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CHAPITRE II : Les confréries, de l'émergence à la stratification

5. LES CONFRÉRIES, DE L’ÉMERGENCE À LA STRATIFICATION

5.4.4. Le continuateur El hajj Malick Sy

Il est né en 1855, à Gaya, département de Dagana, à 125 km au nord-est de

Saint Louis de Ousmane254 Sy et de Fawade Wélé. C'est un enfant orphelin de père255 avant sa

naissance qui fut élevé par son oncle, Alpha Mayoro Wélé, disciple de Cheikh Omar al

Foutiyou Tall, continuateur propagateur de la tarîqaTijâniyya.

Né dans une famille d'érudits, rien de surprenant qu'il soit pris en charge très tôt par les siens, notamment par son oncle, pour son initiation dans les arcanes de la religion

251Casamance région au sud du Sénégal, capitale Ziguinchor; Sine Saloum, région du centre, capitale Kaolack; dans la Région du Nord Saint-Louis: à Halwar petit hameau dans le Département de Podor, où naquit le Cheikh,

Hooré Fondé où le Cheikh reçut l'oncle de El Hajj Malick Sy et Séno Palel deux grands bourgs respectivement des Départements de Matam et Kanel, Chef lieu du dit, etc.

252C'est cette localité, au cœur de la vieille Province du Damga que Cheikh Oumar al foutiyou rencontra son compagnon, homonyme et futur généralissime de ses armées, Alpha Oumar Thierno Baïla Wane, grand aïeul de votre serviteur.

253Un rang dans la hiérarchie qui qualifie un niveau d'érudition dans les sciences islamiques, tels Alpha, Tafsîr, Cheikh, etc.

254 Nous avons volontairement écrit et souvent évité l'usage de l'élision devant les noms propres commençant par une voyelle: tels (de) Oumar (de) Ousmane, ou de substantifs signifiant un titre (de) El Hajj, un lieu (de) Ouro Mahdi, une ethnie (du) Ouolof, etc. C'est une entorse à la règle nous le savons. Nous avons, ce faisant voulu ôter à la particule (de) sa position prépondérante et conférer au désigné plus d'éclat et une meilleure euphonie.

255 En Pulaar luuti; généralement la tradition veut que l'enfant porte le prénom de son géniteur décédé avant sa naissance. Gaya se situe dans le Waaloo une province où le Pulaar et le Ouolof sont parlés couramment et indifféremment dans une même famille. Peut-être que dans le cas présent la culture Ouolof a prédominé. Il en sera ainsi pour la suite du travail de propagation de la tarîqa par le Cheikh

musulmane. C'était, le concernant, l'une des volontés256 de son père que son oncle observa

scrupuleusement.

Ainsi le jeune Malick, entama d'abord à Gayâ même, ses études auprès de

son homonyme et maître de son ascendant. Il se révéla très réceptif, studieux et

exceptionnellement disponible. Il dévoila une capacité d'assimilation prodigieuse pour son jeune âge et n'eut aucun embarras à mémoriser le Livre. Cette première étape franchie, il aborda les études proprement islamiques qui le conduisirent hors de son terroir vers d'autres horizons.

Il entreprit avec la même aisance cette seconde étape qui rompt d'avec les planchettes alluuje (pulaar sing. alluwal) et daha257 pour l'univers des différents livres des sciences islamiques. Dans cette phase cruciale, les relations intellectuelles de son défunt père lui furent d'un très grand apport. Toujours sous l'égide de son oncle, il commença les ruptures périodiques d'avec les siens pour la quête de savoirs. C'est ainsi que ses pérégrinations intellectuelles et spirituelles aussi nombreuses que fructueuses, le conduisirent auprès divers et éminentsmaîtres258 à l'érudition éprouvée et à l'audience bien assise.

Malick sillonna donc le Waaloo sa province d'attache, fréquenta les foyers ardents les plus significatifs autour de Saint-Louis, fit un détour dans le Fouta et franchit le fleuve Sénégal pour un séjour mauritanien. Partout il s'évertua, à la fois, à s'enrichir intellectuellement auprès de grands esprits féconds259 et à nouer patiemment des relations de qualité dont il sut ultérieurement tirer grand profit pour conduire son prosélytisme.

Au contact du monde, des hommes et des sciences islamiques sous leurs différents aspects, le nouvel intellectuel, Malick sy, comme Ulysse de la légende grecque après son beau voyage, "…..est retourné auprès de ses parents vivre le reste de son âge."

256 Une autre recommandait de lui donner le prénom Malick à sa naissance en reconnaissance de la disponibilité de son maître Malick Sow, de Gaya, auprès duquel ses pérégrinations spirituelles l'avaient conduit.

257 L'apprentissage du débutant se fait sur une planchette, alluwa, ouvrée par un bûcheron, sur laquelle le maître

écrit avec le daha (petit récipient ou flacon contenantun produit à base d'eau et de noir de fumée, stabilisé par de la gomme arabique et additionné de crins de cheval) les versets à mémoriser selon une méthode pédagogie qui lui est propre. La planchette ainsi pleine de versets mémorisés par l'enfant, est lavée pour recevoir d'autres versets jusqu'à la fin des 114 sourates du Coran.

258 Parmi lesquels est cité son oncle Mayoro Wélé qui reste la cheville ouvrière présente à tous les échelons de l'épanouissement physique et de l'accomplissement intellectuel et spirituel de son neveu.

259 Il est cité parmi ceux-ci, thierno Yéro Bal de Guidjilone, dans le département de Matam. Ce grand maître qui eut à séjourner en Mauritanie, était un disciple de Shaikh Sidya Baba un qâdr. C'est lui, Ceerno Yéro donc, qui introduisit le wirdqâdr au Fouta. Il ne semble pas qu'il ait influencé le jeune Malick

Initié à la Tarîqa Tijâniyya toujours par son oncle, et ceint du turban de Muqaddem à 18 ans, voilà sëriñ260Malick Sy désormais prêt à exercer son sacerdoce261.

Dès la fin de sa pérégrination spirituelle complétée, en 1889, par un pèlerinage à la Mecque, EL Hajj Malick SY commença à susciter un certain intérêt à l'Administration coloniale.

Ce nouvel érudit à la constitution bien frêle262 ne manquait point de courage

et nulle contrainte physique ne pouvait avoir raison de son opiniâtreté. Il avait 29 ans et venait d'achever ses études. Perspicace, subtil et volontaire, il savait composer sans compromission pour servir un dessein quels qu'en fussent les enjeux. Tout le secret de sa démarche s'inscrit dans ce mode opératoire qui lui permit, succédant à Cheikh Oumar Foutiyou Tall, de donner à la tarîqa Tijâniyya, principalement en milieu ouolof263, un dynamisme certain. Il organisa

l'enseignement de l'Islam par la formation des formateurs, muqaddem264, créa des foyers

ardents ou daara, construisit des mosquées et des zâwiyya265. En un mot, il déploya une

pédagogie dynamique par l'implantation dans et hors du territoire du Sénégal des centres d'éducation, véritables pôles de vivification de l'Islam.

La tarîqa venait de trouver un continuateur cultivé, convaincu et déterminé

envers et contre tout à assumer cette lourde responsabilité qu'est le khalifat266. Désormais

260 Nous préférons cette appellation ouolof à celle équivalente Pulaar, ceerno, conférant la qualité de maître

ayant compétence pour prendre en charge la formation d'autres apprenants. Notre option s'explique uniquement par le fait que dans l'environnement familial de Malick tout comme chez celui-ci, la langue ouolof a été privilégiée tout au long du cursus du jeune intellectuel, bien qu'ils soient locuteurs Pulaar dans la famille.

261 que lui aurait prédit El Hajj Omar Tall s'adressant à Alpha Mayoro Wélé venu lui renouveler son allégeance à Hooré Foonde, un village du Fouta, en compagnie d'une délégation. Alassane Thiam en rapporte l'anecdote dans son ouvrage "contribution à l'étude des rapports entre El Hadji Malick Sy et l'administration coloniale", 2ème édition, page 18

262 Les deux attributs du Cheikh sont: le turban blanc qui recouvrait sa tête ceinte d'un bonnet de couleur (?) et laissant à découvert son visage que mettait en valeur une barbe fournie profilée en nœud papillon. Un légendaire parasol noir, qu'il tenait lui-même achevait de signer sa silhouette laissant entrevoir l'image d'un homme sobre dans la mise et modeste dans le port.

263 En effet sur les 838 muqaddem se réclamant de lui, 787 ont officié entre Dakar, Thiès, Saint-Louis (dont une quinzaine dans le Fouta), Louga, Diourbel et Kaolack. Les 51 restants sont répartis entre toutes les autres provinces du Sénégal (Casamance, Boundou, Guidimakha, etc.) et l'Étranger (Congo 1, Oubangui Chari 1, Soudan 1 et Côte d'ivoire 1).

264 Dans son ouvrage: "contribution à l'étude des rapports entre El Hajj Malick Sy et l'administration coloniale,

2ième édition, pages 113 à 141, Alassane Thiam a dressé un répertoire -certainement pas exhaustif- des

muqaddem du guide tijân. Nous en avons fait le décompte et le nombre affiché est 838.

265 Les deux plus célèbres furent celles de Dakar, la plus ancienne, sise à l'actuelle avenue Lamine Gueye (ex avenue Gambetta) et celle de Saint-Louis, non loin du Palais du Gouverneur comme pour inviter celui-ci à la reconversion.

continuateur propagateur attitré de la Tijâniyya au Sénégal, entre agacements et stratagèmes de déstabilisation et d'endiguements de tous ordres. Il fera face et il fit effectivement face.