• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 – Défis et enjeux du fa’a’amu contemporain en Polynésie française pour les

4.2. La famille en question : analyse des sept portraits

4.2.2. Déroulement de l’adoption à la polynésienne suite au confiage

Nous discuterons ici du déroulement de l’adoption à la polynésienne en analysant les rapports entre les parents biologiques et fa’a’amu, le recours à la justice afin d’officialiser leur relation à l’enfant fa’a’amu, le rôle des grands-parents qui adoptent un de leur mo’otua, ainsi que la place de l’enfant fa’a’amu.

4.2.2.1. Maintien des liens entre les parents biologiques et fa’a’amu

Ce qui est particulier, traditionnellement, à la pratique d’adoption à la polynésienne est le maintien des liens entre les familles biologiques et fa’a’amu, ce qui était notamment facilité par la proximité géographique, les liens familiaux étroits entre les deux couples de parents et les logiques d’alliance et d’entraide propres aux peuples polynésiens. Dans le contexte de l’actuelle Polynésie française, le maintien des liens demeure un élément que la plupart des familles fa’a’amu considèrent important : « je ne sais pas pour certaines familles, mais ce n’est pas parce que j’ai fa’a’amu, que j’ai adopté qu’il y a une coupure, non. Il n’y a pas de coupure et les parents biologiques peuvent toujours venir voir leurs enfants […]. C’est très important pour moi » (Marcelle, octobre 2018). Moana, une autre des participantes à la recherche m’expliqua, concernant son petit frère fa’a’amu, qu’« il voit ses parents [biologiques], il comprend qu’il a deux parents différents. Il comprend pourquoi parce qu’on lui explique depuis qu’il est petit, il comprend pourquoi il ne peut pas habiter avec eux. Il comprend pourquoi ils ne sont pas avec nous, il comprend comment ça se fait qu’il a deux sœurs, parce qu’il a une petite sœur, mais elle, elle vit avec ses parents [biologiques], aux Tuamotu » (Moana, novembre 2018). Si auparavant les liens étaient maintenus car le réseau familial élargi habitait un même district ou une même île, aujourd’hui, dans les cas où les parents biologiques et fa’a’amu n’habitent pas la même île, ces liens peuvent être entretenus par des appels téléphoniques ou encore des réunions familiales annuelles ou biannuelles qui impliquent un déplacement par avion (pour les grandes vacances, par exemple).

Même dans certains cas d’adoption entre métropolitains et Polynésiens, le maintien des liens est possible, comme pour le cas de Céline et de ses deux enfants adoptés, parce qu’elle habite sur le territoire : « maintenant je peux regarder mon fils dans les yeux et lui dire, le jour où il demandera, “je ne t’ai pas arraché à ta mère, c’est ta mère qui m’a confié, qui t’a confié à moi” et je pense qu’en ça, ça m’aide, à vivre cette double parentalité de manière extrêmement sereine » (Céline, avril 2018). C’est ce qui fait dire au juge Godefroy du Mesnil que l’adoption à la polynésienne est la forme la plus humaine d’adoption, puisque les liens ne sont pas coupés (du Mesnil 2018 : 95).

Certains contextes empêchent toutefois un maintien des liens durables, notamment pour plusieurs des cas d’adoptions par des métropolitains repartis en France avec un enfant

polynésien, puis dans les cas d’adoption à la polynésienne entre Polynésiens où il y a des tensions ou des conflits importants dans la famille. D’abord, comme on a pu le constater dans le cas de Tepoe et sa fille Hemana, le lien a été coupé alors qu’elle avait demandé à la famille adoptive des nouvelles de sa fille. C’est notamment le constat des professionnels œuvrant à la cellule d’adoption de la DSFE à l’effet que les familles métropolitaines peinent à garder leur parole sur la fréquence des contacts avec les familles biologiques polynésiennes. Pour les familles polynésiennes qui confient un enfant à des métropolitains, cet enfant demeure leur enfant, malgré une adoption plénière.

4.2.2.2. L’enfant fa’a’amu devant l’administration française

Dans chacune des histoires présentées, les familles ont procédé de différentes façons pour établir une relation à leur enfant fa’a’amu. Dans certains cas, il n’y a pas recours à la justice pour officialiser cette relation, alors que dans d’autres, oui. Les motifs qui justifient de faire appel à la justice sont d’inscrire dans une lignée l’enfant fa’a’amu portant un nom de famille différent, de faciliter les démarches administratives entourant son parcours scolaire et les rendez-vous médicaux et d’avoir accès aux programmes d’aide sociale (comme l’accès à la CPS). Dans le cas de Hiti, celui-ci a été confié à sa grand-mère paternelle et à son deuxième mari, lesquels ont fait appel au tribunal pour procéder à une adoption plénière, même si ses parents biologiques habitaient le même quartier. Comme son père fa’a’amu était le deuxième mari de sa grand-mère et qu’il portait donc un nom de famille différent de celui de Hiti et que c’était son seul enfant, il a pu ainsi lui transmettre son nom de famille, ce qui fait aussi de lui l’héritier d’une terre. Ahuriro, quant à elle, a été adoptée de façon simple par sa grand- tante maternelle et son mari. Cette adoption simple est justifiée par le désir de faciliter les démarches administratives la concernant, surtout qu’elle et ses parents fa’a’amu habitaient l’île de Bora Bora et sa mère biologique habitait celle de Raiatea, ainsi que par le désir de l’inscrire dans la filiation de son père fa’a’amu. Quand j’ai demandé à Hiti et Ahuriro si pour eux, même si leurs parents fa’a’amu avaient eu recours au tribunal pour officialiser leur adoption, ils considéraient toujours cela comme une adoption à la polynésienne, ils m’ont confirmé que c’était le cas. En effet, ce que j’ai constaté dans les cas d’officialisation de l’adoption à la polynésienne par le tribunal au moyen d’une DEAP ou d’une adoption simple ou plénière, c’est que pour les parents polynésiens, ce don continue de se conformer aux

logiques du droit local relatif à l’adoption à la polynésienne, c’est-à-dire que cet enfant est toujours considéré comme appartenant aux deux couples de parents (biologiques et

fa’a’amu). Le recours à des procédures juridiques françaises leur donne simplement une

façon de naviguer plus efficacement à travers les dédales administratifs. Lors d’un entretien, Moana, la grande sœur d’un enfant qui fut adopté à la polynésienne par ses parents me raconta la chose suivante :

(…) j’ai considéré le fa’a’amu comme du clandestinage parce qu’on n’a pas de droit sur l’enfant. Donc l’amener chez le médecin, on ne peut même pas le faire parce qu’on n’a pas de droit, on [ses parents] est juste l’oncle et la tante. On n’est même pas tuteurs en fait, on n’est pas à titre de tuteurs. Après, ça dépend de la famille qui donne l’enfant, parce que la famille doit généralement avoir une DAP, une demande d’autorisation parentale, pour tout acte administratif par rapport à l’enfant, même pour l’école. Avec mon petit frère, on avait beaucoup de problèmes par rapport à l’école, parce qu’ils demandent justement une DAP. La DAP, nous on l’a que depuis deux, trois mois. Alors qu’il va à l’école depuis voilà, depuis qu’il est petit. On n’a pas eu de souci légal parce que voilà, le directeur de l’école faisait confiance, même en maternelle, ils ont fait confiance et puis le fa’a’amu c’est un acte très, très ressortissant ici en Polynésie. Parce qu’il suffit juste de dire « ouais, c’est ma maman », alors qu’en fait ce n’est pas sa vraie maman et on comprend pourquoi l’enfant dit que c’est sa maman parce que c’est elle qui l’a éduqué, donc voilà, c’est sur ce point-là en fait que ça été très difficile par rapport à l’enfant parce qu’on n’a pas de droits dessus. L’emmener au médecin c’était difficile parce que le médecin, il faut qu’il ait confiance, il ne peut pas dire, il ne peut pas accepter et puis les feuilles de soins ne sont pas remboursées au nom de la famille fa’a’amu, mais au nom de la mère. Voilà, y’a ça, y’a eu l’éducation, même pour obtenir une bourse, par exemple, mon petit frère ne peut pas avoir de bourse parce qu’on n’a pas de droit sur lui, il faut que ce soit les parents qui autorisent, donc à chaque fois il faut une demande, une autorisation des parents, et c’est pour ça que ma mère a demandé à avoir une DAP. Voilà et puis il y a deux mois donc ça va, les transactions se font un peu plus [facilement]. (Moana, novembre 2018)

Dans certains cas, les familles ont jugé pertinent d’officialiser leurs relations à l’enfant pour éviter certaines complications administratives relatives à l’enfant, comme l’inscription à l’école, les rendez-vous médicaux, les remboursements d’assurance pour les soins médicaux lui étant prodigués ou l’éligibilité à des programmes d’aide sociale pour les familles comme l’Allocation familiale qui fournit un montant mensuel par enfant à charge30 (CPS 2013).

30 Selon la Caisse de prévoyance sociale (CPS), les allocations familiales peuvent être versées selon les conditions suivantes : « être à la charge effective et permanente de l'allocataire, celui-ci assurant d'une manière générale le logement, la nourriture, l'habillement et l'éducation de l'enfant », puis dans un deuxième temps, l’enfant doit relever des six catégories suivantes :

• « enfant(s) issu(s) du mariage de l'intéressé ou légitimé(s) par ce mariage, quel que soit son statut, à condition que ce mariage soit inscrit à l'état-civil,

• enfant(s) que le conjoint du bénéficiaire a eu(s) ou a adopté(s) ou dont l'autorité parentale lui a été transférée par décision de justice avant son mariage,

Comme il est possible de le constater dans la citation ci-haut, il est courant de voir que les procédures et le langage juridiques ne soient pas toujours bien compris par les justiciables polynésiens. Dans ses recherches, Gagné s’intéresse tout particulièrement à cet enjeu : « Les justiciables font de toute évidence face à une autre difficulté, celle du langage juridique. J’ai pu relever de très nombreux signes montrant combien les justiciables ne comprenaient pas totalement les implications de l’affaire, ses prochaines étapes ou, au pénal, la peine prononcée » (2018 : 101). Concernant l’adoption à la polynésienne, c’est aussi une réalité que je constate. Les Polynésiens ne saisissent pas toujours les différences entre une DEAP, une adoption simple et une adoption plénière. Moana m’explique qu’il a été long avant d’obtenir l’accord de la mère biologique de son frère fa’a’amu pour effectuer une DEAP : « la mère ne voulait pas faire de DAP [délégation d’autorité parentale], parce qu’à son sens, elle pensait qu’une DAP c’était une adoption légale alors qu’on expliquait que non, c’est juste par rapport à des droits par rapport à lui pour l’école, pour le médecin et pour les bourses et tout et tout, c’était pour lui en fait. On ne voulait rien en fait de leur part, mais elle pensait que c’était tout un contrat, c’est pour ça que ça a mis du temps avant la DAP » (Moana, novembre 2018). Cette incompréhension du système judiciaire est notamment une des raisons qui poussent les parents biologiques d’un enfant fa’a’amu à ne pas procéder à une DEAP ou à une adoption.

Dans certains des cas présentés, dont ceux de Manuia, Aira et de Ioane, aucune démarche judiciaire n’a été faite. Dans ces cas d’adoption à la polynésienne sans recours à la justice, plusieurs stratégies peuvent être employées pour « jouer avec les règles du jeu ». Par exemple, pour l’inscription à l’école, les parents biologiques peuvent signer les papiers sans nécessairement se déplacer. Ceci implique le maintien des liens entre les deux familles. Dans

• enfant(s) ayant fait l'objet d'une adoption ou légitimation adoptive par le travailleur, ou enfant(s) dont les droits de garde et de puissance paternelle ont été confiés au travailleur conformément aux règles du code civil,

• enfant(s) placé(s) auprès du ressortissant suite à une décision administrative ou judiciaire, • enfant(s) orphelin(s) de père et de mère issu(s) de leur mariage et recueilli(s) par un travailleur

salarié, marié,

• enfant(s) naturel(s) reconnu(s) par le travailleur salarié » (CPS 2013).

Si l’enfant est à charge d’une tierce personne, « [l]a mère doit donner et signer une autorisation pour le versement des prestations familiales : à une tierce personne qui a la garde de l’enfant ; ou au père qui a la

le cas de la jeune Manuia, sa mère biologique explique comment elle fonctionne avec sa belle-mère, la mère fa’a’amu de Manuia, pour la signature des papiers administratifs la concernant :

Anne-Julie : Comment avez-vous fonctionné avec Manuia pour les rendez-vous à l’hôpital et son inscription à l’école ?

Vaia : C’est sa grand-mère qui a tout fait.

Anne-Julie : Tout sur Rurutu ? Elle n’a jamais eu besoin d’opération ? Vaia : Non.

Anne-Julie : Mais la seule fois que tu as dû donner ta signature, c’était pour son inscription au collège ?

Vaia : C’était pour l’allocation.

Anne-Julie : Puisque c’est elle qui a l’allocation familiale ? Vaia : Voilà, c’est elle qui a l’allocation.

Anne-Julie : Et pour inscrire Manuia au collège ?

Vaia : C’est moi. Pour la classe de 6e oui, on m’a demandé.

Anne-Julie : Alors ils envoient les papiers par la poste, tu signes et tu renvoies par la poste ? Vaia : Voilà, sinon elle en profite lorsqu’elle descend pour l’artisanat. Elle donne les papiers à son fils et moi je lis et je signe. Je fournis les papiers.

Anne-Julie : Ok. D’accord.

Vaia : Nous avons toujours fonctionné comme ça. Si elle avait besoin de quelque chose, elle appelait et on envoie par avion. (Vaia, décembre 2018)

D’ailleurs, dans ce cas, c’est aussi le père biologique de Manuia qui ne voulait pas signer de papier qui risquerait de lui enlever sa place de père. Comme dans le cas de Manuia, plusieurs familles fa’a’amu fonctionnent par téléphone et la poste pour régler les affaires administratives d’un enfant fa’a’amu et ne souhaitent pas s’embourber dans des démarches judiciaires pour officialiser la relation à leur enfant fa’a’amu. Cette stratégie fonctionne d’ailleurs très bien pour plusieurs des cas dont j’ai pu être témoin. À la lumière de ces différentes réalités, on voit bien le dialogue des deux mondes, celui de la justice française et celui des traditions polynésiennes, donnant à voir un pluralisme juridique.

4.2.2.3. Le rôle des grands-parents face à l’enfant fa’a’amu

Dans plusieurs des portraits présentés dans ce chapitre, nous avons pu remarquer l’influence de l’âge sur les motifs pour confier ou recevoir un enfant : il est souvent question d’une mère trop jeune qui donne un enfant et d’une femme plus âgée qui prend un enfant, par exemple. Selon l’étude de l’ISPF, la proportion de femmes qui ont reçu un enfant en fa’a’amu atteint 20 % à partir de 55 ans et 24 % pour les femmes de 70 à 74 ans (ISPF 2018 : 8). Comme nous avons pu le constater à travers les différents portraits esquissés plus haut, il n’est pas rare que les femmes polynésiennes soient grands-mères dès la cinquantaine. Ce chiffre nous indique donc qu’une partie de ces femmes de 55 ans et plus sont en effet des grands-mères. Dans les faits, qu’en est-il de leur rôle pour ces enfants fa’a’amu ? Lors d’un colloque mené par l’AFAREP en 2006, Elisa Yao Tham Sao explique le rôle de ses grands-mères comme suit : « [c]et héritage m’a été transmis par mes grands-mères (grands-tantes y comprises) paternelles et maternelles avec qui j’ai beaucoup appris. Elles étaient chargées de transmettre l’éducation par la tradition orale, et elles savaient faire respecter le poids de la parole » (AFAREP 2009 : 20). Le rôle des aînés est donc important, sinon nécessaire à l’éducation des plus jeunes générations et de leurs mo’otua. La prise en charge d’un enfant fa’a’amu par un matahiapo est à comprendre dans ses particularités : la transmission de leur savoir (histoires familiales, pêche, agriculture, etc.) vers l’enfant ainsi que l’écart générationnel avec ce dernier.

Les jeunes qui sont élevés par leurs grands-parents « sautent » une génération en termes de transmission du savoir. Souvent, il arrive qu’un enfant élevé par ses grands-parents se retrouve confronté à ne pas être tout à fait en phase avec l’époque dans lequel il vit, surtout depuis l’accélération du temps provoqué par la modernité. Cela dit, si on reprend le portrait de la jeune Manuia qui a grandi auprès de ses grands-parents paternels, la jeune fille de 12 ans sait tresser, car sa grand-mère le lui a appris, elle porte un prénom que son grand-père lui a spécifiquement choisi, mais elle a de gros retards scolaires qui ne sont pas pris en charge à la maison et qui sont problématiques dans l’optique de lui créer un projet de vie à long terme. Le personnel de la DSFE que j’accompagnais se demandait même si la grand-mère allait consentir à inscrire sa mo’otua au CJA puisqu’il est fréquent qu’une adoption à la polynésienne par des grands-parents procure, comme nous l’avons vu, une certaine forme

d’assurance que quelqu’un s’occupera d’eux pour leurs vieux jours31. Comme Manuia a 12

ans et qu’elle a toujours vécu auprès de sa grand-mère, si elle ne va pas au CJA sur l’île de Rimatara, la dernière option envisageable à ce moment pour la DSFE est soit de replacer la petite auprès de ses parents biologiques avec un jugement de la cour et contre le gré de la grand-mère, soit de la laisser auprès de sa grand-mère, ce qui mettrait aussi fin à un projet de formation pour elle. Encore ici, on voit la confrontation des mondes polynésiens et français. Dans la perspective de la grand-mère, Manuia a un avenir assuré étant donné sa pratique de l’artisanat, alors que pour les services sociaux, l’avenir professionnel passe par la scolarisation.

4.2.2.4. La place de l’enfant fa’a’amu dans sa famille

Pour certains cas de figure, l’enfant est bien ancré dans sa famille fa’a’amu. C’est notamment le cas de Ahuriro et de Hiti qui ont tous deux permis à leurs parents fa’a’amu d’avoir une descendance. Dans ces cas, la place et le rôle des enfants sont bien inscrits dans le groupe familial : chacun des membres remplit un rôle clair. Il arrive aussi parfois qu’il occupe une place privilégiée dans sa famille fa’a’amu, comparé au reste de sa fratrie biologique. C’est notamment le cas de Meleana qui m’expliquait que : « aujourd’hui pour tout dire, mes frères et sœurs biologiques, parmi nous 7 [de la fratrie biologique], on [les deux filles fa’a’amu] est les seules à travailler, les deux qui ont été adoptées, et on est les seules différentes. Donc tu vois, tout le reste, les 5 autres, ils ont des enfants, ils ont leur famille. Bon, sauf notre aînée. Elle a fait un bon mariage, mais quand elle a des difficultés, bon mes parents sont là, hein. Et ils sont toujours là, dans cette, tu vois, dans cette coquille » (Meleana, mars 2018). Du côté de Hiti et de Ahuriro, leur adoption à la polynésienne leur a notamment permis de faire des études universitaires et on peut se demander si cela aurait été possible s’ils avaient été élevés par leurs parents biologiques.

31 L’étude de l’ISPF sur le fa’a’amura’a révèle que pour les archipels des Australes et des Tuamotu-Gambier: « la situation économique des femmes actives s’est dégradée dans ces territoires, augmentant de fait la pression économique sur les familles de grande taille. Souvent associé à des considérations affectives, il est probable que confier et donner un enfant s’accompagne également de considérations économiques » (ISPF 2018 : 10).

Parfois, la place de l’enfant fa’a’amu n’est pas aussi évidente. Il arrive que l’enfant circule plusieurs fois à l’intérieur du groupe familial élargi, comme c’était le cas de la jeune Aira. Si elle était sous la responsabilité de plusieurs adultes (Petero, Tehinatu, Karine et les grands- parents maternels) et que le but de son fa’a’amu était d’équilibrer le ratio homme-femme