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Développement normatif de la notion du patrimoine culturel

B. Développement normatif depuis 1945

1. Dans le cadre du droit de la guerre Les Conventions de Genève de 1949Les Conventions de Genève de 1949

1.2. La Convention de La Haye de 1954

1.2.1. Historique de l’adoption de la Convention de 1954

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, l’UNESCO, fut créée parallèlement à l’organisation des Nations Unies en 1945.

Son Acte constitutif, adopté à Londres le 16 novembre 1945, charge cette der-nière de veiller à la préservation et à la protection du patrimoine culturel.

Après avoir souligné dans le préambule queles guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix,l’Acte charge l’organisation, en vertu de l’article 1 paragraphe 2 ali-néa c), d’apporter :

«Aide au maintien, à l’avancement et à la diffusion du savoir : en veillant à la conser-vation et protection du patrimoine universel de livres, d’œuvres d’art et d’autres mo-numents d’intérêt historique ou scientifique, et en recommandant aux peuples intéres-sés des conventions internationales à cet effet (. . .) ».

Or, lors de sa session en 1949, la Conférence générale a chargé le Directeur gé-néral de lui faire rapport « sur les mesures propres à assurer la coopération des Etats intéressés à la protection, conservation et restauration des antiquités, des monuments et des sites historiques » et de prêter une attention particulière « à l’organisation de la défense de ces monuments ainsi qu’à la défense de l’ensemble des biens de valeur culturelle, notamment ceux qui sont conservés dans les musées, les bibliothèques et les archives contre les dangers prévisibles de conflits armés »392. En 1950, une réunion d’experts fut convoquée, chargée de l’élaboration d’une convention à cet effet dont l’esprit s’inscrirait dans celui du projet de 1938, à savoir notamment de proposer un projet dont les ambi-tions seraient plus réalistes qu’idéalistes, afin d’assurer tant son adoption que son application future. Une Conférence diplomatique réunie à La Haye en

392 UNESCO, Résolution 6.42 de la Quatrième Conférence générale, 4C/1949.

Chapitre 2 : Développement normatif de la notion du patrimoine culturel

105 1954 adopta le projet de convention, ainsi qu’une résolution spécifiant que « le but de cette Convention est de protéger le patrimoine de tous les peuples pour les générations à venir »393. La Convention pour la protection des biens cultu-rels en cas de conflit armé394, signée à La Haye le 14 mai 1954, sera le premier instrument universel entièrement consacré à la protection du patrimoine cultu-rel, et les Etats Parties déclarent à cet effet dans le préambule :

«Les Hautes Parties contractantes,

Constatant que les biens culturels ont subi de graves dommages au cours des derniers conflits et qu’ils sont, par suite du développement de la technique, de plus en plus me-nacés de destruction ;

Convaincues que les atteintes portées aux biens culturels, à quelque peuple qu’ils ap-partiennent, constituent des atteintes au patrimoine culturel de l’humanité entière, étant donné que chaque peuple apporte sa contribution à la culture mondiale ; Considérant que la conservation du patrimoine culturel présente une grande impor-tance pour tous les peuples du monde et qu’il importe d’assurer à ce patrimoine une protection internationale ; (. . .) ».

1.2.2. « Patrimoine culturel » et « biens culturels » : concept et contenu

Plusieurs éléments militaient en faveur de cette Convention. Elle constituait no-tamment le premier instrument du droit des conflits armés qui ne traitait que du patrimoine culturel, reflétant par là l’importance que lui accordait désor-mais la communauté internationale. La Convention se réfère d’ailleurs dans son préambule aupatrimoine culturel de l’humanité entière,auquel il serait porté atteinte dès lors que lesbiens culturels, à quelque peuple qu’ils appartiennent, subi-raient les dommages de la guerre. Cela étant, la Convention ne retiendra plus ensuite que le terme inusité jusqu’ici de biens culturels, qu’elle consacrera ex-pressément dans son titre. Ce terme fera en outre l’objet, pour la première fois là aussi, d’une définition exhaustive dans le cadre de la Convention. Il faut éga-lement souligner à cet égard qu’en dépit des termes du quatrième considérant du Préambule, qui déclare que la Convention puise ses sources dansles princi-pes concernant la protection des biens culturels en cas de conflit armé établis dans les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 et dans le Pacte de Washington du 15 avril 1935,les biens culturels auxquels il est fait référence dans la Convention sont sensiblement distincts de ceux des premières codifications évoquées ci-dessus.

Les avancées incontestées en terme de protection du patrimoine culturel qu’a permis l’adoption de la Convention de 1954 appellent toutefois certains commentaires. La référence au patrimoine culturel de l’humanité entière tout

393 OKe efe, R.,The Protection of Cultural property . . ., op. cit.,p. 93.

394 Ci-après citée : « la Convention de 1954 », et le sigle retenu est « CLH54 ».

d’abord, a pu sembler à certains Etats qu’il s’agissait d’un seul patrimoine d’exception, dont la reconnaissance serait unanime dans le monde entier395. Or il apparaît que l’interprétation du termepatrimoine,qui a prévalu dès les tra-vaux préparatoires, privilégiait plutôt celle d’un patrimoine propre à chaque nation qui, du fait de l’importancequ’il revêt à ses propres yeux, appartiendrait également au patrimoine de l’humanité396. Le pouvoir discrétionnaire laissé à chaque Etat d’identifier ses biens culturels conforte en outre cette interpré-tation397. L’UNESCO a elle-même confirmé cette thèse, par la voix de son Direc-teur général, en soulignant en 1993 que la protection proposée par la Conven-tion portait sur un nombre beaucoup plus important de biens que la Convention de 1972 relative au patrimoine mondial398, car ces « biens culturels présent(ent) une importance nationale et locale aussi bien que les sites d’une valeur universelle exceptionnelle »399.

1.2.3. Définition des « biens culturels » selon la Convention de 1954 L’article 1 CLH54 offre une vaste panoplie de biens, limités toutefois aux seuls biens matériels à vocation culturelle. Ce faisant, cet article peut exclure des biens répondant prioritairement à des valeurs spirituelles ou ceux pouvant constituer des éléments du patrimoine culturel immatériel. Le terme debiens culturels résulte d’un choix des rédacteurs du projet de la Convention qui, considérant illusoire d’obtenir des Etats la protection de tous les édifices aux-quels faisait référence la Réglementation de 1907400, ont préféré limiter la portée de la Convention aux seuls biens en relation avec la culture, écartant par là les lieux de cultes et de savoir dont le maintien était pourtant souhaité par plu-sieurs Etats401. L’adoption de l’article 1 CLH54 a suscité maintes discussions tant sur sa forme que son fond. S’agissant de la forme, certains ont exprimé le souhait que l’article présente une liste exhaustive des biens culturels à protéger, alors que d’autres, au contraire, semblaient privilégier une formule plus

géné-395 Cette opinion prévalait notamment auprès des Etats anglo-saxons. Cette position figure dans leManual of the Law of Armed Conflict,Oxford, 2004 qui, évoquant les biens culturels dimportance,souligne que celle-ci se mesure au plan international et non national ou local (§ 5.26.2, note 116).

396 OKe efe, R.,The Protection of Cultural Property . . ., op. cit.,p. 105.

397 LEtat détenteur identifie ses biens culturels, répondant selon lui aux critères de la Convention, et lEtat ennemi, quand confronté à ces biens, doit les identifier comme tels sur la base de lart. 1 CLH54.

398 La Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 23 novembre 1972, UNESCO, Paris ; ci-après citée « la Convention de 1972 » ; le sigle retenu est : « C72 ».

399 UNESCO,Actes de la Conférence générale,27ème session, 1993, Résolution 3.5, § 3.

400 Toman, J.,Commentaire de la Convention de 1954, op. cit.,p. 64.

401 Ibid.,p. 65.

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107 rale, comme celle adoptée dans la Réglementation de 1907402. Un consensus s’est finalement dégagé sur une formule selon laquelle trois différentes catégo-ries générales de biens seraient identifiées, chacune contenant des exemples qui apportent des éléments additionnels de précision. La première porterait sur les biens culturels eux-mêmes, mobiliers ou immobiliers, la seconde sur les biens immobiliers abritant les biens culturels, et la troisième sur des centres réunis-sant de nombreux biens culturels, tant immobiliers que mobiliers.

Les débats ont aussi porté sur l’objet même pour lesquels une protection était requise. Seuls les biens culturels d’importanceétaient au bénéfice de la pro-tection octroyée par la Convention, ainsi une église ou une université n’étaient susceptibles d’être prises en considération que si elles étaient également des biens culturels reconnus comme tels. Dans le cas contraire, elles étaient relé-guées à la Réglementation de 1907403. Le compromis qui permit de résoudre les positions contraires des Etats entre ceux qui voulaient limiter la protection à des biens culturels exceptionnels, et les autres qui revendiquaient son exten-sion à des objets de moindre importance aussi, fut le double régime de protec-tion « générale » et « spéciale ». Ainsi, les critères antérieurs de nature ou desti-nation du bien, ou celui de son appartenance, propriété publique ou privée, furent irrévocablement écartés, et seul celui de la valeur de l’objet, de son « im-portance », désormais variable certes, fut retenu404. L’article 1 CLH54 retient à titre de biens culturels :

« a) les biens meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples, tels les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, les sites archéologiques, les ensembles de construc-tions qui, en tant que tels, présentent un intérêt historique ou artistique, les œu-vres d’art,les manuscrits, livres et autres objets d’intérêt historique, artistique ou archéologique,ainsi que les collections scientifiques et les collections importantes de livres et d’archives,ou de reproduction des biens définis ci-dessus ;

b) les édifices dont la destination principale et effective est de conserver ou d’exposer les biens culturels meubles définis à l’alinéa a, tels que les musées, les bibliothè-ques,les dépôts d’archives,ainsi que les refuges destinés à abriter, en cas de conflit armé, les biens culturels meubles tels que définis à l’alinéa a) ;

c) les centres comprenant un nombre considérable de biens culturels qui sont définis aux alinéas a et b, dits « centres monumentaux ».

a. L’alinéa a) de l’article 1 de la Convention de 1954

Lors de discussions sur l’alinéa a) de l’article 1 CLH54, la question de l’appréciation objective de l’importanced’un bien culturel s’est trouvée au cœur

402 La France souhaitait une formule générale, les Etats-Unis et le Royaume-Uni préconisaient une formule semblable à celle qui fut finalement adoptée ;ibid.,p. 66.

403 Ibid.,p. 67.

404 Nahlik, S.E.,Recueil des cours de lAcadémie de La Haye,op. cit.,p. 123.

des débats405. La perception différente selon les Etats du terme importance a conduit à des divergences de vues, la valeur d’un bien ne relevant pas obliga-toirement de sa valeur intrinsèque, mais du témoignage, de l’information qu’il véhicule, et dont l’intérêt peut différer d’une culture à l’autre. Ainsi, certains ont souhaité inclure dans la liste des biens évoqués à l’alinéa a), les sites natu-rels exceptionnels, d’autres les biens archéologiques, et d’autres encore les ar-chives406. La diversité des biens figurant sur la liste de l’alinéa a) traduit notam-ment les perceptions différentes de l’importance des biens culturels d’un Etat à l’autre407. Quelques points précis, relatifs à l’alinéa a), méritent d’être relevés.

Ainsi, les biens archéologiques y sont évoqués à deux reprises. En tant quesites tout d’abord, puis en tant qu’objets. L’adjonction des sites, à la demande d’Israël, était motivée par le fait que de limiter la protection de ces biens à ceux exposés dans les musées ne pouvait suffire, et qu’il fallait donc aussi les protéger des dégradations in situ408. Or, cette adjonction apporte un élément supplémentaire de protection, soit celui de protéger ce bien en tant qu’élément d’un ensemble auquel il appartient, et du sens qu’il acquiert ainsi. Cette connaissance additionnelle relative au bien concerné, protégée par la préserva-tion du site dans son ensemble, relève quant à elle plus d’éléments intangibles du patrimoine culturel409.

Les archives, également retenues à l’alinéa a), étaient déjà au bénéfice de la Réglementation de 1907 et des projets de codifications ultérieures. Or, outre le fait que les archives constituent des biens d’importance de par leur valeur his-torique, voire scientifique parfois, leur préservation est également essentielle au regard du socle qu’elles incarnent, fondement de l’identité culturelle d’un peuple. Leur protection permet en effet d’assurer la perpétuation de la mé-moire vivante d’une nation410. Les attribuer au vainqueur, comme ceci fut trop souvent fait à la fin d’un conflit, notamment au cours de guerres du

Moyen-405 Cette divergence de vues perdure dans lapplication de la Convention et se reflète notamment dans le cadre des Rapports que soumettent les Parties contractantes tous les quatre ans, en vertu de lart. 26

§ 2 CLH54,Traductions et rapports.Ainsi, à titre exemplatif, sagissant de biens immobiliers, la Bulga-rie en annonce 35 000, lAllemagne 8 000, et lAutriche 76 890 ; UNESCO, « Informations sur la mise en œuvre de la Convention sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé », La Haye, 1954, Rapports de 1984, p. 22-26.

406 Toman, J.Commentaire de la Convention de 1954, op. cit.,p. 66.

407 A titre exemplatif, dans le cadre des débats sur larticle 1 al. a), les Etats scandinaves ont suggéré que des sites, composés de biens immobiliers qui pris individuellement ne répondraient pas aux exigences attendues dun bien culturel, pouvaient constituer des ensembles revêtant un intérêt culturel ou histo-rique, tels des villages médiévaux, et méritant dêtre mis au bénéfice de la Convention. Il fut dès lors adjoint la formule :les ensembles de constructions qui, en tant que tels, présentent un intérêt histo-rique ou artistique ;OKe efe, R.,The Protection of Cultural Property . . ., op. cit.,p. 102.

408 Toman, J.Commentaire de la Convention de 1954, op. cit.,p. 68.

409 Ce qui est retenu dans la présente thèse à titre de patrimoine culturel « intangible » porte sur lhistoire, le sens, la valeur, etc. que véhicule tout bien culturel si son contexte est préservé.

410 Toman, J.Commentaire de la Convention de 1954, op. cit.,p. 70.

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109 Age411, porte là aussi atteinte à la connaissance que seul l’ensemble des archives concernées peut apporter, et qui constitue aussi un élément intangible du patri-moine culturel du pays en conflit.

b. L’alinéa b) de l’article 1 de la Convention de 1954

L’alinéa b) de l’article 1 CLH54 a elle aussi pour vocation de protéger les édifi-ces, mais à la différence de ceux visés à l’alinéa a), le fondement de cette protec-tion ne réside pas dans la valeur intrinsèque des édifices eux-mêmes, mais dans celle des biens qu’ils abritent. On retrouve ainsi l’esprit des codifications anté-rieures, axées sur la protection de biens immobiliers en raison de leur destina-tion, à savoir celle de recevoir ou d’exposer des biens, à l’instar de musées, d’universités, de bibliothèques, et autres édifices de cette nature. Le plus repré-sentatif des différents biens immobiliers à cet égard, est bien évidemment le re-fuge, exclusivement voué à la protection de biens, et qui est lui aussi expressé-ment évoqué à l’alinéa b)412.

c. L’alinéa c) de l’article 1 de la Convention de 1954

L’alinéa c), finalement, se réfère auxcentres monumentaux, terme préféré à ceux d’ensemble ou de groupes. Il est ressorti des débats pendant la Conférence que cet alinéa, à l’instar de l’alinéa a), protégeait les biens culturels mobiliers et im-mobiliers indistinctement. La différence portait donc essentiellement sur la multiplicité de tels biens dans un lieu donné. Ainsi, outre des centres monu-mentaux telle la Cité du Vatican, ce sont parfois des quartiers urbains entiers ou des villes dans leur totalité qui étaient visés, à l’instar de Florence, de Bruges ou de Tolède413.

1.2.4. Remarques conclusives

En conclusion, l’adoption de la Convention de 1954 consacre une prise de cons-cience profonde de la communauté internationale relative à la nécessité d’apporter protection au patrimoine culturel, qui a vu le jour au sortir de la Se-conde Guerre mondiale et qui s’est perpétuée depuis. La protection que confère la Convention à cet égard porte spécifiquement sur les biens culturels qui, comme cela ressort expressément du Préambule de la Convention, sont une des composantes du patrimoine culturel. D’autres conventions, élaborées elles aussi sous les auspices de l’UNESCO, viendront ultérieurement compléter la diversité des composantes du patrimoine culturel désormais juridiquement

411 Nahlik, S. E.,Recueil des cours de lAcadémie de La Haye,op. cit.,p. 145.

412 Toman, J.Commentaire de la Convention de 1954, op. cit.,p. 72.

413 Ibid.,p. 73.

protégé. Chacune d’entre elles traitera d’éléments distincts du patrimoine, à sa-voir le patrimoine culturel et naturel mondial, le patrimoine subaquatique et enfin le patrimoine culturel immatériel.

S’agissant des seuls biens culturels, la Convention contribue considérable-ment à en préciser la nature. L’adoption de cet instrument constitue donc un avancement notoire dans la protection desbiens culturelseux-mêmes, tant mo-biliers qu’immobiliers, précisément évoqués dans la définition. Ce faisant, des éléments importants du patrimoine culturel se voient ainsi mis au bénéfice d’une protection dans le cadre du droit des conflits armés, favorisant par là la mise enœuvre de ce dernier, ainsi qu’à terme l’application des normes prescri-vant des obligations précises aux belligérants au regard des biens culturels.

Cela étant, un nombre considérable de biens, tels ceux évoqués dans la Régle-mentation de 1907, sont exclus du champ d’application de la Convention de 1954, en ce qu’ils ne répondent pas aux conditions de l’article 1 CLH54. Ils ne constituent donc pas à ce titre des biens culturels protégés.

Deux mesures viennent toutefois temporiser la rigueur de cette qualifica-tion. La première résulte de l’instauration d’un double régime de protection, qui permet de corriger en partie la relégation dont sont ainsi victimes les biens culturels de moindre importance et de freiner par là les visées de certains Etats de limiter la protection conférée par la Convention aux seuls biens culturels ex-ceptionnels, privilégiant ainsi des fins de stratégie militaire, au détriment de la protection des biens culturels eux-mêmes414. La seconde mesure réside dans la faculté laissée aux Etats d’identifier leurs propres biens culturels, et d’étendre ainsi la protection dévolue par la Convention à des biens symboles de l’iden-tité nationale, ou de l’identité culturelle de groupes représentatifs de la nation, pouvant parfois constituer aussi des éléments de leur patrimoine immatériel.

Parmi eux figurent des biens dont la préservation ne serait pas prioritairement justifiée par leur valeur artistique ou historique, mais par un intérêt public à protéger des symboles ou des témoins de valeurs spirituelles, intellectuelles, humanitaires ou sociales, significatives pour l’Etat concerné, et que la Régle-mentation de 1907 a déjà vocation à protéger.

Finalement, la Convention de 1954, largement inspirée des Conventions de Genève de 1949, se différencie à bien des égards de la Réglementation de 1907.

La clause si omnes a été supprimée, la Convention s’appliquant en toute cir-constance et en tout lieu, le principe de territorialité en ayant été exclu. Une dis-position spécifique prescrivant les obligations des belligérants en cas de conflit armé non international y est désormais présente. Contrairement à la Réglemen-tation de 1907 également, lesreprésaillesy sont dorénavant interdites.

414 Le cas de lEspagne est significatif. La liste présentée dans son rapport de 1984 est pratiquement iden-tique à celle relevant du patrimoine mondial. En outre seuls cinquante biens y figuraient. Ce même rap-port souligne que la liste doit préalablement être soumise aux autorités appropriées, et parmi elles le ministère de la Défense ;OKeefe, R.,The Protection of Cultural Property . . ., op. cit.,p. 108-109.

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1.3. Les Protocoles additionnels de 1977

1.3.1. Propos introductifs

Vingt-cinq ans après l’adoption des Conventions de Genève de 1949, fut

Vingt-cinq ans après l’adoption des Conventions de Genève de 1949, fut