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Texte 2 : résumé de l’épopée réalisé par Kwenzi Mikala

3.2 Déroulement de l’enquête

Bien qu’étant membre de la communauté punu par ma mère, mes connaissances concernant la société étaient très rudimentaires. A cela s’ajoutait une difficulté à parler le yipunu que je comprenais pourtant déjà assez bien à cette époque. Mon dernier séjour en pays punu remontait à mes six ans. Mes représentations des pratiques sociales et la vie au village se limitaient donc à de vagues souvenirs et à ce que j’avais lu ou vu à la télévision.

De prime abord, il m’a paru nécessaire de définir dans un premier temps les finalités de l’enquête. J’ai retenu trois éléments:

- recueillir le maximum d’informations auprès des membres de la communauté et constituer une documentation historique, linguistique et anthropologique à partir des fonds des structures scientifiques notamment les Archives nationales, le CICIBA 91et la fondation Raponda Walker92

91Centre Internationale des Civilisations Bantou. Cet organisme inter-états qui regroupe onze pays dont l’Angola, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Gabon, le Guinée Equatoriale, le Rwanda, la République Démocratique du Congo, Sao-Tomé et Principe a été créé en 1983 et son siège se trouve à Libreville. Ce centre a pour vocation d’assurer la collecte, la sauvegarde, les études et la promotion des valeurs et civilisations des pays membres.

92La fondation Raponda Walker est une institution à but non lucratif reconnue d’utilité publique. Elle œuvre pour la promotion de la science et la culture en perpétuant l’œuvre de monseigneur Raponda Walker. La fondation met aussi en place des instruments de valorisation de la culture gabonaise tels que Les éditions Raponda Walker qui publient chaque annéeplusieurs les productions portant sur la culture gabonaise.

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- collecter le maximum de genres du discours reconnus par un nom spécifique dont l’énoncé et l’énonciation obéissent à des règles canoniques. J’espérais en fait par cette démarche faire évoquer la devise comme genre littéraire par mes interlocuteurs sans pour autant dévoiler tout de suite l’objet même de mon enquête ;

- trouver des personnes aptes à apporter des éclaircissements quant à l’origine, la signification des devises claniques collectées auparavant dans le cadre du master et recueillir un grand nombre de devises personnelles.

Lors du premier séjour qui eut lieu du 16 juin au 1er septembre 2011, les activités étaient organisées essentiellement par la prise de contact avec les différents informateurs durant les deux premières semaines. Parallèlement, j’avais entamé une recherche bibliographique au sein des départements des Sciences du langage et de Littératures africaines de l’université Omar Bongo de Libreville. Alors que je pensais ces deux premiers objectifs faciles à atteindre, j’ai dû très rapidement me rendre compte de certaines réalités.

En effet, en ce qui concerne la recherche bibliographique, la plupart des documents considérés comme des références n’étaient pas accessibles. Au niveau des Archives Nationales et du CICIBA par exemple, ils avaient dû changer d’emplacement pour des raisons diverses, ce qui avait entrainé la perte de certains documents ou les rendait indisponibles à la consultation. Signalons au passage que j’étais en outre à cette époque à la recherche de ce que je considère encore aujourd’hui comme un « sésame », l’ouvrage de François N’suka :

Eléments de description punu. Comme je l’ai dit dans le premier chapitre, c’est

principalement à partir de cet ouvrage et quelques autres travaux que je suis parvenue à réaliser une présentation de la langue yipunu.

Dans la poursuite de mon enquête, je me suis heurtée à une autre difficulté, c’est qu’en dehors des contacts obtenus, il n’était pas facile de faire parler les locuteurs car ils ne me connaissaient pas du tout. Ils se demandaient qui pouvait bien être cette jeune femme munie d’un caméscope et d’un dictaphone qui sillonnait la ville. J’avais pourtant obtenu les autorisations requises auprès des autorités locales. Que ce soit à Mouila ou à Tchibanga et Moabi, rencontrer les notables susceptibles de fournir les informations recherchées n’a été possible que grâce à des interventions extérieures.

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A Mouila par exemple, j’ai dû avoir recours à l’aide des religieuses de la congrégation de la Sainte Trinité et à celle du seul cousin de ma mère demeurant encore sur place, Jean de Dieu Boussamba. Ce dernier m’a finalement servi d’accompagnateur-informateur et dans une certaine mesure de traducteur. Présentée comme sa fille ou comme une amie des religieuses installées dans la ville depuis la période coloniale, j’ai pu me faire accepter et ainsi obtenir une place dans la communauté.

A Tchibanga et Moabi, mon intégration a été facilitée par un ami originaire de la région, Alias Chimène Mbadingamoungongou. Ce dernier chez qui je logeais a permis mon immersion totale dans une famille punu, ce qui a favorisé une pratique régulière de la langue de ma part. Signalons que je suis née d’un couple mixte, mon père étant originaire d’Afrique de l’ouest, la seule langue de communication entre nous a toujours été le français.

Mon intégration s’est donc faite progressivement dans chacune des villes. Toutefois, les difficultés auxquelles j’ai dû faire face ont soulevé un certain nombre d’interrogations en moi. Notamment : comment le chercheur est-il perçu selon qu’il soit originaire ou non de la société ; selon qu’il soit connu ou pas etc. Cette question a soulevé aussi d’autres problèmes que je ne développerai pas ici, c’est par exemple le rapport du chercheur à son objet d’étude ; les questions de partialité ou de distance avec l’objet d’étude.

J’ai néanmoins fait un constat lors de mon deuxième passage dans ces villes, c’est que les gens étaient plus disposés à être interrogés. Pour les plus jeunes par exemple, c’est spontanément qu’ils se rendaient utiles ou donnaient des informations.

J’ai aussi été interpellée par un fait difficile à gérer au cours des deux périodes d’enquête. Je me suis retrouvée face à deux catégories de personnes. D’un côté, j’avais des personnes qui étaient favorables à cette recherche. Elles soulignaient d’ailleurs elles- mêmes l’importance, voire l’urgence de collecter et diffuser la littérature orale punu. C’était le cas des anciens de la communauté et quelques responsables locaux à Mouila. D’ailleurs dans cette ville, ma présence a suscité un vif intérêt de la part des notables et du directeur de l’hôpital qui a de son propre chef souhaité apporter sa contribution à travers un entretien. D’un autre côté, j’avais des personnes réticentes qui craignaient que je me serve d’eux, de leur image

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‘’pour me faire de l’argent auprès des Blancs’’93