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CHAPITRE II : Les confréries, de l'émergence à la stratification

5. LES CONFRÉRIES, DE L’ÉMERGENCE À LA STRATIFICATION

5.1.4. Contexte socio culturel de l’empire

Sans réfuter que c'est un combat qui méritait d'être mené, nous notons que ces retentissements dans le culte musulman ont été et restent encore sans grande signification.

En effet à l'origine, l'Islam n'a connu des soubresauts, après le Prophète*, que dans son expansion et non point dans son administration. La dichotomie spirituel-temporel n'avait pas cours tout au moins jusqu'à l'avènement des Omeyyades, survenu, nous savons comment après le khalifat d‘Ali.

173 Premier député africain, semble-t-il, le sénégalais Blaise Diagne siège au palais Bourbon en juillet 1914

174 Au Sénégal, les natifs des "quatre communes" étaient dénommés originaires par opposition à africains ou "sujet", substantifs qui désignaient tous les autres

175 Afrique occidentale française comprenant: Sénégal, Soudan, Guinée, Côte d'Ivoire, Dahomey 'Bénin), Niger, Mauritanie et Haute Volta (Burkina Faso)

Si la loi française à propos des contributions de l'État aux dépenses du culte indique: "Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'un culte. (…) "La République ne salarie aucun culte", au Sénégal la logistique de tous les événements majeurs176 d'ordre cultuel Mawloud, Maggal, Daaka, autres Ziarra…,etc est volontairement supportée par l'État

qui assure jusqu'à la fourniture énergétique, eau177 électricité178…,etc).

La tolérance de l'État au nom de la laïcité et dont le spirituel tire grand profit, est celle de s'autoriser toutes sortes d'initiatives pour l'organisation de ces événements. Aussi dans toutes les villes du Sénégal, on perturbe la circulation en barrant les rues sans préavis ni autorisations ; des hauts parleurs sont installés partout sans se soucier du préjudice que l'on cause aux paisibles citoyens qui n'ont aucun rapport avec les cérémonies cultuelles. Il est en effet passé dans les mœurs que des affidés des confréries organisent impunément des manifestations dans les quartiers sans distinction, enfreignant ainsi l'odre public. C'est le "bon côté" de la laïcité dit-on.

La laïcité figure donc en bonne place dans la loi fondamentale de la République du Sénégal. Qu’inspire-t-elle, en réalité à nos Guides religieux?

Mais avant il ne serait pas inutile de proposer une définition de la laïcité au sens premier et son champ d’application en milieu cultuel, notamment musulman.

L'État se démarque de la Religion puisque la Constitution stipule :

Début de citation: "La République du Sénégal est laïque179, démocratique et

sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens." La Loi180 poursuit et explicite:

"La liberté de conscience, les libertés et les pratiques religieuses ou culturelles, la profession d’éducateur religieux sont garanties à tous sous réserve de l’ordre public.

Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’État. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome." Fin de citation

Cependant il est noté une relative exception dans l'éducation181. En effet,

l'enseignement religieux est introduit dans les établissements publics tout en restant plus

176 Voire très souvent familiaux, parce que simplement l'attributaire est lié à l'État par un des siens ou pour nécessité d'entretenir l'action d'un chef de famille dit "porteur de voix" électorales s'entend

177 Réalisation ou réhabilitations d'urgence de forages des capitales religieuses

178 Réalisation et installation de groupes électrogènes acquis exclusivement pour la circonstance

179Titre Premier: De l’État et de la souveraineté, Article premier.

180 Titre II: Des libertés publiques et de la personne humaine,

181 S'articule en deux secteurs: enseignement public et enseignement privé. Les écoles gérées par l'Église, sont classées privées catholiques et relèvent indirectement de la tutelle de l'État qui définit les programmes.

significatif dans les écoles catholiques. Pour les écoles privées mixtes franco arabe, les principes de la religion y sont posés et inculqués aux élèves par une pratique assidue des obligations de bases: la prière et le Jeûne.

Par ailleurs, l'État multiplie des initiatives dans l'édification des écoles

d'enseignement coranique dites dâra modernes. Ces actes que pose l'État répondent pour

partie à sa volonté de réduire la mendicité mais principalement pour satisfaire l'aspiration des confréries à disposer sous leur tutelle un moyen direct de faire pression sur l'État afin de

s'assurer des subsides substantiels182. Si donc l'État se démarque du religieux, il le fait sans

une césure nette: le religieux lui même ne se plaint pas trop de ce jeu subtil qui participe du principe sacro-saint d'un "donné pour un recevoir" qui se traduirait par ces deux propositions: "à toi d'instruire les âmes grâce à mon soutien matériel" et "à moi de manipuler les corps pour m'assurer un temporel durable". Ici comme dit plus haut, le religieux musulman sort de l'anonymat et s'affiche sur la scène politique. C'est sans renier leur statut de religieux,

peut-être même en s'y appuyant, que déjà deux religieux183 ont fait acte de candidature à la

magistrature suprême en 2000; actuellement trois autres184 rivalisent d'ardeur dans l'arène

politique, dont un est un potentiel partant pour les élections présidentielles en 2007. Dans ces cas il est à se demander quel contenu donner au Sénégal au concept de laïcité. N'y aurait-il pas risque de voir l'Islam devenir la religion d'État avec une hégémonie certaine de la confrérie représentée au sommet de celui-ci?

Pour le moment, le pouvoir politique laisse faire et au nom d'une démocratie

de façade autorise la création de partis politiques sans limitations du nombre185 ni contrôle

d'appartenance idéologique. Au sens vrai, la laïcité au Sénégal est un concept qui ne répond pas à sa vocation. Il servirait plutôt de parade à l'État pour réfuter l'absence de la séparation des pouvoirs, fondement de la démocratie vraie, et de tremplin au religieux pour tenir en laisse le pouvoir politique grâce à sa capacité de mobilisation de l'électorat. Dans ce registre au moins les confréries s'accordent et rivalisent d'ascendance sur l'État.

182 Octroi de subventions annuelles pour l'entretien de ces établissements

183 Un de chacune des deux confréries mouridiyya (Fall) et un Tijâniyya (Dieye)

184 Un de la confrérie Tijâniyya (Mamoune Niasse)et deux de la confrérie mouridiyya (Béthio Thioune et Modou Kara, potentiel candidat)

5.2. Genèse et stratification des confréries