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discipline  mathématiques 

Jérémy Dehon

Ÿ ¶ 1,2,3

, Philippe Snauwaert

1,2,3

1 Université de Namur (UNamur)  Belgique

2 Unité de recherche en didactique de la chimie (URDiC)  Belgique

3 Institut de Recherche en Didactique et Education de l'UNamur (IRDENa)  Belgique

Introduction

L'équation chimique constitue l'un des jalons essentiels dans le processus d'enseignement- apprentissage de la chimie dans l'enseignement secondaire en Belgique francophone. Les re- cherches en didactique de la chimie de ces trente dernières années ont montré que les jeunes apprenants éprouvent de nombreuses dicultés dans la réalisation des deux tâches principales qui comprennent l'équation chimique : son interprétation et/ou sa construction (Taskin et Bern- holt, 2014).

Or, il apparaît qu'une partie de ces dicultés réside dans la double fonction de l'équation chimique : véhiculer à la fois la conservation de grandeurs physiques (masse, charge, nombre d'entités) durant la réaction chimique et la transformation des substances en d'autres substances. Cette ambivalence conservation/transformation est supportée par des symboles diérents. La conservation des grandeurs est massivement rendue par des signes empruntés aux mathématiques (signe  + , terme  équation , signe  =  dans certains cas), alors que la transformation des substances est rendue par des signes construits par et pour les chimistes (èche de réaction, formules chimiques, indice, etc.). Certaines signications propres aux mathématiques sont ainsi parfois erronément appliquées par les élèves dans le cadre de la discipline  chimie , de par l'existence de symboles communs dans les systèmes sémiotiques des deux disciplines.

1. Questions de recherche

Nous allons interroger la manière dont les chimistes se sont positionnés par rapport aux mathématiques au cours de la construction de l'équation chimique de l'alchimie à nos jours. Nous posons deux questions de recherche :

(1) De quelle manière la construction historique de l'équation chimique rend-elle compte des questionnements épistémologiques sur la relation entre mathématiques et chimie ?

(2) Quelles conséquences peut-on mettre en lumière pour l'enseignement actuel de la chimie ?

Ÿ. Intervenant

2. Méthodologie

Notre étude épistémologique prend appui sur des références fortes dans les recherches en didactique de la chimie portant sur l'histoire de la discipline, vue selon le prisme de la construction de son langage symbolique (par exemple : Dagognet, 1969 ; Laszlo, 1993 ; Klein, 2002 ; Edeline, 2009). Elle se nourrit également de l'analyse des textes originaux des principaux contributeurs à la construction de l'équation chimique (par exemple : Lavoisier, 1789 ; Berzelius, 1813). Il s'agit de repérer les moments-clés de ruptures ou d'évolutions dans les relations entre mathématiques et équation chimique, et d'en expliquer les origines. La mise en perspective de ces moments- clés doit rendre compte de processus plus globaux qui structurent la construction de l'équation chimique. Cette trame historique peut alors être confrontée à certaines dicultés d'élèves face à la symbolique chimique, ainsi qu'aux récentes propositions de l'International Union of Pure and Applied Chemistry (IUPAC).

3. Résultats

Notre étude épistémologique révèle deux processus globaux.

Dans un premier temps, notre analyse montre une désubstantialisation progressive du sym- bole chimique liée à une mathématisation de l'équation chimique. En eet, l'image alchimique était un condensé de la substance en une image, un équivalent  magique  et stylisé. Cette (sur)substantialisation du signe est graduellement gommée par les intentions normatives de Dal- ton qui impose un décalage entre le symbole et les propriétés de la substance, et de Berzelius qui nit par ne garder qu'un lien langagier entre les symboles et la substance ( abréviation  du terme). Klein (2002) a relevé que c'est précisément cette désubstantialisation du symbole qui a permis aux chimistes de se saisir de la notation symbolique de Berzelius et d'en faire un  outil de papier  explicatif et prédictif, d'un point de vue quantitatif. En ajoutant des chires caractéristiques (coecient, exposant) aux symboles chimiques, Berzelius renforce ainsi la mathématisation explicite de l'équation chimique initiée par Lavoisier dès 1789.

Dans un second temps, à partir de 1830, une distanciation par rapport aux mathématiques, doublée d'une re-substantialisation des équations chimiques, s'opère et se développe. Une série de modications majeurs s'accumule en moins d'un demi-siècle : les représentations iconiques microscopiques permettent d'incarner les entités chimiques en décrivant leur structure à partir d'une formule symbolique ; Liebig repositionne en indice du symbole chimique le chire indiquant la composition, initialement placé en exposant par Berzelius ; le signe  =  est remplacé par une ou des èche(s) de réaction ; le terme  équation  est débattu et remis en question par des professeurs inuents.

Le lien avec certaines dicultés éprouvées par les élèves est parfois direct : la  sténographie  dé-substantialisée de Berzelius (Dagognet, 1969) est ainsi à l'origine du fait que de nombreux élèves ne voient dans le symbole chimique qu'une abréviation d'un terme (Taskin et Bernholt, 2004). Confrontés au vide sémantique du symbole chimique, les élèves ont alors tendance à convoquer des signications parfois issues d'autres champs, ou à utiliser des démarches algorith- miques performantes (notamment pour la pondération des équations chimiques) sans lien avec les substances aux niveaux macroscopique et microscopique. L'utilisation ecace de la symbolique chimique à des ns quantitatives (autrement dit, sa  mathématisation ) semble impliquer une déconnexion avec les concepts chimiques que ces symboles représentent.

Conclusions

Cette oscillation entre rapprochement et distanciation des deux champs disciplinaires dé- bouche aujourd'hui sur la recherche d'un dicile équilibre dans le cadre de l'enseignement de la

chimie. La proposition de l'IUPAC de permettre la coexistence d'un signe  =  et de èches dans les équations de réaction, en fonction des intentions de l'auteur, est un produit de cette recherche. Cependant, les programmes de chimie de FWB continuent à prôner le seul recours aux èches de réaction et à ne pas prescrire l'usage du signe  = , tout en imposant la résolution d'exercices numériques. Le dilemme des professeurs de chimie est plus que jamais posé : il s'agit donc bien, d'un côté, de  démathématiser  (un peu) la symbolique chimique et, d'un autre côté, de maintenir un lien fort entre les deux champs disciplinaires notamment quand les élèves doivent pondérer une équation chimique ou résoudre un problème st÷chiométrique.

Références bibliographiques

Berzelius J.J. (1813-1814). Essay on the Cause of Chemical Proportions, and on Some Cir- cumstances Relating to Them : Together with a Short and Easy Method of Expressing Them. Annals of philosophy, n◦ 2, pp. 443-454.

Dagognet F. (1969). Tableaux et langages de la chimie  Essai sur la représentation. Paris : Seuil.

Edeline F. (2009). Les fonctions sémiotique et heuristique des symboles chimiques : ou de l'icône au symbole et retour. Protée, vol. 37, n◦ 3, pp. 45-66.

Klein U. (2002). Berzelian formulas as paper tools in early nineteenth-century chemistry. Foundations of chemistry, vol. 3, 2001, p. 7-32.

Laszlo P. (1993). La parole des choses. Paris : Hermann, éditeur des sciences et des arts. Lavoisier A.-L. (1789). Traité élémentaire de chimie. Cuchet Librairie, Paris, reproduction de l'édition originale, Culture et Civilisation, Bruxelles, 1965, Librairie Blanchard, Paris, p. 151. Taskin V. & Bernholt S. (2014). Students'understanding of chemical formulae : a review of empirical research. International Journal of Science Education, vol. 36, n◦1, pp. 157-185.

Comment un dispositif didactique appliqué