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Le premier dispositif des figures libres : la consultation par cercles d'échange Parallèlement à l'enquête par questionnaire, l’Agence de l’eau, après une étude exploratoire de

1.1 Une injonction nationale en faveur de dispositifs innovants, mais un contexte bassin peu favorable

1.1.2 Les figures libres et les figures imposées du bassin Adour-Garonne

1.1.2.2 Le premier dispositif des figures libres : la consultation par cercles d'échange Parallèlement à l'enquête par questionnaire, l’Agence de l’eau, après une étude exploratoire de

plus de quarante formats de méthodes participatives, a défini en 2004 la stratégie de consultation du public qui lui semblait la mieux indiquée. Son premier critère, affiché comme prioritaire, était la facilité d’accès du grand public au débat. Cet appel au pluralisme par un élargissement des bases sociales du public visé par la consultation induisait le second critère qui cherchait à éviter la cristallisation de la contestation au sein des procédures de consultation. L’expérience en 2003, du débat public sur le barrage réservoir de Charlas en Région Midi-Pyrénées, avait marqué les esprits et suscité des appréciations controversées sur cette forme de participation du public marquée par une forte confrontation des différentes positions263.

De nombreux acteurs s’inquiétaient de voir les dispositifs de consultation DCE servir de tribune aux arguments des organisations environnementalistes et aux militants écologistes. Cette inquiétude se révélait d’ailleurs moins parmi les techniciens des organismes de gestion de l’eau, pour qui les ONG environnementalistes jouent souvent un rôle d’alliés de terrain

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ALLAIN S. (2009), « Décrypter l’activité délibérative dans la négociation territoriale par la négociation »

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pour la protection de la ressource, que pour les élus et les représentants des intérêts socioéconomiques dans le Comité de bassin. Un troisième critère renvoyait aux aspects logistiques, organisationnels et financiers. L’Agence de l'Eau a notamment insisté pour que le format de débat ne dépasse pas une centaine de personnes et pour que la méthodologie de concertation adoptée puisse être transférable ou sous-traitée à des opérateurs divers (collectivités, associations…) sous la tutelle de l’Agence de l’eau qui en assurerait le financement.

La recherche de méthodes pour consulter le public a fait l’objet d'une étude spécifique par l’Agence Adour-Garonne. Le travail a consisté à identifier les méthodes de consultation publique existantes en France mais aussi à l’étranger, plus particulièrement au Canada ou dans les pays du Nord de l’Europe, où la pratique de la consultation était supposée mieux ancrée qu'en France. A cette fin, une sélection de dix-neuf procédures a été présentée sous forme de fiches retenant dix critères : origines de la procédure, type de public ciblé, définition et objectifs, déroulement de la procédure, conditions, atouts, faiblesses, exemples d’application, perspectives, coût. L’analyse des atouts et des faiblesses a été réalisée pour l’essentiel en fonction des critères affichés suivants (figure 11).

Figure 11 Les critères du choix de la méthode participative pour la consultation de 2005

La mesure du dialogisme des procédures :

• Un critère d’intensité

• Un critère d’ouverture

• Un critère de qualité

• Un critère de transparence et de traçabilité

• L'évaluation des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus

La mesure du dialogisme des procédures : L'Agence de l'Eau souhaitait que les procédures de consultation puissent instaurer un débat ouvert, intense et de qualité, que des échanges soient privilégiés sans discrimination entre participants. La pluralité attendue des participants, conçue alors comme une condition clé du succès, visait à permettre un enrichissement des

159 débats. Le degré de dialogisme des procédures fut apprécié selon des critères directement empruntés aux travaux sur les forums hybrides264.

Un critère d’intensité : Une procédure est qualifiée d’intense si elle permet d’atteindre un certain degré d’échanges tout au long du processus et si elle favorise l’écoute mutuelle. Le degré d’interaction, d’échanges entre participants, est destiné à connaître les différents points de vue afin que des solutions nouvelles et originales puissent émerger. Afin de faciliter les échanges, il convenait de faire naître chez les participants le sentiment d’avoir une part de responsabilité dans la décision. L’intensité se traduit également par une délibération devant aboutir à des positions partagées.

Un critère d’ouverture : Ce critère permet de mesurer si la procédure est accessible au plus grand nombre, si elle accueille une réelle diversité de participants, et si ces derniers sont indépendants de groupes ou institutions de l’eau. Le degré d’ouverture sera faible si la procédure est d’accès retreint et difficile, et si les participants sont figés dans des rôles prédéfinis. Le critère d'ouverture permet de faire le tri entre les procédures qui restreignent l'accès et celles qui l'augmentent. Pour évaluer le degré d’ouverture des procédures, il convenait d’apprécier le degré de représentativité, les participants devant refléter la société civile sur différentes bases tant géographiques, démographiques, politiques, que communautaires et être indépendantes d’institutions porteuses d’intérêts.

Un critère de qualité : Ce critère renvoie au sérieux du contenu de la décision, des prises de parole, ainsi qu’à la continuité et au caractère cumulatif des débats. La procédure est considérée favoriser ce critère de qualité lorsqu’elle permet une réflexivité des participants, lorsque ces derniers disposent d’une réelle capacité d’argumenter et de contre argumenter. Les discussions doivent dépasser le simple cadre d’identification des problèmes : les participants doivent pouvoir faire partager leur vécu, leurs expériences, mais aussi leurs savoirs et leur vision de l’avenir. La qualité d’une procédure s’apprécie également en fonction du sérieux des prises de parole (pertinence et exhaustivité des arguments, réponses aux objections) et du degré de continuité de la prise de parole

264 CALLON M., LASCOUMES P., BARTHE Y. (2001), Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie

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(ponctuelle, fréquente,...). Il était considéré comme primordial que les participants puissent intervenir à toutes les phases de la consultation, leur participation au processus devait être constante : pour cela, les temps de parole devaient être équitables entre participants.

Un critère de transparence et de traçabilité : Les procédures doivent répondre à des impératifs de clarté afin que le public se les approprie. Pour cela, il s’agit de présenter l’objectif de manière claire et réaliste (pourquoi consulter ?), de s’assurer de l’impartialité des animateurs, organisateurs, et de préciser les sources des informations. Par transparence, il est attendu que la procédure respecte un caractère public, assurant la mise à connaissance du public. Le critère de traçabilité exige que les prises de parole soient régulièrement restituées et que la décision finale tienne compte des avis recueillis. Des comptes-rendus, synthèses, doivent être réalisés pour garder une trace écrite de chaque intervention.

L'évaluation des moyens et des résultats obtenus : Après avoir réalisé une première évaluation qualitative, une évaluation quantitative a été exigée pour donner un aperçu des moyens techniques, humains et financiers à mobiliser, ainsi que pour quantifier les résultats obtenus et apprécier ainsi le niveau de participation. Cette évaluation quantitative a reposé sur les moyens et coûts de mise en œuvre de ces procédures. Sur le nombre de participants variable selon la taille d’organisation, selon le public cible, etc. Plusieurs paramètres étaient donc à prendre en compte, ce qui ne permettait pas de dégager un coût fixe pour une même procédure.

Ainsi une vingtaine de procédures ont été sélectionnées dans un premier temps, puis au fil des réunions du service communication DCE de l'Agence de l'Eau, celles qui paraissaient les moins appropriées ont été écartées. Le dispositif sélectionné in fine fut celui des cercles

d’échange, inspiré de méthodes de concertation appliquées par la mission d’animation des Agrobiosciences, structure d’ingénierie en débats publics cofinancée par le ministère de

l’Agriculture et le Conseil régional Midi-Pyrénées, pour mettre en débat des controverses sociales (sécurité alimentaire, réintroduction de l’ours dans les Pyrénées...). Les cercles

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d’échange consistent à réunir une centaine de personnes pour participer à une discussion

collective organisée dans des conditions codifiées et partagées par tous.

Après une présentation des règles du jeu (disposition du lieu et des rôles, temporalités, attitude à adopter) et un exposé magistral par un expert (de l’Agence de l’eau pour la DCE), les participants, sélectionnés selon leur statut de profane ou d’expert, selon leur connaissance du territoire, sont placés par table de dix et répartis pour moitié d’experts de l’eau et pour moitié de profanes du grand public. À chaque table sont désignés un animateur (un expert) et un rapporteur chargé de présenter une synthèse des discussions de la table à tout l’auditoire en fin de débat. Le parti pris de cette procédure est de permettre à toutes les personnes présentes de prendre part au débat, alors qu’inversement les réunions publiques classiques se caractérisent par un très faible nombre d’interventions et le plus souvent des mêmes catégories de personne.