine polonaise majoritaire. V., sur ce point : J. BARTA, Prawo autorskie, System Prawa Prywatnego, Tome XIII, C. H. Beck, 2008, p. 138.

467 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, A. LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et artistique, 4e éd., LexisNexis, 2012, p. 325, P. GAUDRAT, F. SARDAIN, « De la copie privée (et du cercle de famille) ou des limites au droit d’auteur », CCE, n° 11, nov. 2005, étude 37.

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entend le seul acte de fixation de l’œuvre « par tous procédés qui permettent de la communiquer au public ». Il est difficile d’imaginer une fixation matérielle ne permettant pas de sortir de la sphère de l’usage strictement privé. Il ne faut pas qu’une simple maladresse rédactionnelle jette de l’ombre sur le sens de la règle. Celle-ci consacre le droit de reproduction s’étendant sur toute fixation matérielle de l’œuvre qui, en l’absence d’une véritable exception, s’intéresserait également aux reproductions « strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective »468.

158. Cette démarche du législateur se comprend en vue de la prééminence de l’intérêt de l’auteur qu’il voulait consacrer. En outre, même si l’on partageait l’opinion selon laquelle le droit d’auteur ne s’intéresse qu’aux utilisations se situant dans une perspective économique, la thèse d’un droit de reproduction s’étendant sur les reproductions strictement privées resterait défendable. En effet, tout est une question de perspective d’évaluation de la dimension « économique » de l’usage en cause. Le caractère personnaliste du droit d’auteur français voudrait qu’on partage l’opinion d’un auteur soulignant qu’« il importe, pour juger de l’absence de l’élément concurrentiel, de se placer au point de vue de l’auteur et non pas à celui du destinataire de l’œuvre »469. Dans cette optique, bien qu’aux yeux de l’utilisateur les reproductions privées ne fassent pas concurrence aux intérêts pécuniaires de l’auteur, dans la mesure où leur production n’est pas animée par la recherche du lucre, elles engendrent tout de même un manque à gagner pour l’auteur en dispensant le copiste de l’acquisition d’un exemplaire original. Par conséquent, la copie privée apparaît comme une reproduction parfaite, donc régie par le droit de reproduction, à l’intérieur duquel, puisqu’elle est licite, elle constitue bien une exception.

159. Pour se convaincre définitivement du mal fondé de la thèse refusant à la copie privée la qualification d’exception, il convient d’ajouter un argument défendu par une partie de la doctrine polonaise470 et formulé par rapport au « dozwolony użytek osobisty », l’homologue de l’exception française pour copie privée. Ainsi, le droit polonais autant que le droit français font sortir de la sphère de l’exception certaines copies que l’auteur peut interdire, et que l’on pourrait définir en tant qu’exceptions à l’exception que constitue la copie privée. Aujourd’hui, ces reproductions que l’auteur peut prohiber correspondent en France

468 Dans ce sens, F. POLLAUD-DULIAN, Le droit d’auteur, 2e éd., Economica, 2014, p. 716 :

« Bien que cela ait été discuté, on ne peut pas considérer que, par nature, le droit de reproduction ne s’appliquerait qu’aux reproductions à usage public et qu’il y aurait une liberté de principe ou un droit de reproduire les œuvres pour un usage privé. La faculté de faire des copies privées n’est accordée par la loi qu’à titre d’exception, pour des raisons d’ordre surtout pragmatique, mais la référence à l’usage public ne participe pas de la définition du droit de reproduction ».

469 E. DEL BIANCO, Le droit d’auteur et ses limites, Imprimerie H. Jaunin S.A, 1951, p. 124.

470 J. BARTA, op. cit., p. 129.

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aux « copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 (du CPI) ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique »471. Dès lors, dire que les reproductions privées se situeraient en dehors du champ d’application du droit de reproduction signifierait une chose : que par rapport à celles-ci (relevant en vérité d’une exception à l’exception), l’auteur jouirait d’un droit forcément sui generis, de nature différente que celui qu’il détient à l’égard des reproductions publiques, non couvertes par l’exception première.

Autrement dit, il semble que l’on puisse reprocher aux partisans de la copie privée en tant que « fausse exception » de ne pas avoir répondu à la question suivante : selon eux, quel droit détient l’auteur sur la copie d’un logiciel autre que la copie de sauvegarde réservée strictement à l’usage privé du copiste ? En effet, si la copie n’entre pas dans le périmètre du droit de reproduction du fait de son caractère privé, comment l’auteur pourrait-il

« récupérer » un droit de l’interdire (argument a contrario de la formule énonciative de la liste des exceptions de l’art L. 122-5 du CPI), et au nom de quel droit ladite interdiction serait-elle permise472 ?

Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il semble préférable de considérer la copie privée comme une exception à part entière devenue comme telle à la suite de l’intervention du législateur473. Ce changement de nature est motivé par les insuffisances du système situant l’usage privé en dehors des frontières du droit d’auteur474. Non seulement cette interprétation est conforme à la lettre de la loi qui couvre par le droit exclusif toutes les reproductions susceptibles d’être communiquées au public, mais aussi elle nous permet d’éviter le paradoxe auquel conduit inévitablement la thèse contraire.

471 Article 122-5, 2°du CPI. Pour des raisons évidentes, la rédaction initiale de l’art 41, 2° de la loi du 11 mars 1957 ne comportait pas de référence à une copie d’un logiciel.

472 Le problème a également été remarqué par A. Zollinger quand il écrivait que la réserve faite des

« copies d’œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée » fait que « le droit exclusif semble s’exercer en cette circonstance, alors même que cette copie est effectuée dans la sphère privée, et réservée à l’usage exclusif du copiste. On ne comprend pas aisément la raison de cette réserve, qui prive de cohérence l’ensemble de la disposition en amenant à penser que le droit patrimonial de l’auteur peut s’exercer jusque dans la sphère privée (et donc que l’article L. 122-5 2 ° ne pose pas une limite, mais bien une exception de copie privée », A. ZOLLINGER, Droits d’auteur et droits de l’Homme, LGDJ, 2008, p. 275. Loin de priver de cohérence la disposition en cause, la raison d’être de cette réserve réside dans le fait que l’exception de copie privée est une véritable exception. Dans ce contexte, paralyser son jeu par une autre exception marque, purement et simplement, le retour au droit exclusif de reproduction.

473 Dans ce sens, not. : H. DESBOIS, Le droit d’auteur en France, 3e éd., Dalloz, 1978, p. 300.

474 Supra, n° 73 et suiv.

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160. Les mêmes conclusions valent pour les représentations effectuées dans le cercle de famille. La doctrine majoritaire partage une opinion selon laquelle le droit de représentation, couvrant exclusivement la communication directe de l’œuvre au public, et donc à un nombre indéterminé de personnes, n’engloberait pas les représentations privées, effectuées dans le cercle de famille. Par conséquent, les dispositions législatives relatives à ces dernières devraient être considérées comme dressant une limite externe du droit d’auteur et non pas comme une exception475.

161. Ce raisonnement n’est que partiellement vrai. Certes, en principe, le droit de représentation n’entre en jeu que lorsque l’œuvre est communiquée au public, néanmoins, il sera « déclenché » également si la représentation, bien qu’effectuée dans un cercle restreint de famille, n’est pas gratuite.

La conclusion découle de la lecture a contrario de l’art 41, 1° de la loi du 11 mars 1957 (article L. 122-5, 1° du CPI) qui dispose que l’auteur ne peut interdire

« Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille » (nous soulignons). Par conséquent, on constate qu’a priori le droit de représentation s’intéresse également aux représentations dans le cercle de famille, et ce n’est que par la force d’une exception légale que celles-ci se trouvent autorisées sans le consentement du titulaire476. Admettre le contraire, à savoir considérer qu’une représentation est intrinsèquement en dehors de l’emprise du monopole dès lors qu’elle s’effectue dans un cercle restreint de la famille, conduirait à une incohérence, car une représentation privée, mais non gratuite, bien que située en dehors du monopole, pourrait être interdite. Encore une fois, au nom de quel droit l’auteur pourrait-il interdire un acte non couvert par ses droits exclusifs ?

162. Outre ces arguments, invitant l’interprète à donner un sens à la loi au lieu de l’en priver, l’assimilation de la copie privée et de l’exception pour les représentations dans le cercle de famille à des limites externes des droits exclusifs dénature l’apport de la loi du 11 mars 1957 en la matière.

Si ces exceptions avaient été conçues en tant que limites externes du droit d’auteur, l’autorisation d’un acte relevant du domaine public étant superflue477, il aurait suffi

475 J. PASSA, « Caractère impératif ou supplétif des exceptions au droit d’auteur », RLDI, supplément au n° 94, juin 2013, pp. 13-17, spéc. p. 13, C. ALLEAUME « La mise en balance du droit d’auteur », Revue internationale de droit comparé, n° 2, 2010, pp. 423-445, spéc. p. 434, C. CARON, « Les exceptions au regard du fondement du droit d’auteur en droit français », in A. LUCAS, P. SIRNELLI, A. BENSAMOUN, Les exceptions au droit d’auteur, État des lieux et perspectives dans l’Union européenne, Dalloz, 2012, pp. 19-25, spéc. p. 21, A. BERTRAND, Droit d’auteur, 3e éd., Dalloz, 2010, p. 328.

476 Dans ce sens, S. CARRE, L’intérêt public en droit d’auteur, Thèse, Montpellier I, 2004, p. 655.

477 C. CARON, « La limite de l’accessoire consacrée avec un nouveau fondement », note sous Cass. 1re civ., 12 mai 2011, Bull. I, n° 87, CCE, n° 7, juill. 2011, comm. 62.

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au législateur de préciser le contenu positif des droits exclusifs, en les attachant à toute communication de l’œuvre au public et toute fixation matérielle suivie de la communication de la copie au public, pour que leurs limites se cristallisent478. De plus, si les exceptions couvrant les usages privés étaient des limites externes des droits de l’auteur, elles n’auraient qu’une valeur pédagogique, comme c’est par exemple le cas d’une fausse exception, connue du droit belge, pour consultation de documents administratifs479. Celle-ci est en réalité une affirmation de la licéité de l’usage se trouvant en dehors des droits exclusifs, qui ne s’intéressent point à la consultation480.

Vu l’architecture du paradigme d’équilibre préétabli consacré par la loi du 11 mars 1957, une telle interprétation, faisant de certaines exceptions des règles de nature purement pédagogique, n’est pas admissible.

b. L’aspect paradigmatique de la dissociation

163. L’idée du désintérêt du droit d’auteur à l’égard des usages privés correspondait à l’état d’esprit du droit issu des lois révolutionnaires sur le droit d’auteur. Nous avons démontré qu’elle ne passait pas l’épreuve du temps, notamment en ce qu’elle permettait au juge, de manière trop libérale, de puiser dans l’aspect négatif des droits exclusifs481. Seul un monopole ouvert et a priori omnipuissant, n’étant paralysé qu’a posteriori par les exceptions, permit au législateur de réaliser son objectif - regagner le contrôle sur le volet dérogatoire du droit d’auteur.

164. En outre, seule cette logique lui permit de mettre en place, et de conserver pour l’avenir, un déséquilibre harmonieux entre les intérêts antagonistes, en orientant le processus

478 Il convient de rappeler une opinion jadis présentée par la doctrine suisse par rapport à l’assimilation de l’exception pour l’usage privé à une limite du droit d’auteur, selon laquelle « les limites imposées aux droits de l’auteur dans l’intérêt de la collectivité ont leur source commune dans le droit de jouissance appartenant au public en vertu du don que l’auteur lui a fait de son œuvre ». Il en résulte qu’« un texte légal, confirmant expressément que l’usage privé se trouve soustrait au monopole d’exploitation de l’auteur, peut paraître inutile, car il y a là un corollaire indispensable du don au public (…) », E. DEL BIANCO, Le droit d’auteur et ses limites, Imprimerie H. Jaunin S.A., 1951, pp. 127-128.

479 V. : l’article 10 al. 1er de la loi belge n° 97/00893 du 12 nov. 1997 relative à la publicité de l’administration dans les provinces et les communes, Moniteur Belge, 19 déc. 1997, p. 34253, aux termes duquel « Lorsque la demande de publicité porte sur un document administratif d’une autorité administrative provinciale ou communale incluant une œuvre protégée par le droit d’auteur, l’autorisation de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont été transmis n’est pas requise pour autoriser la consultation sur place du document ou pour fournir des explications à son propos ».

480 A. STROWEL, « Droit d’auteur et accès à l’information : de quelques malentendus et vrais problèmes à travers l’histoire et les développements récents », in S. DUSOLIER, J. C. GINSBURG, P. B. HUGENHOLTZ, A. LUCAS, A. STROWEL, Le droit d’auteur : un contrôle de l’accès aux œuvres ?, Bruylant, 2000, pp. 5-24, spéc. p. 13.

481 Supra, n° 73 et suiv.

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d’interprétation de la loi en faveur de l’auteur. Il ne faut pas oublier qu’une loi spéciale, se donnant pour but d’être toujours interprétée in favorem auctoris, doit alors combattre le principe d’interprétation neutre propre au droit commun482. À cet égard, la distinction entre les exceptions et les limites externes des droits exclusifs est d’importance capitale, car comme le fait remarquer P. Sirinelli, qu’il s’agisse des premières ou des dernières, « dans les faits, le résultat est le même pour celui qui utilise ainsi l’œuvre, mais, pour la cohérence du droit, il n’est pas indifférent de savoir par quelle voie on parvient à la solution retenue »483.

165. Dire que parmi les règles prévues par l’art 41 de la loi du 11 mars 1957 certaines sont des limites externes du droit d’auteur et non pas des exceptions risque de confisquer à celles-ci tout le « ballast herméneutique » justifiant leur interprétation stricte in favorem auctoris484. Admettre qu’il s’agit de limites externes voudrait dire passer outre la hiérarchie naturelle entre la règle et l’exception enracinée dans les valeurs philosophiques de notre société485. S’il est évident que l’exception est d’interprétation stricte486, parce qu’elle

482 P.-Y. GAUTIER, « Les exceptions au regard du droit de l’Union européenne », in A. LUCAS, P. SIRINELLI, A. BENSAMOUN, Les exceptions au droit d’auteur : État des lieux et perspectives dans l’Union européenne, Dalloz, 2012, pp. 37-42, spéc. pp. 39-40 : « (…) pourquoi une interprétation du texte favorable à l’auteur ? N’est-ce pas une méthode partiale, alors que l’interprétation en droit commun doit être neutre ? L’interprétation favorable à l’auteur, s’il s’agit d’une exception, va être stricte, s’il s’agit d’un droit exclusif, elle sera large. Le fondement de cette faveur, c’est parce que l’auteur est le créateur de la richesse que nous utilisons tous. Et parce que son droit est fragile ».

483 P. SIRINELLI, Exceptions et limites aux droit d’auteur et droits voisins, Document de l’OMPI, n° WCT-WPPT/IMP/, 3 déc. 1999, Atelier sur la mise en œuvre du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (WCT) et du Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), Genève, 3-7 déc. 1999, p. 2.

484 Pour R. Burell et A. Coleman, la question du vocabulaire employé pour désigner les exceptions est un des éléments importants du débat plus large opposant les commentateurs des camps « pro-owner » et

« pro-user ». Ainsi, « (…) proponents of increased copyright protection tend to prefer the language of copyright

‘exceptions’. This indicates that these provisions run counter to the ordinary rule and hence that they ought to be interpreted narrowly - that these provisions are to be treated as ‘exceptional’ », R. BURELL, A. COLEMAN, Copyright Exceptions : The Digital Impact, Cambridge University Press, 2005, p. 10. Dans le même sens, J. SPOOR, « General aspects of Exceptions and Limitations on Copyright », in L. BAULCH, M. GREEN, M. WYBURN, Les Frontières du Droit d’Auteur : ses limites et exceptions, Journées d’Étude de l’ALAI, Université de Cambridge, 14-17 sept. 1998, Australian Copyright Council, 1999, pp. 27-41, spéc. p. 29 :

« Several words are in use to address the derogations from copyright, such as limitations, restrictions or exceptions. As usual, the choice of such a label can be tricky by itself, since the various word may designate

« Several words are in use to address the derogations from copyright, such as limitations, restrictions or exceptions. As usual, the choice of such a label can be tricky by itself, since the various word may designate

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