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Le caractère flou des critères retenus

Titre I. Le contenu du paradigme

Section 1. La licéité des usages privés – une limite admise praeter legem

A. Le caractère flou des critères retenus

63. L’argument du « bon sens », justifiant la licéité des usages privés en tant que limites naturelles des droits d’auteur, se décline en deux volets dans la jurisprudence du XIXe siècle. Les usages privés seraient ainsi licites, car ils ne causent pas de préjudice véritable au titulaire des droits d’auteur (1), et de ce fait sembleraient bénéficier de son consentement tacite (2).

1. La licéité de l’usage privé fondée sur l’absence de préjudice

64. La logique du « bon sens » fondant la licéité de l’usage privé sans le consentement des titulaires se manifeste non seulement dans l’esprit de la doctrine, mais aussi dans la jurisprudence du XIXe siècle.

Parmi les décisions les plus célèbres s’inscrivant dans cette logique, on trouve la décision de la Cour de Paris du 22 mars 1828209. En l’espèce, les juges se sont penchés sur le cas du Général Comte de Durfort, commandant de l’école militaire de Saint-Cyr, qui après avoir fait faire des copies manuscrites puis des copies lithographiées des extraits de l’ouvrage intitulé Théorie de l’escrime à cheval, les a distribuées à ses élèves moyennant le prix de 1,25 F par exemplaire210. Ensuite, le Capitaine Muller, l’auteur de l’ouvrage, a assigné le copiste en contrefaçon.

Pour se défendre, le prétendu contrefacteur souligna que les extraits litigieux n’avaient pour objectif que de faciliter les études des élèves, et qu’aucun de ces extraits n’avait été vendu hors de l’école. Le titulaire a été débouté de sa demande par le Tribunal civil de la Seine. Ce dernier n’a reconnu aucun préjudice causé à l’auteur, et s’est borné à invoquer

209 Paris, 22 mars 1828, D. Jurisprudence Générale du Royaume, 1828.II.113.

210 A.-C. RENOUARD, Traité des droits d’auteurs dans la littérature les sciences et les Beaux-arts, Tome II, Jules Renouard et Cie libraires, 1839, p. 46.

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un usage admis dans les écoles211. L’appel fut interjeté devant la Cour royale de Paris.

Cette dernière a rendu une décision confirmative212, après avoir reconnu le droit à tout chef d’école de rédiger et de distribuer à ses élèves des extraits d’œuvres relatives aux matières enseignées, et en tenant compte du fait qu’aucun exemplaire n’avait été vendu en dehors de l’école. La solution fut maintenue par la Cour de cassation213.

65. Cette clémence du juge face aux pratiques de copiage des œuvres protégées pour des besoins d’enseignement a été vivement critiquée par la doctrine du XIXe siècle.

Bien évidemment, de notre point de vue, cette affaire apparaît comme un germe de l’exception pédagogique, néanmoins les commentateurs de l’époque l’ont analysé du point de vue des limites extrêmes de l’usage privé, dont la licéité était communément admise sur la base de l’argument du « bon sens ». Ainsi, Renouard écrivait :

« (…) cette doctrine, beaucoup trop absolue, me paraît dépasser les limites dans lesquelles doit être raisonnablement renfermé le droit qui appartient à tout citoyen sur la jouissance intellectuelle des ouvrages même de domaine privé après qu’ils ont été livrés à la publicité. Sans doute, on peut considérer l’intérieur d’une école comme l’enceinte d’une maison particulière, et il ne faut pas soumettre à une inquisition sévère le mode de communication intellectuelle du maître avec ses élèves ; mais ériger en un droit la distribution des extraits lithographiés d’un livre, c’est aller fort au-delà de cette réserve, et, c’est ôter aux auteurs d’ouvrages destinés à l’enseignement une partie notable des produits légitimes qu’une distribution de ces ouvrages (…) est de nature à leur procurer »214.

211 T. civ. de la Seine, 30 août 1827, D. Jurisprudence Générale du Royaume, 1828.II.113 :

« Attendu que l’usage admis dans les écoles de donner aux élèves des extraits ou résumés des ouvrages relatifs à la matière qui fait l’objet de l’enseignement, ne porte aucun préjudice aux auteurs, et ne nuit point aux ventes desdits ouvrages ».

212 Grâce à la concision caractérisant les décisions de cette époque, il nous est possible de citer la décision commentée in extenso : « Considérant que tout chef d’école a le droit de rédiger et distribuer à ses élèves des éléments d’instruction extraits de tous les ouvrages publiés relativement aux matières enseignées dans l’école ; que, dans l’espèce ; l’intimé n’a fait qu’user de ce droit, et qu’il n’est pas justifié qu’aucun exemplaire ait été vendu ou distribué à d’autres qu’à ses élèves ; - Met l’appel au néant », Paris, 22 mars 1828, D. Jurisprudence Générale du Royaume, 1828.II.113.

213 Cass. req., 29 janv. 1829, D. Jurisprudence Générale du Royaume, 1829.I.123., Journal du Palais, Tome XXII, 1828-1829, p. 620.

214 A.-C. RENOUARD, loc. cit., dans le même sens, J. A. GASTAMBIDE, op. cit., p. 122 :

« Cet arrêt ne nous semble satisfaisant sous aucun rapport. (…) il semble établir en principe de droit que la simple distribution faite par un chef d’école à ses élèves d’une contrefaçon lithographiée ne peut être punissable (…). Or ce principe est évidemment erroné. S’il était permis à un chef d’école de faire lithographier l’œuvre d’un auteur et de la distribuer à ses élèves, dont le nombre peut être très considérable, mais alors les ouvrages propres à l’enseignement, et destinés surtout à être vendus dans les écoles, seraient dans la main de leurs auteurs une propriété illusoire et improductive (…) », ou encore, E. BLANC, Traité de la contrefaçon en tous genres et de sa poursuite en justice, H. Plon, Cosse, 1855, pp. 168-169.

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66. Curieusement, dans une autre décision de la même époque215, la même Cour royale de Paris a adopté sur le plan pénal une solution complètement différente et cela en présence de faits fort similaires. Il s’agissait de copies des rôles (paroles et musique) du Mariage de raison, faites au moyen de l’autographie par le sieur Fay. Les reproductions avaient vocation à être vendues aux différentes troupes216, qui à cette époque avaient l’habitude de copier les rôles des acteurs à la main ou par le moyen de l’autographie, afin que ceux-ci ne soient pas en nécessité de se procurer l’exemplaire complet et imprimé d’une pièce.

Malgré la popularité de cette pratique de copiage, la question de la licéité des copies en cause a été posée sur l’initiative de M. Pollet - l’éditeur du vaudeville litigieux - au juge du tribunal correctionnel de la Seine217, puis à la Cour royale de Paris. Le sieur Fay fut relaxé en première instance, au motif que si les prétentions des éditeurs étaient admises « (…) les acteurs chargés des différents rôles seraient obligés, pour chanter un air de vaudeville, d’acheter les partitions gravées des opéras ou autres ouvrages dont quelques airs auraient en tout ou en partie été adaptés à ces vaudevilles, ce qui n’est pas raisonnable ». La Cour royale de Paris s’est montrée beaucoup moins indulgente et a jugé que, « (…) quel que soit le mode d’impression employé par Fay pour la reproduction, en tout ou en partie de l’ouvrage dont il s’agit, le fait lui-même n’en constitue pas moins une véritable contrefaçon qui a pu causer et a causé à Pollet, libraire-éditeur, propriétaire dudit ouvrage, un préjudice plus ou moins considérable ; (…) ».

67. Comment expliquer cette divergence d’avis exprimés par la même juridiction dans un laps de temps si court ? Quelle est la différence entre l’enseignant distribuant des copies d’œuvres protégées à ses élèves et le directeur de théâtre faisant la même chose auprès de ses employés ? Malheureusement, les premières décisions françaises traitant de l’usage privé des œuvres protégées sont pauvres d’enseignements théoriques.

Certes, pour le juge du début du XIXe siècle, ce qui détermine la licéité de l’usage privé, c’est l’absence de préjudice causé au détenteur des droits, atteinte qui apparaît comme une condition sine qua non de la contrefaçon218. L’on pourrait voir dès lors dans l’existence de ce préjudice la ligne séparant le cadre de l’usage privé, licite par nature, du cadre de la réservation privative. Toutefois, à cette époque, le juge ne donne aucune indication précise

215 Paris, 29 juin 1827, Journal du Palais, Tome XXI, 1827 - juin 1828, p. 558.

216 V., sur ce point : A. LACAN, M. PAULMIER, Traité de la législation et de la jurisprudence des théâtres, Tome II, Durand libraire-éditeur, 1853, p. 276.

217 T. corr. de la Seine, 3 avr. 1827, A. VIVIEN, E. BLANC, Traité de la législation des théâtres ou exposé complet et méthodique des lois et de la jurisprudence relativement aux théâtres et spectacles publics, Brissot-Thivars, Charles-Béchet, 1830, p. 319, A.-C. RENOUARD, op. cit., p. 42.

218 E. BLANC, op. cit., p. 154.

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quant aux critères d’évaluation dudit préjudice. Surtout, il ne répond pas clairement à la question essentielle de savoir si l’usage privé est compatible avec la poursuite d’un but lucratif par le copiste.

Dans la première des décisions évoquées, le juge semble se pencher sur le caractère non spéculatif des agissements du copiste. Le fait que les extraits du manuel n’aient pas été vendus en dehors de l’école militaire semble être un argument décisif justifiant de la licéité de l’usage. En revanche, la seconde décision passe outre ce questionnement. Le juge se borne à souligner le caractère nécessairement contrefacteur de la reproduction effectuée sans autorisation du titulaire, et suggère que celle-ci est per se préjudiciable au titulaire.

En l’absence de toute disposition législative encadrant l’usage privé des œuvres protégées, le juge reste perplexe face aux reproductions manuscrites dépassant la simple hypothèse d’emprunt de quelques passages, ou jouant seulement le rôle d’aide-mémoire naturel.

68. Un peu plus tard, la Cour royale de Paris, dans un arrêt du 14 juillet 1838219, s’est prononcée sur l’intention spéculative du copiste et sur la question de son incidence sur la licéité de l’usage, en considérant la chose suivante : « (…) la loi n’exige pas que le contrefacteur agisse dans le but de spéculation, et pour faire concurrence commerciale à l’auteur ; (…) son vœu, au contraire, est de garantir la propriété contre toutes les atteintes qui peuvent lui être portées (…) ».

Toutefois, dans cette affaire, le prévenu, qui après avoir fait contre-mouler les ornements de deux meubles légalement achetés les a fait adapter à deux autres, fut relaxé au motif qu’il a agi « de bonne foi et sans intention de nuire » aux titulaires. Les juges ont ainsi fait abstraction à la fois de l’existence ou non du préjudice ainsi que du caractère spéculatif ou non de l’usage, et, pour relaxer le prévenu, se sont basés sur l’absence d’intention frauduleuse du copiste. Ce raisonnement fut approuvé par Blanc220 et vivement critiqué par Renouard221.

219 Paris, 14 juill. 1838, Journal du Palais, 1838, p. 1857, A.-C. RENOUARD, op. cit., p. 48.

220 « Lorsque le plaignant a justifié sa poursuite en prouvant la contrefaçon ou le fait de débit, le prévenu, indépendamment des moyens qui touchent au fond du droit, et des exceptions tirées du droit commun, peut encore exciper de sa bonne foi : car le législateur, en traçant les caractères constitutifs du délit de contrefaçon, n’a pas entendu priver le prévenu du bénéfice de ce principe tutélaire qui domine, sauf exception, toutes les législations pénales, c’est qu’il n’y a pas de délit dès qu’il y a bonne foi », E. BLANC, op. cit., p. 196.

221 « La contrefaçon étant rangée par le Code pénal au rang des délits, faut-il conclure de là qu’elle n’existera qu’autant qu’il y aura intention de contrefaire ; et qu’un individu pourra, sur le seul motif de sa bonne foi être renvoyé des poursuites exercées contre lui ? Apprécier la contrefaçon par la question intentionnelle, ce serait anéantir, dans un grand nombre de cas, tout droit des auteurs. L’expérience démontre que l’existence des privilèges donne lieu à beaucoup de questions douteuses, sur la solution desquelles

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69. Ces quelques exemples jurisprudentiels indiquent que la première moitié du XIXe siècle fut le théâtre d’un maniement chaotique du concept de copie privée en tant que limite externe des droits de l’auteur par les tribunaux, un paysage où la confusion fut nourrie par des opinions doctrinales extrêmement divergentes. Cela étant dit, les solutions jurisprudentielles de la deuxième moitié du XIXe siècle placeront le législateur face à la fin du bien-fondé de sa logique de désintérêt pour la question des reproductions privées.

2. La licéité de l’usage privé découlant du consentement tacite du titulaire

70. Dans son arrêt du 25 janvier 1893222, la Cour de cassation s’est penchée sur une affaire dont les faits ressemblent fortement à ceux de l’arrêt Cotelle et Pollet c/Fay223. Il s’agissait de copies manuscrites de quatre parties d’orchestre de l’opéra la Juive et d’une partie de contrebasse de l’opéra Charles VI, saisies dans les locaux du théâtre de Montpellier à l’initiative de M. Dupin représentant de nombreux éditeurs de musique.

Le juge de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la licéité desdites copies, tout en sachant qu’elles étaient destinées à l’usage exclusif des employés du théâtre pour les besoins des représentations, et qu’elles ne faisaient l’objet d’aucune spéculation commerciale.

La Haute Juridiction a estimé que « (…) le délit de contrefaçon ne peut exister que lorsqu’il y a édition, c’est-à-dire vente ou distribution au public de copies exécutées sans autorisation de l’auteur ou de son cessionnaire et faisant une concurrence illicite à l’édition originale ».

Par conséquent, ne sont pas réputées contrefaisantes les « copies dont l’usage n’est que l’exécution du droit de représentation et qui ne sont pas mises dans le commerce »224.

71. La Cour de cassation, en fondant la licéité des copies litigieuses sur l’exercice du droit de représentation tient compte de l’autorisation implicite de l’auteur accordée au moment où il transfère ce droit à un tiers. Dans cette optique, il est normal qu’un auteur qui autorise la représentation de sa pièce par un théâtre, consent à ce que les acteurs effectuent et possèdent des copies de leurs rôles225, ce qui rappelle le raisonnement du tribunal les tribunaux eux-mêmes se trouvent fréquemment partagés. Celui qui a contrefait peut n’avoir agi que par erreur sur son droit, et avec la conviction sincère de n’être point dans l’erreur. S’il fallait, en cas pareil, renoncer à la répression, ce serait dire que les privilèges ne seront garantis que lorsque leur existence ne donnera lieu à aucun doute raisonnable ; ce serait les réduire à la condition la plus illusoire », A.-C. RENOUARD, op. cit., p. 13.

222 Cass. civ., 24 janv. 1893, D.P., 1893.I.144, S., 1893.I.368.

223 Supra, n° 64.

224 La même solution a été adoptée antérieurement par les juridictions du fond, V. not. : Paris, 25 janv.

1878, S., 1878.II.106, Angers, 3 juin 1878, S., 1878.II.198.

225 H. DESBOIS, Le droit d’auteur : droit français, convention de Berne revisée, op. cit., p. 330.

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correctionnel de la Seine exprimé dans le jugement de première instance de l’affaire Cotelle et Pollet c/Fay de 1827226. Pour le juge de la première moitié du XIXe siècle, la solution découlait simplement de l’argument du « bon sens ». Pour la Cour de cassation en 1893, elle résulte du fait que les copies privées litigieuses constituaient une sorte de prolongement du droit de représentation dont le théâtre de Montpellier est devenu titulaire227.

Sans doute, cette décision de 1893 constitue un pas en avant par rapport aux décisions de la première moitié du XIXe siècle, notamment quand il s’agit de préciser les limites de l’usage privé non réglementé par le droit d’auteur. La Cour considère d’abord que l’usage privé licite est incompatible avec l’édition (il y a dès lors contrefaçon), pour ensuite préciser le sens de celle-ci. Évidemment l’approche adoptée par la Cour de cassation laisse subsister des doutes quant aux notions de « public » et de « concurrence illicite », qui demeurent des notions floues. Ceci étant, on voit ici l’amorce d’une volonté de définir les critères de l’usage privé licite228.

72. La notion certes imprécise de l’édition limitant les usages privés échappant aux droits de l’auteur, ainsi que la logique de rattachement de ceux-ci à l’exercice du droit de représentation, se retrouvent également dans le jugement du Tribunal de commerce de la Seine du 18 janvier 1937 229 . Dans les faits, une société de publicité organisant la radiodiffusion de concerts publicitaires alimentés par des morceaux de musique avait effectué elle-même, sans avoir préalablement sollicité le consentement des titulaires, un certain nombre d’enregistrements des morceaux au service de sa propre activité. La démarche avait pour but d’éviter le paiement des droits de reproduction liés aux disques originaux.

Les disques ainsi enregistrés étaient considérés par la société comme « ne devant être ni vendus, ni loués, ni prêtés, ni distribués au public ou à un tiers quelconque ». Ils n’étaient

« qu’une copie privée, hors du commerce, qu’un procédé de représentation qui ne porte aucune atteinte aux droits de vente et de reproduction des auteurs ou éditeurs, et pleinement licite dès lors que sont acquittées les redevances afférentes au droit de représentation ».

226 Supra, n° 64.

227 Dans les même sens, Besançon, 6 juill. 1892, D.P., 1892.II.579 : « Considérant qu’il ne paraît pas douteux que, de même que, s’agissant d’une comédie, le directeur d’un théâtre qui paye le droit de représentation peut, sans commettre de contrefaçon, copier ou faire copier dans la brochure achetée à l’éditeur, le rôle à jouer par chacun des acteurs (…) que la contrefaçon n’apparaîtrait que si ce directeur faisait œuvre d’éditeur, c’est-à-dire multipliait les copies et les employait, non pas seulement à l’usage du théâtre dirigé par lui, mais pour les exploiter à part et les ajouter à son commerce ».

228 V., dans ce sens : H. DESBOIS, Le droit d’auteur : droit français, convention de Berne revisée, op. cit., p. 329 et suiv.

229 T. com. de la Seine, 18 janv.1937, D.P., 1938.II.25, note H. DESBOIS.

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Dans le cadre de son activité d’intermédiaire entre les commerçants souhaitant faire la promotion de leurs produits et les stations de TSF230 assurant la radiodiffusion de concerts publicitaires, la société s’assurait de préparer les émissions publicitaires. Ainsi, la reproduction effectuée sans l’autorisation des titulaires n’était en l’espèce qu’une étape préliminaire de la radiodiffusion231.

Les arguments de la société se fondent expressément sur la solution de la jurisprudence de la Cour de cassation de 1893 précitée232, et implicitement sur la logique de « bon sens » utilisée dans les affaires de la première moitié du XIXe siècle. Ainsi, elle estime qu’après s’être acquitté de la « taxe du droit de représentation », il lui est permis de reproduire les morceaux alimentant ladite représentation. Est-ce que de telles reproductions constituent une copie privée233, toujours située en 1936 toujours en dehors du monopole de l’auteur ?

73. Le Tribunal a condamné l’agence publicitaire sur le plan civil. Pour motiver sa décision, il s’est posé les questions suivantes : la société a-t-elle procédé à une « édition », à une « distribution », et en a-t-elle tiré un profit économique ? L’existence de ce dernier est vue comme un « corollaire indispensable de ces deux éléments ». Les morceaux enregistrés avaient vocation à être radiodiffusés. Selon le tribunal, ce fait contredit le caractère privé de la reproduction et implique l’existence d’une vraie édition. Le pressage des disques, leur remise à des postes de radio, et le fait que les copies aient été réalisées dans le cadre de l’activité de la société caractérisent respectivement, la distribution et le caractère spéculatif desdites reproductions.

Ce jugement, rendu quarante-trois ans après l’affaire Dupin, Lemoine père et fils c/Ville de Montpellier de 1893 est révélateur, encore une fois, d’une divergence dans les avis exprimés par les juges dans deux cas fort similaires. Ainsi dans les deux affaires, les copistes ont reproduit des œuvres protégées dans le cadre de leurs activités professionnelles, et ce dans le but d’échapper au paiement des droits de reproduction. Par la suite, les copies ont été distribuées à différentes personnes, titulaires du droit de représentation (troupes théâtrales, stations de radiodiffusion). Qu’est-ce qui explique alors la divergence dans les solutions

Ce jugement, rendu quarante-trois ans après l’affaire Dupin, Lemoine père et fils c/Ville de Montpellier de 1893 est révélateur, encore une fois, d’une divergence dans les avis exprimés par les juges dans deux cas fort similaires. Ainsi dans les deux affaires, les copistes ont reproduit des œuvres protégées dans le cadre de leurs activités professionnelles, et ce dans le but d’échapper au paiement des droits de reproduction. Par la suite, les copies ont été distribuées à différentes personnes, titulaires du droit de représentation (troupes théâtrales, stations de radiodiffusion). Qu’est-ce qui explique alors la divergence dans les solutions

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