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La contestation d’une décision

Dans le document Un état des lieux du droit (Page 65-68)

7 Organisation de l’appareil judiciaire

8.2 La contestation d’une décision

Les organismes administratifs prennent une multitude de décisions quant aux administrés.

Ils leur émettent des permis, accordent des indemnisations et ainsi de suite. Or, que faire si un fonctionnaire commet une erreur et refuse d’accorder une indemnisation à une personne qui y aurait droit? Le problème est que chaque organisme administratif est en principe indépendant et la procédure de contestation peut donc différer légèrement de l’un à l’autre. Lorsqu’on parle de la contestation des décisions administratives, on ne peut donc pas parler en termes absolus. Il reste cependant, qu’au cours des dernières années, il s’est développé un processus décisionnel au Québec qui est plus ou moins applicable à la plupart des organismes.

Au début, on trouve toujours la décision initiale168. Elle est prise par un agent de l’organisme. Lorsque la décision rendue est défavorable, l’administré a la possibilité de la faire réviser. C’est l’organisme même qui est saisi de la révision, mais c’est un autre agent qui va rendre la décision169. Lorsque la révision confirme la décision initiale, l’administré a maintenant droit à un recours en contestation devant un tribunal administratif. Il s’agit en principe d’un droit d’appel. Ici, ce n’est plus un agent qui va rendre une décision, le processus ressemble maintenant à un véritable procès170. Il y a deux parties qui s’opposent (l’administré et l’organisme qui a rendu les deux premières décisions) et il y a un arbitre impartial qui est décideur. Règle générale, la décision rendue par le tribunal administratif est sans appel. Il y a toutefois la possibilité de faire réviser la décision par la Cour supérieure. On parle ici d’un recours en contrôle judiciaire171. Il ne s’agit toutefois pas d’un recours automatique. En fait, les juges de la Cour supérieure sont souvent réticents à l’idée

172 Idem, p. 201.

173 J.-P. VILLAGGI, préc., note 168, p. 141.

174 Idem, p. 157.

175 Loi sur la justice administrative, L.R.Q., c. J-3.

176 Idem, art. 4.

177 Idem, art. 5.

178 Idem, art. 6.

179 J.-P. VILLAGGI, préc., note 168, p. 158.

d’intervenir dans les affaires de justice administrative. Afin qu’ils entendent une cause en contrôle judiciaire, il faut démontrer qu’il y a eu erreur de compétence lorsque la décision a été rendue ou que le juge administratif a tellement erré que l’erreur équivaut à une erreur de compétence172. Il est aussi important de souligner que le contrôle judiciaire ne doit pas être confondu avec un recours en appel. Lors du contrôle judiciaire, la Cour supérieure annule la décision de l’instance inférieure et lui renvoie la cause pour l’entendre de nouveau, alors qu’en appel, elle pourrait substituer son opinion.

À la lecture du paragraphe précédent, on remarque deux processus décisionnels distincts.

Il y a tout d’abord, au stade de la décision initiale et de la révision, une relation uniquement entre l’administré et l’organisme. L’administré peut faire ses observations à l’agent qui va ensuite prendre une décision à son égard. L’organisme exerce ici sa fonction administrative173. Au stade de la contestation devant un tribunal administratif, on voit plutôt une relation tripartite, avec deux parties et un décideur impartial. Il s’agit ici de l’exercice d’une fonction juridictionnelle174. Il faut faire cette différence, car la loi impose différentes obligations à l’administration selon l’une ou l’autre de ces deux situations. En effet, c’est en 1996 que le législateur québécois a adopté la Loi sur la justice administrative175 (LJA) dans le but d’harmoniser le processus décisionnel en droit administratif. Elle prévoit entre autres des garanties minimales qui s’appliquent à l’exercice de la fonction administrative et à l’exercice de la fonction juridictionnelle.

Lorsqu’on fait face à une décision qui relève de la fonction administrative, l’agent doit prendre sa décision avec diligence et il doit donner l’occasion à l’administré de fournir des renseignements et de compléter son dossier176. Lorsqu’il entend prendre une décision défavorable en matière de permis, il doit aviser l’administré de son intention et lui donner la possibilité de présenter ses observations177. Lorsqu’il s’agit d’une demande de prestations, il doit retarder sa décision pour permettre à l’administré de compléter le dossier, le cas échéant178. Dans le cas de la fonction juridictionnelle, les parties ont, entre autres, le droit à un procès équitable, le droit d’être entendus et d’être représentés par un avocat179. Tout ceci constitue les garanties minimales que la LJA impose à presque tous les organismes.

Il se peut toutefois qu’un organisme, suivant la Loi qui l’a habilité, doive se conformer à d’autres exigences encore plus favorables aux administrés.

La LJA s’applique à la plupart des organismes québécois. Elle ne s’applique cependant pas à l’administration fédérale et il y a même des organismes provinciaux qui ne lui sont pas soumis. Il faut donc toujours vérifier l’applicabilité de la LJA avant de l’invoquer.

180 http://www.protecteurducitoyen.qc.ca/le-protecteur-du-citoyen/mandat/index.html.

181 http://www.protecteurducitoyen.qc.ca/deposer-une-plainte/traitement-dune-plainte/index.html.

182 Loi sur le protecteur du citoyen, L.R.Q., c. P-32, art. 18.

183 http://www.protecteurducitoyen.qc.ca/le-protecteur-du-citoyen/declaration-de-services/index.html.

184 J.-P. VILLAGGI, préc., note 168, p. 157.

185 Loi sur la justice administrative, préc., note 175, art. 17.

Il se peut parfois, que la loi n’offre pas de recours adéquat lorsqu’une personne se sent lésée par une décision administrative ou par l’inaction d’un organisme public. Dans ces cas, la personne peut éventuellement s’adresser au Protecteur du citoyen180. Lorsqu’une plainte lui est soumise, le Protecteur du citoyen peut faire une enquête et faire des recommandations à l’organisme visé afin de rectifier la situation. Il ne faut cependant pas confondre le Protecteur du citoyen avec un véritable tribunal administratif : il n’y a pas d’audience et aucune punition ne peut être imposée181. On doit toutefois noter qu’en général, les recommandations sont suivies par les organismes publics. Il est important de souligner que le Protecteur du citoyen ne peut pas recevoir de plaintes contre un organisme lorsqu’il y a d’autres mécanismes de contestation prévus dans la loi182. On ne pourrait donc pas contourner le processus de contestation que nous venons de décrire plus haut en s’adressant au Protecteur du citoyen. Par contre, dans des situations où aucun autre mode de contestation n’est prévu, par exemple, lorsque les longs délais de prise de décision d’un organisme nuisent aux administrés, la plainte au Protecteur du citoyen peut être une avenue prometteuse183. Le Protecteur du citoyen s’engage à traiter les plaintes dans un délai de deux semaines, ce qui peut être intéressant pour les cas d’urgence.

8.3 Tribunaux administratifs

Dans la section précédente, nous avons pu découvrir que lorsqu’on souhaite contester une décision administrative, on peut faire appel à un tribunal administratif. Souvent, un tel appel est logé devant le Tribunal administratif du Québec : le TAQ184. Le TAQ a été créé dans la LJA dans le but d’harmoniser le processus décisionnel administratif au Québec.

Il est subdivisé en quatre sections : la section des affaires sociales, celle des affaires immobilières, celle du territoire et de l’environnement et celle des affaires économiques185. Puisque les appels se font dorénavant devant le même tribunal, la procédure d’appel est largement uniformisée. Il existe bien sûr d’autres tribunaux administratifs. Par exemple, lorsqu’on veut contester une décision de la CSST, il faut s’adresser à la Commission des lésions professionnelles qui va rendre la décision finale. Pour savoir devant quel tribunal administratif on doit loger son recours, il faut consulter la loi constitutive de l’organisme dont on veut contester la décision.

Les membres des tribunaux administratifs rendent des décisions d’une manière similaire aux juges : ils entendent les faits, appliquent les règles de droit existantes et jugent de manière impartiale en se basant sur la preuve produite lors de l’audience. Dans la plupart des cas, les tribunaux administratifs tranchent des litiges qui opposent les administrés et

un fonctionnaire. Parfois, cependant, un tribunal administratif entend des litiges entre des personnes privées, comme c’est le cas pour la Régie du logement, par exemple.

Les tribunaux administratifs agissent souvent dans une matière hautement spécialisée.

Ils sont parfois chargés de veiller à l’application d’une seule loi, contrairement à par exemple la Cour supérieure qui est la cour de droit commun. Ceci explique que les juges/

régisseurs/commissionnaires, en fonction de leur désignation, ne sont souvent pas des juristes, mais plutôt des experts dans la matière qu’ils jugent.

Enfin, la procédure à suivre peut différer d’un tribunal à l’autre. La règle générale veut cependant qu’elle soit plus souple, moins longue et moins coûteuse que celle des Cours de justice. Cette souplesse est certainement le grand avantage de la justice administrative.

Rappel

✓ Le droit administratif s’intéresse aux relations entre l’État et les judiciables.

✓ L’administration ressort du pouvoir exécutif et elle est mise en œuvre par des organismes de diverses natures.

✓ Les organes de l’administration peuvent adopter des règlements qui ont un caractère obligatoire pour les administrés.

✓ Un règlement doit satisfaire à des conditions de validité complexes.

✓ Au Québec, il y a plusieurs tribunaux administratifs qui tranchent des litiges.

✓ L’instance d’appel en matière administrative au Québec est le TAQ (Tribunal administratif du Québec).

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