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Développement d'une surface dont l'étirement active l'adhésion cellulaire:

III. Résultats et Discussion:

III.1 Développement d'une surface dont l'étirement active l'adhésion cellulaire:

Le développement de surfaces contrôlées dans le but de créer des outils pour la biologie est un enjeu clé pour les physiciens, chimistes et biologistes. C'est d'ailleurs uniquement des collaborations transversales entre ces disciplines qui permettent de développer des matériaux performants et cohérents avec les besoins actuels en biologie. Les cellules, unités du vivant sont sans doute les capteurs connus les plus performants. En effet, une cellule est capable d'identifier la chimie, la topographie, la rigidité, et les stimulations mécaniques de son environnement et de s'adapter en fonction des conditions (Jaalouk D.E. et Lammerding J., 2009; Vogel V. et Sheetz M., 2006). Pour cela, la cellule doit mettre en jeu différents mécanismes de sensibilité, transduction et réponse. Ces mécanismes restent peu connus et font l'objet de nombreux projets de recherche (Dahl K.N., et al., 2008;Tamada M., et al., 2004; Na S., et al., 2008) . C'est pour tenter de répondre à ce type de problématique que dans le cadre d'une collaboration avec Jalal Bacharouche, Vincent Roucoules et Pierre Schaaf, un support activable par étirement (modifiant la chimie de surface) a été développé. Des études rapportent la création de supports dont un changement de température modifie la chimie de surface (Da Silva R.M.P., et al., 2007). Ces supports sont limités à l'étude du comportement cellulaire en fonction du changement

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de chimie. En comparaison, un substrat activable par étirement modifiant la chimie et les forces appliquées sur les cellules serait un outil de choix dans l'étude de la mécanosensitivité cellulaire, de la transduction du signal et de la réponse associée. Dans cet optique, le but principal de ce travail a été de créer un support sur lequel un stress mécanique permettrait d'avoir une réponse par modification chimique de la surface et que ce procédé soit réversible. Pour cela, la fabrication du support a été basée sur l'utilisation d'un élastomère (PDMS), fonctionnalisé grâce à un traitement plasma (qui permet la fixation d'anhydride maléique) et greffé successivement avec du PEG (Poly Ethylène Glycol) et de la biotine ou des peptides RGD (Arginine-Guanine-Acide aspartique). Le principe du substrat ainsi préparé est que le support étiré dévoile les sites de biotine ou RGD présents entre les PEG permettant ainsi la fixation de protéines ou de cellules. A l'état relâché, les sites de biotine ou RGD sont "cachés" par les PEG, l'encombrement stérique des PEG étant tel que les autres sites ne sont plus accessibles. Le substrat est donc décrit comme portant des sites cryptiques de liaison. Ce travail a fait l'objet d'une publication dans ACS Nano en avril 2013 qui est résumé et discuté en partie ci-dessous.

Les supports ont donc dans un premier temps été testés avec de la biotine pour démontrer leur aptitude à fixer la streptavidine ou des anticorps antibiotine. Ces expériences, réalisées avec succès par Jalal Bacharouche ont montré que les protéines ont été spécifiquement fixées à la surface sous étirement et qu'elles ont été décrochées lors de la relaxation du substrat. De plus, les répétitions successives des états étirés et relâchés du substrat ont montré que ce mécanisme est entièrement réversible. Ma contribution à ce travail porte sur les tests d'adhésion cellulaire avec des supports fonctionnalisés PEG et RGD. Dans un premier temps, la résistance des supports étirés à l'incubation dans des milieux de culture cellulaire ainsi qu'une éventuelle cytotoxicité ont été évalués. Les supports se sont avérés insensibles aux milieux de culture et non cytotoxiques pour les cellules ostéoblastiques F/STRO-1+ A. L'adhésion cellulaire a alors été testée sur des surfaces couvertes uniquement de PEG, puis uniquement de RGD et enfin des combinés PEG + RGD.

Les résultats ont montré que la culture des cellules F/STRO-1+ A sur les surfaces recouvertes uniquement de PEG étirées ou non ne permet pas l'adhésion cellulaire. En effet, les cellules apparaissent rondes car elles n'arrivent pas à former de points focaux afin de s'étaler à la surface.

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Les substrats uniquement greffés avec des RGD se sont révélés adhérents aussi bien sous forme étirés que relâchés. En effet les cellules cultivées sur des supports étirés adhèrent et s'étalent normalement, une fois le support relâché (brusquement) les cellules s'arrondissent mais ne se décrochent pas de la surface même avec de fort rinçages. Plus explicitement, les cellules s'arrondissent sous la contrainte mécanique mais les points focaux restent stables et maintiennent les cellules en condition d'adhérence à la surface. Après 4h supplémentaires toujours à l'état relâché, les cellules s'étalent à nouveau normalement. Un nouvel étirement à 60% de la surface déforme les cellules dans le sens de l'étirement et décroche partiellement les cellules aux extrémités. Cependant, après 4h supplémentaires de culture sans autre stress, les cellules adoptent à nouveau un phénotype étalé propre au type cellulaire.

Les substrats greffés à la fois avec PEG et RGD étirés à 60% sont adhérents pour les cellules. En effet, les observations en vivant et en fixé montrent que les cellules sont bien étalées avec la formation de points focaux organisés de façon homogène tout autour de la cellule. Le relâchement brusque du support entraine l'arrondissement des cellules et le détachement de certaines d'entre elles. Plus précisément, les cellules subissent un arrondissement à cause du stress comme pour le relâchement des surfaces couvertes uniquement de RGD. Cependant dans ce cas, des cellules se décrochent car les points focaux sont désolidarisés de la surface. De plus, un simple rinçage permet de décrocher toutes les cellules de la surface. Ce procédé d'étirement et de relâchement du substrat avec l'adhésion et le décrochage des cellules est totalement réversible et offre la possibilité de répéter l'opération (testé jusqu'à 10 fois).

Ces expériences ont donc montré que le développement du support permettant l'adhésion cellulaire en fonction de l'étirement est réussi. Ce substrat permet donc de cultiver des cellules et de les décrocher réversiblement sans traitement chimique ou enzymatique particulier mais simplement avec un stress mécanique apporté par le relâchement du substrat. De plus les adhésions et expulsions des liaisons sont proportionnelles à l'étirement. Ce type de support activable par stress mécanique est le premier du genre et pourrait s'avérer essentiel pour de nombreux autres travaux. Les perspectives premières exposées pour ce matériau sont son utilisation dans des systèmes d'ingénierie tissulaire et pour du tri ou de la purification de protéines.

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D'autres perspectives sont envisageables pour ce substrat. Notamment pour mieux comprendre la mécanosensitivité, cet outil serait idéal pour comparer l'adhésion de différents types cellulaires. Il pourrait même aider à la détermination des surfaces minimales et des quantités de points focaux nécessaires pour chaque lignée. En effet, comme le taux d'adhésion est proportionnel à l'étirement, des courbes d'aires de points focaux en fonction de l'étirement pourraient être établies. Cet outil permettrait de quantifier dans chaque cas les paramètres d'adhésion pour chaque type cellulaire. Hirschfeld-Warneken et al. ont montré l'importance de l'espacement des fonctions RGD en travaillant sur des supports constitués d'un gradient de ce peptide. En effet, ils rapportent que ce paramètre définit entre autres les aires d'adhésion, l'organisation du cytosquelette, la polarisation et la morphologie cellulaire. Cavalcanti-Adam E.A., et al. ont, pour leur part, déterminé qu'un espace maximal de 58nm entre les RGD était idéal pour la formation des points focaux (Cavalcanti-Adam E.A., et al., 2007). En utilisant le support à sites RGD cryptiques, cette étude pourrait être poussée davantage en observant les effets en dynamique de la découverte des sites d'adhésion à différents intervalles et pour des aires d'adhésion croissantes.

Par ailleurs, ce système pourrait être utilisé pour comprendre la transition entre mécanosensitivité et mécanotransduction en étudiant la dynamique des points focaux. En effet, il permettrait d'observer d'une part une construction progressive d'un point focal par découverte progressive des sites RGD. D'autre part, le relâchement progressif du support, permettrait d'étudier la dynamique de décrochement du point focal. L'idée serait de freiner les processus d'adhésion et de décrochement par contrainte stérique à l'échelle moléculaire et d'ainsi mieux définir chaque étape de la création et de la désorganisation de ces complexes protéiques. De plus la formation des points focaux, qui est à la base de la mécanosensitivité, initie des cascades de réactions intracellulaires. Ce phénomène est nommé transduction du signal (Tamada M. et al., 2004). Cette transduction ou ici mécanotransduction permet à la cellule grâce aux points focaux et au réseau de cytosquelette sous jacent d'évaluer les propriétés physico-chimiques de son environnement (Vogel V. et Sheetz M., 2006). Ces mécanismes qui sont à la base de la sensitivité cellulaire sont au cœur de nombreuses études actuelles (Na S.,et al., 2008; Schwarz U.S., et al., 2012)

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Une autre approche de l'étude de la mécanotransduction intracellulaire serait donc envisageable grâce à cet outil. La mécanotransduction pourrait aussi être étudiée à l'échelle de populations cellulaires (cellules adhérées les unes aux autres) et apporter des informations complémentaires aux stimulations mécaniques appliqués par des pinces magnétiques, des pointes AFM ou des systèmes de compression qui sont à l'échelle de la cellule seule (Ofek G., et al., 2009; Venkatesan Lyer K., et al., 2012). L'intérêt est que les études menées sur des populations cellulaires sont beaucoup plus proches des conditions in vivo que les études sur cellules isolées. La seule limite de ce nouvel outil pour les études des mécanosensitivité, mécanotransduction et mécano-réponse est qu'il est toujours basé sur un stress appliqué à la cellule. Un autre type de substrat a été développé au sein de notre équipe. L'intérêt de ce nouvel outil est basé sur sa topographie particulière sous forme de micro-piliers. Nous allons voir que cet outil permet d'étudier la mécanotransduction cellulaire sans appliquer aucune stimulation mécanique aux cellules.