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Cadre théorique et méthodologie de recherche

2.1 Pour comprendre le concept de « discipline »

2.1.2 Discipline scolaire

Discipline théoréthique considère la théorie comme une fin en soi dans la mesure où la théorisation de l’objet d’études débouche sur l’objectif proclamé, à savoir une interprétation et/ou une description du réel. [...] La linguistique, la psychologie, la sociologie, l’anthropologie figurent parmi les disciplines théorétiques les plus fréquemment invoquées en matière d’enseignement/apprentissage des langues-cultures.

(La vocation de la discipline praxéologique) est d’intervenir sur le terrain, c’est-à-dire de concevoir des actions susceptibles de favoriser la transmission des connaissances nécessaires à la maîtrise progressive des langues-cultures par les sujets apprenants. À la différence d’une discipline théorétique qui aspire à la connaissance pour la connaissance, elle prône l’action en vue d’agir sur le réel.

Pourtant, les références de « discipline savante » ou de « discipline scientifique » nous mettent mal à l’aise jusqu’à nous poser les questions suivantes : le FLE en milieu institutionnel chinois correspond-il à ce paradigme ? Est-il basé uniquement sur la recherche ? Quels sont les sujets qui s’y sont impliqués ? Ces questions nous poussent à recourir à la notion de « discipline scolaire ».

2.1.2 Discipline scolaire

Notre appel au concept de la discipline scolaire n’a pas pour but d’identifier la discipline FLE à une discipline scolaire, mais de préciser ce qui est entendu sous ce terme et de repérer les éléments fondamentaux pour être empruntés lors de l’analyse de la discipline FLE.

En français, jusqu’au XIXe siècle, le terme « discipline » n’apparaît pas dans les textes officiels. On y trouve les expressions telles que « objet », « partie »,

« branche », « matière de l’enseignement » comme équivalents les plus utilisés (A.

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Chervel, 1988 : 61). C’est durant les premières décennies du XXe siècle que l’apparition de ce terme va combler la lacune lexicologique et devenir une pure et simple rubrique qui classe les matières de l’enseignement, en dehors de toute référence aux exigences de la formation de l’esprit.

André Chervel a mis en évidence les principaux constituants d’une discipline scolaire (1988 : 93-100). Selon lui, le premier est un « enseignement d’exposition » dans lequel l’enseignant explicite des contenus à l’aide du manuel, le second consiste en batteries d’exercices qui sert à fixer les connaissances disciplinaires. Ces deux composantes fondent ce que pense Chervel comme le noyau dur d’une discipline scolaire et à cela s’ajoutent les deux derniers piliers de l’architecture d’une discipline : les pratiques de motivation et d’incitation à l’étude et les épreuves de nature docimologique. En bref, d’un côté, André Chervel a envisagé le concept de la discipline scolaire sous l’angle d’enseignement, car il a insisté sur le rôle de méthodes d’enseignement à l’incitation de motivation d’apprentissage, et de l’autre, il l’a considéré comme substance matérielle.

Dans son ouvrage intitulé De l’apprentissage à l’enseignement, Michel Develay (1992 : 32) a entrepris une réflexion très poussée sur la notion de « discipline scolaire » définie

par des objets qui lui sont spécifiques, des tâches qu’elle permet d’effectuer, des savoirs déclaratifs dont elle vise l’appropriation, des savoirs procéduraux dont elle réclame aussi la maîtrise, enfin une matrice qui la constitue en tant qu’unité épistémologique, intégrant les quatre éléments précédents et lui donnant sa cohérence.

Cette définition dépasse celles d’André Chervel en prenant en compte la dimension d’apprentissage et en mettant l’accent sur les tâches scolaires, les connaissances procédurales et déclaratives. Pourtant ses réflexions se limitent toujours sous l’aspect « physique ».

En s’inspirant de Christian Puren (1990 : 32), Maurice Sachot (1993 : 137-139) a concentré son attention non seulement sur l’organisation concrète d’une discipline scolaire, mais aussi sur sa particularité idéologique en proposant une matrice

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idéologique de la discipline scolaire portant sur les trois finalités : cognitive, culturelle et éducative. Dans le cas de l’enseignement d’une langue vivante étrangère, la finalité cognitive entend d’abord la matière d’enseignement au sens des compétences langagières, l’expression française au sens d’amélioration des compétences dans sa propre langue et enfin la métalangue ou conceptualisation au sens de réflexion et discours sur les savoirs enseignés, à savoir la réflexion depuis la grammaire à la linguistique générale. La finalité culturelle comprend les trois mêmes domaines que précédemment, la compréhension et la maîtrise de la culture cible, de la culture source et enfin, transcendant les deux premières, la constitution d’une culture générale ou humaniste. Quant à la finalité éducative, il s’agit d’un « triple objectif éducatif » (Christian Puren, 1990 : 35) - intellectuelle, esthétique et morale – qui « va se trouver coïncider avec le noyau dur de la philosophie humaniste de la Renaissance et du Siècle des Lumières, à savoir les trois notions étroitement articulées du Vrai, du Beau et du Bien. »

S’appuyant sur les travaux de recherche cités ci-dessus, Robert Galisson (1999 : 118) a donné à la discipline scolaire une définition concise mais complète, qui englobe à la fois la valeur, le contenu, le milieu et les acteurs :

Disciplinaire scolaire a pour fonction de transmettre, dans le cadre de l’école, les connaissances que le corps social juge utiles à l’instruction et à l’éducation de l’homme en devenir et du futur citoyen. L’histoire, la chimie, l’espagnol sont ainsi des disciplines. Les disciplines scolaires sont construites au cours de l’histoire des systèmes éducatifs et reliées à des savoirs de référence.

Pour analyser une discipline scolaire, Yves Reuter (2004 : 1) a proposé un outil d’analyse dans les six axes : les visées de la discipline, son fonctionnement institutionnel, sa mise en œuvre pédagogigo-didactique, ses relations à l’espace des théories, ses rapports aux espaces extra-scolaires et ses effets. Cet outil servait à rendre compte des traits structurels de la discipline scolaire du français en France. Il pourra aussi être utile à l’analyse de la discipline FLE à RUC, avec bien entendu des modifications selon le contexte :

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-sa nature fondamentalement langagière et scripturale ;

-ses tensions entre visées, entre savoirs et savoir-faire, entre savoirs et valeurs ; -ses tensions entre modes de relations possibles aux espaces extrascolaires ; -sa tension entre autonomie et articulation aux autres disciplines ;

-son caractère composite enfin qui, envisagé de ce point de vue, ne ferait que renvoyer à l’hétérogénéité de la forme scolaire, même si celle-ci se module de manière singulière au sein de chaque discipline ...

Antoine Léon (1980) a remarqué que toutes les disciplines scolaires ne partagent pas les mêmes statuts et le développement d’une discipline scolaire se heurte parfois à des obstacles tels que la hiérarchisation implicite ou explicite des matières ou des disciplines, du fait que certaines disciplines sont considérées comme majeures et d’autres comme mineures. Le statut d’une discipline scolaire devrait être analysé sous les aspects scientifique, pédagogique et social. Au plan scientifique, son statut repose sur les relations entre cette discipline comme objet scientifique et de la même discipline comme objet d’enseignement ainsi que les autres disciplines comme objets scientifiques ; au plan pédagogique, les influences et déterminations diverses ; et au plan social, les aspects subjectifs – représentation de la discipline chez les différents groupes concernés par l’enseignement et les aspects objectifs – la valeur sociale de la discipline et les statuts sociaux des personnes appelées à utiliser la discipline dans leurs activités professionnelles.

Bien que la discipline FLE à RUC ne rejoigne pas complètement la définition de discipline scolaire, les outils cités ci-dessus nous semblent bien utiles pour analyser en détail les représentations disciplinaires dans les chapitres qui suivent et comprendre les origines de la prise en forme des représentations de la discipline FLE.

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