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Chapitre 2 - Pourquoi étudier les conditions de vie au travail des éleveurs

4. Les éleveurs pluriactifs : des situations privilégiées d’observation de l’aménagement

4.1. Des contraintes d’organisation du travail a priori exacerbées

Faire de l’agriculture (et à fortiori de l’élevage) et au moins un autre travail constitue une

situation qui exacerbe potentiellement les difficultés d’organisation du travail, rencontrées

plus généralement en élevage, car cette situation est susceptible de cumuler trois types de

difficulté liées à une durée excessive de travail et des problèmes de disponibilité, à la

complexité de l’articulation de rythmes différents, variables voir imprévisibles, à une charge

mentale excessive.

4.1.1. Une durée importante de travail et une disponibilité limitante

Plusieurs études pointent la durée importante de travail générée par la combinaison

d’activités, ainsi que la disponibilité réduite des membres du ménage pour réaliser l’activité

agricole du fait de leurs autres activités.

Haugen et al. (2005) ont évalué la durée totale de travail de femmes dans 935 ménages

agricoles norvégiens en 1995 en cumulant les durées du travail agricole, du travail en dehors

de la ferme, du travail domestique, et du soin non payé à d’autres enfants que les leurs. Ils ont

montré que c’étaient les femmes agricultrices pluriactives qui travaillaient en moyenne

hebdomadairement significativement plus (71.8+/-18.4 heures/semaines) que les femmes au

foyer (31+/-14.5 heures/semaines), les femmes qui travaillent majoritairement sur la ferme

(64+/-19.5 heures/semaines) ou majoritairement en dehors (54.7+/-12.9 heures/semaines).

Dans leur étude de la combinaison d’activités des ménages agricoles en région Rhône-Alpes à

la fin des années 1990, Laurent et al. (2000) rapportent que « les ménages agricoles […]

renvoient [aux organisations professionnelles agricoles] les problèmes d’organisation du

travail ou de surcharge de travail résultant de la pluriactivité ».

Blanchemanche (2000, p334-335) a montré que la marge de manœuvre temporelle des

ménages agricoles combinant des activités, une fois le travail agricole réalisé, variait du

simple au quadruple, et qu’elle pouvait être extrêmement réduite. Pour cela elle a calculé pour

24 ménages agricoles combinant des activités en Rhône-Alpes (France) le solde disponible

calculé, avec la méthode Bilan Travail (Dedieu et al., 2000). Le solde disponible calculé

(SDC) est « le volume de temps qui reste aux actifs du ménage, lorsque le travail d’astreinte,

le travail de saison, et le travail rendu ont été effectués pour accomplir les autres tâches

nécessaires au fonctionnement de l’exploitation (entretien du matériel et des bâtiments,

comptabilité…, etc.) ou à celui des autres activités et pour disposer de temps libre ». Ce

solde renvoie au temps disponible de travail une fois la plus grosse partie du travail agricole

effectuée (tout sauf l’entretien du matériel, le travail administratif) ; « il a été calculé sur une

base de travail équivalente à 8 heures par jour, durant 7 jours par semaine ». Trois ménages

avaient aucune marge de manœuvre temporelle (SDC<300 heures par personne par an) ; à

l’opposé trois ménages avaient une importante marge de manœuvre (SDC>1300 heures par

personne par an), ils n’étaient pas saturé par les tâches impératives. Entre ces deux situations

« extrêmes », huit ménages avait peu de marges de manœuvre (300< SDC< 650 heures par

personne par an) et dix en avaient beaucoup (650<SDC<1300 heures par personne par an). Au

total, presque la moitié des ménages avaient « aucune ou peu de marge de manœuvre »,

compte tenu de la durée des tâches impératives réalisées par les membres du ménage.

Mage (1976) aux Etats-Unis, dans les années 70, interprète la plus petite taille des

exploitations et les moindres performances économiques des agriculteurs à temps partiel

comme la conséquence du manque de disponibilité de la main-d’œuvre. Il a ainsi mis en

évidence des seuils à partir desquels « l’augmentation de l’engagement dans un travail à

l’extérieur de la ferme de l’agriculteur modifie la taille moyenne des exploitations et le niveau

moyen des performances économiques agricoles ». Mundler et al. (2003) rapportent

également qu’un frein au développement de la combinaison d’activités est lié au fait que

quand un individu impliqué beaucoup ou non sur l’exploitation agricole exerce une activité

hors de l’exploitation, cela réduit sa présence sur l’exploitation et génère de nouvelles

difficultés d’organisation: « la réduction du collectif de travail poserait alors des problèmes

nouveaux tenant à la nécessité d’assurer une présence sur l’exploitation, de bénéficier de

Charreire et al. (1979) rapportent que « 75% des agriculteurs à temps partiel de la montagne

vosgienne [estimaient] que leur principale difficulté [était] le manque de temps » à la fin des

années 70. Après avoir finement analysé le fonctionnement des systèmes fourragers des

exploitations conduites par des double-actifs, ils montrent que la majorité des ménages, dans

l’état actuel de leurs surfaces, équipements, et main-d’œuvre, et compte tenu des aléas

climatiques, n’aurait pas le temps de faucher plus d’1 ha supplémentaire. Lepvraud (1976) qui

a étudié les modes de vie d’agriculteurs double actif dans la même région et à la même

époque écrit : « l’organisation est fondamentale en tout cas dans ce mode de vie, et

l’autodiscipline est très importante. On a pu noter que tout le monde se lève tôt pour allonger

une journée dans doute un peu courte pour tout ce que l’on a à faire » (Lepvraud, Ibid., p23).

Elle souligne également la résistance à la fatigue et la forme physique de ces agriculteurs

double actifs.

La durée importante du travail requis par la combinaison d’activités concourt certes aux

difficultés d’organisation, de réalisation, et de pénibilité du travail mais c’est surtout la façon

dont les activités s’articulent qui génère de la complexité d’organisation du travail. « A

nombre d’heure équivalent une activité supplémentaire ne va pas entraîner les mêmes

conséquences sur l’organisation du travail selon le type de contraintes de rythme auxquelles

elle est soumise (Laurent et al., 2000) ».

4.1.2. La complexité de l’articulation des rythmes

« Il est apparu que ce n’était pas tant le nombre d’heures de travail qui pouvait poser

problème que le moment où ce travail devait s’effectuer. L’articulation des activités doit être

explicitement prise en compte» (Dedieu et al., 1999). Ces auteurs insistent sur la

« compatibilité des différentes activités » en termes de conseil aux agriculteurs combinant des

activités.

Soriano et al. (1980) ont étudié les ouvriers paysans qu’ils présentent comme un exemple

particulier et extrême de situation de pluriactivité en terme de problème de disponibilité pour

l’activité agricole et d’articulation des temps de travail agricole et à l’usine: « la contrainte

au niveau du temps est pour les ouvriers-paysans la plus forte

49

: les travailleurs postés en

3X8 sont à l’usine et toute l’année […] c'est-à-dire qu’ils n’ont qu’un week-end complet

toutes les 3 semaines. Les journées de travail sont de 8 heures mais leur découpage horaire

donne l’illusion d’un mi-temps ». Ils parlent de « désintégration du mode de vie agricole » à

cause de la « nécessité de compter le temps et autrement ». Ils mentionnent la difficulté

d’articuler des rythmes différents et de gérer des activités non différables : « Il leur faut

fournir une quantité d’heures fixes dans l’autre activité qui s’ajoute au temps précis de

l’exploitation : il faut traire les vaches à des heures peu variables, apporter un surcroît de

travail et d’attention lors de pointes saisonnières (récolte de fourrage, surveillance des

agnelages groupés sur une période courte et intensive) ou occasionnelles (vêlages, naissances

non contrôlées) ». « Le découpage et la fixité du temps industriel ne correspondent pas au

découpage du temps vécu sur l’exploitation agricole : en montagne, quand on travaille la

terre, il n’y a pas un temps, celui de l’année, mais au moins 2 saisons : l’hiver et l’été avec

leurs labeurs spécifiques ». « Il y a un véritable scandale pour un paysan à être enfermé,

particulièrement en été, où à n’importe quel moment où le travail peut et doit se faire

dehors ».

Pour analyser la complexité des modalités d’articulation des activités, plusieurs auteurs

proposent des manières de caractériser les « rythmes des activités » et les natures de relations

49 C’est moi qui souligne

temporelles des activités. Pour Blanchemanche (2000, p332-333), les systèmes dans

lesquelles les activités sont subordonnées sont les plus contraints en terme d’organisation.

Elle a montré que « la subordination des activités est assez fréquente parmi les ménages de

l’enquête (9/20) ». Pour la plupart d’entre eux, c’est « l’exécution de certaines tâches de

l’activité agricole qui est rendue difficile puisqu’elles doivent être faites lorsque l’activité à

horaire contraint le permet, voire certaines tâches ne sont pas exécutées (comme le tour de

plaine pour ceux qui ont des petites superficies de céréales) ». Blanchemanche (Ibid.) a

caractérisé la complexité des systèmes d’activités à partir des caractéristiques des horaires des

activités (horaires contraints ou souples) et du caractère réservé ou partagé des activités, ainsi

que des modalités d’articulation des activités (juxtaposition, subordination, imbrication). Elle

a qualifié les horaires des activités de contraints lorsqu’ils sont « imposés, fixés par des

contraintes externes, sur lesquelles les individus n’ont pas, ou très peu, de moyen d’action

pour les changer » et de souples, lorsqu’ils sont « en partie choisis par les individus et

pouvant être ajustés en fonction de certaines priorités ou de survenue d’aléas) ». Elle a

estimé que des horaires contraints réduisent la capacité des ménages à faire face aux aléas, à

ajuster leurs emplois du temps. Elle considère qu’une activité est réservée lorsqu’elle est

exercée par un seul individu du ménage qui en a la responsabilité et qui, en règle générale,

n’est remplacé qu’exceptionnellement ; au contraire, une activité est partagée, quand elle peut

être exercée par plusieurs individus du ménage. Le degré du partage est variable. Le caractère

« partagé » d’une activité donne de la souplesse dans l’organisation du travail selon le degré

de substituabilité des personnes pour une activité ou une tâche. Les activités sont soient

juxtaposées quand les activités sont « réservées » (les activités peuvent avoir lieu en même

temps, chaque individu réalise son activité, les horaires d’une activité n’ont pas de

conséquence sur l’autre), soit imbriquées (au moins une activité est partagée par plusieurs

individus, il y a des liaisons temporelles entre les activités, il n’y a pas de hiérarchie

temporelle stable entre les activités), soit subordonnées (l’exécution d’une activité dépend de

l’achèvement d’une autre activité). Un exemple typique de subordination est celui d’un

éleveur ouvrier dans une usine : les horaires de l’usine sont contraints, s’il est seul à faire

l’activité d’élevage, la réalisation de l’activité d’élevage est a priori subordonnée à l’activité

salariée à l’usine: « la marge de manœuvre est alors recherchée uniquement sur l’activité

agricole et non plus sur l’articulation de l’ensemble des activités ».

Au sein de la combinaison d’activités, les activités agricoles et plus particulièrement

d’élevage, du fait de leurs caractéristiques (Madelrieux, 2004, p43) génèrent à elles-seules des

contraintes d’organisation du travail, a priori d’autant plus difficiles à gérer que la

disponibilité des actifs agricoles du ménage est limitée ou déterminée par des facteurs

externes (horaires fixés par l’employeur, les clients….). En effet, la réalisation de certaines

tâches d’élevage est non concentrable, non différable, comme par exemple la traite des vaches

ou l’alimentation des bêtes. De plus, la réalisation de certaines tâches requiert des conditions

soumises aux aléas climatiques : la fenêtre temporelle de réalisation peut être très limitée si

l’agriculteur ne veut pas mettre en jeu par exemple la quantité et la qualité de sa production.

D’une manière plus générale, l’activité agricole consiste à travailler avec du vivant, des

animaux ou des plantes, soumis aux aléas de la vie. C’est ce que Laurent et al. (2000)

appellent les « déterminants variés des rythmes et changements de rythmes des activités ».

D’après eux, « les ménages agricoles qui ont des systèmes d’activité complexes doivent tout à

la fois s’adapter aux transformations inhérentes à l’évolution de chacun des secteurs

d’activité auquel ils participent (augmentation de la productivité, changement des formes de

travail) et maîtriser les contraintes qui résultent spécifiquement de l’articulation d’activités

réalisées dans des secteurs de production fonctionnant de manière distinctes, avec des

gérer l’articulation de ces activités dont les rythmes – et les changements de rythme - sont

soumis à des déterminants variés ». Ils ont caractérisé avec la grille proposée par

Blanchemanche (Ibid.) les activités agricoles et non agricoles selon leurs caractéristiques

temporelles, susceptibles de générer des contraintes dans l’organisation du travail. Ils

proposent ainsi de distinguer : les activités non différables, avec des rythmes contraints

stables et prévisibles (par exemple traite), les activités non différables, avec des rythmes

contraints variables et difficilement prévisibles (par ex travail intérimaire), les activités un peu

différables avec des rythmes contraints variables et plus ou moins prévisibles (par ex travaux

de récolte), les activités différables sans rythme contraint. Les activités de type « non

différables, avec des rythmes contraints variables et difficilement prévisibles » introduisent le

plus de contraintes dans l’organisation du travail du ménage ; c’est souvent le cas « de

certaines activités de diversification ou de services se caractérisent soit par leur côté peu

prévisible, soit par des contraintes impératives qui viennent concurrencer les activités

d’astreinte quotidiennes » (Mundler et Laurent, 2003). Enfin, l’activité agricole se compose

d’une multitude de tâches quotidiennes ou non quotidiennes, qui évoluent au cours des

saisons et des cycles de production, et qui sont souvent réalisées par une main-d’œuvre aux

compétences variées et dont la disponibilité évolue au cours de la semaine ou des saisons

(enfants scolarisés, voisins…). Dans des ménages agricoles exerçant une combinaison

d’activités, Madelrieux et al. (2008) ont ainsi montré la très grande diversité des formes

d’organisation quotidiennes du travail, résultant de la diversité des modalités d’association

entre les tâches et les travailleurs et d’enchaînement au cours de la journée de ces

« associations tâches-travailleurs ». Ils montrent que les alternances de formes d’organisation

quotidienne du travail sont liées à la fois aux évolutions des tâches agricoles tout au long de

l’année (nature, lieu de réalisation, rythme) mais aussi à l’exercice d’activités en station de

ski, qui subordonnent l’activité agricole.

Le développement du modèle Atelage (Madelrieux et al., 2008) qui caractérise l’organisation

du travail dans les exploitations d’élevage insérées dans des systèmes d’activités complexes a

répondu à ce besoin de penser les articulations entre activités agricoles et non agricoles, et les

activités privées.

Mundler et al. (2003) argumentent que le développement de systèmes d’activités dans

lesquels sont combinées des activités de sphères professionnelles différentes (agricole,

salariée à l’extérieur de l’exploitation, agro-tourisme, activités de service pour les

collectivités, etc) pose des problèmes spécifiques d’organisation du travail. Pour les

comprendre, la représentation de l’organisation du travail fondée sur la seule prise en compte

de la durée du travail et des rythmes paraît souvent insuffisante d’après ces auteurs (Dedieu et

al., 1999 ; Laurent et al., 2000). Ils pointent « les exigences particulières du développement

des activités de service et l’accroissement de la charge mentale ».

4.1.3. Une charge mentale importante

Dedieu et al. (1999) concluent un article sur l’organisation du travail dans les systèmes

d’activités complexes en disant que « l’observation de systèmes d’activités complexes met en

lumière des phénomènes qui n’apparaissent qu’en filigrane dans la plupart des travaux

portant sur le travail agricole comme l’importance de la souplesse des collectifs de travail et

le poids de la charge mentale » et que « ces résultats sont convergents avec ceux observés

depuis plusieurs années dans d’autres secteurs d’activité (du Tertre, 1995 cité par Dedieu

(1999)) qui font ressortir l’importance de la dimension proprement cognitive du travail. » La

dimension cognitive de la charge mentale est le rapport entre les exigences des tâches à

accomplir et des capacités cognitives requises pour répondre à ces exigences (Leplat, 1997).

D’après Laurent et al. (2000), « dans les systèmes d’activité complexes, quatre phénomènes

principaux peuvent contribuer à augmenter la dimension cognitive de la charge mentale.

L’augmentation du nombre de tâches impératives accroît l’exigence d’organisation. La

combinaison d’activités « à temps partiel » raccourcit les périodes d’activité de routine au

profit des activités qui exigent des prises de décision et demandent de retenir et traiter de

nombreuses informations. L’adjonction d’activités à rythmes peu prévisibles (par ex

agrotourisme mais aussi travail salarié à horaires variables) complique beaucoup la gestion

de l’organisation du travail. Ainsi les changements de rythmes peu prévisibles sont-ils

particulièrement lourds pour les femmes qui doivent en permanence repenser – et renégocier

avec la famille, les amis, les voisins – l’organisation domestique, notamment la garde des

enfants. Enfin, le développement des activités de service liées à l’exploitation reporte le souci

de la demande (qualité des prestations, fourniture d’un service « personnalisé ») sur les

ménages, et oblige à l’adaptation permanente aux souhaits du client ». « Le dépouillement

des entretiens permet ainsi de relever la difficulté plusieurs fois exprimée à traiter

correctement une masse d’information jugée excessive, à maîtriser des activités plus ou moins

entrecoupées, et à prendre des décisions dans des domaines très différents » (Dedieu et al.,

1999).

Les références scientifiques permettent d’affirmer que la combinaison d’activités agricoles et

non agricoles, d’activités sur l’exploitation et en dehors de l’exploitation agricole exacerbe

des contraintes d’organisation du travail relatives à la durée du travail, à l’articulation des

activités, à la moindre présence sur l’exploitation, à la charge mentale, susceptibles d’altérer

les conditions de vie au travail des éleveurs pluriactifs ou de complexifier l’aménagement des

conditions de vie au travail. Toutefois, il semble aussi que la pluriactivité soit susceptible de

générer des conditions de vie au travail agricole satisfaisantes. D’après Blanchemanche

(2000), tous les ménages qui combinent des activités ne perçoivent et ne gèrent pas de la

même façon ces contraintes d’organisation du travail. En outre, l’existence de revenus

extérieurs à l’agriculture, réduisent parfois la pression économique sur l’activité agricole et

autorisent davantage de liberté pour conduire l’activité agricole selon ses valeurs, son plaisir,

selon le sens personnel donné à cette activité, qui ne se limite pas à l’obtention d’un revenu

pour couvrir les besoins de la famille. L’inverse existe sans doute aussi : des revenus agricoles

suffisamment importants pour donner de la liberté économique dans les autres activités.

Toutefois du fait que la question qui m’intéresse ici est celle des conditions de vie au travail

en élevage, je centre mon investigation bibliographique sur l’activité agricole pour montrer en

quoi la pluriactivité est susceptible de générer des conditions de vie au travail d’élevage

particulières et constitue donc une situation privilégiée d’observation des relations entre sens

donné au travail d’élevage, choix d’élevage, d’organisation et conditions de vie au travail.

4.2. Articuler de manière satisfaisante production et rapport subjectif au travail

grâce à…

4.2.1. … la mobilisation d’une main-d’œuvre importante

Plusieurs travaux sur la pluriactivité en agriculture montrent la diversité des façons

d’organiser la main-d’œuvre et précisent les modalités d’organisation du travail agricole en se

centrant sur la composition du collectif de travail (Blanchemanche, 2000 ; Dedieu et al.,

1999) et la répartition des tâches agricoles et non agricole entre l’homme et la femme (de

Vries, 1990), entre la main-d’œuvre familiale et non familiale. Blanchemanche (Ibid.) a ainsi

identifié trois profils de collectif de travail : le profil «autonome » : une main d’œuvre

permanente (p358-359), le profil « appui sur des aides diverses » : la gestion au coup par

dans le modèle des années 60 (p353-358). Dedieu et al. (1999) soulignent « l’importance

qualitative de la capacité à mobiliser un réseau d’aide et de coups de main plus ou moins

informels aussi bien lorsqu’un événement imprévisible se produit que pour faire face à des

tâches courantes »

4.2.2. … une sécurité économique

La combinaison d’activités permet une combinaison de revenus au niveau du ménage, qui fait

que les ménages combinant des activités disposent en moyenne souvent d’un revenu supérieur

aux ménages spécialisés en agriculture. Ces revenus non agricoles constituent souvent une

sécurité pour le ménage

En étudiant la composition du revenu de ménages agricoles en vue d’élaborer des politiques

d’aide au revenu, Robson et al. (1987) montrent que les revenus moyens des agriculteurs à

temps partiel sont supérieurs aux revenus moyens des agriculteurs à temps plein. Ils concluent

sur l’inadéquation des bases de données des ministères pour apprécier les revenus des

ménages agricoles quand ils ne comportent que les revenus agricoles. Dans une perspective