1 Laboratoire d'Épistémologie et De Didactiques des Disciplines (Lab-E3D) Université de Bordeaux
49, rue de l'école normale - 33021 Bordeaux, France
2 Laboratoire d'épistémologie et de didactiques des disciplines de Bordeaux (Lab-E3D) Université de
Bordeaux, ESPE d'Aquitaine, 49 rue de l'école normale, 33021 Bordeaux cedex, France
Notre recherche, à la fois longitudinale, comparatiste et qualitative, se positionne dans le cadre de la théorie historique et culturelle et des approches énonciatives et pragmatiques du langage dans une perspective bakhtinienne, nous amenant à considérer que, pour apprendre, les élèves doivent s'inscrire dans les disciplines et adopter les positions énonciatives pertinentes par rapport aux savoirs en jeu en situation d'enseignement. Par son caractère longitudinal, elle vise à mettre en évidence les éventuelles transformations et le long processus de construction et d'évolution des postures associés à la construction des apprentissages. Dans sa dimension com- paratiste, elle étudie l'activité des élèves lors d'apprentissages en français et en sciences. Enn, dans sa dimension qualitative, elle utilise des transcriptions nombreuses et précises des interac- tions langagières enregistrées lors d'entretiens d'élèves et d'enseignants, ainsi que la description minutieuse de l'activité des élèves et de l'action conjointe maître-élève(s) observées dans les vi- déos réalisées durant trois années de recueil du corpus. Cette recherche descriptive témoigne de pratiques ordinaires dans lesquelles le chercheur n'intervient ni sur les pratiques enseignantes, ni sur la vie quotidienne de la classe.
Cette étude mobilise plusieurs concepts de la didactique dont celui de posture emprunté aux travaux de Bucheton (1998) et déni comme schème d'actions cognitives et langagière disponibles, préformées, que le sujet convoque en réponse à une situation rencontrée... proces- sus diérenciateurs dans la réussite scolaire selon les milieux sociaux , aux travaux de Bautier, Manesse, Peterfalvi, Verin (2000) et plus particulièrement à ceux de Rebière (2000 ; 2001) qui l'a redéni considérant que les positionnements contextuels spontanés , décrits en termes de postures , peuvent être modiés par l'enseignement. Mais dans ses emplois plus récents, il interfère avec des concepts proches tels que rapport au savoir (Charlot, 1997 ; 1999 ; Reuter, Cohen-Azria, Daunay, Delcambre, & Lahanier-Reuter,2007), position énonciative (Maingue- neau, 1984 ; 1996 ; Jaubert & Rebière, 2011), contexte (Brossard, 2001 ; Grossen, 2001 ; Lhoste, 2014), communauté discursive disciplinaire scolaire (Bernié, Jaubert & Rebière, 2003), ou conscience disciplinaire (Reuter, 2007).
Deux hypothèses sont envisagées : La première étant qu'une conscience de l'appartenance à une communauté discursive disciplinaire scolaire (Jaubert & Rebière, 2012) pourrait amener élèves et enseignants à adapter leur façon d'agir-parler-penser à la discipline concernée et jouerait un rôle dans l'apprentissage et la construction des postures dès la n de l'école maternelle. La deuxième étant que la compréhension de cette construction précoce de postures et de la manière
dont elles se construisent et se stabilisent ainsi que la connaissance des gestes professionnels les plus adaptés pour permettre des changements de postures chez les élèves, faciliteraient l'action des enseignants dès le début des apprentissages fondamentaux pour une plus grande réussite des élèves.
Notre étude s'appuie sur le suivi de onze élèves d'une école bordelaise entre la grande section de maternelle (5 ans) et le cours élémentaire première année (7 ans), an d'observer la construc- tion et l'évolution de leurs positionnements énonciatifs dans les deux disciplines ciblées, et de tenter de comprendre la construction des postures, car la posture convoquée témoigne [...] de la position énonciative adoptée parce que jugée pertinente dans un contexte donné (Rebière, 2001). Ainsi, ces élèves ont été soumis à plusieurs entretiens individuels selon un questionnement identique (n de GS, début et n du CP et du CE1), qui ont été retranscrits et analysés pour établir l'évolution de leurs représentations des apprentissages scolaires, et plus particulièrement pour chacune des deux disciplines. En parallèle, des entretiens individuels ont été menés, trans- crits et analysés, avec chacun des trois enseignants de la cohorte en début et en n d'année, sur leurs objectifs d'apprentissage dans les deux disciplines, sur ce que signie faire des sciences , apprendre à lire et à écrire ou faire du français au niveau où ils enseignent, et sur ce qu'ils pensent des postures des onze élèves et de leurs aptitudes à apprendre. Enn, des séances de classe ont été lmées dans les deux disciplines, dès la GS, pour observer diérents positionne- ments énonciatifs chez les élèves, qui nous inciteraient à envisager des postures naissantes ou déjà en voie d'installation. Par la suite, de nombreuses séances (français et de sciences) ont été lmées tout au long du CP et du CE1, pour repérer une éventuelle évolution à partir de retranscriptions ciblées.
Nous n'avons à ce jour pu analyser que la partie recueillie lors des entretiens, permettant de comparer dans le temps et en fonction des enseignements, quelques éléments de l'ordre du discours sur les activités hors contexte de classe, et d'appréhender ainsi un point de vue subjectif sur l'évolution des représentations des élèves et des enseignants concernés. Si nous avons constaté que les élèves ont besoin de temps pour comprendre les attentes disciplinaires, l'analyse partielle actuelle de notre corpus nous renseigne peu sur les modalités de construction d'une posture spécique dans chaque discipline car il convient de comparer ce que les élèves disent hors de la classe et en situation d'enseignement, lieu de possibles déplacements énonciatifs, ce que nous envisageons de faire à partir des enregistrements vidéo. Par ailleurs, si les entretiens révèlent que les enseignants accordent une place limitée aux savoirs scientiques, nous laissant envisager que les choix d'enseignement pourraient avoir une inuence sur la construction des postures des élèves, il convient de comparer leurs discours hors situation et lors des pratiques disciplinaires, pour voir s'ils concordent et si leur propre activité langagière facilite le déplacement des positions énonciatives des élèves, nécessaire à la construction de postures adaptées à la construction des savoirs dans chacune des disciplines. Nous espérons alors mettre en évidence une corrélation entre posture et discipline, ainsi qu'un impact possible de la façon dont les enseignements disciplinaires sont mis en ÷uvre dans la construction des postures des élèves. Nous souhaitons ainsi faire apparaître des relations éventuelles entre la construction de ces postures, leur rigidication ou leur évolution, et la construction de dicultés scolaires, et tenter de fournir des indicateurs pour comprendre la construction et le rôle précoce des postures dans la construction des inégalités scolaires.