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Encadré 4. Relation entre bazar et artisanat

2. Enjeux actuels de la gestion de la main d’œuvre dans l’artisanat

2.3. Développement et mutation du secteur de l’artisanat

La question du travail féminin, en fort développement, et plus largement la dimension du genre, sont sans conteste des révélateurs probants des transformations du secteur qui passent aussi par l’émergence de nouvelles activités, qui elles-mêmes tendent à être plus connectées à de nouvelles modalités de FP.

2.3.1. Une segmentation sexuée du secteur de l’artisanat.

L’analyse de l’artisanat à Marrakech qui constitue un échantillon témoin du secteur de l’artisanat au Maroc, peut nous fournir une mise en évidence d’une autre logique différente voire opposée du fonctionnement du marché du travail.

Le secteur de l’artisanat a connu récemment un changement profond qui a touché les structures d’entreprises et le fonctionnement du marché du travail. La segmentation du secteur nous permet de distinguer entre artisanat masculin et artisanat féminin.

L’étude de l’emploi féminin au Maroc ne saurait être faite sans une mise en perspective historique qui met en relief l’évolution récente. Seul l’emploi urbain a été considéré, vu que les données sur l’emploi féminin rural sont trop hétérogènes d’une enquête à l’autre pour assurer une comptabilité acceptable. Ainsi par exemple, le recensement de 1982 ne donnait qu’un taux

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d’activité de 9,3% pour les femmes rurales, alors que l’enquête rurale de 1986/1987 (Direction des statistiques) avait évalué leur taux d’activité de 36.5% soit quatre fois plus.

Entre 1960 et 2003, le taux de féminisation de l’offre globale de travail a plus que triplé. En milieu urbain, l’offre de féminisation de l’offre de travail féminine a enregistré un rythme de croissance double que celui des hommes. Cette évolution structurelle est due à l’amélioration du niveau d’instruction des femmes, à l’expansion des opportunités d’emploi dans le secteur tertiaire, à l’augmentation des gains relatifs des femmes et à leur émancipation progressive, leur conférant un rôle économique accru au sein des ménages (Rapport du cinquantenaire, 2005). La population féminine active est estimée en 1999 à 29,3% de la population active totale. La femme marocaine a réussi dans une certaine mesure à intégrer le marché de l’emploi urbain, tant au niveau du secteur privé que dans l’administration. Ainsi, le taux d’activité féminine en milieu urbain, soit 21,3% en 2000 serait baissé à 20,9% en 2003. Cependant, si l’on considère la même période 2000– 2003 pour décrire le taux d’activité rural, on remarque une tendance pareille, avec des taux qui auraient légèrement décru de 37,5% à 37,3% (Paterno, Gabrielli et D’Addato, 2006).

Mentionnons aussi que dans toutes les années pour lesquelles les informations sont disponibles, les taux d’activité restent supérieurs en milieu rural qu’en milieu urbain. Cela pourrait être attribué à plusieurs motivations liées à la large diffusion, à la campagne, du travail informel et d’activités agricoles et artisanales, souvent pas rémunérées, exercées par les femmes notamment dans le cadre du foyer domestique; ces femmes sont fréquemment considérées dans les données officielles comme faisant partie du marché du travail.

Récemment dans le milieu urbain, on constate que l’activité artisanale emploie de plus en plus de personnel féminin. Vu la nature de l’artisanat au Maroc, deux explications peuvent être avancées :

1- Un effet d’offre de formation : auparavant largement cantonnés dans un apprentissage et un exercice à domicile, nombre de métiers féminins traditionnels tels que la broderie, la confection, la tatouage au Henné, la décoration des mariées … ont vu leur transmission commencé à être pris en charge, complémentairement, par des formations professionnelles structurées et en outre, s’exercer de plus en plus souvent hors domicile dans des boutiques modernes : ainsi dans une mesure croissante, s’est mis en place un marché de ces prestations de service, qui a rendu « visible » une part croissante de ces emplois par ailleurs en expansion..

2- Du côté de la demande de travail : les ateliers artisanaux fonctionnent d’une manière domestique qui fait que le réseau familial ou de proximité est la principale source

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de recrutement. Ce moyen favorise l’insertion des femmes et des enfants dans les métiers qui leur sont ouverts.

La division entre métiers masculins (exemple : bâtiment, jardinage, menuiserie …) et métiers féminins (broderie, « Tangaft »42, tatouage au henné, blanchisserie …) constitue un phénomène majeur dans l’artisanat. Cela n’empêche pas de trouver des branches d’activité où on retrouve les deux sexes comme la coiffure, le textile moderne, la restauration…

Le genre joue un rôle déterminant dans la gestion de l’entreprise artisanale. On distingue deux types d’artisanat selon le positionnement des deux sexes en matière d’emploi. Certains croisent les deux sexes comme dans le secteur de l’hôtellerie-restauration où la construction sociale de l’activité conduit les patrons à embaucher dans un même établissement des garçons et des filles qui servent et assurent les tâches de cuisiniers et cuisinières. Ce phénomène trouve une partie de son origine dans les écoles de formation hôtelière qui forment des jeunes des deux sexes. Dans les activités dominées par les hommes, la structuration par sexe de l’emploi s’opèrent largement en fonction de la demande, c'est-à-dire que dans une même activité, les femmes travaillent les produits féminins et les garçons prennent en charge les produits destinés aux hommes : par exemple, dans le secteur du textile-habillement, la broderie traditionnelle de l’habit féminin est assurée par des artisans femmes tandis que la couture traditionnelle des habits masculins est réalisée par des artisans hommes. Eviter le croisement entre les deux sexes, telle est une caractéristique du secteur de l’artisanat largement répandue, qui traduit la forte distinction sociale et culturelle entre les

« métiers d’homme » (comme c’est le cas du secteur du bâtiment, de la menuiserie, du hammam pour hommes) et les « métiers de femme » (tel est le cas dans la coiffure, la restauration, hammam pour femmes). Cette distinction a des conséquences sur l’organisation de l’apprentissage qui reproduit ces différenciations de genre.

Quelle que soit la taille de l’unité de production artisanale, le recours au réseau familial et aux sources de main d’œuvre auxquelles il donne accès, semble se maintenir, si ce n’est, s’amplifier. Dans les activités en dehors du domicile, le genre conditionne le recrutement.

L’homme maître artisan fait appel aux garçons dans une activité masculine (menuiserie, mécanique…) alors que la femme fait appel aux filles dans les travaux féminins (broderie traditionnelle, coiffure pour femmes …). La mixité est rare à l’exception de la restauration ou du commerce…)

42 Métier d’ornement de la mariée, de la fiancée pendant les jours du mariage ou d’anniversaire (maquillage, tatouage au henné et habillement…)

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L’introduction des aides familiaux est un double moyen de transmission du pouvoir de gestion de l’unité de production d’une part, de l’habilité professionnelle et des savoir faire d’autre part. Ce passage est conventionnellement admis dans et par la société traditionnelle.

Or dans les métiers auxquels préparent la FP scolaire, l’école de formation est considérée comme « démocratique » du fait qu’elle accepte simultanément les deux sexes alors que l’apprentissage sur le tas ne le fait pas généralement. (Ce qu’on va développer dans le chapitre 3).

2.3.2. Des territoires productifs mouvants au sein de l’artisanat.

Dans le secteur de l’artisanat au Maroc, on constate de mouvements de création et de disparition des activités artisanales.

Le développement d’une société plus ouverte sur l’extérieur et d’une économie plus internationale a favorisé le développement des activités artisanales. Ainsi le développement considérable de la télévision a favorisé la naissance de la réparation des appareils et autres moyens télévisuels. Le développement des télécommunications a récemment favorisé l’émergence de l’activité de réparation des téléphones portables. Il en a été de même pour les réfrigérateurs, les ventilateurs et l’ensemble des équipements ménagers et antérieurement avec la mécanique agricole liée à l’introduction des tracteurs a introduit la mécanique agricole, soit au total la naissance d’un artisanat moderne.

L’exemple des cordonniers montre que le développement de la chaussure moderne a modifié l’activité d’anciens fabricants de babouches qui n’ont pas pu adopter les nouvelles techniques de production des chaussures et se sont donc limiter à la réparation des chaussures actuelles.

D’autres activités ont subi de changements de nature technique dus par exemple à l’utilisation de nouveaux matériaux comme dans le secteur du bâtiment avec les mélangeurs de ciment mécanique, ou encore le recours des équipements ménagères à des peintures chimiques.

Dans la coiffure, on peut constater le recours à une multiplicité de techniques et d’outils de travail nouveaux liés, pour partie, à des standards produits par la mode : sèche-cheveux, casques à sécher, gels de coiffage… ; Dans la coiffure pour femmes, les techniques de mise en pli ou en forme ce sont développées avec l’utilisation des rouleaux, des pinces, du brushing,… et des produits de coloration.

Autrefois, le coiffeur, « Le barbier du quartier ou « Hajjam », était le maître artisan qui rasait les crânes des hommes et se spécialisait parfois afin de pratiquer la circoncision des garçons, des saignées de nuque chez les individus souffrant d’hypertension artérielle ou de maux de tête il

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arrachait aussi les dents cariées et soignait les entorses et les os cassés » (Université Cadi Ayyad, 1999, p.71). Aujourd’hui rares sont les coiffeurs qui pratiquent encore ces métiers, sauf dans quelques campagnes.

Dans la coupe et la couture, le développement des différentes machines électriques à coudre, à main, à pédale, et les différentes qualités de tissus ont introduit un renouvellement important des processus productifs et des savoir faire. De même, la généralisation de l’alimentation électrique a obligé les artisans, qui assuraient la production des lampes traditionnelles à gaz, a développé des lampes à filetage pour accueillir des ampoules électriques.

Les traditions avaient tendu à faire de l’artisanat une classe sociale particulière, dans la constitution de laquelle l’apprentissage sur le tas jouait un rôle fondateur, en ce qu’il contribuait à régler les rapports entre les différents acteurs de l’entreprise artisanale, à forger une identité professionnelle commune aux artisans par delà leur statut et enfin à assurer la transmission des savoir faire et techniques accumulés au fil du temps. Cette construction socio-historique a soutenu le développement d’une éthique et d’une culture d’artisanat autour d’un ensemble d’acteurs et de procédés techniques dont les comportements et les usages sont fortement réglés par des conventions de nature domestique (proximité des ateliers, liens familiaux et réseaux d’amis et de voisinage, hiérarchie interne à l’entreprise fondée sur le respect de règles coutumières …). Les organisations corporatives traditionnelles ont veillé au respect de ces règles tant internes qu’externes aux ateliers.

Aujourd’hui nombre de changements liés à l’apparition de nouvelles activités, de nouvelles techniques, de modalités de formation structurées, d’une demande articulée à des standards de consommation d’origine externe … tendent à recomposer le secteur de l’artisanat tant en terme d’organisation que de compétences nécessaires à la réalisation des projets. L’évolution de l’artisanat à Marrakech en atteste.

Section.3. Cadrage économique, social et institutionnel du secteur de l’artisanat à Marrakech.

L’artisanat à Marrakech se présente comme un modèle qui regroupe la plupart des activités artisanales qu’on peut trouver comme activité principale dans d’autres villes marocaines. Le tourisme a contribué à développer le secteur en créant une synergie entre une nouvelle demande et des capacités d’offre renouvelées. Ainsi le secteur de l’artisanat est devenu pionnier dans le développement de la région, puisqu’il emploie un tiers de la population active de Marrakech

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(32.4%) (Université Cadi Ayyad, 2000). La nécessité d’une politique de restructuration du secteur a mené les instances compétentes à organiser un recensement des activités artisanales de toute la ville de Marrakech.

1. Travail à domicile ou en atelier à usage professionnel : deux facettes de

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