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Chapitre 4. Participations sociales : entre évolutions et

4.2 Inégalités et variabilités des logiques de participation

4.2.1 Avoir une participation sociale plurielle

Quels sont les déterminants socio-structurels et les ressources plus individuelles menant à une participation plus intense et diversifiée ? Les différents modèles de régression de poisson menées sur les deux variables scores qui mesurent le cumul de pratiques font ressortir deux facteurs expliquant une plus ou moins forte participation sociale : l’appartenance à une classe d’âge et le niveau d’instruction. Ils mettent également en avant trois ressources associées à une participation plus intense et diversifiée : la situation du ménage, la présence de descendants et celle d’un ami proche.

Une moindre probabilité de plus participer pour les classes d’âge avancées

Comme le montre la figure 4.9, les plus jeunes retraités ont une propension significativement plus forte à la participation sociale. Plus on avance dans les classes d’âge, plus l’effet négatif se fait grand sur les probabilités de score.

Si le constat d’une baisse des activités sociales avec l’avancée en âge est largement partagé dans la littérature (e.g. Bickel & Cavalli, 2008; Bickel &

Girardin, 2008), l’interprétation des écarts entre classes d’âge reste plus

problématique dans le cas d’enquêtes transversales. En effet, les différences peuvent renvoyer à l’âge de l’individu mais aussi à son appartenance à une cohorte donnée (e.g. Lalive d’Epinay et al., 2000, p. 29‑32). Les plus anciennes auraient dans ce cadre une moindre tendance à participer de part leur socialisation et en raison des différentiels de ressources acquises au cours de leur parcours de vie. Rappelons que nos plus jeunes aînés sont nés entre 1946 et 1942 et ont pleinement participé aux transformations des trente-glorieuses alors que les plus vieux eux, ont vu le jour entre 1906 et 1916, étaient déjà adultes au lendemain de la deuxième guerre et n’ont connu que tardivement les changements économiques, sociaux et culturels de la seconde moitié du 20ième siècle.

Figure 4.9 : Effet de l’appartenance à une classe d’âge sur les scores de participation en 2011

NB : régressions de poisson ; modèle 1 ; AME ; * : p<0.1, ** : p<0.05, *** : p<0.01.

Âge ou cohorte ? Si nous ne pouvons répondre pleinement à cette ambiguïté, et quant bien même l’hypothèse d’une validité partielle des deux arguments paraît bien plus probable, nous reviendrons sur ces questions au fil de notre propos et de l’ajout d’autres variables dans le modèle (les effets médiateurs de l’éducation ou de la santé pouvant être des indices quant à un effet de cohorte, respectivement d’âge).

Une moindre probabilité de plus participer pour les moins instruits

Le deuxième facteur notable d’une participation sociale diversifiée renvoie à une dimension du statut social de la personne à travers la question du niveau de scolarité. La figure 4.10 montre comment la probabilité de participer est impactée positivement par un haut niveau d’études et, à l’inverse, négativement par un faible niveau d’instruction. La position qu’ont acquis les individus pour la plupart au début de leur vie se répercute ainsi sur leur participation après l’âge de la retraite.

-2.50 -2.00 -1.50 -1.00 -0.50 0.00

AME classe âge (réf. 65-69)

Score sur 10 Score sur 12

70-74 75-79 80-84 85-94

***

***

***

***

***

**

Figure 4.10 : Effet du niveau d’instruction sur les scores de participation en 2011

NB : régressions de poisson ; modèle 2 ; AME ; * : p<0.1, ** : p<0.05, *** : p<0.01.

Ce résultat soulignant une certaine stratification socio-économique de la participation n’est pas une surprise tant il est largement partagé parmi la littérature (voir les différentes revues de la littérature, eg. Cutler et al., 2011;

Dorfman, 2013; Morrow-Howell, 2010; O’Neill et al., 2011; Raymond et al., 2008). Au-delà de ce constat, la comparaison des modèles 1 et 2 (tels qu’ils ont été présentés dans le chapitre 2) montre que l’ajout de la variable éducation au modèle composé des variables sociodémographiques (sexe, région, classes d’âge) induit une diminution de l’effet lié à l’appartenance aux plus anciennes classes d’âge sur les chances de participer. Une part des différences entre groupes d’âge renvoie donc à la moindre éducation des plus anciennes cohortes95. Ces inégalités ne permettant toutefois pas d’expliquer la majeure partie de cet effet. Nous y reviendrons au regard du système de ressources plus large.

La plus forte participation associée à une certaine sécurité matérielle, à une meilleure santé et à la composition de l’entourage

Les hypothèses concernant les ressources questionnées ici ne se posent pas strictement en termes de causalité, toutes se référant à la situation de la personne au moment de l’enquête VLV, au même titre que les différentes activités. Elles interrogent cependant un système de ressources individuelles dans lequel prend part la participation sociale ainsi que ses associations avec les systèmes de stratification sociale. Les résultats concernant les chances de participation multiple soulignent trois types de ressources associées : la situation économique, l’état de santé et l’entourage hors ménage des personnes âgées.

Premièrement, en lien avec la position de l’individu dans la stratification socio-économique, toucher un revenu d’un deuxième et/ou d’un troisième pilier est associé positivement à une participation plurielle (cf. figure 4.11). Ces résultats complètent ceux démontrant l’effet du niveau d’instruction et renvoient aux constats généralement partagés de l’impact positif d’un meilleur statut social sur les chances de participation. Dans ce cadre, il faut relever un cumul des effets liés à l’éducation et au revenu. En effet, si l’introduction de cette dernière variable capte une petite partie de l’effet d’instruction, et plus particulièrement

95 Nous vous renvoyons ici au chapitre 3 pour la description de l’évolution du niveau d’instruction au fil des cohortes ainsi qu’à l’annexe D pour le détail des résultats sur l’impact de l’âge dans les différents modèles.

-0.60 -0.40 -0.20 0.00 0.20 0.40 0.60 0.80

AME instruction (réf. interm.)

Score 10 Score 12

basse haute

***

***

***

***

celui lié au fait d’avoir une basse instruction96, les résultats restent significatifs pour chacune de ces deux mesures de la position de l’individu dans les structures sociales97.

Figure 4.11 : Association entre toucher un deuxième et/ou troisième pilier et les scores de participation en 2011

NB : régressions de poisson ; modèle 3 ; AME ; * : p<0.1, ** : p<0.05, *** : p<0.01.

Autre dimension du système de ressources se révélant significativement lié à la participation sociale : la santé. En effet, tant les problèmes de santé physique que psychique sont associés négativement à la participation sociale (figure 4.12). Si ces résultats semblent attendus98, leur interprétation dans le cadre de nos analyses reste ambiguë : la participation sociale peut être vue comme freinée par des difficultés de santé mais aussi comme permettant de maintenir ou d’améliorer son état physique et psychique (e.g. Raymond et al., 2008).

Quoi qu’il en soit, la santé est bien liée à l’éventail de participation sociale. En outre, deux remarques doivent être faites au regard des inégalités précédemment décrites. Tout d’abord, la santé permet de saisir une part de l’effet lié à l’appartenance aux classes d’âge plus avancé99. Sans surprise et comme nous l’avons confirmé dans le chapitre 3, l’avancée en âge correspond à une hausse des risques de fragilité qui explique une partie de la moindre participation au grand-âge. Cependant, des inégalités entre classes d’âge demeurent malgré tout sans pouvoir être expliquées par l’état de santé renvoyant à une dimension plus sociale de l’âge. Deuxièmement, l’impact du

96 Avoir un bas niveau d’instruction est en effet significativement et négativement lié à l’accès à un 2ème ou 3ème pilier (voir annexe B pour la distribution de cette ressource selon l’éducation).

97 Nous avons reconduit le modèle 3 en introduisant l’une après l’autre les variables explicatives afin de mieux saisir les effets médiateurs potentiels. Ces différentes étapes ne sont cependant pas reproduites intégralement en annexe au regard de la place que prennent ces différentes analyses.

98 Nous renvoyons ici encore aux différentes revues de la littérature (e.g. Cutler et al., 2011; Dorfman, 2013; Morrow-Howell, 2010; O’Neill et al., 2011; Raymond et al., 2008).

99 Dans tous les cas, c’est l’introduction de la variable fragilité qui induit la majeure partie de l’effet médiateur attribué à l’état de santé. Il faut cependant souligner dans ce cadre que les associations du niveau de fragilité et du niveau de dépression avec le score de participation se recoupent partiellement, l’effet de la fragilité baissant un peu avec l’introduction de la variable dépression.

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40

Score sur 10 Score sur 12

AME 2eme/me pilier (réf. non)

**

**

niveau d’instruction est également partiellement médiatisé par l’état de santé100. Plus particulièrement, l’effet négatif d’avoir une basse instruction devient non-significatif et sa valeur diminue. Ce dernier passe donc par les inégalités de santé qu’il suppose. Même avec des données transversales, nous voyons ici se dessiner un système de causalité entre âge, éducation et santé.

Figure 4.12 : Association entre deux indicateurs de santé et les scores de participation en 2011

NB : régressions de poisson ; modèle 3 ; AME ; * : p<0.1, ** : p<0.05, *** : p<0.01.

Enfin, deux caractéristiques liées au réseau d’ego apparaissent comme significativement liées à une plus forte participation sociale. L’une fait référence au cercle familial, l’autre au réseau extra-familial d’ego. La figure 4.13 montre premièrement l’association significativement positive entre le fait d’avoir un petit-enfant et le degré de participation sociale101. Si des études avaient souligné le rôle de l’enfant dans le non-isolement de l’individu âgé (e.g. Bickel & Girardin, 2008; Lalive d’Epinay et al., 2000), ici c’est bien d’avantage celui du petit-enfant qui transparaît en matière de participation sociale. Ce résultat rejoint alors les auteurs parlant de l’importance de la grand-parentalité dans la vie des aînés (e.g. Attias-Donfut, 2008; Bonvalet et al., 2015).

100 L’état de santé est en effet marqué par d’importantes inégalités socio-économiques (Gabriel, 2015), ce que confirment nos données, les moins éduqués montrant des niveaux de fragilité et de dépression moyens plus élevés (voir annexe B).

101 La significativité de l’association est plus particulièrement confirmée sur le score composé des 12 activités. Ce dernier a en effet la particularité d’intégrer la dimension de rendre service à sa famille, qui comme nous le verrons, est associée au fait d’avoir un petit-enfant. Mais cette tendance se retrouve également sur le score à 10 activités (elle apparaît comme « juste non-significative », c’est-à-dire à peine supérieure à 0.1).

-0.30 -0.25 -0.20 -0.15 -0.10 -0.05 0.00

Score sur 10 Score sur 12

AME score symptômes

fragilité depression

***

*

***

**

Figure 4.13 : Associations entre avoir

La figure 4.14 montre quant à elle qu’avoir un ami proche est également associé de manière significative et positive aux probabilités de participation sociale.

Celle-ci apparaît comme pouvant être supportée par des liens d’amitié, mais elle peut aussi offrir l’occasion de créer de telles relations. Dans la littérature gérontologique, des études montrent qu’avoir un ami faisant du bénévolat joue en faveur de l’engagement individuel (voir par ex. la revue de la littérature effectué par Godbout et al., 2012). Plus largement, les amis apparaissent comme des compagnons d’activités sociales – on peut notamment penser à celles renvoyant à des formes de sociabilité. A l’inverse, Bidart (2010) rappelle également les cadres – elle parle alors de cercles sociaux - dans lesquels naissent et peuvent s’entretenir les liens d’amitié. La participation apparaît alors également comme étant un support au lien d’amitié.

Deux remarques peuvent être faites au regard de ces éléments du réseau personnel d’ego en termes d’effets médiateurs. On peut en effet souligner que l’introduction de la variable descendance a pour effet d’augmenter (très) légèrement la moindre tendance des plus âgés à participer. Bien que faible, ce mécanisme souligne la ressource que constitue le fait d’avoir un petit-enfant au fil de l’âge. A l’inverse, l’introduction de la variable concernant l’ami proche tend à capter une petite partie de l’effet lié aux classes d’âge mais aussi au statut socio-économique (éducation et source de revenu). Une analyse descriptive de la prévalence d’avoir un ami proche montre en effet que celle-ci augmente avec le niveau d’instruction (cf. annexe B) et l’avancée en âge (Baeriswyl, Bickel, &

Oris, 2015). Le lien d’amitié apparaît par là comme prenant part au système des plus jeunes et des mieux lotis en termes de capital culturel et économique.102

102 Nous devons signaler que ces tendances sont plus marquées sur le score sur 12, celui-là même qui intègre la question de l’engagement auprès de ses parents et amis, formes de participation pour lesquelles la descendance et l’amitié apparaissent bien sûr comme importantes.

4.2.2 Des logiques inégalitaires et des systèmes de ressources plus