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Dessins animés et comédies, le cas de Megamind (2010) 0.10

Nous ne parlerons des films destinés à un public infantile que s’ils démontrent un quelconque déclin. Teenage Mutant Ninja Turtles122(1990) figure parmi les textes du corpus, mais n’est pas utilisé dans notre argumentaire. En revanche un dessin animé sur grand écran comme The

Incredibles (2004) sera mentionné plusieurs fois dans le corps de ce travail, tout comme Megamind

(2010), qui offre une perspective inédite sur la superhéroïtude au début du vingt-et-unième siècle, comme nous le verrons dans un instant.

Tableau 13 : Dessins animés produits de 2004 à 2010

Dessins animés ou apparentés

The Incredibles (2004) - Buena Vista Son of the Mask (2005) - NewLine

Underdog (2007) - Buena Vista Bolt (2008) - Buena Vista Megamind (2010) - Dreamworks

Les animes123, particulièrement nombreux dans le genre superhéroïque, seront complètement

122

La version mentionnée ici est celle sur grand écran, également appelée Teenage Mutant Ninja Turtles: The

Movie. Pour ce qui est des animes, voir le paragraphe suivant.

exclus du périmètre de notre analyse, pour trois raisons : ces textes sont légion124 ; ils ont une diffusion restreinte, et jamais sur grand écran ; technologiquement ils proviennent de studios japonais ou de studios américains utilisant un mode de narration, et des codes discursifs japonais, avec des personnages à mille lieues du modèle de superhéros américains que nous avons délimité plus haut.

Une comédie superhéroïque appartient-elle au genre de la comédie, ou bien au genre superhéroïque ? La réponse à cette question n’est pas centrale à notre propos. L’entrée de l’humour débridé dans l’univers superhéroïque prouve avant toute chose que le film de superhéros est un genre à part entière. Cependant, une parodie, un traitement comique des superhéros, conduit inévitablement, selon nous, au même résultat d’affaiblissement du mythe.

Les quatre cycles définis par Louis Giannetti125 donnent la mesure du genre superhéroïque sur grand écran à l’heure où nous écrivons ces lignes. Superman (1978) en a démarré le cycle « primitif » ; Batman (1989) a installé le cycle « classique » ; X-Men (2000) et Spider-Man (2002) ont contribué chacun à leur manière à la « révision » du genre (voir volets sur le corps, puis sur l’esprit, aux points 1.2 et 2.2, respectivement) ; enfin comédies et dessins animés ont entamé le cycle « parodique » en 2004. Si l’on admet ces répartitions, le genre superhéroïque serait non seulement un genre à part entière, ce qui répond à l’interrogation fondamentale de certains commentateurs, mais ce genre serait également sur le point de devenir un paradigme décadent, jusqu’à disparaître des écrans, comme l’a fait le Western. Nous ne hasarderons pas le moindre pronostic quant à l’échéance programmée de ce phénomène. Après tout, les recettes des films de superhéros étaient encore au zénith en 2013.

Les films humoristiques tournant en dérision les superhéros sont assez nombreux, particulièrement au vingt-et-unième siècle, avec environ 10% de la production totale. Citons par exemple Superhero

Movie (2008), Megamind (2010), Kick-Ass (2010), My Super Ex-Girlfriend (2006), Chronicle (2012),

ou d’autres dont nous ne parlerons pas, comme Bulletproof Monk (2003) ou Black Supaman (2007). Il y avait eu diverses tentatives d’humour auparavant, comme Captain Avenger (1980), ou encore

Orgazmo – (Capitaine Orgazmo)126 (1997), mais elles n’avaient jamais trouvé leur public. Alors que les films ci-dessus, produits après 2005, ont réalisé des résultats plus qu’honorables. Kick-Ass, par

124

Les animes sont le plus souvent des séries TV.

125

GIANNETTI, Louis. Understanding Movies. Boston: Allyn & Bacon, 2011, page 359.

126 Orgazmo est un superhéros hypersexué qui combat le crime avec l’aide de son Orgazmorator, et le soutien de son acolyte ChodaBoy. Bilan final des recettes : $602,302. Aucune vente à l’export.

exemple, a rapporté près de 100 millions de dollars127 ; et Superhero Movie plus de la moitié.

Tableau 14 : Comédies produites entre 2005 et 2012

Année Comédies

2005 Son of the Mask, Sky High

2006 My Super Ex-Girlfriend

2008 Superhero Movie

2011 The Green Hornet

2012 Chronicle

Le succès de ces films parodiques, qu’il s’agisse de dessins animés ou de comédies, est indicateur de déclin, comme nous l’avons évoqué plus haut, puisqu’il fait inexorablement progresser le genre superhéroïque d’un cycle. Le film parodique est à l’image du « copycat » dans The Dark Knight. Il est censé être neutralisé et mis à l’écart à l’intérieur de la structure narrative. Mais si la foule l’acclame, alors le destin de son modèle est scellé. Car c’est la copie qu’on applaudit, et non plus l’original, lequel est de facto dévalorisé.

Cette dernière constatation est symptomatique des textes superhéroïques de la période 2005-2010, mais cela ne veut pas dire pour autant que le cycle parodique soit insignifiant en soi. Le dessin animé Megamind (2010) est un exemple saisissant et un peu extrême de cette dérive, qui est assez comparable à un jeu de chaises musicales. Ce texte relate les aventures, et le triomphe, de Megamind, lequel est, non pas un superhéros, mais un superméchant. Nous voilà donc confrontés au premier film de superméchant dans le genre. La vie de Megamind bascule lorsqu’après des années de frustration et de lutte il tue le superhéros Metro Man, défenseur de Metro City. Megamind se retrouve donc seul au monde. Pour combattre son insupportable solitude il s’invente un robot superhéroïque nommé Titan, lequel découvre rapidement qu’il est beaucoup plus jouissif d’être un superméchant qu’un superhéros. La conclusion de ce film voit donc le superméchant donner la chasse à un superhéros qui a mal tourné. Où est le bien ? Où est le mal ? Qui est le superhéros ? On y perd son latin. On pourra arguer du fait que Megamind est un film parodique, voire un film comique, de façon à relativiser l’importance de ce phénomène. Mais cette confusion des rôles est de mise dans un grand nombre de textes superhéroïques sortis après le premier mandat de George W. Bush. L’explication de ce phénomène est multiple. Mais la raison principale

nous en paraît être que l’absence d’armes de destruction massive en Irak a conduit une partie de l’opinion publique américaine à douter non seulement de la justification de l’invasion de ce pays, mais également de l’action globale de ses forces armées (cf. point 3.3.9). Le dilemme exposé dans

Megamind est le reflet de cette remise en question.

Megamind nous a permis de procéder à une observation corollaire. Ce film introduit dans la

formule du discours superhéroïque un élément nouveau, qui est celui du robot Titan. Notre nouvelle formule contient donc trois silhouettes superhéroïques et non plus deux : Metro Man (le bon), Megamind (le méchant), et enfin Titan (le bon qui devient mauvais). Quelle valeur a ce dernier personnage ? Trouve-t-on d’autres illustrations de cette tierce personne dans d’autres textes superhéroïques récents ? Nous y voyons, quant à nous, l’émergence de la figure d’un bouc émissaire, point que nous développerons plus tard (cf. point 2.4).

Conclusion

0.11.

Nous avons défini dans cette première partie ce qu’était un superhéros, et les divers types de films superhéroïques produits à partir de 1978, du monomythe au(x) polymythe(s). Puis nous les avons classés en trois époques distinctes. A défaut de données critiques fiables, nous avons retenu en priorité dans notre corpus les films dont les résultats commerciaux étaient les meilleurs. Nous n’avons pas hésité, cependant, à retenir des textes moins populaires, mais qui offraient une perspective intéressante pour notre étude.

La liste complète des films du corpus est donnée dans la filmographie, mais elle figure également dans des tableaux, en annexe 1 et en annexe 2, avec des données supplémentaires, comme le studio d’origine, ou bien les résultats commerciaux de chacun. Tous ces films se réclament, de près ou de loin, d’un certain caractère qu’il est courant d’associer avec le superhéros, et que nous qualifierons de « super héroïque », ou « superhéroïque » par commodité. Par ailleurs nous nommerons ici « superhéroïtude », pour la même raison, le faisceau des multiples traits et valeurs superhéroïques que l’on peut recenser dans l’univers superhéroïque sur grand écran. Le superméchant est l’adversaire du superhéros, et ainsi de suite. Le lecteur voudra bien nous pardonner tous ces super néologismes. Outre ces inventions lexicales, nous avons défini dans cette première partie un certain nombre de termes et de concepts dont nous allons faire usage dans le reste de ce travail, qu’il s’agisse, pêle-mêle, de reboots, de films tétrasomatiques, ou de continuité croisée entre Superman (1978), Batman (1989) et Spider-Man (2002).

La sélection du corpus a permis de déceler certaines anomalies dans des films, qui revisitent la formule traditionnelle du film de superhéros, comme c’est le cas pour Megamind. Suite à l’observation du film Max Payne, nous n’avons pas hésité à inclure certains textes qui n’entraient pas, a priori, dans le périmètre du genre. C’est le cas, principalement, d’Avatar.

Au final, nous avons visionné et re-visionné pour ce travail un corpus important, de quelque cent-vingt films produits à partir de 1978, certains majeurs, d’autres mineurs, qui appartiennent à ce que nous considérons comme un genre à part entière, pour les raisons que nous avons mises en avant dans ce qui précède. Comme nous l’avons également souligné, l’apparition de films comédiques et de dessins animés sur le thème de la superhéroïtude tend à démontrer que ce genre pourrait être un paradigme décadent à l’heure où nous écrivons ces lignes. Ce phénomène est partiellement confirmé par le retour à des trames scénaristiques à plusieurs monomythes, comme The Avengers (2012, ou le projet d’un Justice League of America en 2014-2015), dans lequel on se préoccupe plus de péripéties que d’éthique. Dans cette logique, The Avengers (2012) a plus de traits communs avec

Batman (1966) qu’avec Batman (1989) ou avec The Dark Knight Rises (2012), et perd, de facto, de

Introduction à la première partie