• Aucun résultat trouvé

III. Résultats et Discussion:

III.2 Déformations cellulaires sur micro-piliers:

Une autre approche de l'étude de la mécanotransduction intracellulaire serait donc envisageable grâce à cet outil. La mécanotransduction pourrait aussi être étudiée à l'échelle de populations cellulaires (cellules adhérées les unes aux autres) et apporter des informations complémentaires aux stimulations mécaniques appliqués par des pinces magnétiques, des pointes AFM ou des systèmes de compression qui sont à l'échelle de la cellule seule (Ofek G., et al., 2009; Venkatesan Lyer K., et al., 2012). L'intérêt est que les études menées sur des populations cellulaires sont beaucoup plus proches des conditions in vivo que les études sur cellules isolées. La seule limite de ce nouvel outil pour les études des mécanosensitivité, mécanotransduction et mécano-réponse est qu'il est toujours basé sur un stress appliqué à la cellule. Un autre type de substrat a été développé au sein de notre équipe. L'intérêt de ce nouvel outil est basé sur sa topographie particulière sous forme de micro-piliers. Nous allons voir que cet outil permet d'étudier la mécanotransduction cellulaire sans appliquer aucune stimulation mécanique aux cellules.

III.2 Déformations cellulaires sur micro-piliers:

Les comportements des cellules au sein d'un même organisme sont multiples et dépendent principalement du tissu dans lequel elles évoluent. Cependant toutes ces cellules ont le même patrimoine génétique. C'est l'expression génique qui permet l'acquisition des diverses fonctions. Ces différences de transcriptions, dont les effecteurs sont les facteurs de transcriptions, sont le résultat de réponses complexes à des stimulations extra- et intracellulaires. Ces stimuli externes peuvent aussi modifier la stabilité des ARNm et des protéines. Ces mécanismes de régulation sont nommés cascades de réactions ou transduction du signal quand les signaux viennent de l'extérieur de la cellule. La réponse à des stimuli extracellulaires est le résultat de mécanismes de reconnaissance, de sensibilité dont use la cellule pour s'adapter à son environnement. Les facteurs externes sont nombreux: chimie, rigidité, topographie, signaux électriques, stress mécaniques. Le plus souvent, ce sont des combinaisons de ces différents paramètres qui régulent les réponses cellulaires. C'est pourquoi la compréhension des mécanismes de réponse cellulaire à leur environnement est essentielle. Le but est de pouvoir comprendre, décrire et peut être même à terme prévoir des comportements cellulaires existants in vivo. L'utilisation de surfaces avec des rigidités, chimies et topographies contrôlées permet

) *

de mieux comprendre et identifier ces réponses cellulaires. Dans ce travail, nous avons choisi d'étudier le comportement cellulaire en fonction d'une topographie constituée de micro-piliers. De nombreux travaux de recherche ont déjà utilisés ce type de support pour étudier les objets biologiques. Les micro-piliers ont été utilisés par Su W.T. et al. pour décrire la capacité de fibroblastes issus de la moelle osseuse de souris à adopter des phénotypes très allongés en suivant les alignement de piliers (Su W.T., et al., 2006). Les piliers en élastomère ont été mis à profit pour quantifier les forces appliquées par les cellules sur des piliers avec des valeurs de l'ordre de nN/cm2 (Mussig E. et al., 2008; Du Roure O. et al., 2004; Tan J.L. et al., 2003). Ils ont permis, entre autres de relier les forces appliquées par les cellules aux aires des points focaux (Balaban et al., 2001). Les piliers ont aussi été utilisés pour appliquer localement des forces sur des cellules afin d'étudier leurs réactions (Sniadecki N.J. et

al., 2004). L'équipe de Steinberg T. et al. a même montré en 2007 des variations

dans les différenciations de kératinocytes par culture sur micro-piliers. Ils ont trouvé des liens entre l'espacement entre les piliers et la différenciation cellulaire (Steinberg T., et al., 2007).

Pour notre étude, les piliers ont une autre utilité. En effet, ils sont utilisés comme une contrainte stérique passive permettant l'étude de la mécanique cellulaire. Peu de substrats permettent l'étude des mécaniques cellulaires sans stimulation externe. Les micro-piliers en font partie (Davidson P., et al., 2009). Par ailleurs, les composants du cytosquelette sont bien connus pour donner leurs formes aux cellules et pour leur permettre de se mouvoir. Cependant les interconnections des réseaux et leurs rôles respectifs restent peu décrits et en particulier en ce qui concerne les forces appliquées sur le noyau cellulaire. Seuls, Davidson P. et al. au sein de notre équipe ont déjà utilisé des micro-piliers dans ce but. En effet en 2009 puis en 2010, ils avaient décrit que les cellules recensées notamment comme cancéreuses se déforment de façon importante entre des micro-piliers de PLLA sans modifier leur prolifération ni leur différenciation (Davidson P., et al., 2009; Davidson P., et al., 2010). Il avait été décrit que les piliers carrés de PLLA mesurant 7µm, espacés de 7µm et haut de 5µm constituent une topographie particulière qui suffit à induire des déformations importantes des corps cellulaires ainsi que des noyaux. De plus ces déformations sont effectuées "physiologiquement" par les cellules qui ne sont soumises à aucune pression, aucun stimulant ou chimio-attractant particulier. Ce modèle est donc idéal pour comprendre comment les cellules peuvent engager des

+ ,

changements importants dans leur mécanique interne.. Il permet aussi d'identifier des comportements cellulaires en fonction par exemple de leur degré de cancérisation (Davidson P., et al., 2010).

Dans les prochains chapitres nous allons tenter de mieux définir les comportements de déformation ou non déformation des cellules en fonction de leurs origines et natures. Pour cela, des cellules multipotentes et des cellules cancéreuses provenant de différents tissus ont été cultivées sur les micro-piliers.

III.2.1 Observation en dynamique de cellules hMSC cultivées sur micro-piliers:

Jusqu'à présent les études de déformation avaient été concentrées sur des cellules différenciées, immortalisées ou cancéreuses. Ici, des comportements de cellules souches sur micro-piliers ont été étudiés. Des cellules hMSC au 6ème passage ont été cultivées sur des micro-piliers carrés de PLLA (7X7µm) pendant 6, 14, 24 et 48h. Les cellules ont alors été fixées et marquées avant d'être observées par microscopie confocale.

Les résultats obtenus montrent que les cellules hMSC apparaissent très déformées à des temps précoces et qu'elles remontent au dessus des piliers par la suite. Ces observations avaient déjà été publiées par notre équipe avec des cellules HOP (Human Osteoprogenitor) (Davidson P., et al, 2010). Ces mécanismes de déformation à des temps précoce pourraient représenter un moyen pour les cellules de caractériser leur environnement. Ainsi, les cellules identifiant que leur migration entre les piliers nécessite la déformation de leurs noyaux, elle choisiraient de remonter au dessus des micro-colonnes afin de préserver leur intégrité. En effet, des études ont montré que l'expression génique est intimement liée à l'organisation intranucléaire de la chromatine (Venkatesan Lyer K., et al., 2012; Lanctôt C., et al., 2007; Rowat A.C., et al., 2008). Ainsi, une déformation du noyau pourrait induire un signal de stress menant à la mort cellulaire. C'est pourquoi la cellule saine remonterait au dessus des piliers. Dans cet optique, il serait intéressant de quantifier l'expression des caspases pour vérifier une éventuelle initiation de l'apoptose. Cette hypothèse expliquerait aussi pourquoi seules les cellules cancéreuses qui sont moins sensibles aux signaux de mort cellulaire peuvent se déformer (Sherwood A.L., et al., 2008; Zijl F., et al., 2011; Evan G. et Littlewood T., 1998). En effet, ces dernières

- .

peuvent adopter des formes nucléaires très angulaires et ne subir aucune modification de leur comportement (Davidson P., et al., 2009).

III.2.2 Comportements des cellules cancéreuses sur micro-piliers

Les cellules cancéreuses issues d'ostéosarcomes SaOs-2, MG-63 et OHS-4 ainsi que les cellules TC7 issues d'un cancer de l'intestin ont été cultivées sur micro-piliers de PLLA. Après 24 ou 48h de culture, les cellules ont été fixées, marquées et observées par microscopie confocale en 3D. Des coupes ont été imagées tous les

/0

14h 24h 48h

3124 59 :; 3124 <=: ; 31 2 4 <= : ; >? 2 4 @=:;

PAB A CDEActine ADN Microtubules

hFGHP6 IJ KJ LJ MM NM OJ QR STR T UR UVR WXYZ [ \]^_`\ de déformation des cellules hMSC

* * *

abcd ddef: Cinétiques de culture des cellules hMSC P6 sur micro-piliers de PLLA: Les cellules hMSC P6 ont été

cultivées 6, 14, 24 et 48h sur des piliers carrés de PLLA gaufrés à 7x7µm avec 6µm de haut. Après culture les cellules ont été fixées et marquées avec du DAPI (noyaux en bleu), de la phalloïdinegij k lm nop q rss rt sup vspws x

anticorps diriyz{ |} ~  € ‚ƒ „-p … † …‡q rs oˆ…‰ ‡Š x n … k‹j k l mŒqouˆ p …† …‡s x s r uˆ…svŽ sx no…q xqp qˆrx ˆ rp Šp Š

effectuées par microscopie confocale avec un objectif X63 à huile par observation des 3 fluorochromes cités précédemment et de la réflexion pour visualiser les piliers. La déformation a été quantifiée pour chaque temps et est présentée sous forme de courbe. Le symbole "‘’ xq  rq “qs…s‡ n‰uˆ† n †q‡qp Šws wqŒq r …p qˆrw …p n … ”ws

• –

0,496µm afin de pouvoir quantifier et comparer les déformations de chaque lignée. Les cellules SaOs-2 et TC7 ont aussi été observées par MEB (Microscopie Electronique à Balayage). —0 µm 15 µm ˜™š›

-2

MG63

OHS-4

TC7

œž Ÿ   ¡ž  ¢£¤ ¥ ¦§žœ ¨ ¨ 20 30 40 50 60 70 80 90 © ª« ¬-2 ­®-63 « ¯©-4 °±£ ²³´µ ¶·¸¹ ¶·¸¹ ¶º¸¹ » ¼ ½ ¼¾¿À Actine ADN Microtubules Vimentine Á · ÷·Äº Á  ·Ã··¶º Á · ÃÅÆÇ Pourcentage de déformation

ÈÉÊËË ËÌÍ: Comparaison des capacités de déformation de cellules cancéreuses sur microÎpiliers: Les cellules SaOs-2, OHS-4, MG-ÏÐÑ Ò ÓÔÓ Ô ÕÖ ×ÓØ ÙÔÚÛÜÝÞÚ Ó×ÚÛßàá

48h sur des surfaces microâÛ Ó ãÖ ÕÓ Ö ãÔÚÛä å ÚÛ ÕÚ× ×Ö×ÚÛ Ñ ÒÓ ÚÒ Û ÖØ ÓÚ ÔÓ Ô æØ ç ÔÚ Ûè

marquées au DAPI, à la phalloïdineâFITC et avec des anticorps dirigés contre la βâ

tubuline ou la vimentine couplés au TRITC. Les cellules ont été imagées par microscopie confocale en 3D. Les cellules SaOsâÜ Ú Ó ßàá éêãëÛ ÜÝ Ú Ó ÝìÞ

respectivement ont aussi été imagées par microscopie électronique à balayage en condition environnementale. Les statistiques montrent que les cellules SaOsâÜÛÚ

déforment significativement plus que les cellules MGâÏÐä àÚÛ íÚ ãÒ ØëãÚ Û Û Ú

déforment significativement plus que les cellules TC7 et OHSâÝäåÚ ÛÕÚ ××Ö ×Ú Ûß àáÚ Ó

î ï

Les cellules cancéreuses cultivées sur micro-piliers présentent toutes de fortes déformations allant de 44 à 48% pour les cellules TC7 et OHS-4, 70% pour les MG-63 et enfin 82% pour les cellules SaOs-2. Les corps cellulaires sont tous déformés de façon importante et les noyaux apparaissent plurilobés. Les images par microscopie électronique à balayage permettent aussi d'observer des différences de déformation entre SaOs-2 et TC7 à savoir que les cellules d'ostéosarcome présentent un plus fort taux de déformation comparées aux cellules de cancer de l'intestin où l'impression des piliers est à peine visible à travers les cellules. Par ailleurs, ces images obtenues pas MEB permettent aussi d'identifier que des cellules ayant un comportement collectif (avec des liaisons intercellulaires très fortes comme TC7) sont aussi capables de se déformer sur les surfaces micro-structurées (FigIII.3).

III.2.3 Cinétiques de déformation des cellules SaOs-2 et TC7 sur micro-piliers:

Les cellules SaOs-2 ont été transfectées avec de l'histone-GFP et de l'actine RFP puis ensemencées sur des micro-piliers. Les observations ont été effectuées par microscopie confocale pendant 24h avec une acquisition toutes les 5min. Les cellules TC7 ont été marquées au CFDA,SE et au Hoechst. Les observations ont été réalisées toutes les 30min pendant 48h par microscopie confocale.

Les résultats montrent que les cellules SaOs-2 se déforment entre les piliers en moins de 6h alors que les cellules TC7 nécessitent 48h voire 72h pour être complètement déformées. Cette grande différence vient du fait que les cellules TC7 ont un comportement collectif contrairement aux cellules SaOs-2 qui vivent plutôt individuellement. En pratique, les cellules SaOs-2 se déforment en même temps qu'elles adhèrent alors que les cellules TC7 forment d'abord des sphéroïdes avec de fortes liaisons intercellulaires. Après 48 à 72h les cellules s'étalent et se déforment toutes en même temps (figIII.4).

Les déformations des cellules cancéreuses observées sur les micro-piliers de PLLA s'effectuent de façon spontanée. En effet aucun stress mécanique n'est appliqué. De plus, comme nous l'avons vu précédemment, certaines cellules sont tout à fait capables de ne pas se déformer sur les piliers. Nous savons que les réponses cellulaires sont régulées en partie par leur matériel génétique mais aussi par les

ð ð ñòóô

-2

õö ÷ ø ùú û ü 6h 12h 30min 24h 48h Actin-RFP Histone-GFP Hoechst ý0 µm 10 µm þ 20 40 60 80 ÿ1 1 3 1   6 ÿ  2 2 4 S- T P    de déformation des cellules

F : Cinétiques de déformation des cellules SaOs-2 et TC7: Les cellules SaOs-2 ont été

transfectées avec de l'histoneGFP et de l'actine-R   !"# $ % &$ '()&!*+$ ,.&/

toutes les 5min. Les cellules TC7 marquées au CFDA,SE et au Hoechst ont été observées toutes les 30min pendant 48h. Le taux de déformation des cellules a été quantifié à chaque temps et reporté sous forme de courbes (bleue pour les cellules SaOs2 et brune pour les cellul0578 9:&

; <

paramètres externes qui sont, entre autres, rigidité, chimie, contraintes mécaniques et topographie. Manuel Théry a montré en 2010 que la fabrication de motifs en 2D de différentes formes permettant l'adhésion cellulaire était suffisante pour contrôler les phénotypes cellulaires (Théry M., 2010). Dans ce cas, les paramètres conditionnant la déformation étaient la chimie et la forme des patrons sur lesquels étaient cultivées les cellules. D'autres travaux ont montré que l'utilisation de motifs 2D fonctionnalisés pour les cellules permettait de déformer les corps des cellules mais aussi leurs noyaux (Khatau, S.B., et al., 2009; Versaevel M., et al., 2012). Dans ces études, les auteurs démontrent que sur des supports étroits (plus fins que la largeur du noyau), les cellules n'ont d'autre choix que de déformer leurs noyaux. L'insertion de levures dans des micro-tubes courbés permet aussi de contrôler des déformations cellulaires. Dans ce cas c'est l'organisation 3D qui entraîne la déformation (Terenna C.R., et al., 2008). D'autres études montrent que les noyaux peuvent également être déformés en présence de contraintes 3D. Friedl P., et al., utilisent des membranes poreuses pour expliquer les étapes de déformation que subissent les noyaux des cellules qui traversent les pores (Friedl P., et al., 2011). Une autre équipe a réussi à provoquer des déformations nucléaires en confinant les cellules entre deux matériaux. Dans ce cas, les forces appliquées par ces derniers peuvent même aller jusqu'à briser la lamina nucléaire (Le Berre M., et al., 2012). En conclusion, dans tous ces travaux, les déformations nucléaires sont induites, c'est à dire que les cellules sont contraintes de déformer leurs noyaux. Par ailleurs, ces déformations paraissent essentiellement dépendantes de la chimie et des contraintes stériques ou des formes des surfaces adhérentes. Dans notre cas les cellules ne sont pas obligées de déformer leurs noyaux puisque certaines cellules restent et se multiplient au dessus des piliers. Dans ce cas, il est intéressant de comprendre quels sont les paramètres impliqués dans ces mécanismes de déformations qui impactent jusqu'au noyau cellulaire.