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Besoins non répondus et améliorations proposées par les professionnels

Chapitre 5. Résultats

5.2 Résultats : Besoins et interventions selon les professionnels

5.2.4 Besoins non répondus et améliorations proposées par les professionnels

Selon les professionnels de la clinique, certaines problématiques persistent malgré le suivi offert à la clientèle épileptique. En général, les éléments mentionnés par les professionnels se rapprochent grandement de ceux mentionnés par les patients. Cependant, les améliorations proposées pour améliorer le suivi sont plus variées chez les professionnels. Le Tableau 12 rapporte les principales problématiques qui persistent malgré le suivi offert actuellement.

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Tableau 12: Liste des besoins non répondus

Problématiques ou inconforts non répondus

Mode physiologique :

- Effets secondaires de la médication

- Limitations physiques

- Comorbidités psychiatriques (présentation atypique)*

- Syndrome dysphorique inter-ictal*

- Difficulté de prise en charge lorsque composantes neurologiques et psychologiques ou

psychiatriques*

Mode concept de soi :

- Restrictions concernant le mode de vie, le choix d’emploi, le droit de conduire, les loisirs, les

sports, etc.

- Symptômes dépressifs

- Anxiété

- Mauvaise adhérence au traitement

- Perte d’autonomie, de liberté, d’indépendance

- Difficulté d’acceptation de leur condition

Mode fonction des rôles :

- Difficulté d’employabilité

- Problèmes financiers

- Discrimination, jugements, stéréotypes, incompréhension des gens

- Ressources limitées

- Difficulté d’interaction sociale*

Mode d’interdépendance :

- Temps consacré aux activités éducatives insuffisant*

- Absence d’un réseau social

- Suivi postopératoire chaotique et insuffisant

- Consultation de sites internet pour obtenir de l’information complémentaire

- Incompréhension de leur condition (persistance de certaines croyances)*

- Méconnaissance des rôles des professionnels de la clinique*

* : Éléments non mentionnés par les patients

Améliorations reliées au mode physiologique proposées par les professionnels

Concernant les patients qui ressentent des effets secondaires des anticonvulsivants et aussi pour les patients non contrôlés, un des professionnels suggère de développer des stratégies permettant d’effectuer un suivi plus rigoureux de la clientèle instable. Par exemple, cela pourrait prendre la forme d’un agenda des patients actifs, soit les patients ayant des effets secondaires importants, des patients non contrôlés, des patients en processus chirurgical et les patients ayant subi une chirurgie du foyer épileptique. De plus, le professionnel 5 mentionne l’importance d’intégrer des outils qui facilitent les pratiques de l’infirmière. Par exemple, l’utilisation du logiciel « Rx Vigilance » lui a permis d’approfondir ses connaissances sur les anticonvulsivants, mais aussi de les maintenir à jour. Cet outil lui permet aussi d’imprimer des documents

explicatifs pour les patients. Il ajoute aussi qu’il serait important que l’infirmière bénéficie d’un partenariat avec les compagnies pharmaceutiques, puisque ces derniers fournissent des outils permettant la compréhension de leurs médicaments mais aussi, de la documentation à remettre aux patients. Bref, selon les professionnels, l’infirmière doit créer des partenariats avec les ressources communautaires et les compagnies pharmaceutiques, dans le but de bénéficier des outils disponibles dans le milieu.

Ensuite, comme les patients épileptiques ont parfois une présentation particulière des symptômes psychiatriques, l’infirmière devrait être habileté à y répondre adéquatement. L’infirmière devrait participer à des formations pour mieux comprendre les problématiques psychiatriques, notamment le syndrome inter-ictal. Toujours selon certains professionnels, elle devrait aussi avoir des plages horaires réservées à la mise à jour de ses connaissances, soit en consultant la littérature scientifique et en discutant avec des collègues. Par ailleurs, le concept de club de lecture entre collègues a été soulevé par deux professionnels.

Améliorations reliées au mode concept de soi proposées par les professionnels

Les professionnels ont mentionné qu’il y avait certaines difficultés concernant le dépistage et la prise en charge des symptômes psychologiques des personnes épileptiques. Ils ont donc proposé d’améliorer l’évaluation de la composante psychologique, faite par l’infirmière. Cette dernière pourrait même utiliser un outil de dépistage autonome, selon plusieurs professionnels. Par exemple, l’infirmière pourrait utiliser une échelle de mesure, telle que l’échelle de stress perçu, comme proposé par le professionnel 2. Les aspects psychologiques devraient aussi se retrouver dans la collecte initiale faite par l’infirmière. Ainsi, ces interventions faites par l’infirmière permettraient de faire un meilleur dépistage des problématiques psychologiques des patients et ainsi, favoriseraient une meilleure prévention des décompensations. Selon le professionnel 2, l’infirmière devrait aussi porter une attention particulière à l’évaluation de l’impact au quotidien de la maladie sur la vie de ces personnes.

Le professionnel 2 mentionne que l’infirmière devrait aller plus loin dans son évaluation des crises, en d’autres termes, l’évaluation est souvent centrée sur la fréquence et l’intensité des crises. Cependant, il serait pertinent d’aller au-delà des aspects physiques et d’évaluer davantage les stresseurs, les éléments déclencheurs et le vécu du patient. Cela permettrait d’identifier certains aspects cognitifs, mais aussi émotionnels, sur lesquels il serait pertinent de travailler afin de favoriser une meilleure adaptation de la part de la personne. Dans le même ordre d’idée, il serait intéressant de mieux comprendre le sens que le patient donne à sa maladie.

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De plus, la majorité des professionnels proposent certaines interventions qui pourraient être ajoutées au suivi actuel pour permettre une meilleure intégrité psychique des patients. Par exemple, il serait intéressant pour l’infirmière de travailler de façon psychodynamique, c’est-à-dire d’évaluer les conflits internes de la personne et de l’outiller à mieux les gérer. Elle pourrait aussi être formée à faire de la psychoéducation en normalisant le vécu des patients et ainsi les aider à mieux comprendre leur situation. Avec le soutien du psychologue et neuropsychologue, l’infirmière devrait être en mesure d’appliquer ces interventions. Cette dernière devrait aussi faire la promotion de certaines activités, comme la relaxation et la méditation, qui ont des effets bénéfiques sur les patients épileptiques.

Ensuite, selon le professionnel 6, une formation de l’infirmière sur l’approche du patient en détresse psychologique ou en état suicidaire, sur les réactions du deuil et sur l’enseignement de stratégies permettant au patient de traverser ces situations seraient profitables. L’infirmière devrait bien connaître les étapes du deuil, puisque les personnes épileptiques peuvent avoir à faire face à certains aspects de leur vie avant l’épilepsie, comme le permis de conduire, des activités, leur emploi, etc. Elle serait ainsi en mesure de les accompagner dans les différentes étapes de leurs nombreux deuils.

Améliorations reliées au mode fonction des rôles proposées par les professionnels

Premièrement, selon les professionnels, pour favoriser l’intégrité sociale des personnes épileptiques, les aspects sociaux devraient aussi se retrouver dans l’évaluation et dans la collecte initiale faites par l’infirmière, pour ainsi connaître les besoins de chaque patient.

Ensuite, pour ce qui concerne les difficultés d’employabilité et les jugements que subissent les personnes épileptiques, les professionnels ont pratiquement tous mentionné qu’il s’agissait d’un manque de connaissance de la population en général. Pour améliorer cette situation, le professionnel 5 suggère que l’infirmière pourrait faire davantage de sensibilisation auprès du grand public, comme des conférences d’information, de manière à démystifier certaines croyances et réduire l’incompréhension des gens face à l’épilepsie. Aussi, l’infirmière pourrait donner de l’information aux employeurs et aux collègues de travail. De plus, elle pourrait même assurer un suivi téléphonique lorsqu’un patient épileptique intègre un milieu de travail, dans l’objectif d’identifier les besoins d’information et d’offrir un accompagnement adéquat.

Pour ce qui est des problèmes financiers et des ressources plutôt limitées, plusieurs professionnels suggèrent de travailler en plus étroite collaboration d’un côté, avec l’équipe interdisciplinaire, notamment avec un travailleur social. D’un autre côté, l’infirmière devrait avoir de bonnes connaissances des ressources

communautaires disponibles et devrait les rendre visibles auprès de la clientèle épileptique, ainsi que leurs proches.

Pour aider les patients à s’adapter et à maintenir leur intégrité sociale, l’infirmière devrait améliorer l’enseignement offert aux patients, aux proches et au grand public. Selon la plupart des professionnels, un meilleur enseignement des déclencheurs et des conséquences de la maladie permettraient aux patients de jouer pleinement leur rôle, en ayant une bonne prise en charge de leur maladie.

Finalement, malgré que cela ne relève pas du suivi infirmier, un professionnel a soulevé qu’il n’y a pas de programme d’aide à l’emploi, par exemple de l’aide pour l’insertion à un emploi supervisé et sécuritaire, lorsque la personne présente régulièrement des crises.

Bref, plusieurs suggestions proposées par les professionnels favorisent une meilleure compréhension des limites du suivi offert actuellement. Ces suggestions seront un point de départ important dans la composition du suivi infirmier.

Améliorations reliées au mode d’interdépendance proposées par les professionnels

Les infirmières rencontrées admettent manquer de temps pour faire l’enseignement aux patients, ce qui fait en sorte de contribuer à maintenir une relation infirmière-patient non satisfaisante. Aussi, les professionnels aimeraient avoir du temps alloué pour consulter la littérature et se maintenir à jour. Vu la complexité de cette affectation de santé, les professionnels souhaiteraient être mieux outillés, soit en participant à des formations afin de mieux comprendre les problématiques complexes vécues par les patients, plus spécifiquement au niveau psychologique et psychiatrique. Les professionnels admettent qu’un rôle de généraliste n’est pas suffisant pour bien comprendre et intervenir adéquatement auprès de ces patients. La moitié des professionnels suggèrent qu’il y ait des moments réservés à ces activités, ainsi qu’aux échanges entre professionnels. Concernant le temps accordé aux activités éducatives, un des professionnels a proposé d’instaurer des séances d’information en groupe.

« Je n’ai pas assez de moments patients, pour faire de l’enseignement individuel, pour m’asseoir avec eux autres, leur donner des documents, leur faire de l’enseignement, prendre une demi-heure. C’est ça qui manque. Répondre à leurs questions. Ils viennent d’apprendre qu'ils sont épileptiques, c’est nouveau pour eux autres. […] On va commencer en groupe, on va voir comment ça marche et après ça… C’est mon but moi avant de partir, d’améliorer cette intervention infirmière là, au niveau de l’enseignement. » Professionnel 3

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Deux professionnels ont proposé que les patients identifient une personne ressource expérimentée dans leur entourage. Cette personne, dite expérimentée, doit être bien renseignée sur la maladie en plus d’apporter son soutien et d’accompagner la personne épileptique.

« Le premier point que j’ai marqué c’est d’avoir une personne ressource expérimentée. Expérimentée en épilepsie et tout ce qui gravite avec, dont tous les aspects psychiatriques un peu subclinique. » Professionnel 2

Concernant la présence d’un bon réseau social, les professionnels suggèrent d’encourager des groupes de soutien par les pairs, puisque cela permet aux patients de se sentir accompagnés et soutenus, de ne pas se sentir seul dans leur situation et finalement, de les aider à cheminer dans leurs processus d’adaptation.

Pour améliorer les suivis des patients opérés, comme mentionnée précédemment, l’utilisation de stratégies permettant d’effectuer un suivi de la clientèle instable serait bénéfique selon les professionnels (agenda des patients actifs).

Plusieurs des professionnels proposent d’améliorer l’enseignement et le suivi pour les cas à visée chirurgicale, autant en préopératoire qu’en postopératoire.

« L’autre réalité aussi c’est quand il y a des cas qui s’en vont vers un processus d’évaluation en vue d’une chirurgie. Leur problématique je pense c’est qu’ils ne sont peut-être pas assez informés, donc quand ils passent au travers du processus d’évaluation, ce n’est pas si pire, mais d’être capable de comprendre tous les examens et au terme de ces examens-là qu’est-ce qui s’en vient, le type de chirurgie, mais surtout après la chirurgie, ça va être quoi la convalescence. Donc, l’aspect de la convalescence physique au sens général et puis à savoir qui fait quoi. » Professionnel 2

Étant donné qu’une grande majorité des patients consultent des sites internet pour obtenir de l’information complémentaire, les professionnels ont suggéré de sensibiliser davantage les patients aux réalités du web. Aussi, certains ont proposé de développer davantage de dépliants d’information, pour ainsi fournir aux patients une source d’information fiable qu’ils pourront consulter à la maison.

En ce qui concerne la méconnaissance des rôles des professionnels de la clinique, il serait important que chaque professionnel connaisse bien son rôle, mais aussi le rôle des autres. De cette façon, les professionnels de la clinique croient qu’il sera plus facile de répondre aux besoins des patients, tout en reconnaissant ses limites et en référant à un autre professionnel en cas de besoin. Il serait important aussi que les patients soient informés du fonctionnement de la clinique dès leur arrivée. Un professionnel ajoute

même qu’il serait intéressant d’utiliser la visioconférence pour les patients en régions éloignées et ainsi permettre d’établir un bon contact avec le patient malgré la distance.