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CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE

1.2 LA RECENSION DES ÉCRITS

1.2.1 Le début de carrière : les difficultés

1.2.1.3 Les difficultés pédagogiques

Pour les nouveaux enseignants, les difficultés pédagogiques sont nombreuses et les défis, nombreux à relever (Baillauquès et Breuse, 1993; Chouinard, 1999; Duchesne et Kane, 2010; Gervais, 1999; Gingras et Mukamurera, 2008; Hétu, Lavoie et Baillauquès, 1999; Mukamurera, 1998; Mukamurera et Balleux, 2013). Nous divisons ces difficultés en deux catégories : celles causées par l’enseignement et celles reliées à la gestion de classe.

D’une part, les difficultés pédagogiques font références aux difficultés causées par l’enseignement. Puisque les nouveaux enseignants se voient souvent attribuer des tâches

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comprenant plusieurs matières et plusieurs niveaux, ils doivent surmonter le défi de la planification. Une étude réalisée par Duchesne et Kane (2010), de l’Université d’Ottawa, démontre l’impact des planifications multiples chez les enseignants débutants :

Des enseignants qui ont participé aux entrevues se sont exprimés sur les difficultés qu’ils ont eues, en début d’année, à développer une vision à long terme des programmes d’études dont ils étaient responsables et à tenir compte des prescriptions de ceux-ci, au quotidien. […] La préparation et la présentation de leçons qui tiennent compte des besoins, des caractéristiques et des capacités des apprenants lorsque l’on retrouve, à l’intérieur d’une même classe, des élèves dont les besoins d’apprentissage sont différents se sont également avérées être des difficultés non négligeables pour les enseignants débutants (Duchesne et Kane, 2010; p.75).

Ainsi, les planifications pour plusieurs niveaux et pour plusieurs matières demandent plus de temps et plus d’énergie à un enseignant débutant qu’à un enseignant d’expérience (Gervais, 1999; Gingras et Mukamurera, 2008). Quand, en plus, ces planifications ne sont pas en lien avec la formation, ce qui est une situation récurrente chez les nouveaux enseignants (Gingras, 2006; Mukamurera, 1998; Nault, 1993), la tâche est encore plus grande.

L’évaluation des apprentissages semble également être une tâche complexe pour les nouveaux enseignants, qui ne sont pas tout à fait prêts à cette réalité. Les responsabilités (à l’égard des élèves, de la direction, des collègues et des parents) provenant de cette tâche peuvent apporter stress et angoisse aux nouveaux enseignants. De plus, c’est généralement seulement lors de leurs premières expériences que ces derniers découvrent « la nécessité de concevoir des stratégies pour recueillir des données d’évaluation qui témoignent des progrès de leurs élèves » (Duchesne et Kane, 2010; p.76).

D’autre part, les difficultés pédagogiques peuvent aussi être associées à la gestion de classe6 (Borman et Dowling, 2008; Chouinard, 1999; Gingras et Mukamurera, 2008;

Léveillé et Dufour, 1999; Mukamurera et Balleux, 2013; Schaller et Pickard, 1992). En

6 Dans le cadre de cette recherche, nous considérons le concept de la gestion de classe tel que défini par

Archambault et Chouinard (2009) : « l’ensemble des pratiques éducatives auxquelles les enseignants d’une équipe-cycle ont recours afin d’établir, de maintenir et, au besoin, de restaurer dans la classe des conditions propices au développement des compétences des élèves » (Archambault et Chouinard, 2009; p.15).

1999, Léveillé et Dufour avaient soulevé que la gestion de classe était la difficulté première des enseignants et, principalement, des nouveaux enseignants. Plus récemment, Mukamurera et Balleux (2013) ont également soulevé cette préoccupation : « les enseignants soulèvent aussi le problème des groupes-classe de plus en plus difficiles au plan comportemental. À cet égard, ils se plaignent de devoir faire davantage de gestion disciplinaire et d’éducation que d’enseignement proprement dit » (Mukamurera et Balleux, 2013; p.61). Les enseignants, n’étant pas en mesure de centrer leur enseignement sur les contenus, auraient tendance à être plus autoritaires que les enseignants plus expérimentés, dans le but de corriger leur sentiment de perte de contrôle (Chouinard, 1999). En outre, l’étude de Rojo (2009) démontre que la gestion de classe apparait comme un élément très stressant chez les enseignants débutants : « elle peut devenir, pour certains, un acte policé et pour d'autres, une preuve de faiblesse et de perte de crédibilité. […] Il faut dire que la gestion de classe est considérée comme une compétence essentielle à un enseignant qui conditionnera sans doute son avenir professionnel (Nault et Fijalkow, 1999) » (Rojo, 2009; p.104). L’étude de Sauvé (2012) va dans le même sens que celle de Rojo (2009); d’après l’auteur, la gestion de classe est le premier facteur d’attrition des enseignants. À cela s’ajoute l’intégration des élèves en difficulté, qui exige aux enseignants de jouer plusieurs rôles pour lesquels ils n’ont pas été formés (Sauvé, 2012).

Gingras et Mukamurera (2008), quant à la gestion de classe, démontrent également les impacts négatifs causés par la mobilité. D’après elles, les multiples changements d’écoles demanderaient continuellement aux enseignants de s’adapter à de nouvelles règles, à de nouvelles procédures d’intervention et à de nouvelles conséquences – par exemple retenues, appels aux parents, reprise de temps. Ainsi, leurs interventions seraient moins efficaces ou mal adaptées. « Par ailleurs, lorsqu’on ne fait que passer dans une école ou dans une classe, on n’est pas considéré par les élèves comme leur vrai enseignant, ce qui nuit à la position d’autorité. Cela affecte du même coup l’efficacité des interventions auprès des élèves en matière de gestion de classe qui, en conséquence, devient plus exigeante qu’elle ne l’est déjà pour le débutant » (Gingras et Mukamurera, 2008; p.213). Quant à la mobilité, Sauvé (2012) a trouvé que le troisième facteur en importance de l’attrition des enseignants est la mauvaise qualité des relations avec les collègues. En effet, les enseignants qu’il a interrogés ont exprimé que la solitude causée par la mobilité rendait leur

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insertion professionnelle complexe. Ils ont exprimé la difficulté qu’ils ont eue à s’intégrer dans des milieux souvent individualistes, où régnaient déjà beaucoup de conflits internes. Ils avaient donc peu de soutien et se sentaient jugés. Pourtant, on sait que le soutien proposé aux nouveaux enseignants et la collaboration avec le milieu jouent un rôle important dans la persévérance en enseignement (Smith et Ingersoll, 2004).