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La Convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses Protocolesses Protocoles

Développement normatif de la notion du patrimoine culturel

B. Développement normatif depuis 1945

1. Dans le cadre du droit de la guerre Les Conventions de Genève de 1949Les Conventions de Genève de 1949

1.4. La Convention de 1980 sur certaines armes classiques et ses Protocolesses Protocoles

1.4.1. Propos introductifs

Adoptée peu après les Protocoles de 1977, la Convention de 1980439s’inscrit dans le même processus que celui des Protocoles. Lors des réunions d’experts qui ont précédé les sessions de la Conférence diplomatique de 1974 à 1977, la nécessité d’élaborer des instruments internationaux qui auraient pour finalité de limiter ou d’interdire l’emploi de certains moyens et méthodes de guerre causant des effets inutilement traumatiques et frappant sans discrimination,

438 CDDH,Actes,vol. VI, p. 227.

439 « La Convention sur linterdiction ou la limitation de lemploi de certaines armes classiques qui peu-vent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, Genève le 10 octobre 1980 » ; ci-après « la Convention de 1980 », le sigle est : « C80 ».

Chapitre 2 : Développement normatif de la notion du patrimoine culturel

117 fut soulignée. Cette démarche s’inscrivait dans le processus qui avait pris nais-sance un siècle plus tôt avec la Déclaration de Saint-Petersbourg en 1868, qui avait notamment consacré le principe selon lequel il n’existe pas de libre choix des moyens de nuire à l’ennemi, et qui s’était formalisée dans la Réglementa-tion de 1907. Il fut décidé en 1977 de rechercher un accord internaRéglementa-tional qui porterait sur les seules armes conventionnelles, à l’exclusion des armes de de-struction massive, sur lesquelles aucun accord ne pouvait être atteint à ce stade. La Résolution 22 (IV) adoptée par la Conférence diplomatique de 1977 recommandait qu’une Conférence gouvernementale soit réunie à cette fin440. L’Assemblée générale des Nations Unies reprit à son compte cette recomman-dation et la suite du processus s’est alors inscrite dans le cadre onusien. Ce pro-cessus a abouti à Genève par l’adoption de la Convention de 1980, ainsi que celle de trois protocoles annexés441.

1.4.2. Les dispositions pertinentes de la Convention de 1980 et de ses Protocoles

La Convention n’est en elle-même qu’une loi-cadre, les dispositions spécifiques résidant dans différents protocoles442. La ratification de ces derniers est laissée au libre choix des Etats, ceux-ci devant toutefois en ratifier au moins deux.

Toute référence relative au patrimoine culturel serait plutôt à rechercher dans les Protocoles II, III et V. Ce n’est que dans le Protocole II sur l’interdiction, la limitation ou l’emploi des mines, pièges ou autres dispositifs, que figure une mention explicite dupatrimoine culturel.L’article 7,Interdiction de l’emploi de piè-ges et autres dispositifs,443de ce Protocole prescrit en effet au paragraphe 1 :

«1. Sans préjudice des règles de droit international applicables aux conflits armés rela-tives à la traîtrise et à la perfidie, il est interdit en toutes circonstances d’employer des pièges et d’autres dispositifs qui sont attachés ou associés d’une façon quelconque : a) à des emblèmes, signes ou signaux protecteurs internationalement reconnus ; b) à des malades, des blessés ou des morts ; c) à des lieux d’inhumation ou d’incinération, ou à des tombes ; d) à des installations, du matériel, des fournitures ou des transports sanitaires ; e) à des jouets d’enfant ou à d’autres objets portatifs ou à des produits spé-cialement destinés à lalimentation, à la santé, à lhygiène, à lhabillement ou à l édu-cation des enfants ; f) à des aliments ou des boissons ; g)à des ustensiles de cuisine ou

440 Résolution 22 (IV) du 9 juin 1977.

441 Toman, J.,Commentaire de la convention de 1954, op. cit.,p. 46.

442 Les trois protocoles ratifiés le 10 octobre 1980 sont : Protocole I relatif aux éclats non localisables, Pro-tocole II sur linterdiction ou la limitation de lemploi de mines, pièges et autres dispositifs, Protocole III sur linterdiction ou la limitation de lemploi des armes incendiaires. Ont été adoptés ultérieurement le Protocole IV relatif aux armes à laser aveuglantes du 13 octobre 1995 et le Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre du 28 novembre 2003.

443 Lart. 7 correspond à lart. 6 avant que le Protocole II ne soit modifié en 1996.

à des appareils ménagers, sauf dans des établissements militaires, des sites militaires et des dépôts d’approvisionnement militaires ; h) à des objets de caractère indiscutable-ment religieux ; i) à des monuindiscutable-ments historiques,desœuvres d’art ou des lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel et spirituel des peuples, ou, (. . .) ».

L’article 7 s’inscrit dans le prolongement des Protocoles de 1977444. L’alinéa i) du paragraphe 1 se réfère expressément au patrimoine culturel ou spirituel des peuples,dont certains biens, telsles monuments historiques,lesœuvres d’art et les lieux de culte, sont spécifiquement visés. D’autres alinéas sont également susceptibles de concerner des éléments de ce patrimoine, tel l’alinéa h), sur les objets indiscutablement religieux,ou l’alinéa c) sur leslieux d’inhumation, d’ inci-nération ou des tombes.Plus indirectement, certains paragraphes pourraient être associés à des supports du patrimoine culturel immatériel. Ainsi l’alinéa e) évoquedes jouets d’enfant,ou à d’autres jouets portatifs ou des produits spécialement destinés à l’alimentation, à la santé, à l’hygiène, à l’habillement ou à l’éducation des enfants,plusieurs de ces objets étant susceptibles de constituer des supports de savoirs, de traditions, de rites, en lien avec le patrimoine culturel immatériel de ces populations.

Le paragraphe 3 de l’article 7, sans se référer directement au patrimoine culturel, délimite des espaces de protection dans lesquels il peut s’inscrire, à sa-voir dans des localités, villes, ou villages, où tant les populations civiles que leurs biens se concentrent, et où l’usage de pièges et d’autres dispositifs est in-terdit. En protégeant ainsi tant les civils que leurs biens, le Protocole II pose en outre un cadre général qui permet aussi d’assurer la protection des différentes composantes du patrimoine culturel et spirituel des populations civiles. Para-llèlement aux efforts déployés dans les années quatre-vingt-dix pour modifier le Protocole II445, fut adoptée la Convention sur l’interdiction des mines antiper-sonnel du 3 décembre 1997, la Convention d’Ottawa, complémentaire audit Protocole446. Dans son préambule, elle souligne notamment le souci des Etats Parties de prévenir que ces armes netuent ou mutilent des centaines de personnes chaque semaine, pour la plupart des civils innocents et sans défense, en particulier des enfants,et que par leurs effets elles entraventle développement et la reconstruction économiques, de même quele rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées

444 Lart. 3 § 8 du Protocole II,Restrictions générales à lemploi de mines, pièges et autres dispositifs, re-prend également la teneur de lart. 52 § 3 PAI, concernant les biens au sujet desquels existe une pré-somption que ce sont des biens civils, tels les lieux de cultes, écoles, etc.

445 Modifié le 3 mai 1996, le Protocole II pose des restrictions plus claires quant à lusage des mines anti-personnel et anti-véhicules, des pièges et autres dispositifs, visant notamment à accroître la protection des populations civiles.

446 La Convention dOttawa porte exclusivement sur les mines antipersonnel ; ne seront pas apportées ici des indications précises sur le déroulement du processus ayant conduit à ladoption de ces différents instruments, ni sur les incidences quils exercent lun sur lautre. Seuls seront évoqués les éléments quils prescrivent et qui sont susceptibles dêtre rattachés à la protection du patrimoine culturel.

Chapitre 2 : Développement normatif de la notion du patrimoine culturel

119 sur le territoire, et n’entraînent d’autres graves conséquences pendant des années après leur mise en place447.

Le Protocole III sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des armes in-cendiaires du 10 octobre 1980 n’apporte une protection au patrimoine culturel que sous l’angle général de la protection des civils et de leurs biens, à savoir au travers de l’interdiction de faire usage de ces armes dans des situations où se trouvent des populations civiles, indépendamment de la taille de l’ agglomé-ration où ces dernières se trouvent. L’article 2,Protection des civils et des biens de caractère civil,du Protocole fournit toutefois un élément de protection addition-nel. En effet, il protège expressément les concentrations humaines, et ce, même lorsqu’un objectif militaire est placé au sein de celles-ci. Cette norme n’évoque pas expressément le patrimoine culturel, mais elle fournit à ce dernier, quelles que soient les formes qu’il peut revêtir, un régime de protection avancé, en for-mulant une interdiction absolue d’usage de ces armes compte tenu des risques considérables qu’implique l’usage d’armes incendiaires tant pour les individus que pour les biens, mobiliers et immobiliers. Furent adoptés ensuite, le Proto-cole IV relatif aux armes à laser aveuglantes du 13 octobre 1995448, et le Proto-cole V relatif aux restes explosifs de guerre, du 28 novembre 2003, dont les arti-cles 4 et 5, respectivement, Enregistrement, conservation et communication des renseignementsetAutres précautions relatives à la protection de la population civile, des civils isolés, et des biens de caractères civils contre les risques inhérents aux restes explosifs de guerre et les effets de tels restes,traitent de la protection des popula-tions civiles et de leurs biens.

1.4.3. Autres instruments pertinents en lien avec la Convention de 1980

A l’image du mouvement qui avait alors conduit à la Convention d’Ottawa en 1997, face aux difficultés rencontrées lors de l’adoption du Protocole V en 2003, des tentatives similaires furent menées pour favoriser l’élaboration d’un accord international en matière d’armes à sous-munition, conciliant plus étroitement les efforts de désarmement et l’action humanitaire. Un nouvel instrument fut donc adopté, la Convention sur les armes à sous-munitions du 30 mai 2008449. Reprenant dans son propre préambule divers points de celui de la Convention d’Ottawa sur les populations civiles, la Convention de 2008 porte toutefois un accent plus marqué sur le sort de celles-ci, et parmi ellesles femmes et les enfants,

447 Outre larticle 5,Destruction des mines antipersonnel dans les zones minées,qui évoque la protection des civils par la pose de clôtures autour des zones à risques, la Convention napporte pas délément additionnel pertinent au regard de lobjet de la présente étude.

448 Composée de quatre articles, elle définit ce type darmes et leurs effets sans évoquer la population ci-vile, mais plutôt les combattants.

449 Le Convention est entrée en vigueur le 1eraoût 2010.

et lesgroupes vulnérables.Elle vise en outre à assurerla pleine réalisation des droits de toutes les victimes d’armes à sous-munitions (. . .) et de leur dignité inhérente,et réintroduit pour leur bénéfice la clause de Martens. Nombre de ses disposi-tions, à l’instar de l’article 5,Assistance aux victimes,en réaffirmant à leur en-droit l’application tant du en-droit international humanitaire que du en-droit interna-tional des droits de l’homme, prescrivent des mesures concrètes de protection des populations et de leurs biens.

1.4.4. Remarques conclusives

Seule une des dispositions analysées ci-dessus évoque expressément le patri-moine culturel et spirituel.Cela étant, de nombreux articles traitent des popula-tions civiles et de leurs biens apportant un cadre légal général de protection dont bénéficie implicitement le patrimoine culturel, matériel et immatériel. En effet, une tendance semble se préciser dans ces instruments, à savoir que la po-pulation civile et ses biens soient systématiquement pris en compte, et un effort de protection accru est requis des belligérants à l’endroit des femmes et des en-fants, vecteurs essentiels de la transmission du patrimoine culturel immatériel.

Ces dispositions prescrivent notamment le retour des populations ayant fui, ainsi que le respect de tous leurs droits et de leur dignité,découlant tant du droit international humanitaire que des droits de l’homme. Est ainsi garantie la permanence de la vie civile sans laquelle la pérennité des éléments du patri-moine culturel ne peut être assurée.