• Aucun résultat trouvé

Les chartes et la protection des droits

Dans le document Un état des lieux du droit (Page 74-79)

La Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne sont les premiers outils à consulter pour savoir vraiment quels sont nos droits. En effet, leur statut est supérieur à celui d’une loi ordinaire, les rendant la base de tout le système législatif du Canada et du Québec. De plus, ces deux textes énoncent les droits fondamentaux des individus auxquels ils s’appliquent. Dans cette section, nous allons clarifier leur utilité par rapport à la cause des personnes handicapées, leurs champs d’application et les circonstances de leur adoption. Pour conclure cette section, une brève analyse de la Loi canadienne sur les droits de la personne va être utile afin de compléter le survol des droits des personnes handicapées enchâssées dans les lois du Canada.

2.1 La Charte canadienne des droits et des libertés

2.1.1 En quoi suis-je concerné(e)?

La Charte canadienne des droits et libertés confère différents droits à toutes les personnes situées sur le territoire canadien, y compris aux personnes qui font partie de groupes dits défavorisés, telles que les personnes handicapées. L’article 15 de la Charte, qui est probablement le plus important, accorde un droit à l’égalité indépendamment de toute discrimination. Ceci veut dire que tout le monde est égal devant la loi, peu importe la race, la religion, l’orientation sexuelle ou le handicap. Grâce à cet article, le gouvernement canadien et le gouvernement québécois doivent accommoder les besoins de tout groupe social, incluant les personnes avec des déficiences physiques ou mentales. Tel que mentionné dans le chapitre consacré au système juridique au Québec, la différence entre cet article et l’article 10 de la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne se trouve dans l’interprétation : l’article 15 de la Charte canadienne n’est pas exhaustif, alors que l’article 10 de la Charte québécoise l’est.

2 Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R-U), art. 32.

3 Alexandre MORIN, Le droit à l’égalité au Canada, Montréal : Lexis Nexis, 2008, p. 116.

4 Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 2.

5 Idem.

2.1.2 Champ d’application

Tel que nous l’avons vu dans le chapitre Le système juridique au Québec, la Charte canadienne s’applique sur tout le territoire canadien et a prépondérance sur toute autre loi, qu’elle soit fédérale ou provinciale. Elle s’applique seulement dans les relations entre l’État et les citoyens. En effet, un individu peut l’invoquer seulement si un organisme ou un acteur gouvernemental est en défaut de la respecter : par exemple, elle ne s’applique pas dans le cas où une personne ou entreprise privée discrimine un groupe visé par l’article 152. Comme nous l’avons mentionné dans la partie sur le système juridique au Québec, une loi doit également respecter la Charte canadienne, sous peine d’être déclarée invalide.

L’article 15 est donc souvent utilisé afin d’invalider des dispositions de lois qui ont un effet discriminatoire, qui accordent moins de droits à une partie de la population qu’à une autre.

Finalement, soulignons ici que la notion de handicap est interprétée de façon large et libérale par les tribunaux. Ainsi, une déficience physique ou mentale n’a pas besoin d’être permanente pour être couverte par l’article 15. Même un handicap qui n’existe pas véritablement mais qui est uniquement perçu comme tel par le tiers donne ouverture à la protection de la Charte3. Ainsi, un employeur ne peut pas refuser d’embaucher une personne parce qu’il pense que la malformation de sa colonne vertébrale lui causera des problèmes de dos dans l’avenir, alors qu’en réalité, la personne elle-même n’est aucunement gênée par sa condition4.

2.1.3 Historique

La Charte canadienne est la première partie de l’ensemble qui forme la Loi constitutionnelle de 1982, le document constitutionnel canadien le plus récent. La Déclaration canadienne des droits de 1960 la précédait. Le problème avec cette dernière est que son champ d’application est limité au niveau fédéral du gouvernement, alors que la Charte canadienne s’applique sur tout le territoire canadien, tel que mentionné précédemment5.

La Charte a été mise en vigueur par la Loi de 1982 sur le Canada du Parlement britannique, qui reconnaissait la souveraineté du Canada et son indépendance vis-à-vis de son colonisateur.

6 Commission des droits de la personne du Québec v. Commission scolaire de St-Jean-sur-Richelieu, 1994 CanLII 5706 (QC CA).

2.2 La Charte québécoise des droits et des libertés de la personne

2.2.1 En quoi suis-je concerné(e)?

L’article 10 de la Charte garantit à toute personne le droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés, sans distinction, exclusion ou préférence, fondée sur un motif de discrimination énuméré. Les motifs prohibés vont des motifs traditionnels que sont l’origine ethnique, le sexe ou la religion à d’autres motifs qu’on pourrait qualifier de récents ou modernes, à savoir la condition sociale, les convictions politiques, la grossesse et l’orientation sexuelle. Toute discrimination est ainsi interdite dans les actes juridiques, dans le domaine de l’emploi, du logement, de l’accès aux lieux et des services publics. Le handicap fait aussi partie de cette liste, ce qui veut dire que les personnes ayant une déficience quelconque peuvent porter plainte au Tribunal des droits de la personne ou à une Cour pour des discriminations fondées sur leur handicap.

Outre les dispositions qui concernent spécifiquement les droits des personnes handicapées, le Tribunal des droits de la personne a décidé que des droits, s’ils n’étaient pas inclus dans la Charte québécoise et n’étaient pas supérieurs en soi, pouvaient le devenir quand ils interagissaient avec le droit à l’égalité stipulé à l’article 10. Par exemple, dans une affaire relative à l’intégration scolaire d’un enfant handicapé6, le Tribunal a statué que, si la Charte n’empêche pas que l’exercice du droit à l’instruction publique soit restreinte par certaines dispositions législatives, telle l’imposition de frais de scolarité, elle interdit des restrictions fondées sur un des motifs de discrimination de l’article 10, tel que le handicap.

Ces droits sont donc directement justiciables s’ils sont intimement liés à une violation d’un droit prévu par l’article 10. Ainsi, même si en théorie les écoles ont le droit de réclamer les frais qui leur conviennent, les frais de scolarité d’un enfant ne peuvent pas être plus élevés à cause de son handicap, car cela contreviendrait aux principes fondamentaux de la Charte.

Un des autres articles qui nous intéressent ici est l’article 48 de la Charte québécoise, qui se lit comme suit :

Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d’être protégée contre toute forme d’exploitation. Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu.

Cet article confère une protection supplémentaire aux personnes handicapées, qui sont alors considérées comme étant plus vulnérables que d’autres membres de la société.

2.2.2 Champ d’application

Tel que mentionné dans le chapitre consacré au droit en général, la question essentielle est celle de la primauté de cette Charte sur l’ensemble des lois québécoises. La Charte québécoise est une loi fondamentale ayant préséance sur les autres lois et jouissant, selon la Cour suprême, d’un statut quasi-constitutionnel. Ainsi, tous les individus vivant au Québec sont tenus de respecter les droits et libertés d’autrui dans leurs rapports sociaux.

Tous les groupes et organismes, toutes les entreprises privées, tous les services, publics ou privés, toutes les administrations gouvernementales (provinciales, municipales, scolaires), le gouvernement du Québec et ses institutions, à tous les échelons de la hiérarchie sont également tenus de s’y conformer. Les seules organisations qui échappent à l’application de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne sont les institutions et les lois fédérales, ainsi que les compagnies privées qui oeuvrent dans un champ de compétence exclusive fédérale, telle qu’une compagnie aérienne.

2.2.3 Historique

La Charte québécoise, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 27 juin 1975 découle d’un vaste projet de la Ligue des droits de l’Homme (aujourd’hui la Ligue des droits et libertés) en 1973. Elle est entrée en vigueur le 28 juin 1976. L’adoption de la Charte a été suivie de la nomination des membres de la Commission des droits de la personne par l’Assemblée nationale et c’est en 1995 que cette Commission a été fusionnée avec la Commission des droits de la jeunesse. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour principaux mandats la promotion, l’éducation et la sensibilisation aux droits fondamentaux, la recherche, le devoir de recommandation au gouvernement sur la validité de ses lois de même que l’approbation et l’élaboration de programmes d’accès à l’égalité. Elle procède aussi aux enquêtes sur les plaintes de discrimination qui lui sont adressées par les citoyens.

Dans les cas où, après enquête, la Commission estime que la plainte est bien fondée et que les personnes mises en cause ne donnent pas suite à sa recommandation, elle seule peut saisir le Tribunal des droits de la personne du Québec. Ce tribunal a été créé en 1991 pour répondre aux préoccupations de divers groupes intéressés qui voyaient là un recours plus accessible, plus rapide, plus simple et moins coûteux qu’un recours civil. Les membres

7 http://www.chrc-ccdp.ca/legislation_policies/chra_guide_lcdp-fra.aspx#2.

de ce tribunal, sensibilisés aux questions de discrimination et d’exploitation, sont mieux préparés à statuer sur des plaintes de ce type que les juges des tribunaux non spécialisés.

2.3 La Loi canadienne sur les droits de la personne

La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée par le gouvernement du Canada en 1985 pour prévenir la discrimination et améliorer l’accès à l’emploi, aux services et aux installations dans tous les secteurs relevant du gouvernement fédéral. Elle permet de combler un vide laissé par la Charte canadienne et la Charte québécoise. Elle protège notamment les personnes qui sont employées par des compagnies privées qui œuvrent dans un des champs de compétence exclusive du fédéral. En effet, tel que mentionné plus haut, la Charte canadienne ne les protège pas puisqu’elle ne s’applique pas au secteur privé et la Charte québécoise peut être uniquement invoquée lorsqu’un des domaines du champ de compétence exclusive des provinces est touché. Puisque la Loi canadienne sur les droits de la personne s’applique à toutes les organisations sous réglementation fédérale, elle peut être invoquée à l’encontre des banques, des sociétés de transport interprovincial ou des compagnies de télécommunications7. Elle protège également les travailleurs qui vivent au Québec mais sont employés par le gouvernement fédéral.

La Loi exige des employeurs des secteurs privé et public, des syndicats et des fournisseurs de services qu’ils prennent des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins des personnes handicapées, dans la mesure où cela ne constitue pas une contrainte excessive.

À son article 3, la Loi canadienne sur les droits de la personne interdit la discrimination en fonction de onze (11) motifs : l’invalidité, la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, la situation matrimoniale, la situation familiale et l’état de personne graciée.

La Commission canadienne des droits et libertés de la personne administre la Loi canadienne sur les droits et libertés de la personne et veille au respect de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

8 Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, L.R.Q., c. E-20.1, art. 45.

9 Ibid., art. 50.

Dans le document Un état des lieux du droit (Page 74-79)