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Encadré 2. Economie de la grandeur

III. Démarche d’analyse et méthodologie de la recherche

Ainsi l’économie des conventions nous semble être particulièrement en mesure de nous aider à comprendre le terrain de l’artisanat de Marrakech parcouru par des logiques d’action diversifiées émanant d’acteurs eux-mêmes multiples.

D’une part, l’économie des conventions cherche à dépasser l’opposition classique entre des explications par les seules conduites individuelles et des explications holistes centrées sur les dimensions collectives du social : dans notre cas, l’articulation entre actions collectives et choix individuels des jeunes en formation et des artisans est au centre de nos préoccupations. D’autre part, l’économie des conventions avance que la coordination sociale et économique s’appuie sur une pluralité de principes de justification des actions individuelles et collectives, principes constitutifs dont la mise en œuvre s’appuie sur des ensembles de règles adaptées aux problèmes posés : ces « cités » (Boltanski et Thévenot), sommairement dit, peuvent être « marchande »,

« civique », « domestique » (tradition et proximité), « industrielle » (standardisation, planification, intégration), « connexionniste » (réseaux). Dans notre cas, l’analyse de la relation formation emploi pourrait révéler une dynamique des conventions qui peut naître de la coexistence de deux ou plusieurs conventions.

Dans la réalité, la coordination au sein de l’espace professionnel de l’artisanat de Marrakech repose-t-il sur des compromis entre des principes d’action hétérogènes ?

III. Démarche d’analyse et méthodologie de la recherche.

Les ressources documentaires que nous disposons, sous forme de résultats d’enquêtes, de recensements partiels et des rapports des ministères, restent ancrés sur le traitement des aspects relatifs à la FP et à la description des divers secteurs d’activité. Ces travaux ne répondent pas aux

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objectifs de la question de la relation formation –emploi telle que nous voulons la traiter dans notre étude. De ce fait nous avons opté de constituer notre propre grille d’analyse et notre propre base de données (qualitative et quantitative), selon deux niveaux de régulations : institutionnelle et micro-économique, au niveau de l’atelier. Il s’agit de l’étude de la composition et de l’organisation des différents modes de constitution des compétences et des qualifications dans les deux secteurs d’activité de coiffure et de couture. Il ne s’agit pas d’une étude des différences de branches d’activité, mais plutôt de la pluralité des logiques d’acteurs dans deux branches d’activité en vue de prendre en compte la diversité des modèles d’organisation d’entreprises. Il s’agit par conséquent de révéler une pluralité de règles et de conventions constitutives parmi lesquelles les acteurs vont faire des choix pour légitimer leurs actions. Ainsi cette méthodologie nécessite une enquête auprès des salariés des entreprises et des maîtres artisans afin de comprendre la réalité socioéconomique du secteur.

Ainsi la première démarche est relative aux instruments de l’action publique dans le domaine de la FP destinée au secteur de l’artisanat. Le champ d’observation se localise au niveau du champ d’investigation qui regroupe les acteurs d’intervention de la ville de Marrakech. C’est une analyse du système d’interdépendance entre le système de FP initiale (formel et traditionnel) et le système productif propre à chaque branche d’activité choisie.

La deuxième dimension est plutôt micro-sociale, celle des acteurs pris individuellement afin d’analyser leur comportements et leur appréciation sur les résultats des actions entreprises dans le domaine de l’artisanat et le domaine de la FP. C’est une analyse basée sur des individus en formation (apprentis, élèves de la FP), des formateurs et des artisans qui agissent sur la relation formation –emploi dans le secteur de l’artisanat.

Nous avons commencé par l’analyse de la situation par le biais de l’étude qualitative. La première phase nous a facilité l’élaboration d’un questionnaire qui a servi ensuite à l’étude quantitative.

3.1. Etude qualitative des relations institutionnelles.

Constituée d’un ensemble d’entretiens et visites des établissements et acteurs du secteur de la FP et de l’artisanat, cette démarche est divisée en deux sous parties. La première vise les acteurs de régulation institutionnelle du secteur de l’artisanat qui rentrent en relations dans le processus de la FP, ainsi que la régulation du secteur de l’artisanat. Ces acteurs se composent des :

1- Responsables de la formation à l’OFPPT,

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2- Responsables du centre d’apprentissage alterné attaché à la délégation de l’artisanat.

3- Représentants à la chambre de l’artisanat.

4- L’amine de quelques branches d’activité.

La deuxième sous- partie a pour objectif de montrer le positionnement des acteurs individuels dans différentes modalités de formation. C’est une analyse micro –individuelle auprès des acteurs, que sont les :

- Les élèves en formation, les lauréats des différentes modalités de formation.

- Les apprentis sur le tas, les ouvriers artisans.

- Les patrons et les maîtres d’apprentissage

- Les formateurs et les responsables en FP formelle.

L’enquête qualitative nous permettra d’identifier la régulation effective des quatre modalités de formation : apprentissage professionnel (délégation de l’artisanat), FP publique (OFPPT), FP privée et apprentissage sur le tas dans les unités de production artisanales.

Les entretiens approfondis et la collecte de documents sont indispensables pour faire apparaître ces désaccords, litiges… qui, se produisent entre deux ou plusieurs personnes occupant des positions différentes au sein d’une même entité (des formateurs, des chefs de services ou autres responsables etc.…).

Ces désaccords, litiges, contestations … peuvent, entre autres, recouvrir les dimensions suivantes :

1- La qualité des enseignements, de l’encadrement de l’apprenti…

2- Les conditions de travail et de formation.

3- Les modalités de financement (insuffisance des fonds, mauvaise gestion … répartition des charges entre les différents acteurs).

4- Les profils des apprentis et des jeunes en formation ou diplômés : formations de base préalables insuffisantes, orientation par défaut et faible motivation…

5- La légitimité politique et technique des acteurs : représentativité contestée, capacité d’exploitation et de contrôle insuffisante…

Cette partie déterminera les tensions et les enjeux, les différences d’objectifs entre les acteurs ce qui va faciliter la confrontation des différentes logiques et philosophies de l’action des divers intervenants directs ou indirects dans la formation et la production des qualifications des jeunes.

3.2. Etude quantitative.

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Quant à l’enquête proprement dite sur le terrain, elle tient compte de la pluralité des modalités de formation.

Les branches d’activité du secteur de l’artisanat que nous avons choisies sont coupe- couture et coiffure. Elles se singularisent par une variation en termes de type et modalité de formation. Dans le premier cas, on distingue entre une formation publique, privée et par apprentissage sur le tas. En termes de mode de formation, on trouve une formation résidentielle, en alternance et par apprentissage professionnel. Ainsi cette diversité des modes et des opérateurs de formation nous donne, comme nous l’avons évoqué en haut, une pluralité d’organisation des entreprises selon les diverses conventions et règles constituant les sources de légitimation mobilisées.

Cette étude se compose de deux questionnaires différents à adresser aux deux catégories d’enquêtés : les maîtres d’apprentissage et les ouvriers artisans. Elle nous permettra de tester les hypothèses et de confronter les logiques des acteurs. Généralement l’enquête nous rapportera un éclairage sur plusieurs points :

1- Le déroulement de la formation (contenu, pédagogie, condition d’accès, …) 2- Les origines sociales des ouvriers artisans et leurs effets sur l’orientation, 3- Les objectifs explicites et implicites des patrons ;

4- Financement de la formation et rôles des parties prenantes dans la formation à savoir la délégation, l’amine, la chambre de commerce…

5- Normes et coûts positifs et négatifs de la formation. (Comment les ateliers cherchent à couvrir ces coûts ?…),

6- Recrutement et critères d’évaluation des recrutés (ées) sur le marché du travail : évaluations et emplacements de la formation sur l’espace professionnel.

7- Les conditions du travail dans les ateliers de production (rémunération, congé, repos quotidien…).

8- Une évaluation des autres formations, et en même temps une évaluation du point de vue des chefs d’ateliers artisanaux sur les autres formations.

9- Problèmes vécus par les acteurs et solutions proposées dans les divers domaines qui peuvent êtres efficaces aux yeux de ces acteurs.

Il est à noter que la démarche d’analyse est variée. Chaque questionnaire qui constitue une base de donnée sera constitutif d’un objet d’analyse. Ainsi les maîtres artisans et les ouvriers artisans constituent chacun des bases de données qui seront traitées séparément. En revanche, et vu les différents profils de formation et l’hétérogénéité des acteurs intervenants, le questionnement a

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pris en considération les couples maître –ouvrier artisans au sein de la même entreprise. Cet échantillon constitué spécifiquement va nous permettre d’étudier l’appariement entre l’offre et la demande d’emploi dans une même entreprise. Par ailleurs on va réserver une sous- partie à l’analyse de la confrontation ouvrier –maître artisan, qui va nous aider à analyser les figures de compromis ou de défaillance conventionnelles dans le secteur de l’artisanat.

3.3. Structure de la thèse.

La thèse est structurée en deux parties constituées chacune de trois chapitres. La première partie constitue un cadrage des différents champs de l’étude qui nous plonge au fond du sujet à travers trois chapitres.

Afin de relier les coordinations locales aux dimensions institutionnelles, nous avons analysé le régime d’action publique de chaque organisme, qui repose sur des configurations d’acteurs équipés par des organisations et des institutions (règles, coutumes…). Celles-ci sont hiérarchisées autour de conventions qui fondent ainsi la légitimité des règles.

Les entretiens que nous avons faits avec les artisans, les formateurs, les responsables des différentes délégations ont apporté une vue approfondie de l’articulation entre le secteur de l’artisanat et le secteur de la FP.

Dans cette première partie nous avons analysé le secteur de l’artisanat comme un espace socioéconomique. Nous avons structuré des différentes relations qui caractérisent le secteur. Pour partie, elles trouvent leurs origines dans les transformations de l’histoire de la société marocaine.

Par ailleurs, ces relations forment un certain rapport salarial et une segmentation sexuée. Les relations entre offre et demande d’emploi s’établissent sur un espace particulier qui caractérise le secteur de l’artisanat partout dans le Maroc. Cet espace est intitulé Moukef ; un marché avec des caractéristiques particulières (chapitre 1).

Toutes ces caractéristiques nous permettent- elles de parler d’une classe sociale formée des artisans?

Dans le deuxième chapitre, on a essayé d’analyser la relation entre l’apprentissage sur le tas et la FP formelle (publique et privée). Le système de FP constitue une destination préférée des déperditions scolaires. Les conditions socioéconomiques et familiales et la gratuité de la formation comptent parmi les repères qui fondent l’orientation vers telle ou telle modalité de formation. Les

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défaillances du système éducatif permettent d’approvisionner le marché de la FP formelle et traditionnelle.

L’apprentissage sur le tas est une modalité de formation gratuite. Cette modalité est

« domestiquement » le mode d’embauche familial qui joue au bénéfice des enfants des artisans mais dans le même temps aussi dernier recours des déperditions scolaires. D’autre part, la FP publique est un choix des personnes qui ne parviennent pas à réussir le cursus le plus prestigieux de l’éducation générale.

Dans le troisième chapitre, on se focalise sur la coordination dans le secteur de la FP du secteur de l’artisanat à Marrakech. Le développement du système de la FP au Maroc se singularise par l’existence de plusieurs modalités de formation qui s’inspirent de plusieurs modèles de FP et d’apprentissage créés dans le cadre de coopération et de partenariat avec d’autres pays comme la France et l’Allemagne. En face des dispositifs formels de la FP, on trouve le système de la formation sur le tas comme modalité qui favorise le développement de l’apprentissage des métiers.

La coordination entre les différents acteurs qui interviennent dans la création des compétences et des qualifications est un enjeu qui détermine la réussite de chaque modalité de formation. Chaque acteur central est porteur d’un enjeu différent et une logique d’action spécifique qui se confronte à d’autres logiques dans l’espace professionnel de l’artisanat.

La partie empirique est structurée en trois chapitres. Le premier présente les résultats de l’enquête auprès des maîtres artisans. Il trace les différents clivages possibles dans les branches d’activité de coiffure et de coupe et couture ; au regard notamment des modes de formation des compétences qu’ils privilégient ainsi il repère la présence de différents profils de maîtres artisans dans ces deux branches d’activité.

Le deuxième chapitre, quant à lui, analyse les résultats auprès des ouvriers artisans. Il permet de montrer les caractéristiques des populations de différentes modalités de formation mais aussi de porter une appréciation sur les composantes de la formation reçue (formation générale, formation technique, suivi et coordination de la formation).

Dans le troisième et dernier chapitre, nous avons analysé une base de données composée des ouvriers et maîtres artisans appartenant au même salon ou atelier de production. C’est une confrontation entre offre et demande de travail à partir du quelle on traite les exigences des maîtres artisans du différentes modalités de formations disponibles sur le marché professionnel face aux différentes profils des ouvriers artisans. En effet, les logiques de référence des maîtres artisans se différent d’une légitimation à une autre. Dans le cas de l’apprentissage sur le tas, ils peuvent mobiliser d’autres logiques d’action différentes de celles lors du recrutement des différents lauréats

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des autres modalités de formation, et ainsi de même en cas de valeur du diplôme, du rôle des institutions sociopolitiques…

La confrontation entre les maîtres et les ouvriers artisans permet un appariement des légitimations de haut niveau qui peut dégager des compromis entre les diverses conventions.

Tout en mettant l’accent sur les accords et les défaillances de la coordination, l’outillage conventionnel va nous donner une explication du processus qui mène vers la coexistence ou la défaillance entre deux ou plusieurs conventions. Ce type d’analyse nous permettra de dresser la

« carte conventionnelle » de l’espace professionnel du secteur de l’artisanat à Marrakech.

Partie I.

Les dimensions sociétales de la formation

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