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PREMIERE PARTIE : TEXTES ET CONTEXTES

1) Le contexte littéraire antillais

Les Antilles sont réparties selon leur appartenance politique et linguistique : ainsi la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane sont considérées comme des Antilles françaises car

non seulement elles étaient d’anciennes colonies de la France, (aujourd’hui ce sont des

départements français d’Outre-mer) mais elles ont également en partage la langue française. On parle alors de littérature caribéenne francophone, tandis que Sainte-Lucie, la Barbade, la Dominique, Grenade, les Grenadines qui forment certes de petits Etats, mais ont en partage la langue anglaise, sont considérés comme des Etats anglophones et leur littérature est très

souvent désignée par les termes de « littérature caribéenne anglophone »78. La seconde

représentation regroupe les Antilles par rapport à leur position géographique, ainsi on les

répartit en deux grands groupes : Les Grandes Antilles et les Petites Antilles.79 Dominique

Chancé dans son livre sur les littératures antillaises déclare : « Les littératures des Antilles sont […] constituées d’ensembles linguistiquement séparés, mais elles sont également de

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Ashcroft Bill, Griffiths Gareth et Tiffin Helen, L’Empire vous répond. Théorie et pratique des littératures post-coloniales, traduction de Jean-Yves Serra et Martine Mathieu-Job, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2012, p. 14.

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Moura, Jean-Marc, Littératures francophones et théorie postcoloniale, op. Cit., p. 11. 78

Chancé, Dominique, Histoire des littératures antillaises, Paris, Ellipses, 2005, p. 3. 79

Sans être exhaustif, les Grandes Antilles désignent les îles de la Jamaïque, d’Haïti, de Cuba, les deux Guyanes, la République Dominicaine, les Antilles néerlandaises et les Petites Antilles comprennent la Guadeloupe, la Dominique, la Martinique, Sainte-Lucie, La Barbade, Grenade et Grenadines. La Caraïbe, elle, englobe les petites et grandes Antilles, les îles néerlandaises, Aruba, Bonaire et Curaçao et les deux Guyanes.

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proportions et de nature très variables »80. Ces propos soulignent le caractère à la fois

cohérent et hétérogène de la littérature antillaise ; aussi Chancé propose t-elle de parler « des

littératures antillaises »,81 insistant ainsi sur les différences que l’on peut observer au sein du

monde caribéen et qui se répercutent dans le domaine littéraire. D’une manière simple donc, la littérature antillaise française comprend les textes littéraires écrits sur les Antilles par des Antillais nés en métropole ou aux Antilles et par des Français nés aux Antilles ou qui y ont vécu à un moment de leur vie. Parlant des littératures antillaises francophones et anglophones, Dominique Chancé fait remarquer que celles-ci ont toutes connu un même processus historique qui a influencé leur littérature :

Ce sont des littératures nées d’un même processus historique : la découverte des « Indes Occidentales » par Christophe Colomb, à partir de 1492, la colonisation de ces territoires et l’extermination des populations caraïbes indigènes, l’organisation des

« habitations » qui s’accompagne de la traite des Noirs déportés d’Afrique et de la

transformation des propriétés en « plantations », la naissance des Créoles et la créolisation des mœurs, le développement de révoltes d’esclaves et d’un marronnage sporadique mais permanent, puis, enfin, l’abolition de la traite et de l’esclavage, l’indépendance de nombreuses îles à la fin du XIXème et au XXème siècle, la

négociation d’un nouveau statut post-colonial dans plusieurs territoires.82

Malgré ces similitudes, il reste que l’Histoire qui unit ces îles de la mer des Caraïbes les sépare aussi les unes des autres. En effet les différences linguistiques, la prégnance des modèles culturels des anciennes métropoles, la dépendance économique et politique continuée sous des formes nouvelles, rendent la circulation inter-caribéenne plus rare qu’on ne pourrait le supposer. Ainsi au fil du temps, cette littérature s’est spécifiée selon les îles et selon les rapports que ces dernières ont continué d’entretenir avec la Métropole.

C’est dans ce contexte caribéen que naît la littérature des Petites Antilles, exactement la littérature des Antilles françaises dont la Guadeloupe fait partie et que Dominique Chancé

qualifie de « fragment de littératures métropolitaines »83. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les

écrits sur les Antilles sont très exogènes : traités d’économie, de récits de voyage, reportages, chroniques, journaux de bord, œuvres de capitaines négriers, d’administrateurs, de missionnaires et bien d’autres. Ces écrits ont leur importance car ils dévoilent « la vision européenne de l’esclavage en général et le fonctionnement de la société coloniale esclavagiste

des Antilles et d’Haïti »84, mais ce ne sont pas des œuvres littéraires. Celles-ci voient le jour

entre le XVIIIe et le XIXe siècle, mais à cette époque la littérature antillaise est d’abord

80

Chancé, Dominique, Histoire des littératures antillaise,op. Cit., p. 3. 81 Ibidem., p. 6. 82 Ibidem., pp. 6-8. 83 Idem., p. 3. 84

37 coloniale et exotique puisqu’elle est écrite par des colons très souvent remplis de préjugés qui se donnent pour mission d’informer leurs compatriotes sur les réalités insulaires et la vie dans les plantations de canne à sucre et qui véhiculent une image défavorable des esclaves tandis qu’ils ennoblissent les maîtres. Plusieurs auteurs comme Dominique Chancé et Chantal

Maignan-Claverie85 s’accordent à dire que la littérature de cette époque se caractérise par son

« écriture exotique et régionaliste » dont le but est d’intéresser les Européens au ‘‘Nouveau Monde’’ quand les tenants de la Négritude comme Aimé Césaire, Gontran Damas, René

Ménil la qualifient « d’aliénée » et « doudouiste ».86

Cette littérature « doudouiste » est pratiquée par des auteurs comme Poirié Saint Aurèle, d’une part, maire de Sainte Rose et membre du Conseil colonial de la Guadeloupe et d’autre part, membre de l’Athénée littéraire. Il célèbre les doudous et les palmistes de son île

natale et publie à Paris un recueil de poèmes intitulé Cyprès et Palmistes87. On peut aussi

mentionner Daniel Thaly et Victor Duquesnay88 qui se livrent à une poésie régionaliste et

d’influence parnassienne car à cette époque, les auteurs adaptent leur écriture aux modes et aux écoles littéraires qui se succèdent en France. Thaly par exemple, né à la Dominique, mais élevé en Martinique, publie plusieurs recueils de poèmes où l’on retrouve « un parti pris passéiste constant » et des lamentations sur sa terre natale, sur l’Afrique et sur la ville de

Saint-Pierre ensevelie sous les cendres par l’éruption volcanique du Mont Pelé89.

La rupture majeure intervient au XXème siècle dans les années 1930 avec l’avènement d’un point de vue noir. Même si tous les romanciers de cette époque ne sont pas des militants de la Négritude, la plupart des écrivains qui sont d’ailleurs noirs ou mulâtres transforment la littérature antillaise qui devient alors l’expression du point de vue des descendants d’esclaves. La question de l’identité se pose alors de manière cruciale avec Léon Gontran Damas qui

publie Pigments en 1937, mais surtout avec Aimé Césaire et son Cahier d’un retour au pays

natal publié en 1939. La Négritude qui entend resserrer les liens entre tous les peuples noirs et mettre en évidence une identité culturelle et raciale nègre, se conçoit comme une entreprise de valorisation du vécu et de la civilisation noirs, jetant des ponts entre les Antilles et l’Afrique et qui se caractérise par « une stricte et révoltante hiérarchie raciale ayant pour but de

85

Maignan-Claverie, Chantal, Le métissage dans la littérature des Antilles françaises, op. Cit., p. 233. 86

Chancé, Dominique, op. Cit., p. 26. 87

Saint-Aurèle, Poirié, Cyprès et palmistes, Paris, Gosselin, 1833. 88

Victor, Duquesnay, Les Martiniquaises, Paris, Fischbacher, 1903. 89

Daniel Thaly publie entre autres Lucioles et cantharides, Paris, Ollendorf, 1900 ; Chansons de mer et

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revaloriser l’héritage africain des pays de la diaspora »90. Elle dénonce également l’aliénation

du mulâtre dont l’unique ambition serait portée vers l’imitation de l’homme blanc. La poésie de Césaire suscite toute une génération en quête d’identité, c’est le cas d’écrivains comme Michèle Lacrosil et Bertène Juminer dont les œuvres au départ, sont très influencées par les idées de la Négritude.

On compte déjà à cette époque quelques romancières caribéennes, mais leurs écrits sombrent très vite dans l’oubli et sont éclipsés par les textes d’hommes. Ainsi en 1921, René

Maran91 publie Batouala et trois ans plus tard, en 1924, Suzanne Lacascade92 publie

Claire-Solange âme africaine. René Maran reçoit le prix Goncourt pour Batouala considéré comme le roman précurseur de la Négritude, tandis que l’œuvre de Suzanne Lacascade est censurée en raison de son caractère combatif. De même plusieurs femmes antillaises jouent un rôle très important dans la création et l’évolution du concept de Négritude et sur la question du Genre.

C’est le cas de Suzanne Roussi-Césaire93 et de Paulette94 et Jane Nardal95, deux sœurs dont les

écrits et les contributions sont à la base du mouvement de la Négritude bien avant les textes idéologiques d’Aimé Césaire, de Léon Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor considérés pourtant comme les fondateurs du mouvement de La Négritude en France. Ces femmes furent des pionnières d’un nouvel humanisme de l’identité noire et antillaise, mais elles ne furent pas reconnues à cause de leur race et de leur sexe. Leurs publications se sont heurtées à des discriminations sexuelle et raciale qui font d’elles les grandes absentes d’une partie majeure de l’histoire de la littérature antillaise.

Au mouvement de la Négritude succède celui de l’Antillanité dans les années soixante avec pour figure de proue Edouard Glissant. Celui-ci s’attache à la spécificité culturelle des Antilles et rompt avec le rattachement à l’Afrique prôné par Césaire ainsi que le fait

90

Corzani, Jack, Dictionnaire encyclopédique des Antilles et de la Guyane, Editions Désormeaux, 1992, T. 4. p.169.

91

Maran, René, Batouala – Véritable roman nègre, Paris, Albin Michel, 1921. 92

Lacascade, Suzanne, Claire-Solange. Ame africaine, roman, suivi de trois bel-airs des Antilles. 1924

.

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Les écrits de Suzanne Roussi-Césaire tels que « Misère d’une poésie » ou encore « Malaise d’une civilisation » ont été publiés dans les années 1940 exclusivement dans la revue Tropiques (1941-1945) qu’elle a fondée avec Aimé Césaire, Aristide Maugée, René Ménil, et Lucie Thérèse.

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Paulette Nardal et sa sœur Jane publient des articles dans La Dépêche africaine sous la direction de Maurice Satineau. En 1932 par exemple, Paulette publie l’article « Eveil de la conscience de race » qui trace l’évolution d’une pensée qui revendique l’histoire de descendants africains et souligne la nécessité de trouver des similitudes parmi les différentes communautés noires mais aussi les personnes qui vont y contribuer. Puis elle fonde avec l’écrivain haïtien Léo Sajous la revue bilingue : La Revue du monde noir qui ne paraîtra cependant que pendant un an.

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Jane Nardal publie en février 1928 dans La Dépêche africaine un article « L’internationalisme noir ». Dans cet article, elle introduit le néologisme ‘’Afro-latin’’ afin de rejoindre deux éléments qui semblent antinomiques à savoir la culture africaine et la culture française d’inspiration latine.

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remarquer Maignan-Claverie dans son analyse des textes de Glissant (Soleil de la

conscience96 et La Lézarde97) :

Glissant s’inscrit et s’enracine dans la dynamique historique de l’île, qu’il tente lui

-même de susciter. Ce n’est plus l’identification aux valeurs africaines qui prévaut, mais une matrice idéologique[…] Il s’agit désormais de s’approprier l’espace-temps, par une

réévaluation de l’histoire, une mise à jour de la « mémoire raturée», une réécriture

inversée de la conquête et de la colonisation, ainsi que par une poétique de l’espace, un

inventaire affectif-esthétique du paysage antillais, des mornes, des champs de cannes, de

la mer… que la littérature exotique avait marqué d’extériorité.98

L’Antillanité ne rejette donc pas la part « nègre » de l’Antillais mais elle privilégie surtout la valorisation de la culture antillaise et la revendication de la spécificité créole et non plus le

continent africain d’où sont issus leurs ancêtres. L’Antillanité prône des recentrages : un

recentrage racial qui s’appuie sur l’idée que les peuples antillais sont à la fois métissés et multiraciaux et un recentrage politique qui permettrait à la lutte nationaliste de se substituer au culturalisme internationale dans le but de créer une solidarité entre tous les Antillais. A cette revendication d’une spécificité culturelle antillaise succède le mouvement de la Créolité élaboré par Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau. La Créolité ancre les Antilles dans une solidarité avec tous les autres peuples. Ce mouvement littéraire, intellectuel et social

s’inspire de la notion de rhizome qu’Edouard Glissant développe dans son livre Poétique de

la Relation.99 La Créolité est un questionnement sur l’identité individuelle et collective. S’enracinant dans l’univers référentiel caribéen, perçu comme diffracté, transculturel, ce nouveau concept se définit comme « l’agrégat interactionnel ou transactionnel des éléments transculturels caraïbes, européens, africains, asiatiques et

levantins que le joug de l’histoire a réunis sur le même sol»100. La Créolité propose donc une

identité plurielle et mosaïque dont tous les éléments qui la composent tout en s’harmonisant, préservent leur diversité. Aujourd’hui encore, de nombreux auteurs antillais continuent de publier des romans de l’Antillanité et de la Créolité prenant ainsi leurs distances avec la littérature française et affirmant leur personnalité créole à travers le français.

C’est dans cette tradition littéraire que s’inscrit Gisèle Pineau. Daniel Délas parle

d’elle comme « l’une des valeurs les plus sûres de la littérature antillaise contemporaine »101.

Les œuvres de Gisèle Pineau s’ancrent dans l’univers guadeloupéen. La Grande Drive des

96

Glissant, Edouard, Soleil de la conscience, Paris, Seuil, 1956. 97

Glissant, Edouard, La Lézarde, Paris, Seuil, 1958. 98

Maignan-Claverie, Chantal, op. Cit., p. 373. 99

Glissant, Edouard, Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990, p. 23. 100

Bernabe Jean, Chamoiseau Patrick et Confiant Raphaël, Eloge de la Créolité, Paris, Gallimard, 1989, p. 26. 101

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esprits102 par exemple est composé en deux parties : Le temps d’aller qui correspond à la

jeunesse de Léonce et à son bonheur avec Myrtha avant la guerre ; puis Le temps de virer qui

renvoie au malheur qui s’abat sur leur existence en même temps que la guerre. La Grande

Drive des esprits est un roman où alternent succès et échecs, le bien et le mal, la vie et la mort ; c’est l’histoire d’une généalogie familiale qui s’enracine dans la traversée d’un siècle et dans un lieu précis de la Guadeloupe, Haute-Terre. Comme ce premier roman, les autres,

L’Espérance-macadam, Cent vies et des poussières, Mes quatre femmes, etc., s’attachent aux singularités caribéennes et décrivent le destin de femmes guadeloupéennes victimes de la violence de l’esclavage et de la colonisation, de la scélératesse de la vie et de la méchanceté

masculine. Signalons cependant que dans Fleur de Barbarie et L’Exil selon Julia de Gisèle

Pineau, un autre territoire géographique prend place aux côtés de la Guadeloupe : la France métropolitaine. Dans ces deux textes, les héroïnes mènent une existence mi française mi antillaise, mais cela n’a aucune incidence profonde sur l’écriture de l’auteur qui reste marquée

du sceau de la Créolité. En tant qu’écrivain de ce mouvement, Gisèle Pineau pratique une

écriture où le créole est omniprésent par des citations insérées dans le texte français, une transposition du langage populaire antillais plus ou moins créolisé, une créolisation du français ou plus généralement par l’usage de tropes ou de figures de pensée créole. Assumant son engagement dans une écriture antillaise créole Gisèle Pineau affirme d’ailleurs « écrire en

tant que femme noire créole »103.

Contrairement à Gisèle Pineau qui se réclame d’un mouvement littéraire précis, Maryse Condé refuse de s’aligner dans des trajectoires littéraires qui limiteraient sa créativité. Il est vrai que la Négritude césairienne ne l’a pas laissée indifférente puisqu’elle avoue : « on

n’est pas libre lorsque l’on commence à écrire. J’étais si influencée par Césaire que je me

trouvais dans une prison. Il m’a fallu des années pour me débarrasser de cela »104. Les

premiers romans de Maryse Condé, Hérémakhonon105, réédité plus tard sous le titre En

attendant le bonheur, et Une saison à Rihata, illustrent l’influence des idées césairiennes du retour en Afrique sur Maryse Condé. Dans ces romans, le retour en Afrique est physique et ne se fait plus uniquement par une valorisation de l’héritage africain des Antillais comme le

prônait Césaire. En effet, Véronica dans En attendant le bonheur et Marie-Hélène dans Une

102

Pineau, Gisèle, La Grande Drive des esprits, Paris, Le Serpent à plumes, 1993. 103

Pineau, Gisèle « Ecrire en tant que Noire », in Maryse Condé et Madeleine Cottenet-Hage(Dir.), Penser la créolité, Paris, Karthala, 1995, p. 295.

104

Entretien avec Elisabeth Nuñez (City University of new York, 28 janvier 2009), cité par Noëlle Carruggi in

Maryse Condé, Rébellion et transgressions, op. Cit ;p.12 105

Condé, Maryse, Hérémakhonon, Paris, UGE, 1976. 1988, nouvelle édition, En attendant le bonheur

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saison à Rihata106 quittent la Guadeloupe et la France pour l’Afrique où la première espère retrouver ses racines et une identité authentique, et la seconde, connaître le bonheur, objectifs qu’aucune n’atteindra finalement.

Avec le temps et surtout après un parcours personnel illustrant l’itinéraire des intellectuels antillais : départ en Afrique pour suivre un mari guinéen, retour en Guadeloupe

après les désillusions et les malentendus tant personnels que politiques avec l’Afrique,

Maryse Condé a affirmé sa détermination à rester indépendante des mouvements de

l’Antillanité, de la Créolité et de toute autre idéologie littéraire, politique ou sociale qui

cloisonnerait son écriture. Vivant aujourd’hui aux Etats-Unis, elle fuit tous les communautarismes quels qu’ils soient. Figure majeure des lettres antillaises et françaises contemporaines, Maryse Condé explore à travers des personnages fictionnels ou de grandes figures de l’histoire, la problématique de la recherche d’identité liée aux circonstances historiques du peuple antillais. Ses récits ne sont pas tous ancrés dans la réalité antillaise, c’est

le cas de Ségou107, son best-seller en deux volumes qui évoque l’histoire de l’ancien empire

de Ségou. De En attendant le bonheur jusqu’à son roman le plus récent En attendant la

montée des eaux108, son œuvre se distingue par un questionnement permanent, un rejet des idées reçues et un refus de l’opinion commune. Ses textes questionnent l’identité culturelle antillaise à travers des personnages féminins « qui condensent les impasses de l’aliénation

identitaire et la volonté de reconquérir une essence culturelle hybride »109. Cette reconquête

passe nécessairement par l’exil et le voyage hors de sa terre natale. Et ce départ vers l’ailleurs est le début d’une connaissance de soi et d’une formation de la subjectivité qui ne peuvent

s’opérer qu’en prenant de la distance avec la famille et la communauté originelle.