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Chapitre 1 : Analyse et développement institutionnel du système de secours d’urgence pré-

2. L’arène d’action

2.3. Les actions et interactions

2.3.1. La construction de l’hypothèse diagnostique, le diagnostic à distance

Lors de l’appel de détresse, une succession d’actions peut s’observer même si l’ordre d’intervention des participants n’est pas toujours le même. Le plus fréquemment, l’appel est passé par la victime ou un témoin via un numéro d’urgence : le 15 ou le 18. L’agent qui « prend » l’appel d’urgence va alors concentrer ses efforts sur la localisation de l’appelant. Il va reformuler l’adresse ou les lieux décrits par l’appelant. Ainsi, dans la situation 2, l’opérateur du centre de traitement des appels du SDIS, s’assure qu’il a bien compris les informations transmises par la victime dans un état de panique « on est d’accord vous êtes sur… ». Alors

qu’il écoute les informations que lui donne l’appelant, il les collecte sur la fiche Start® (figure n°4), une fiche qui permet de synthétiser toutes les informations liées à une prise en charge d’urgence.

Dans la situation 2, la difficulté se situe dans le déplacement de la victime : celle-ci est un passager d’un camping-car sur la route des vacances. Il est donc nécessaire de connaitre la route sur laquelle le camping-car circule, puis la localisation exacte. Ce à quoi s’emploie l’opérateur. Se représentant les lieux, il guide le véhicule vers une sortie et continue à collecter les renseignements généraux au-delà du motif d’appel. Jusqu’au moment où le conducteur lui décrit la sortie (ils roulent sur une quatre voies) qu’il projette de prendre. C’est alors que l’opérateur réalise qu’il s’est trompé : il avait bien localisé le véhicule mais pas son sens de circulation « ah je croyais que vous alliez vers… ». Lorsqu’il prend conscience de son erreur,

il temporise la situation, en décrivant de nouveau l’environnement présumé du camping-car pour donner l’itinéraire le plus adapté à la situation. Le temps du déplacement du véhicule, l’opérateur prend des avis auprès de son chef de salle. Le centre de traitement des appels est composé d’agents « opérateurs » qui prennent les appels, répondent au téléphone, sous le contrôle d’un officier de sapeur-pompier « chef de salle » dépendant d’un commandant du groupement « opération », un des groupements fonctionnels du SDIS. Les informations collectées auprès de son référent, l’opérateur reprend la collecte des données de l’appelant (identité, âge). Devant les caractères d’urgence définis par le référentiel sur une voie publique, l’opérateur « déclenche » une équipe de secours composée d’un véhicule ambulance de sapeurs-pompiers (trois secouristes : un conducteur, un équipier et un chef d’agrès) ainsi qu’un infirmier de sapeur-pompier. Il transfère l’appel au centre de régulation médicale du SAMU pour avoir un avis médical. L’opérateur informe l’appelant qu’il va passer la main au centre 15 pour que celui-ci puisse bénéficier d’un avis médical. La personne est alors mise en lien avec un assistant de régulation médicale qui collecte les différents symptômes avant de transférer à son tour l’appel au médecin régulateur disponible. Le médecin régulateur effectue alors une consultation médicale à distance. L’appelant est très agité et plus préoccupé par le lieu de rendez-vous donné par l’opérateur que par les questions médicales. Le médecin régulateur aide alors les appelants à se repérer pour retrouver l’ambulance de sapeur-pompier. Dans la situation 3, l’appel au secours est passé directement au poste de secours. Ce sont les secouristes qui informent le centre de traitement des appels (CTA) qu’ils ont été sollicités. Ainsi, ils inversent les rôles entre le centre de traitement des appels et le poste de secours qui détermine les moyens dont ils ont besoin. L’analyse de la situation n’est pas faite par l’opérateur qui n’intervient que pour mettre en lien le poste de secours et le SAMU. Nous retrouvons la même configuration dans la situation 9, où la personne présentant une douleur abdominale vive se présente devant une infirmerie du Mont Saint Michel. Cependant, toutes les infirmeries ne sont pas armées 24h sur 24 sur le Mont. Ainsi, un appel est passé au 18 pour être en lien avec des professionnels de

l’urgence. Ceux-ci contactent alors le poste de secours principal du Mont Saint Michel pour envoyer une équipe de secours au niveau de l’infirmerie et ainsi réaliser un bilan d’urgence vitale. Dans les situations 4, 5 et 14, le centre de traitement des appels du CODIS est contacté par un agent de sécurité dans des lieux recevant du public. La tentative de diagnostic à distance faite par les opérateurs est mise à mal par les agents de sécurité qui connaissent les motifs d’intervention des sapeurs-pompiers et demandent explicitement l’évacuation des personnes en difficulté. Dans la situation 6, situation de sécurisation d’une manifestation attirant une foule importante, une cellule de commandement opérationnelle (le poste de commandement opérationnel, PCO) fait le relai entre les urgences du terrain et le centre de traitement des appels habituels. Les opérateurs de la cellule de commandement ne sont autres que les professionnels de l’encadrement et du pilotage de la sécurité du site. Les informations du terrain sont donc relayées au centre de traitement des appels via cette cellule de commandement. Les opérateurs du centre de traitement des appels départemental sont alors en lien avec les officiers de la sécurité de la manifestation pour faire le relai des prises en charge initiées sur le terrain et sous leur contrôle opérationnel. Dans la situation 8, l’opérateur est face à une situation d’urgence nécessitant un bilan rapide (tentative de suicide par ingestion de médicaments), l’arène se situe à proximité d’un centre de secours principal et d’un centre hospitalier. L’envoi d’une ambulance de secouristes est décidé. Les secouristes pourront réaliser un bilan rapide avec ce départ réflexe. Le transfert de l’appel au service du SAMU est effectué pour assurer la prise en charge conformément aux procédures du secours à personne. Le médecin régulateur valide la non-nécessité de compléter les effectifs de l’équipe d’urgence : le transport vers le centre hospitalier sera plus rapide que l’orchestration d’une intervention médicalisée. Dans la situation 11, nous observons une intervention similaire du médecin régulateur du SAMU mis en relation avec un témoin d’une chute à domicile. L’opérateur du CTA-CODIS, collecte les informations liées à cette urgence et écarte toutes notions de malaises associées à la chute : il vérifie que l’urgence est du type « relevage ». En effet, dans certains cas, une personne peut chuter de sa hauteur sans se blesser mais ne pas être en mesure de se redresser ou d’obtenir de l’aide de son entourage. Dans ce cas, les sapeurs-pompiers interviennent pour effectuer un « relevage » et laissent la personne à domicile. Pour envisager ce mode d’action, il est nécessaire d’écarter tous les signes qui pourraient révéler une pathologie nouvelle ou une altération d’une fonction vitale. Ainsi, l’opérateur du CTA suit les questions types associées à ces prises en charge puis transfère l’appel au SAMU pour avoir une confirmation de son pré diagnostic. Il envoie cependant une équipe de sapeurs-pompiers sur les lieux en attendant la confirmation. Dans la situation 12, c’est un accident de la voie publique impliquant plusieurs

véhicules qui est décrit à l’opérateur. La priorité va à la sécurisation des lieux par la localisation exacte de l’accident. Les notions d’urgence vitale sont écartées dans la première minute de l’appel.

Ainsi, dans toutes les situations observées, nous pouvons identifier des étapes dans la réception d’un appel d’urgence. A distance de l’arène d’action, les équipes de secours se projettent dans celle-ci pour évaluer le degré d’urgence, anticiper les moyens d’intervention en se représentant la situation et en dimensionnant l’équipe aux enjeux sanitaires et sécuritaires. Pour ce faire, les participants réceptionnant les appels utilisent tous les mots à leurs dispositions localement pour traduire les éléments décrits par les personnes sur le site, cela passe par la description précise des lieux qu’ils côtoient puis par la description des symptômes selon leurs « expériences de patients ». Les opérateurs utilisent leurs fiches réflexes pour être en mesure de répondre aux urgences qui ont les caractéristiques de ces fiches. Ils synthétisent les informations sur des fiches informatiques qu’ils peuvent se transmettre entre opérateurs du CTA CODIS et régulateurs du SAMU. La liaison constante des opérateurs et assistant de régulation avec un chef de salle expérimenté pour le CTA CODIS et un médecin régulateur au SAMU permet une analyse fine et collective des situations de secours à prendre en charge, ainsi qu’un support méthodologique et analytique. En effet, entre les appels, des debriefings peuvent être faits entre les équipes pour comprendre certaines prises en charge et faire du retour d’expérience à chaud.