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Conceptualisation des interventions

Chapitre 5. Résultats

5.5 Conceptualisation des interventions

Selon Burns et Grove (2005), la conceptualisation ou l’opérationnalisation des interventions correspond à l’étape où est déterminé la forme des interventions, soit 1) une stratégie, 2) une technique, 3) un programme, 4) du matériel d’information ou de formation, 5) des variables environnementales, 6) un système de motivation ou encore 7) une nouvelle politique. Les interventions sont décrites avec suffisamment de détails pour permettre aux professionnels de l’implanter.

Voici les interventions qui ont été retenues pour composer le suivi infirmier afin de répondre aux besoins des patients épileptiques. Selon Roy (2009), l’infirmière peut travailler sur quatre éléments essentiels au processus d’adaptation de ces personnes soit : 1) la perception et la gestion de l’information, 2) l’apprentissage, 3) le jugement et 4) les émotions. Ces éléments du modèle de Roy s’intègrent parfaitement dans la pratique de l’infirmière en clinique d’épilepsie, tant en lien avec le suivi spécifique au début de la

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maladie (suivi intensif) qui vise l’adaptation à court et moyen terme qu’au niveau de l’adaptation à plus long terme avec le suivi continu. Les interventions retenues pour le suivi sont donc intimement reliées à ces éléments essentiels au processus d’adaptation, tel que proposée par Roy (2009).

Bien qu’il s’agisse ici d’un suivi général, certaines interventions devront être ajoutées ou modifiées selon les besoins particuliers, la condition spécifique et les particularités de chaque patient, par exemple pour les patients à visée chirurgicale, le suivi postopératoire, le suivi de grossesse, etc. De plus, Roy (2009) définit la santé comme étant un état, mais aussi un processus qui permet d’être ou de devenir une personne intégrée et unifiée en regard des quatre modes d’adaptation. Par conséquent, c’est en considérant cet aspect d’évolution dans le temps que le suivi infirmier a été développé. Les différentes périodes du suivi infirmier, soit le suivi intensif, le suivi continu et lors d’un changement du traitement et le suivi continu, constituent des périodes distinctes, puisque les besoins des patients varient d’une période à l’autre. Ces périodes ont été établies en se basant sur le modèle de Roy (2009) et sur les périodes proposées par Boudreault (2011). Le suivi intensif se divise en plusieurs périodes, notamment l’annonce du diagnostic, l’enseignement initial, puis les rappels aux semaines 1, 3, 6 allant jusqu’aux premiers mois suivant le diagnostic. La personne nécessite un suivi plus fréquent pendant cette période, puisqu’elle ne réagit peut-être pas encore de façon adaptée aux nouveaux stimuli. Le suivi continu, pour sa part, rejoint particulièrement la notion de processus dans la conception de la santé de Roy (2009) et favorise la personne à s’adapter aux changements constamment présents dans son environnement. Le suivi continu perdure jusqu’à ce que la personne démontre ou tend vers des comportements adaptés dans chacun des quatre modes d’adaptation, utilise des mécanismes régulateurs et cognitifs et fonctionne comme un tout unifié. L’autre moment particulier du suivi est lors d’initiation d’un nouveau traitement ou d’un changement de traitement. Cette section se rapporte aux interventions spécifiques lors de l’enseignement initial sur la médication et puis des rappels aux semaines 1, 3 et 6. Les suivis plus rapprochés lors de l’annonce du diagnostic ou de l’initiation d’un nouveau traitement ont été décidés ainsi puisque ces patients présentent souvent des difficultés d’apprentissage ou des troubles cognitifs ce qui justifie la présence de ces rappels pouvant faciliter leur processus d’apprentissage.

La fréquence de certaines interventions n’est pas décrite dans la littérature. Celle-ci n’a donc pas été précisée pour le suivi, de telle sorte que la plupart des interventions devront être personnalisées selon chaque patient et maintenues pendant une durée qui permettra de répondre aux besoins spécifiques de chacun. Les interventions sont classées selon les principales étapes du suivi infirmier à la clinique d’épilepsie, tout en considérant les différents niveaux d’adaptation de chaque patient. Pour Roy (2009), la santé est non seulement un état, mais un processus qui évoque la capacité de l’être humain de s’adapter aux changements présents dans son environnement. C’est pourquoi l’infirmière a comme mandat d’accompagner les personnes

épileptiques à constamment s’adapter à leur condition de santé. Le Tableau 14 résume les interventions issues des entrevues avec les patients et avec les professionnels, des observations de l’étudiante-chercheure et de la littérature.

Tableau 14: Conceptualisation des interventions

Suivi intensif

Moments du suivi

Interventions

Annonce du

diagnostic

Rencontre initiale :

Après avoir été rencontré par le neurologue. Vérifier si le patient a des

questions et fixer un rendez-vous (dans les plus brefs délais) pour

l’enseignement initial ou faites un bref enseignement si le patient est apte à

recevoir l’information.

Identifier les meilleures méthodes d’apprentissage, les besoins

d’apprentissage et les croyances de chaque patient (AANN, 2009)

(Pramuka et al., 2007).

Adopter une attitude d’ouverture, respectueuse, empathique et faire preuve

de franchise tout au long du suivi (Expert 1 à 6).

Enseignement initial

(à la personne et aux

proches)

Procéder à un enseignement général sur l’épilepsie (Wagner, Smith,

Ferguson, van Bakergem, & Hrisko, 2010):

- Causes;

- Manifestations;

- Types de crises;

- Habitudes de vie (sommeil, alimentation, alcool, stress, conduite

automobile, sports et loisirs);

- Traitements (médicamenteux, diète, chirurgical);

- Conséquences (psychologiques, sociales, emploi, permis de

conduire, etc.);

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- Ressources disponibles (communautaires, association, etc.).

Procéder à une collecte initiale des composantes biopsychosociales,

spirituelles et du sens donné à la maladie qui servent de dépistage des

forces et des faiblesses de chaque participant (possibilité d’utiliser des

échelles de mesure) (Expert 1, 2, 3 et 5).

Élaborer un génogramme et une C-Map pour chaque patient. Évaluer le

réseau de soutien et référer, au besoin, au travailleur social (Expert 5).

Faire une liste des besoins en enseignement individualisé pour chaque

patient (à partir d’un modèle standard) (Boudreault, 2011).

Encourager le patient à tenir un journal ou un calendrier des crises, aura,

convulsions, perte de conscience, déclencheurs, moment, prise de la

médication, état post-ictal et des effets secondaires de la médication

(AANN, 2009).

Encourager le patient à procéder à une évaluation quant à la sécurité de

son environnement et de ses activités. Proposer des solutions, selon le cas,

pour l’adaptation des lieux physiques et des activités (Boudreault, 2011).

Semaine 1

Relancer le patient par téléphone après une semaine postenseignement

pour vérifier la compréhension de la personne et répondre aux questions.

Évaluer si besoin d’informations supplémentaires (AANN, 2009).

Créer d’un lien de confiance (Expert 2 et 5).

*Si initiation d’un nouveau traitement, voir la section initiation ou

changement de traitement pour la démarche à suivre.

pour vérifier la compréhension de la personne et répondre aux questions.

Évaluer si besoin d’informations supplémentaires (AANN, 2009).

Semaine 6

Relancer le patient par téléphone après six semaines postenseignement

pour vérifier la compréhension de la personne et répondre aux questions.

Évaluer si besoin d’informations supplémentaires (AANN, 2009).

Les premiers mois

Procéder à une relance téléphonique à au moins deux reprises (8

e

semaine

et 12

e

semaine) pendant les premiers mois, puis selon les besoins de

chaque personne (Boudreault, 2011).

Évaluer le niveau d’adaptation en regardant les comportements dans

chacun des 4 modes d’adaptation. Identifier les forces et les faiblesses(Roy,

2009).

Évaluer les éléments présents dans l’environnement qui nuisent ou facilitent

l’adaptation de la personne (Roy, 2009).

Identifier d’une personne-ressource (personne qui a de bonnes

connaissances sur l’épilepsie ou qui participera à la séance d’information

offerte et qui apportera son soutien à la personne épileptique) (Expert 2).

Déterminer les besoins et les objectifs de chaque patient et élaborer un plan

d’action pour y arriver (Dilorio et al., 2009).

Discuter avec le patient de ses attentes, ses valeurs et ses rêves

(Boudreault, 2011).

Évaluer l’impact de la maladie au quotidien (Expert 1 et 2).

Communiquer avec le médecin de famille et/ou autres professionnels pour

transmettre de l’information sur le programme de suivi d’épilepsie, le suivi

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offert par l’équipe spécialisée et les coordonnées de la clinique, pour toute

demande d’information (Krishnamoorthy & Gilliam, 2009) et (Boudreault,

2011).

Organiser une séance d’information de groupe pour les patients et les

proches (causes, manifestations, types de crises, habitudes de vie,

traitements, conséquences, premiers soins, ressources) (Pramuka et al.,

2007).

Suivi continu

Interventions

Convenir avec le patient d’un plan de relance téléphonique (à partir du 3

e

mois), selon ses besoins

(Boudreault, 2011).

Évaluer à chaque contact avec le patient le niveau d’adaptation du patient en regardant les

comportements dans chacun des 4 modes d’adaptation. Identifier les forces et les faiblesses (Roy,

2009).

Si adaptation compensée ou compromise dans un ou plusieurs modes : Identifier le niveau de

volonté d’adoption de comportements favorables à leur condition de santé (exercices, alcool, drogue,

observance de la médication, gestion du stress, etc.) de chaque patient selon la théorie des étapes

du changement et adapter les interventions en fonction (Prochaska & DiClemente, 2005 cités dans

Pramuka et al. (2007).

Évaluer si les objectifs ont été atteints. Réajuster les objectifs et le plan d’action au besoin

(Boudreault, 2011).

Enseigner au patient comment gérer de manière la plus autonome possible la maladie (éléments

déclencheurs, gestion du stress, etc.) (Pramuka et al., 2007).

Vérifier la durabilité des comportements dans le temps (England et al., 2012).

Reconnaître les premiers éléments de deuils et les étapes du deuil franchies par le patient (activités,

permis de conduire, etc.). Fournir du soutien au patient et à la famille (Expert 5).

Vérifier les croyances, les perceptions et la compréhension de chaque patient (Expert 1, 3, 4).

Revoir périodiquement le contenu du journal ou du calendrier du patient (Pramuka et al., 2007).

Ajuster les éléments de la collecte initiale selon l’évolution du patient. Utiliser les mêmes échelles de

mesure qu’au début du suivi. Travailler les faiblesses identifiées, renforcer les points positifs (Dilorio

et al., 2009).

Soutien, écoute active, relation d’aide, support, réassurance, accompagnement, renforcement positif

(Expert 1 à 6).

Problématiques psychologiques et psychiatriques:

- Identifier et analyser les différents éléments qui peuvent contribuer aux symptômes

psychologiques chez chaque patient (problématiques psychosociales, effets secondaires du

traitement et facteurs neurobiologiques) (Mula, 2011).

- Selon les éléments identifiés, procéder à l’enseignement ou à la psychoéducation aux patients

sur les comportements favorables à adopter et déterminer des moyens de prévention (Expert 1,

2, 5 et 6).

- Identifier les barrières et les éléments facilitateurs. Faire la promotion de certaines activités

(relaxation, activités physiques sécuritaires, yoga, etc.) (Expert 1, 2, 5 et 6).

- Procéder à un enseignement sur l’importance de maintenir une routine. Faire du renforcement

positif. Identifier les projets du patient et les activités que la personne aime (Expert 2).

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Enseigner des stratégies pour réduire et mieux gérer le stress et diminuer la fréquence des crises

(méditation, yoga, relaxation) (Dilorio et al., 2009).

Selon les besoins, référer les patients à des ressources communautaires ou à d’autres

professionnels (AANN, 2009).

Favoriser les rencontres de groupe supervisées, de partage d’expériences et d’informations (England

et al., 2012).

Favoriser la création de groupe de soutien par les pairs (Expert 2, 4).

Procurer de l’information sous différentes formes aux patients, selon leurs méthodes d’apprentissage

(site web, pamphlet, formation en ligne, groupe) (Expert 2, 3, 4 et 5).

Offrir sa disponibilité pour tout questionnement, problématique ou urgence par téléphone ou courriel

(Expert 3 et 5).

Tenir une liste des patients actifs (patients à visée chirurgicale ou ayant été opérés, patients non

contrôlés, patients ayant des effets secondaires, patients pharmacorésistants, patients débutant un

nouveau traitement et les cas spéciaux, grossesse, sans emploi, difficultés financières, etc.) (Expert

6).

Initiation d’un traitement ou changement de traitement

Moments du suivi

Interventions

Rencontre initiale

Utiliser la méthode d’apprentissage la plus appropriée pour chaque

patient selon l’évaluation initiale (soit les instructions écrites, éléments

visuels, journal, calendrier, électronique, etc.), de façon à

individualiser selon les besoins du patient et des proches (AANN,

2009).

Vérifier les connaissances du patient sur sa condition et sur l’épilepsie

en général. Procéder à un rappel si nécessaire: causes, déclencheurs

(sommeil, diète, exercices, consommation d’alcool, stresseurs

physiques, émotionnels et mentaux), traitements, conséquences

(AANN, 2009).

Procéder à l’enseignement sur le traitement ou à l’explication des

raisons d’un changement de traitement (AANN, 2009):

- Hygiène de vie et diète cétogénique.

- Médicamenteux (moment, fréquence, mécanismes d’action, effets

secondaires à surveiller.

- Chirurgical (procédure, bénéfices/risques, conduite à tenir,

réhabilitation)

S’assurer de la compréhension de l’importance du traitement et des

effets à court et à long terme (AANN, 2009).

Identifier les effets secondaires potentiels et les interactions

médicamenteuses susceptibles pour chaque patient (à l’aide du

logiciel RxVigilence par exemple) (AANN, 2009).

Encourager le patient à tenir un journal ou un calendrier des réactions

à la médication et des caractéristiques des crises (durée, aura,

convulsion, perte de conscience, déclencheurs, moment, prise

médication, état post-ictal) (AANN, 2009).

Établir un plan périodique des dosages sanguins pour chaque patient.

Faire la demande d’un dosage sérique des anticonvulsivants

(ordonnance collective) lors de : 1) polythérapie 2) antécédents de

réactions aux médicaments 3) l’épilepsie est mal contrôlée et

l’observance du patient est mise en doute 4) signes de surdose et 5)

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grossesse (Tomson et al., 2007) (Desbiens & Savard, 2013) et/ou

selon le jugement de l’infirmière.

Faire la demande de certains prélèvements sanguins (ordonnance

collective) en fonction de l’agent épileptique prescrit (FSC, natrémie,

VGM, plaquettes, etc.). Surveiller les résultats des examens sanguins

et réagir en cas d’anormalités (Desbiens & Savard, 2013).

S’assurer de la compréhension du patient en tout temps, répondre

aux questions (AANN, 2009).

Offrir sa disponibilité via courriel ou téléphone.

À une semaine, à trois

semaines, à six semaines

postinitiation ou

changement de traitement

et au besoin

Procéder à un appel téléphonique une semaine après l’initiation ou le

changement de traitement pour vérifier :

- la condition du patient;

- l’observance au traitement;

- monitorer les effets secondaires et la signification des effets pour

la personne;

- répondre aux questions;

- vérifier les préoccupations.

Cet appel a aussi pour but d’encourager la communication patient-

infirmière (AANN, 2009). Répéter l’appel téléphonique à trois et à six

semaines après l’enseignement initial et par la suite selon les besoins

du patient.

Évaluer si l’observance au traitement est adéquate. Sinon, identifier

les barrières à l’adhérence et les facteurs facilitateurs. Enseignement

sur les bénéfices de l’adhérence. Proposition d’interventions tels

l’utilisation de rappels intensifs, d’interventions comportementales, le

maintien d’une routine, l’accessibilité constante de la médication, etc.)

(Dilorio et al., 2009).

Procéder à un rappel des bienfaits de l’observance de la médication,

dégager les implications, identification des effets secondaires

tolérables versus intolérables et discuter des moyens autres pour

diminuer les effets secondaires outre de cesser la médication, fournir

une rétroaction positive, etc. (Markland et al., 2005).

Revoir périodiquement avec la personne le contenu du journal ou du

calendrier, préciser certains aspects et reformuler des objectifs

réalistes au besoin.

Réajuster le plan périodique des dosages sanguins au besoin.