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De la gestion intégrée à la Directive Cadre sur l’Eau Directive Cadre sur l’Eau Directive Cadre sur l’Eau Directive Cadre sur l’Eau

1.1 Gestion intégrée de l’eau et subsidiarité en France

1.1.3 Des acteurs territoriaux appelés en renfort dans les bassins versants

Prenant en compte les évolutions politiques et les attentes gestionnaires, la loi sur l’eau de 1992 est venue modifier l’édifice de la loi de 1964. Dès lors chaque Comité de bassin fut chargé de concevoir un Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) pour orienter la gestion de l'eau dans chaque grand bassin hydrographique. Le SDAGE est conçu comme un guide programmatique dans lequel sont définis les mesures, les stratégies, et les outils financiers relatifs à la politique de l’eau du bassin. Il matérialise et rend visibles les compromis collectifs établis par le Comité de bassin.

La réalisation du SDAGE a nécessité d'enrôler davantage d'acteurs locaux, autrement dit de mobiliser des acteurs au-delà des membres du Comité de bassin. Ainsi dans le bassin Adour Garonne102, la mise en œuvre du premier SDAGE, adopté en 1996 (et demeuré valide jusqu’en 2009), s’est appuyée sur des commissions géographiques (devenues commissions

territoriales en 2008), établies en tant qu’instances de consultation à l'échelle des

sous-bassins. Ces commissions sont composées, à l'image du Comité de Bassin, d'un tiers des représentants de l'État, d'un tiers des représentants des collectivités locales et d'un tiers des

99 SALLES D. (2009), « Environnement: la gouvernance par la responsabilité », Revue Vertigo, hors série n°6 ; BARRAQUE B., THEYS J. (1998), Vingt ans de politique française de l’environnement : les années 1970-90,

un essai d’évaluation.

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GREMION P. (1976), Le pouvoir périphérique, ed. du SEUIL, Paris.

101 DURAN P., THOENIG J. C. (1996), « L’État et la gestion publique territoriale », Revue Française de Science

Politique, vol 46, n°4.

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Le bassin Adour Garonne est l’un des six bassins hydrographiques français. Il comprend trois principaux bassins versants que sont les bassins « Garonne », « Adour » et « Charente ». Il comprend les régions Aquitaine et Midi Pyrénées dans leur intégralité, et des communes des régions limitrophes (Poitou Charente, Limousin, Auvergne et Languedoc Roussillon).

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représentants des usagers. En Adour Garonne, elles sont au nombre de huit, correspondant à huit subdivisions territoriales que sont les sous-bassins Adour, Charente, Garonne, Tarn-Aveyron, Lot et Dordogne, auxquelles s'ajoutent deux commissions thématiques, eaux littorales et nappes profondes.

Les huit commissions territoriales du bassin Adour Garonne regroupent environ 2000 personnes au total, élargissant ainsi le cercle des parties prenantes dans la gouvernance de l’eau par bassins versants. Leur statut juridique demeure purement consultatif, elles émettent un avis sur les propositions du Comité de bassin qui demeure in fine l'instance décisionnelle. Néanmoins les commissions territoriales ont progressivement acquis le statut de commissions techniques, reconnues parce qu'elles représentent des secteurs ou des domaines visés par la politique du bassin (collectivités, collectifs d'usagers), ou étant donné leurs capacités de comprendre les enjeux complexes liés à l’eau. Elles se sont ainsi imposées comme étant en mesure d’avoir une certaine influence sur les processus décisionnels.

Cet élargissement de la base des acteurs mobilisés pour la programmation de la gestion de l'eau a renforcé les interdépendances dans les bassins versants. De plus, la mise à contribution des commissions territoriales a décloisonné le cadre initial de construction des normes collectives en appelant l’instance décisionnelle, le Comité de bassin, à composer avec les acteurs locaux périphériques, qui se retrouvent en position de peser dans les débats.

Parallèlement au SDAGE, la loi de 1992 a prévu la possibilité de mettre en œuvre, à l'échelle des sous-bassins (1000 à 10000 km²), des Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE). La mise en œuvre de SAGE, permet de réaliser des programmes d'action volontaires, opposables aux administrations, considérés comme plus proches des contextes locaux. Le pilotage est assuré par des Commissions Locales de l'Eau (CLE), composées de représentants de l'État, des élus locaux, de représentants d'usagers et de défenseurs de la nature. Cette autre forme d'enrôlement de la société, si elle a vocation à responsabiliser les usagers de l'eau, à les inciter à surmonter les divergences d'intérêts, vise également à renforcer le crédit, l'autorité et le poids des acteurs périphériques face aux gestionnaires de l'eau et face au Comité de Bassin.

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Associant collectivités territoriales, ministères publics, représentants des usagers ou associations de protection de la nature, la gestion intégrée de l'eau à la française est une affaire de groupes organisés qui s'expriment au nom des secteurs ou institutions qu'ils représentent. L'enjeu de ce processus consistait jusqu'alors à intégrer dans un même processus décisionnel des secteurs et des acteurs peu coordonnés auparavant. Avec la décentralisation de la gestion de l'eau et la mobilisation des acteurs territoriaux et infra-territoriaux, la puissance publique (dont les Grands Corps de l'État) a conçu une plateforme d'expression et de négociation des normes collectives, dont elle attendait des acteurs investis dans le pilotage des plans d'action qu'ils troquent leur tenue de parties prenantes contre celle de gardiens de

l'intérêt général.

En d'autres termes, l'élargissement de la gestion intégrée de l'eau à ces commissions territoriales, périphériques dans le bassin, a participé d'une diffusion horizontale du débat politique, ce qui avait pour effet théoriquement soit de soutenir ou au contraire de contester l'autorité du Comité de Bassin. Ces interdépendances territoriales entre le Comité de bassin et les commissions territoriales ont en somme tissé la toile de la gouvernance de l'eau. Cependant, le grand public demeure encore à l’écart.

Les comportements stratégiques manifestés, notamment dans la mise en place des dispositifs agri-environnementaux103 par les acteurs parties prenantes, ont montré que les questions de démocratie, d'équité, d’efficacité sont longtemps restées en suspens dans les politiques de l’eau.

Il faudra analyser quels ont été les principes qui ont présidé aux compromis et arbitrages dans les politiques de l’eau et à l’émergence de nouveaux acteurs (les commissions territoriales et les CLE depuis la loi de 1992, le grand public depuis la DCE 2000). Il s’agira également de voir dans quelle mesure le mouvement récent d’interpellation du grand public participe ou non d’une gestion de l’eau plus démocratique, plus équitable, et in fine plus efficace.

103 BUSCA D. (2011), Agriculture et environnement. La mise en œuvre négociée des dispositifs

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