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CHAPITRE I : Le Sénégal, le Culte islamique et l'Ordre colonial

4. LE SÉNÉGAL, LE CULTE ISLAMIQUE ET L’ORDRE COLONIAL

4.1. Le Sénégal 1. Données géographiques

4.1.2. Aperçu historique

Au plan historique le Sénégal, comme l'Afrique entière, a connu trois grandes périodes.

- La période précoloniale caractérisée par la constitution des grands

royaumes africains reproduit à titre indicatif sur la carte54. Elle a correspondu, d'une part à l'islamisation et à son expansion, d'autre part à la phase de développement économique de l'Europe et du Nouveau Monde. L'Afrique en fournissait, contre son gré, la main d'œuvre servile par le détour du commerce triangulaire. Nous explicitons ce phénomène dans les pages à venir.

Figure 4-2 : Sénégal - Aperçu historique

- La période coloniale intervenue après l'abolition de l'esclavage en 1848,

a vu la rivalité, sur la terre africaine, des puissances européennes pour le monopole des aires de soutien à leur développement et à l'expansion de leurs cultures en vue de l'assimilation des populations des pays conquis. Durant cette phase se développa l'évangélisation pendant que le prosélytisme islamique subissait l'endiguement de l'Ordre colonial.

- La dernière période, qui se poursuit a projeté progressivement les pays sous domination coloniale vers l'autonomie relative puis vers l'indépendance. Par un processus souple et sans effusion de sang, les "empires" se sont évanouis. Alors les pays européens se sont repliés sur leurs territoires respectifs en s'aménageant naturellement des rapports privilégiés avec leurs "sujets".

Nous ne ferons pas de développement de ce processus car ce n'est pas l'objectif de ce travail. Cependant dans quelques chapitres, nous ferons certaines analyses détaillant des passages se rapportant, ici et là, aux périodes repérées ci-dessus.

Nous nous contenterons ici de proposer succinctement quelques aspects de

la trajectoire de l'histoire africaine. Celle du Sénégal55 n'en est pas détachable, mais nous nous

appesantirons sur la deuxième période sus mentionnée, qui est le cadre porteur de ce travail.

Cette période a été très mouvementée, avec une évolution en dents de scie. Le Sénégal a été un enjeu majeur entre des puissances en lisse à l'époque pour l'expansion de leurs empires. Les différents royaumes traditionnels ont été tantôt des obstacles à cette expansion, tantôt des éléments facilitateurs de cette lente translation du Sénégal traditionnel vers "l'empire" sous l'Ordre colonial.

Ce fut, successivement, avec des corps expéditionnaires portugais, hollandais, français et anglais. Chacune de ces puissances marqua son temps et son territoire par l'ouverture et l'exploitation d'un site stratégique à visée économique et culturelle. Le Cap Vert, l'île de Gorée et Saint Louis sont les produits de ces gesticulations.

Le Sénégal aura donc été successivement sous tutelle de trois

administrations coloniales56 dont les politiques sont totalement identiques puisqu'elles visaient

toutes l'exploitation des ressources naturelles et humaines à des fins économiques et de domestication culturelle des autochtones par l'évangélisation.

Nous notons seulement à titre indicatif que ce fut la métropole française qui a le plus marqué l'histoire du Sénégal. En effet sur une période de dix ans (1854-1864) des initiatives hardies du Général Louis Faidherbe ont révélé son esprit d'entreprise et favorisé une assise certaine de l'Ordre colonial.

La pénétration coloniale se traduisit donc par des confrontations avec les

royaumes établis57, des marabouts prêcheurs58, tous des patriotes et figures de proue africaines

55 Fut le siège des institutions fédérales de l'Afrique-Occidentale française (A.-O.F) , dont Dakar devient la capitale en 1902

56 Alternativement portugaise, Hollandais et française. Un courant britannique a visité le cœur du pays qui a abouti à la création de l'enclave gambienne

qui ont illustré, au fil des années, la résistance sénégalaise à la pénétration coloniale. Vers la fin, cette domination a été marquée par un sursaut de rage des populations, qui porta un coup rude à la prestance de l'Ordre colonial.

Le déséquilibre logistique profita aux Français qui finirent par affirmer leur

hégémonie sur le Sénégal dès 1659. Ils élaborèrent le Code Noir59 en 1685 et mirent alors en

œuvre le système du "commerce triangulaire60" qui devait drainer des centaines de milliers de

fils d'Afrique vers les plantations du Nouveau Monde, les Amériques et ses dépendances. Ce fut une aventure où européens et africains, chasseurs de fortunes faciles et de prestige, furent tristement impliqués.

Le schéma était dérisoirement simple, économiquement profitable aux promoteurs du système, mais diabolique et humainement intolérable. L'esclavage devait être progressivement aboli par les protagonistes de ce triple génocide physique, intellectuel et moral qui, sur les trois cents ans de 1550 à 1850, vida l'Afrique de ses meilleures ressources vitales, la plupart partie de Gorée pour de lointains horizons

Aujourd'hui par devoir de mémoire l'Île de Gorée est classée patrimoine mondial de l'humanité. La Maison des esclaves comme un symbole ineffable de cette douleur, ouvre ses lucarnes sur l'Atlantique comme pour pleurer ceux qui ne reviendront plus.

Le temps a radouci les cœurs et le repentir61 de la France, formulé le 18 février 1999, reconnaissant comme "crime contre l'humanité. Cette sombre page de la traite négrière qui a entaché son administration dans son vaste "empire colonial." Cette page noire sera-t-elle jamais tournée dans tous les cœurs?

Notre vocation dans ces lignes n'est pas de présenter une historiographie de l'émancipation du Sénégal. Nous nous sommes simplement limités à un inventaire très sommaire des étapes saillantes de son évolution.

Après les privations de tous ordres, subies par les autochtones, un autre registre fut ouvert. À l'odeur de la poudre des confrontations physiques sur les champs des batailles, succéda la rhétorique enflammée des intellectuels de l'époque62, lesquels, par bribes juridiques successives, ont conduit pacifiquement, suivant une démarche souple et conjointement acceptée, le Sénégal à l'indépendance, en 1960.

58 El Hajj Omar Tall, Maba Diakhou Ba et Mamadou Lamine Drame

59 Code juridique statuant le droit de l'esclavage qui frappe les Noirs d'Afrique

60 Entre la France, l'Afrique et les Antilles: produits de luxe d'Europe contre esclaves; esclaves d'Afrique contre produits exotiques des Antilles et exploitation des champs de cannes par une main d'œuvre constituée d'esclaves.

61 Voir plus loin notre point de vue sur cette question dans la " pénétration coloniale et les religieux"

62 Tels les députés Blaise Diagne, Galandou Diouf, et plus près de nous Lamine Gueye et Léopold Sédar Senghor qui devint premier Président de la République du Sénégal

Nous y ajouterons, pour mémoire, que le peuple sénégalais est multi ethnique, pluri cultuel; il est traversé par des croyances diverses et deux confessions dominantes. Nous en donnons ailleurs les détails dans le corps du texte.

4.2. Avènement de l'Islam au Sénégal

Nous nous garderons bien de disserter sur la genèse de l'Islam. S'agissant de ce concept, nous sommes face à un phénomène qu'aucune littérature ne peut expliquer.

Ce ne serait pas exagéré d'avancer que l'Islam est, de toute évidence, à toutes les époques et à l'échelle de la planète, un axiome, une certitude, voire un Dogme qui n'a laissé aucune des sommités scientifiques indifférentes. Toutes les sciences humaines, dans leur grande diversité, ont abordé avec circonspection le prodige et faute d'arguments pertinents pour en percer le mystère, ont toutes abdiqué.

Les conclusions jusqu'ici servies, à ce propos, par nos braves penseurs même les plus intrépides d'entre eux, selon l'idéologie qu'ils prônent, se rapportent toujours aux seuls effets inhibiteurs ou dynamogènes de la religion -de toutes les religions révélées- sur l'homme et conséquemment la société.

Si la logique, dans la grande rigueur qui est son attribut premier, pose le postulat selon lequel "les effets expliquent la cause", dans cette hypothèse-ci la cause, la religion hors d'atteinte, renvoie la logique à son assertion.

Sans prendre le risque de tenter de justifier notre option, nous nous investissons dans le "fait accompli". Nous acceptons donc le concept de l'Islam comme tel, sans analyse et essaierons seulement de cerner le processus de sa longue et hardie expansion à travers les siècles, les continents et les voies de son avènement au Sénégal.