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La crise économique récente

Dans le document Santé 2020 : cadre politique et stratégie (Page 69-72)

Santé 2020 est un cadre politique valable tant pour les époques prospères que pour les temps plus difficiles sur le plan économique. néanmoins, on peut tirer certains enseignements de la régression économique et de la crise financière récentes. Le secteur de la santé et le secteur social sont particulièrement vulnérables aux compressions budgétaires pratiquées durant les périodes de régression économique, non seulement en raison de leur volume dans tout budget gouvernemental, mais aussi à cause de la position souvent relativement faible occupée par les ministères de la Santé aux tables de négociation. Dans la Charte de Tallinn (24), les États membres ont déclaré qu’« il est inacceptable, aujourd’hui, de devenir pauvre en raison d’un mauvais état de santé  », une affirmation qui peut être ébranlée quand les pouvoirs publics cherchent à faire supporter la charge du financement par les ménages dans le cadre d’une politique de réaction à des contraintes budgétaires. La crise économique place les États membres devant un formidable défi, car il s’agit de savoir comment rester engagé envers l’équité, la solidarité et la protection financière, mais elle représente aussi une occasion de défendre la santé et d’investir dans ce domaine, ainsi que de renforcer les systèmes de santé.

La crise économique récente a touché de nombreux pays de la Région européenne et remis en question les engagements en faveur d’objectifs de protection sociale, y compris ceux de la santé et de l’équité, qui doivent être renforcés pendant les périodes de régression économique de manière à ce que les politiques prises en réaction à la crise reflètent les priorités publiques plutôt qu’un besoin à court terme d’équilibrer le budget par des réductions généralisées. En effet, les leçons tirées de précédentes secousses économiques vécues par des pays de la Région donnent aux décideurs politiques d’aujourd’hui certaines clés pour savoir comment atténuer les effets négatifs sur la santé et le bien-être de la population : les systèmes de santé qui bénéficient d’un leadership ferme et ont pris des dispositions efficaces en matière de gouvernance sont plus performants en général, et en particulier durant une crise.

Les effets des crises économiques sur la santé sont complexes, et de nouvelles données scientifiques sont sans cesse glanées. avec des revenus en baisse et des prix plus élevés, il est possible que les accidents de la route et l’obésité connaissent un recul, et la cohésion sociale peut s’intensifier. néanmoins, pendant les périodes de difficultés économiques, le stress psychosocial augmente, ce qui entraîne plus de suicides, divers comportements peu sains et une hausse de la demande de services de santé, tant pour des maux physiques que mentaux.

Quoiqu’il faille continuer à faire le bilan des bases factuelles recueillies, les systèmes de santé doivent continuer à fonctionner dans les périodes de régression économique, et à multiplier les activités en lien avec l’encadrement psychosocial, notamment pour les personnes pauvres et vulnérables, afin d’éviter de graves répercussions sur les résultats sanitaires obtenus. au-delà des effets sur la santé, les coupes budgétaires font peser un fardeau financier plus lourd sur les personnes qui cherchent à obtenir des soins en général, et des médicaments en particulier. Le fait de transférer aux personnes recevant des soins, via une augmentation des paiements directs (quote-part à charge du patient et ticket modérateur), un important fardeau financier auparavant pris en charge par des fonds publics provenant d’une mise en commun, peut faire courir aux ménages un risque d’appauvrissement accru dû à un mauvais état de santé, et limiter le recours aux services de santé. Le résultat final peut être un coût plus élevé pour le système de santé et des bilans de santé plus médiocres pour les individus.

Les dépenses consacrées à la protection sociale ont une incidence majeure sur la santé. Il est avéré qu’une augmentation de ces dépenses va de pair avec une réduction sept fois plus importante de la mortalité qu’une augmentation équivalente du produit intérieur brut (37). Dans les pays qui ont maintenu, voire augmenté, les dépenses de protection sociale tout en réduisant considérablement leurs dépenses publiques de santé, les effets de ces réductions en termes d’appauvrissement ont été très limités.

En 2009, le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe et le gouvernement norvégien ont conjointement convoqué une réunion de haut niveau à Oslo. Des recommandations ont été avancées afin d’orienter les réactions stratégiques pro-santé et pro-pauvres, comme le fait de donner priorité à des services de santé publique et de soins de santé primaires d’un bon rapport coût-efficacité.

Les participants ont aussi reconnu à quel point il est important de garantir l’utilisation efficiente des fonds publics (plus de santé pour l’argent dépensé), qui est l’une des conditions préalables lorsque l’on veut plaider efficacement en faveur de dépenses supplémentaires pour la santé. Les recommandations d’Oslo préconisent l’introduction de nouvelles taxes sur la consommation de sucre et de sel, ainsi qu’une taxation plus forte de l’alcool et du tabac, soit des mesures fiscales qui sont en même temps des interventions efficaces pour la santé publique.

Les États membres ont recouru à toute une série d’interventions pour maintenir leurs efforts d’amélioration de la situation sanitaire et de protection des populations contre les difficultés financières rencontrées lorsque l’on cherche à obtenir des soins. Ces instruments peuvent être regroupés comme suit :

Penser « long terme ». L’une des options possibles est de mettre en œuvre un financement public contracyclique, en accumulant des réserves dans des fonds d’assurance maladie (« épargner dans les bonnes périodes pour dépenser dans les mauvaises  ») ou de réaffecter les recettes fiscales en faveur de la santé pendant une récession. Ces politiques contracycliques peuvent amortir les chocs sur le court terme et ont le potentiel d’empêcher les pays de prendre des mesures drastiques ayant des effets négatifs sur la santé de la population.

Éviter les coupes budgétaires généralisées. Si les budgets doivent être réduits pour des raisons fiscales, il est important de ne pas le faire de manière généralisée, mais plutôt de manière ciblée, en fonction d’objectifs. Le fait de retarder des investissements est une option couramment utilisée et relativement sûre pour maintenir le niveau et le volume des services

de santé, y compris les services de santé publique, pour autant que les infrastructures aient été correctement entretenues avant la crise.

Mieux cibler les dépenses publiques en fonction des besoins sociaux et, ce faisant, protéger les personnes pauvres et vulnérables. En maintenant l’accès des personnes pauvres et vulnérables aux services de santé, on peut adoucir les conséquences dramatiques d’une grave régression économique. Le fait de modifier la gamme des services inclus dans les avantages statutaires peut être un outil valable pour déterminer des priorités dans le système de santé, particulièrement si ces modifications sont fondées sur des conclusions scientifiques et visent à promouvoir le recours à des soins de haute valeur (efficaces pour un coût modéré) et à décourager le recours à des soins de peu de valeur.

Chercher à gagner en efficacité en employant les médicaments et les technologies de manière plus sage. Pour tous les pays, l’amélioration de l’efficacité avec laquelle les services sont fournis à la population constitue une option importante pour atténuer l’effet de la crise. Plusieurs pays sont parvenus à gagner en efficience en améliorant le rapport coût-efficacité dans l’utilisation des médicaments, par exemple, ou en procédant à une évaluation des technologies de la santé pour influencer les décisions relatives à un remboursement. Certains ont également introduit des mesures de maîtrise des coûts en annonçant des réductions de prix générales pour les fabricants et en négociant des prix plus bas, en achetant des médicaments de manière plus efficiente via des appels d’offres, en mettant l’accent sur les politiques relatives à la prescription et à l’emploi de médicaments génériques, en réduisant les marges bénéficiaires des grossistes et des pharmacies et en prenant des mesures pour plus de rationalité dans la prescription de médicaments.

Chercher à gagner en efficacité en rationalisant les structures de fourniture de services. Lorsque le niveau des fonds consentis aux dispensateurs de soins de santé, et en particulier aux hôpitaux, est réduit, les dispensateurs peuvent eux-mêmes se lancer dans un rationnement, par exemple en retardant, en refusant et en diluant les services cliniques (« écrémage de la qualité »), à moins que de difficiles décisions structurelles ne soient prises pour augmenter l’efficience du secteur hospitalier. La crise a fourni une occasion de mener des réformes qui auraient dû être effectuées depuis longtemps pour améliorer l’efficience ; ces réformes auraient peut-être été moins faisables sur le plan politique avant la crise. Il est difficile de réaliser des économies à court terme, et le risque de ne pas parvenir à fournir aux gens des soins de santé corrects durant la transition est élevé, mais avec une mise en œuvre prudente, les avantages à long terme sont considérables.

Les ministères de la Santé et les gouvernements ont, en général, un important rôle de chef de file à jouer. Il n’est peut-être pas possible d’éviter les périodes de crise économique, mais les gouvernements peuvent mieux se préparer aux difficultés auxquelles ils seront confrontés. Il est essentiel, pendant les années de croissance économique, de veiller à l’efficience et à la gestion responsable des fonds publics dans le secteur de la santé, tout en appliquant une politique fiscale prudente dans l’ensemble du secteur public, car en temps de crise économique, il se peut que la population ait davantage besoin de services d’aide sociale et de santé, pour lesquels des fonds publics suffisants sont requis afin de garantir l’équité et l’efficience dans le cadre d’une couverture universelle. Les pays qui ont abordé la crise économique avec la possibilité d’exploiter leurs réserves ou de supporter à plus ou moins long terme un financement à découvert ont été bien mieux capables de protéger leur population des conséquences de la crise.

gérer la crise est réellement une responsabilité pangouvernementale.

Les problèmes pernicieux et la

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