• Aucun résultat trouvé

Discussion concernant les résultats en lien avec la littérature

Chapitre 6. Discussion

6.1 Discussion concernant les résultats en lien avec la littérature

L’objectif de cette étude était d’élaborer un suivi infirmier pour les personnes épileptiques qui sera offert dans le centre hospitalier où s’est principalement déroulé ce projet. En effet, ce suivi vise à répondre aux besoins et aux problématiques vécues par cette clientèle, afin de faciliter l’adaptation à leur condition de santé et espérant ainsi améliorer leurs résultats de santé. Pour ce faire, les interventions proposées visent, entre autres, à améliorer les connaissances des personnes par rapport à leur condition de santé, la prise en charge de leur condition en offrant un soutien plus global à la personne et à sa famille et tout en ayant une meilleure continuité dans les soins. Ainsi, cette approche met bien en lumière le modèle de soins infirmiers de Roy (2009) qui reflète une vision holistique de la personne, ce qui suggère que le patient fonctionne comme un tout unifié signifiant bien plus que la somme de ses parties.

Plusieurs articles résultant d’études de type exploratoire-descriptif décrivent l’expérience vécue et les problématiques rencontrées par les personnes épileptiques (Admi & Shaham, 2007; Fitzsimons et al., 2011; Kerr et al., 2011; Mahrer-Imhof et al., 2013). Toutefois, bien que ces problématiques soient bien décrites dans la littérature, peu d’articles proposent des interventions précises et suffisamment détaillées pour qu’elles soient reproduites dans le but de favoriser l’adaptation des personnes épileptiques. Cette recension a donc confirmé qu’il était pertinent de passer à l’étape suivante, soit de développer des interventions en lien avec ces

108

problématiques. Compte tenu de ce qui précède, le suivi infirmier a donc été élaboré à l’aide de la littérature, des recommandations des professionnels, des patients et des observations de l’étudiante-chercheure. Ces différentes sources de données sont d’ailleurs en cohérence avec le devis de recherche de Burns et Grove (2005).

Dans le même ordre d’idées, la méthode sur la recherche d’interventions de Burns et Grove (2005) a permis de développer un suivi infirmier tout d’abord en fonction des besoins des patients pour ensuite être enrichi par les autres sources de données, soit les entrevues auprès des professionnels, les séances d’observation et la revue de la littérature sur les interventions potentielles. Cette façon de faire a d’ailleurs permis que la structure du suivi infirmier soit élaborée en fonction des données recueillies auprès des patients épileptiques et ensuite, enrichie et précisée par le biais des autres sources de données. De plus, la définition du concept de santé de Roy (2009) a guidé le développement du suivi. Pour Roy (2009), la santé est non seulement un état, mais un processus qui évoque la capacité de l’être humain de s’adapter aux changements présents dans son environnement. D’ailleurs, cette définition de la santé se colle bien à la réalité des personnes épileptiques, ainsi qu’au phénomène incontestable de variation de leurs besoins dans le temps. Ainsi, les différents moments du suivi ont été déterminés en fonction de l’évolution des besoins des épileptiques et de leur famille.

De plus, les différents moments du suivi infirmier ont été établis en fonction de l’évolution des besoins des patients, notamment d’un suivi spécifique et plus rigoureux suite à l’annonce du diagnostic jusqu’aux premiers mois de suivi, ainsi que lors de l’initiation ou d’un changement de traitement. Toutefois, il faut considérer que certains patients ont besoin de certains éléments du suivi pendant une plus longue période de temps. Selon Roy (2009), certaines personnes peuvent bénéficier de soins pour une durée indéterminée afin d’atteindre un état de santé, c’est-à-dire de présenter des comportements adaptés dans les quatre modes et ainsi favoriser leur adaptation. Ainsi, l’infirmière peut évaluer l’environnement de la personne en tant que stimuli focaux, contextuels et résiduels pour cibler les facteurs qui pourraient faciliter ou nuire à l’adaptation de la personne. Ces facteurs peuvent servir de cadre à l’infirmière à savoir si la personne nécessite des soins plus rigoureux et ainsi, ajuster ses interventions en conséquence.

Certes, selon la conception de Roy (2009), une personne épileptique peut être en santé, puisque la santé n’est pas seulement un état, mais également un processus, qui permet d’être et de devenir une personne intégrée et unifiée dans les quatre modes, malgré la présence d’une maladie chronique. En effet, selon la conception de Roy (2009), une personne qui souffre d’une maladie chronique, qui accepte sa situation et qui ne présente pas de complications pourrait être considérée en santé dans la mesure où elle répond

positivement aux changements qui se présentent dans son environnement. Cette vision de la santé a été considérée tout au long du processus d’élaboration des interventions infirmières. Ensuite, comme discuté précédemment, la définition de l’environnement proposée par Roy (2009) a permis de fournir à l’infirmière un cadre pour l’évaluation des principaux facteurs qui peuvent nuire ou faciliter à l’adaptation de la personne. Ainsi, cette évaluation permettra à l’infirmière de cibler plus rapidement certains patients plus vulnérables et d’ajuster ces interventions en conséquence.

Bref, tout au long de la collecte des données, les différents besoins ou problématiques observés ou mentionnés par les participants ont été classés selon les quatre modes d’adaptation de Roy (2009). Cependant, il est possible de remarquer que certaines problématiques (stimuli) peuvent toucher plusieurs des modes d’adaptation. C’est pourquoi certaines interventions proposées peuvent influencer un comportement et avoir un impact sur plusieurs des modes d’adaptation. Selon cette logique, les interventions ont ensuite été intégrées à différent endroit du suivi infirmier.

En ce qui concerne les participants à l’étude, l’échantillonnage par choix raisonné qui a été utilisé a permis la sélection de participants qui illustraient ce qui est habituel ou fréquent d’observer chez cette clientèle. Néanmoins, 50% des patients interrogés ont subi une chirurgie au cerveau pour tenter de supprimer les crises alors que, dans la littérature, les patients opérés représentent environ 15% des patients épileptiques. Bien que cela ne soit pas représentatif de la population des patients épileptiques en général, ces patients opérés fréquentent davantage la clinique que les patients épileptiques bien contrôlés et doivent bénéficier d’un suivi à plus long terme. En plus, ils ont une meilleure connaissance des soins offerts à la clinique. Les autres participants ont aussi été sélectionnés de la même manière, c’est-à-dire de façon à ce qu’ils soient représentatifs de la clientèle suivie par l’infirmière de la clinique d’épilepsie. Comme proposée lors de l’application d’une telle méthodologie, la création d’alliances avec certains informateurs clés issus des différentes cliniques d’épilepsie a été bénéfique, que ce soit pour permettre une meilleure compréhension du programme d’épilepsie offert, mais aussi pour le recrutement des participants.

Selon les observations de l’étudiante-chercheure, voici quelques préoccupations qui devraient faire partie intégrante du suivi de l’infirmière. Premièrement, celle-ci devrait établir des objectifs avec le patient pour que les deux parties travaillent dans le même sens et que cette dernière puisse l’outiller et le soutenir dans l’atteinte de ses objectifs. Par exemple, une patiente était satisfaite de son état, en faisant deux crises nocturnes par mois et n’ayant pas d’effets secondaires. Cependant, l’équipe de professionnels a décidé d’augmenter sa médication pour réduire au maximum les crises, au risque d’engendrer des effets indésirables.

110

Ainsi, il est important que les professionnels adoptent les mêmes objectifs que le patient pour assurer une meilleure réussite des interventions.

Deuxièmement, en clinique, la plupart des questionnaires ou des évaluations de l’infirmière se centrent principalement sur les aspects physiques (fréquence, intensité des crises). En revanche, les données issues des entrevues avec les patients et les professionnels ont permis de démontrer qu’à ces aspects physiques, il faudrait y ajouter les composantes psychologiques et sociales, puisque celles-ci demeurent souvent non résolues malgré le suivi et mériteraient ainsi une attention particulière de la part de l’infirmière. Par exemple, pour les patients présentant une problématique au niveau social, il pourrait être bénéfique que l’infirmière produise un génogramme et une C-map pour avoir un portrait des ressources et du réseau social du patient. À l’aide de ces informations, l’infirmière peut donc prévoir s’il serait profitable pour la personne d’être référée à un organisme communautaire pour recevoir des services. Aussi, il serait intéressant que l’évaluation initiale faite par l’infirmière permette de recueillir les forces et les vulnérabilités du patient, pour pouvoir intégrer ses éléments dans ses interventions, notamment en tentant de réduire les éléments négatifs et en renforçant les éléments positifs. En fonction de ces résultats, des outils d’évaluation plus adaptés, concernant les dimensions psychologiques et sociales, devraient être développés.

Comme les patients semblent consulter fréquemment internet pour trouver diverses informations sur leur condition de santé et leur médication, l’infirmière pourrait donner une liste de références web fiables, pour ainsi s’assurer que les patients auront accès à une information juste. Elle pourrait aussi prendre le temps de vérifier avec les patients la validité des informations recueillies.

Les patients épileptiques hospitalisés ne sont pas vus la plupart du temps par l’infirmière de la clinique. Cependant, il serait profitable que l’infirmière puisse rencontrer ces patients, que ce soit dans le but de créer un premier lien, de répondre à leurs questions, d’évaluer les besoins du patient, ou bien d’établir un plan d’action. Cela pourrait constituer un bon moment pour former ou donner de l’information au sujet de l’épilepsie aux infirmières des unités de soins. En travaillant ainsi, elle favoriserait une meilleure continuité des soins et assurerait un meilleur suivi avec les patients à l’interne.

Finalement, l’infirmière de la clinique devrait avoir une préoccupation constante pour l’amélioration de sa pratique, afin de donner des soins les plus complets possibles et qui répondent aux besoins changeants de cette clientèle. Elle doit avoir un souci constant de maintenir ses connaissances à jour, soit en participant à des colloques, des congrès ou en consultant fréquemment la littérature. Pour ce faire, l’infirmière devrait s’impliquer auprès d’une association où elle peut assister aux rencontres annuelles avec d’autres infirmières et

d’autres intervenants, soit la Ligue Canadienne contre l’épilepsie, l’International League Against Epilepsy, l’Association Épilepsie section Québec ou l’American Association of Neuroscience Nurses. De plus, l’infirmière devrait faire preuve d’une attitude proactive concernant la recherche, notamment en pratiquant régulièrement une auto-évaluation de sa pratique, en identifiant les connaissances qu’elle devrait développer ultérieurement, en compilant des données et en faisant des statistiques pour toujours améliorer le suivi offert et s’assurer de la satisfaction des patients. Elle pourrait développer des outils (ex. : brochure explicative sur l’épilepsie, les médicaments, les premiers soins, la chirurgie, site web de la clinique décrivant le rôle des professionnels, etc.) pour améliorer sa pratique et faciliter l’adaptation des épileptiques. De plus, des séances de pratique réflexive avec d’autres professionnels pourraient être mises en place pour discuter des cas complexes, partager son expertise et ainsi offrir des interventions plus adaptées aux besoins spécifiques de la personne. Donc, le suivi proposé est un point de départ qui concerne des éléments de base et qui tient compte de la littérature à jour au moment de son élaboration, mais qui devra être mis à jour et tenir compte des résultats de recherche. Aussi, le nombre réduit de patients interrogés fait en sorte que d’autres épileptiques pourraient avoir des besoins qui ne sont pas décrits et pourraient donner lieu à des interventions supplémentaires.

6.1.1 Mode physiologique

Plusieurs problématiques touchant le mode physiologique des personnes épileptiques décrites dans la littérature et ont aussi été rapportées par les participants notamment : les effets secondaires de la médication, les blessures lors des crises, les périodes de récupération en post-ictal, les limitations physiques, la présence de comorbidités psychiatriques et les difficultés cognitives. Toutefois, les personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont mentionné ces problématiques qui sont peu décrites dans la littérature, soit : la pharmacorésistance et le syndrome dysphorique inter-ictal. Selon plusieurs professionnels interrogés, ces deux problématiques sont en émergence et sont peu connu des différents professionnels ce qui explique pourquoi elles ne se retrouvent pas dans la plupart des articles consultés. Cependant, certains auteurs comme Mula (2011) et Blumer et al. (2004) tentent de mieux comprendre ces aspects pour ainsi en faire bénéficier toute la communauté scientifique. L’infirmière doit avoir une bonne connaissance de ces aspects de l’épilepsie. Elle doit consulter la littérature pour maintenir ses connaissances les plus à jour possible et consulter d’autres professionnels au besoin. Bref, l’épilepsie est souvent comprise comme une maladie qui comporte davantage des crises physiques et dont les autres dimensions physiologiques sont moins bien connues. Grâce aux entrevues avec les patients et l’apport de la littérature, cette dimension a pu être considérée avec des éléments qui correspondent davantage à l’expérience des personnes.

112

6.1.2 Mode concept de soi

Dans le mode concept de soi, les participants ont décrit certaines problématiques qui se retrouvent notamment dans la littérature recensée, comme les restrictions quant au mode de vie, au choix d’un emploi, à la conduite automobile, au choix de sports; certains sentiments comme la gêne, la peur, la frustration, la colère, le déni, le stress; puis la perte d’autonomie, de liberté et d’indépendance. Cependant, les personnes épileptiques ont aussi mentionné des difficultés au niveau de l’adhérence aux traitements et de la difficulté d’acceptation de leur condition. Ces problématiques ne sont que peu décrites dans la littérature. Concernant l’adhérence aux traitements, Kerr et al. (2011), parlent plutôt de tracas causés par la prise de médication. Par exemple, le fait de devoir prendre un traitement de façon régulière peut être difficile à accepter pour les patients qui n’acceptent pas leur condition. Aussi, selon Kerr et al. (2011), les préoccupations des patients à propos de la médication, tels les effets indésirables, les interactions, les risques de dépendance et les aspects sécuritaires peuvent influencer l’adhérence des patients à leur traitement. Ensuite, à propos de la difficulté d’acceptation de la maladie, il semble que cet aspect soit quelques fois négligé par les professionnels. Par conséquent, il serait intéressant de déterminer pour chaque patient si celui-ci est susceptible de modifier son comportement, via son stade de changement selon le modèle transthéorique de Prochaska et DiClemente (1984).

6.1.3 Mode fonction des rôles

Concernant le mode fonction des rôles, les problématiques mentionnées par les participants et qui ont aussi été recensées dans la littérature sont les difficultés d’employabilité, les problèmes financiers, la discrimination, les jugements, les incompréhensions de la part des autres et les ressources limitées. D’un autre côté, les participants ont relevé une problématique très peu décrite dans la littérature soit les difficultés d’interaction sociale ou au niveau des relations interpersonnelles. Les professionnels travaillant auprès des personnes épileptiques affirment fréquemment observer ce genre de comportement. Cependant, très peu d’écrits apportent des précisions concernant ce phénomène, manifestement peu étudié jusqu’à maintenant. Mula (2011) explique ce phénomène par deux raisons, soit 1) dû à des principes neuroanatomiques et neurochimiques qui causeraient ces comportements affectant les interactions sociales des personnes épileptiques et 2) dû à l’affection chronique qu’est l’épilepsie, c’est-à-dire que cette condition crée inévitablement des limitations sociales, que ce soit au niveau des activités, des loisirs, de la conduite automobile, ainsi qu’une discrimination sociale, pouvant mener à une perte d’estime de soi, une perte de motivation ainsi qu’une tendance à l’évitement et à l’isolement. Bref, le suivi infirmier doit considérer ces composantes à savoir quels stimuli nuisent à l’adaptation de la personne, s’ils sont modifiables et comment

l’infirmière peut agir. Comme mentionnés précédemment, des outils d’évaluation de la sphère sociale devraient être davantage utilisés par l’infirmière. Ainsi, elle connaît les éléments qui nuisent ou qui facilitent l’adaptation de la personne. Des outils comme l’évaluation initiale, le génogramme et la C-Map pourraient permettre à l’infirmière de personnaliser davantage ses interventions.

6.1.4 Mode d’interdépendance

D’un côté, les propos des participants au sujet des problématiques au niveau du mode d’interdépendance concordent avec ceux mentionnés dans la littérature. Les difficultés ressorties sont la qualité insatisfaisante des soins que ce soit par rapport à l’enseignement, l’attitude des professionnels, les informations reçues des professionnels et l’absence d’un réseau social satisfaisant. En effet, bien peu d’études démontrent l’efficacité de leur suivi et par le fait même, la satisfaction des patients. Ainsi, pour éviter ces résultats, le système d’observation proposé au chapitre précédent devra être appliqué.

Donc, en rapport au suivi infirmier continu, c’est-à-dire les soins requis tout au long de l’épisode de soins, l’infirmière doit promouvoir l’adaptation des patients dans les quatre modes : 1) physiologique, 2) concept de soi, 3) fonction de rôle et 4) interdépendance. Afin de promouvoir l’adaptation des patients épileptiques et leur famille à leur nouvelle situation, l’infirmière doit intervenir pour diminuer les stimuli qui nuisent à l’adaptation et augmenter ceux qui la facilitent. Pour ce faire, ces facteurs doivent idéalement être modifiables. Toutefois, certains stimuli relèvent des croyances, des attitudes, des expériences ou des traits de personnalité et ne sont pas modifiables (stimuli résiduels). L’infirmière doit tout de même tenter d’en tenir compte et de recourir à des interventions et un suivi qui les atténuent dans la mesure du possible, s’ils nuisent à l’adaptation. En somme, cinq grands domaines d’évaluation ou d’intervention sont présents dans le suivi infirmier, soit 1) la préparation psychologique, le soutien et l’accompagnement (Godin, 2012), 2) la promotion de l’adaptation selon le modèle de Roy (2009), 3) la prévention et la surveillance de certains comportements à risque (England et al., 2012), 4) la coordination et la continuité des soins (Dallaire & Dallaire, 2008), ainsi que 5) le développement continu du programme de suivi à la clinique d’épilepsie, la participation à la recherche et au développement de la clinique, des pratiques et des connaissances (England et al., 2012).

En définitive, suite aux différentes interventions proposées pour promouvoir l’adaptation de la personne dans les quatre modes d’adaptation, il est essentiel de soulever que l’enseignement aux patients représente une intervention clé, puisqu’une personne qui présente de bonnes connaissances sur sa condition aura une meilleure autogestion, elle sera plus autonome, plus confiante, plus motivée et aura un meilleur

114

sentiment d’auto-efficacité et d’autocritique (Dilorio et al., 2009; England et al., 2012; Godin, 2012; Mittan, 2009).