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La discipline FLE : emploi hors du commun vs profession ordinaire

Représentations disciplinaires du FLE chez les étudiants avant leurs études universitaires

3.4 Qu’est-ce que « la discipline FLE » en Chine?

3.4.3 La discipline FLE : emploi hors du commun vs profession ordinaire

Avant de venir au département de français, j’ai lu le programme du département d’anglais et trouvé des cours en commerce, en droits ou en journalisme, je ne suis pas sûre, c’est peut-être un double diplôme ? Je croyais que ce serait pareil au département de français. (E2)

Ces discours rejoignent encore une fois la réduction de la discipline FLE à un simple E/A de la langue française. Cette représentation simpliste donne lieu à des représentations incompatibles des professions assignées aux diplômés du FLE.

3.4.3 La discipline FLE : emploi hors du commun vs profession ordinaire

Pragmatiques, la plupart des interviewés ont exprimé leurs inquiétudes sur les débouchés de la discipline FLE. Ils ont donné des adjectifs contraires pour qualifier la discipline FLE, à savoir « utile », « peu utile », « prometteur », « sans perspectives », débouchés « divers » ou « limités » par rapport à d’autres disciplines. Telles sont les premières images du FLE en ce qui concerne la perspective professionnelle.

Une de mes proches était dans les affaires de production minière en Afrique et m’a informé des besoins de traducteurs ou d’interprètes de français en Afrique. En effet, le travail ne se borne pas à la traduction ou l’interprétation, on a besoin de personnels capables de travailler en français pour faire communiquer les travailleurs chinois et africains. L’avantage de ceux qui parlent le français est donc évidente. Par contre les disciplines en sciences sociales pourraient être apprises par soi-même en cas de besoin. Les connaissances disciplinaires en sciences sociales ne sont pas toujours utiles au travail. (E2)

Dans l’entretien, les étudiants ont souvent confondu le français avec la discipline FLE. L’étudiante 2 a ici indiqué une utilité primordiale du FLE, à savoir la promotion des échanges commerciaux sino-africains ainsi que de communication interculturelle et l’a prise pour la valeur disciplinaire du FLE. Pour elle, la discipline FLE se développait dans le but de satisfaire les besoins sociaux et les attentes personnelles, et donc était nécessaire pour élargir l’influence économique et commerciale de la Chine dans les pays francophones africains.

La discipline FLE a été ainsi considérée comme étant pleine de promesses, parce que certaines professions éventuelles des diplômés spécialistes des LE étaient mieux

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placées dans la hiérarchie sociale ou étaient très bien rémunérées.

Je croyais que je pourrais travailler comme diplomate, traducteur, interprète, écrivain, une fois diplômé du département de français, oui, comme FU Lei, grand traducteur. (E14)

Après être admise au département de français à RUC, j’ai commencé à trouver des informations sur la discipline FLE sur l’internet, j’ai vu que le salaire des diplômés spécialistes de français atteignait plus de 11 000 yuan par mois en 2011 et je me réjouissais au fond de moi-même. Mais j’ai été informée après que cette haute rémunération était due principalement aux postes en Afrique. (E13)

Le statut privilégié dont bénéficient les diplomates, le respect et l’honneur dont jouissent les grands savants, les responsabilités des fonctionnaires dans les échanges internationaux, le salaire élevé des employés des entreprises publiques investies en Afrique contribuent à la formation de l’image positive de la discipline FLE. D’ailleurs, la discipline FLE est appréciée pour ses débouchés professionnels.

Ma famille a soutenu ma candidature à la spécialité de français parce que ce serait facile de trouver du travail dans les grandes villes pour un(e) diplômé(e) de français.

(E7)

Ma mère m’a conseillé de postuler au français parce qu’elle trouvait pas mal le débouché des LE, bien meilleur que celui de la spécialité d’histoire. (E8)

J’ai su qu’il y avait plusieurs possibilités : on pourrait être professeur dans des universités ou des établissements privés, travailler à l’étranger, ou poursuivre des études d’autres disciplines à l’aide du français. (E16)

Pourtant, la dernière phrase de l’étudiante 13 a dévoilé l’angoisse et l’inquiétude des interviewés au sujet d’incertitude professionnelle en Afrique. Des doutes sur le travail en Afrique ont été exprimés par d’autres interviewés.

J’ai su les deux choix professionnels : l’un est d’aller en Afrique, l’autre est de devenir enseignante, mais je ne m’attendais pas à la propagation du virus Ebola en Afrique. (E5)

On m’a dit que si l’on travaillait en s’appuyant sur la spécialité de français, on serait obligé de travailler en Afrique. Mais moi, je ne veux pas y aller, c’est très loin de la Chine, les conditions de travail sont très dures malgré les bonnes

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rémunérations. C’est ennuyeux de ne pas pouvoir rentrer à la maison. […]

D’ailleurs, on n’est capable que de faire de simples traductions et interprétations.

(E15)

La discipline FLE était considérée comme une discipline peu utile dans le futur, parce que beaucoup d’étudiants ont exclu le travail en Afrique à cause des conditions de vie inférieures par rapport à la Chine. Les travailleurs expatriés risqueraient d’atteindre des maladies contagieuses ou d’être confrontés à des troubles sociaux ou militaires. Selon ces explications, le travail en Afrique ne leur permet pas de réussir.

Le métier de traducteur-interprète souffre d’ailleurs du mépris de l’opinion publique à cause de sa place inférieure dans la hiérarchie sociale.

Certains informateurs ont cru que la discipline FLE n’assurait pas un « débouché prometteur » pour les diplômés de FLE. Ils ne joueraient pas un rôle important dans la société chinoise et auraient donc « peu d’avenir professionnel ».

Je n’avais pas l’intention d’exercer un travail relatif au français au début. […]

Après un stage dans une banque, j’ai trouvé qu’il n’existait pas de soi-disant

« travail extraordinaire », ni de « travail subalterne ». (E6)

Lors d’une réunion d’amis après le Gaokao, mes camarades du lycée m’ont félicité en disant que je serais diplomate au Ministère des Affaires étrangères ou grand traducteur, mais je sais très bien qu’à leurs yeux, je n’allais acquérir que de simples compétences linguistiques. (E8)

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, puisqu’une langue était identifiée par la plupart d’entre eux à un instrument, le travail de traducteurs/interprètes était donc jugé comme peu créatif, parce qu’au lieu d’être responsable d’une décision, les traducteurs/interprètes ne faisaient que transmettre des pensées ou des informations des autres.

Enfin, la discipline FLE a été également considérée comme « utopiste » car on ne voit pas son utilité dans la vie quotidienne des Chinois moyens. Son utilité limitée est aussi due à une internationalisation moins importante dans les provinces non côtières de la Chine.

Je voulais apprendre une langue comme spécialité, mais ma famille n’était pas de

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cet avis : ils ont respecté mon choix en paroles, mais ils croyaient que les spécialités d’économie ou de gestion seraient plus avantageuses et présenteraient plus d’utilité dans le futur. (E4)

Ma mère ne m’a pas donné son soutien : elle croyait qu’il vaudrait mieux apprendre les disciplines plus « près de la terre » telles que la finance, le droit, la comptabilité, etc., alors que la discipline FLE « flotte sur le ciel ». (E22)

Si j’apprenais une spécialité comme la finance, le commerce ou l’économie, je pourrais trouver un travail dans une banque ou une société dans ma ville natale.

Mais le français, à quoi ça sert dans une petite ville ?

À part les représentations originelles de la discipline FLE dans son ensemble, les interviewés avaient un jugement sur cette discipline à RUC qui se distinguait des autres disciplines et de la même discipline dans les autres universités.

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