• Aucun résultat trouvé

Représentations disciplinaires du FLE des enseignants et des responsables administratifs

5.1 Représentations disciplinaires du FLE chez les enseignants

5.1.1 La discipline FLE à triple vocation

La conception de la vocation disciplinaire du FLE est révélatrice des représentations disciplinaires du FLE. À la différence des étudiants, qui s’attachent principalement à la vocation formative et fonctionnelle de la discipline FLE (cf. 4.1), les cinq enseignantes en question ont des représentations disciplinaires du FLE qui relèvent de trois dimensions : pratique, éducative et nationale.

Sur le plan pratique, certaines enseignantes continuent à mettre en avant la fonction utilitaire de la discipline FLE qui permet aux étudiants de développer les compétences professionnelles, alors que d’autres insistent sur sa fonction intellectuelle et éducative.

Du point de vue pratique, elle (la discipline FLE) facilite le travail ou le voyage.

(Ens 1)

Personnellement, c’est pour former les professionnels de français qui servent de pont de communication entre la Chine et la France, qui contribuent à la diffusion des pensées et cultures sino-françaises. Les étudiants de français assument imperceptiblement cette responsabilité, bien que le français ne soit qu’un outil.

(Ens 5)

(La discipline FLE) C’est juste pour aider les gens à connaître à fond les Français, les us et coutumes de la France et la culture française. Par exemple, je ne parle pas le russe, je suis obligée de connaître la Russie en lisant les documents en chinois, ou de communiquer avec les Russes par le biais d’interprètes, je ne comprendrais jamais plus profondément la culture russe que si je communiquais directement dans cette langue. […] On doit bien maîtriser cet outil pour avoir accès à d’autres domaines.(Ens 3)

Dans cette optique instrumentaliste, selon ces trois enseignantes, la discipline FLE sert non seulement d’outil qui facilite la vie quotidienne, un instrument qui permet d’accéder à des domaines professionnels, mais aussi d’intermédiaire entre les cultures chinoise et française. Deux points similaires figurent dans leurs discours : premièrement, la langue française est un outil de communication ou d’apprentissage grâce auquel l’on parviendra à réaliser son but ; deuxièmement, la discipline FLE a pour mission principale de fournir cet outil aux apprenants, parce que l’E/A de la

147

langue française fait partie de la discipline FLE et permet le développement des compétences communicatives et interculturelles. Ce sont les aptitudes essentielles attendues des professionnels du FLE. Mais il existe une certaine nuance dans les opinions des enseignantes 3 et 5 : pour l’enseignante 5, l’E/A du FLE vise d’abord l’acquisition des compétences de communication de la part des étudiants pour favoriser la communication interculturelle, tandis que pour l’enseignante 3, l’objectif de formation est l’acquisition et l’assimilation des savoirs culturels au moyen de la langue française.

Sur le plan éducatif, certaines enseignantes s’intéressent plutôt à sa fonction de développement des compétences générales individuelles des apprenants de français dans le sens du terme du CECR. En voici deux discours exemplaires :

Ça (la formation au FLE) nous aide à prendre contact avec la beauté de la culture européenne, de comprendre la culture française. (Ens 2)

Je suis contre l’idée qui fait de la langue l’outil de communication. Notre discipline n’a pas pour seul objectif de faire maîtriser les quatre compétences aux étudiants.[…] La discipline FLE répond le mieux aux finalités de l’éducation supérieure qui développe la personnalité indépendante et les pensées indépendantes et encourage les gens à explorer l’inconnue. D’ailleurs, enseigner une langue aux étudiants, c’est encore de leur faire comprendre la logique du français et faire découvrir les causes de cette logique, de cette manière de penser, car la langue est aussi liée étroitement au mode d’organisation sociale et mode de vie. (Ens 4)

À en croire les discours de ces deux enseignantes, on peut dire que la discipline FLE a pour fonction éducative qui assure l’épanouissement général des étudiants de FLE : la sensibilité esthétique et interculturelle, l’esprit ouvert, créatif et critique, l’autonomie de pensée, etc. L’enseignante 4 nous a montré sa conception de la langue, tout en soulignant l’interdépendance de la langue et de la pensée. Selon elle, une langue étrangère est beaucoup plus riche qu’un système de signes et que sa fonction ne se limite pas à la communication, mais qu’elle représentait un ensemble de valeurs, de croyances et d’idées distinct de la langue maternelle. D’après elle, en apprenant la langue, on comprend des cultures et des pensées véhiculées dans cette langue, en plus, la discipline FLE permet aux étudiants de se perfectionner et de se compléter d’une

148

nouvelle manière de penser. La compatibilité de la discipline FLE avec l’éducation supérieure en matière de finalité justifie la valeur de cette discipline qui dépasse l’unique dimension technique et professionnelle pour devenir une discipline à visée humaniste.

Pour les enseignantes interrogées, la discipline FLE a également sa raison d’être comme une institution éducative et académique, parce que les spécialistes de FLE assument la responsabilité de transmission des savoirs au niveau nationale et de diffusion de la culture chinoise à l’échelle internationale, du point de vue stratégique du pays.

Chaque pays a besoin des établissements qui forment les personnels en LE, parce qu’on a besoin de communiquer avec les autres pays, de toutes sortes de communications, au niveau national, social ou personnel et qu’il faut des gens chargés des échanges internationaux. Sans département de français, comment transmettre les connaissances disciplinaires et former les professionnels en relations internationales ? Selon mes recherches, lors de la création du Collège Tongwen, l’année où l’on aspirait à l’ouverture et l’apprentissage auprès des pays étrangers, personne ne pouvait enseigner la langue et la culture française en Chine, c’est juste à cause du manque d’établissement assumant la mission de formation des personnels connaissant à la fois la langue et la culture française. (Ens 1) Du point de vue national, on souhaite absorber la quintessence de la culture française et diffuser la nôtre dans le monde. Grâce à notre discipline, nos deux peuples bénéficient des échanges mutuels sur le plan culturel. (Ens 2)

Selon l’avis des enseignantes 1 et 2, en plus du développement des aptitudes professionnelles des étudiants, la discipline FLE a également vocations pour promouvoir les échanges internationaux, pour transmettre des savoirs et des cultures franco-francophones, pour accroître le rayonnement de la culture chinoise à l’étranger.

L’enseignante 1 indique surtout les valeurs de la discipline FLE au redressement national en se référant à ses recherches : dans l’histoire chinoise, l’E/A du FLE avait joué un rôle positif dans la transformation de la Chine d’une société monarchique en société moderne ; les sciences et les technologies ont été introduites en Chine grâce à l’enseignement du français. Il en est de même pour la pensée des Lumières diffusée en Chine afin de libérer les intellectuels chinois des contraintes féodales et

149

monarchiques.

L’analyse de la vocation disciplinaire du FLE chez les enseignantes nous pousse à faire deux remarques. D’abord, la conception de la langue des professeures ainsi que leurs expériences académiques exercent une grande influence sur la prise de conscience des représentations disciplinaires du FLE. Ensuite, une grande différence de représentations disciplinaires existe non seulement entre les étudiants et les enseignants, mais aussi parmi les professeures de FLE qui insistent sur la portée de la discipline FLE dans la perspective soit fonctionnelle, soit éducative, soit de stratégie nationale. Nous nous demandons s’il existe un désaccord aussi distinct pour la constitution de cette discipline.

Documents relatifs