Des aînés (potentiellement) plus entourés plus

La composition de la population des 65 ans et plus évolue aussi du point de vue du ménage et de l’entourage. Le vieillissement correspond globalement à un rétrécissement de la taille du ménage car les enfants partent et les risques de perdre son/sa conjoint/e augmente. Au sein du réseau, les ascendants et contemporains disparaissent alors que de nouvelles générations arrivent. Les changements démographiques évoqués au début de ce chapitre (allongement de l’espérance de vie notamment) engendrent une verticalisation des liens familiaux ; il n’est plus rare que des familles comptent désormais quatre générations vivant en même temps (Golini, 2004; Pierrard, 2010). Ce contexte participe de l’émergence de la question de la « génération pivot » qui touche particulièrement les nouvelles générations de retraités issues du baby-boom et définit ceux qui se retrouvent dans la situation de pouvoir jouer un rôle d’aidant tant pour leurs parents que leurs enfants et petits-enfants (Oris, 2015). Les changements démographiques impliquent également une cohabitation au sein du couple plus longue. A l’inverse, les changements socio-culturels et les transformations de l’institution familiale tendent à réduire la cohabitation intergénérationnelle et à augmenter les risques de divorce (Sauvain-Dugerdil, 2005). Ces différents éléments sont documentés par nos enquêtes.

Si actuellement le divorce concerne environ un mariage sur deux⁸² en Suisse, il faut relativiser cette réalité dans le cas des retraités du fait de leur inscription sociohistorique dans des cohortes plus anciennes (cf. point 3.1). Nos résultats (figure 3.11) montrent que le phénomène reste rare au sein de cette sous-population. Cette réalité est toutefois plus présente dans les plus jeunes cohortes en 2011 - un phénomène qu’il s’agira donc de suivre dans le futur.

L’évolution du statut civil des aînés indique surtout la diminution de la proportion des individus connaissant une situation de veuvage même aux âges avancés.

Quelle que soit la période, l’état civil reste cependant fortement différencié selon le sexe : les femmes sont toujours surreprésentées parmi les personnes veuves, respectivement les hommes parmi les mariés. Au niveau des régions, le poids des divorcés est, sans surprise, toujours un peu plus élevé dans la Genève laïque et urbaine qu’en Valais.

82 Selon les chiffres de l’OFS pour 2013, cela concerne 42% des couples en Suisse (OFS, 2015a).

Figure 3.11 : Etats matrimoniaux selon l’âge, le sexe et l’enquête tendances « opposées » induites d’une part par l’allongement de la cohabitation maritale (associé à la baisse du nombre relatif de veuf et veuves) et d’autre part par la diminution de la cohabitation intergénérationnelle⁸³. Dans ce cadre, les femmes ont toujours plus tendance à vivre seules que les hommes et ceci quel que soit l’âge (voir figure 3.12⁸⁴). Quant aux régions, la solitude est toujours plus élevée à Genève, mais les différences inter-cantonales tendent à se tasser en trente ans (voir annexe B).

83 Nous ne possédons pas ces données pour l’enquête de 2011 mais cette tendance a été observée entre 1979 et 1994 (Lalive d’Epinay et al., 2000, p. 157‑158).

84 Une description selon les classes d’âge montre que ces différences se retrouvent quelle que soit la catégorie considérée. Cependant, le fait que les différences entre âges se réduisent chez les hommes en 2011 tendraient à faire dire que ces derniers profitent de l’allongement de la vie de couple alors que la plus forte sensibilité à l’âge chez les

Figure 3.12 : Composition de l’entourage d’ego selon l’âge, le sexe et l’enquête

N.B. : en % sur la population des 65-94 ans apte et vivant à domicile en Valais et à Genève ; données pondérées.

Dans l’entourage plus large des personnes âgées, la verticalisation du réseau familial se confirme (figure 3.12). Le pourcentage d’individus n’ayant pas d’enfant ou plus d’enfant en vie, de même que ceux n’ayant pas de petits-enfants, baisse. C’est bien ce que l’on observe dans l’ensemble de l’Europe (Gaymu, 2008). De l’autre côté, mais dans une moindre mesure, la proportion d’individus ayant un parent en vie augmente. A l’inverse, avoir au moins un frère/sœur vivant stagne. L’évolution la plus marquante concerne le réseau hors de la famille avec la présence d’un ami proche. Comme nous l’avons vu dans le chapitre théorique, la montée de l’individualisme, dimension culturelle à laquelle sont généralement associées les évolutions socio-historiques de la deuxième moitié du 20^ème siècle (e.g. Bauman, 2006; Beck, 2001; Giddens, 1990), tend à valoriser les liens électifs ; dans ce cadre, l’amitié, les amis, sont des liens plus flexibles et individuels au sens de choisis, qui correspondent à ces nouvelles valeurs d’autonomie. Empiriquement, s’observe effectivement une hausse de la prévalence du lien d’amitié dans la population âgée. C’est entre 1979 et 1994 que cette évolution est particulièrement marquante. Elle est également plus

FemmesHommes

!

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

ne vit pas seul avoir au moins 1 enfant vivant avoir au moins un petit-enfant avoir encore 1 parent vivant avoir 1 frère/sœur vivant avoir au moins 1 ami proche

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ne vit pas seul avoir au moins 1 enfant vivant avoir au moins un petit-enfant avoir encore 1 parent vivant avoir 1 frère/sœur vivant avoir au moins 1 ami proche

nette chez les femmes : c’est ainsi qu’en 2011, ces dernières montrent une plus forte tendance à déclarer un ami proche.⁸⁵

Quant aux spécificités régionales, sans surprise, la présence d’enfants, de petits-enfants et frères et sœurs est plus courante en Valais. Ces différences ont tendance cependant à s’atténuer, surtout en 1994 concernant la descendance et en 2011 concernant la fratrie. A l’inverse, Genève l’urbaine en vient en 2011 à se distinguer par une plus forte propension à déclarer un ami intime.

Les aînés jouissent donc d’un capital social potentiel croissant depuis trente ans. En termes de différences entre sexes, si les femmes encourent toujours un risque marqué et persistant de vivre seule au fil de la vieillesse, elles semblent pouvoir compter sur une nouvelle ressource qui est l’existence d’un lien d’amitié proche. Cette constatation peut d’ailleurs être faite au regard des deux régions.