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Chapitre 2 : Coordination et arène d’action, et si seulement si…

2. Institution et coordination dans l’arène d’action

2.1. Arrangements institutionnels influençant la coordination

interagissent et se complètent.

2. Institution et coordination dans l’arène d’action

2.1.Arrangements institutionnels influençant la

coordination

Dans notre système polycentrique, nous pouvons observer un système de règles, un système d’expression des opinions avec un partage d’informations et des possibilités de débats

régulières. Tous ces éléments sont reliés à une diversité des centres de décision et forment un ordre social spontané.

Les règles concernent la délimitation de la situation, elles sont des règles de choix et d’information. Toutes les règles sont connues ou identifiés par les acteurs. Elles sont considérées comme utiles, elles définissent les situations, les actes à réaliser, les rôles de chacun et les bénéfices associés à certaines actions. Le chef de base de la base hélicoptère de la sécurité civile l’explicite clairement ainsi : « Alors, pour nous, c’était très clair. […] alors, au départ nous, on est appelé. Pour…. La réalisation de telle et telle mission. Avec le CODIS du département, ça fait un moment qu’on travaille comme ça. On a un système de navigation, on rentre des coordonnées géographiques dedans. On nous donne le lieu de l’intervention, les coordonnées et le contact qu’on aura sur place, le chef de groupe, le chef… à partir de là, si c’est un départ réflexe, on demande s’il y a un SMUR qui est associé à ce départ et quel type [maritime ou non] de SMUR on va avoir. Pour notre information et nous, c’est parti. On a les coordonnées ça suffit ! Si La météo n’est pas défavorable, on y va. Et ensuite, une fois qu’on a décollé, on a une liaison radio avec le CODIS pendant… donc voilà ». Le chef de service opérations du CROSS apporte un regard complémentaire en nous disant que « le SCMM, projette son équipe sur place, En règle générale, il nous demande si on a un « vrai » médecin à envoyer ou non, ça nous permet de mettre en lien les éléments complémentaires pour affiner la prise en charge, on remet en consultation médicale avec le SCMM lors de l’intervention, ainsi, le SCMM va assurer la régulation et il va guider vers l’hôpital le plus approprié ». Les règles d’information sont inscrites dans les actions à réaliser. Elles sont indispensables à l’action si bien qu’au sein du PCO, les responsables départementaux de la sécurité peuvent demander et animer des échanges afin d’être informés du déroulement de la situation (figure n°12 présentant l’échange entre membres du PCO lors d’une situation d’action de secours du tour de France)

Figure n° 12 : Vérification des informations entre membres du PCO

SIDPC : « Bonjour, dis donc, tu me confirmes le SMUR ? Il est bien engagé dessus ?

DOS : Le SMUR… , nous on a des informations, on a des informations qui se recoupent. C’est que le SMUR d’E. qui se rendrait sur sur … sur les lieux. Tu peux me le confirmer au niveau du SAMU parce que là, ..

DSM : Attends, je vais voir ça. Parce qu’à un moment donné, le SMUR, on me dit au départ, après engagé, après annulé. Enfin bon, c’était au début le primaire de C. qui y allait et apparemment c’est E. qui y va. Et en fait, on leur avait dit que le primaire de C. il pouvait y aller, il passait sous le pont du C.

DOS : Mais qui a demandé de faire partir le SMUR d’E. alors ?

ARM : C’est la régulation, c’est le SAMU, c’est le médecin régulateur. C’est tout. Nous on n’a pas de vue sur les SMUR.

DSM : Donc, bien écoute, je vois ça. SIDPC : Tu nous confirmes ça s’il te plait.

DSM : Ok, reçu. »

DSM : directeur des secours médicaux, DOS : directeur des opérations de secours, ARM : assistant de régulation médicale, SIDPC : chef du service interministériel de défense et de protection civile

Si les règles d’information peuvent définir l’action en elle-même, elles peuvent concerner des fonctions support de l’action, des possibilités et échanges entre acteur. C’est le chef de service opérations du CROSS qui l’exprime le plus régulièrement en ces termes : « le principe de base, c’estl’information mutuelle et réciproque suivant le service de l’Etat. Quand on est dans une bonne crise, comme en très proche côte, en pied de falaise, un service d’Etat quel qu’il soit, le CODIS ou le CROSS on ne peut pas aller sur tout cela. C’est-à-dire que effectivement, comme on l’a évoqué, on peut faire intervenir le GRIMP, mais parfois, tant qu’à faire autant faire venir un bateau qui va les récupérer en bas. Si c’est une intervention avec un bateau, autant que ce soit nous qui gérions cette intervention-là. Même si c’est clairement chez le préfet : c’est terrestre ! Ils sont restés sur… Ils ne sont pas tombés dans l’eau ! Ils sont sur du dur. Donc, nous, cette fois-ci on se met en abime, en soutien du CODIS. Même si on doit utiliser nos moyens à nous... Maritimes dans le cadre du sauvetage, on …dit… On va vous prêter notre concours. Des moyens d’autres administrations qui vont agir sous contrôle opérationnel du CROSS pour faire une intervention maritime. Pour aider à votre action terrestre. Voilà. Et ça peut servir aussi à faire du relais radio. Au pied des falaises, ils n’arrivent pas à s’entendre, et bien antares ne fonctionne pas, ou ne passe pas. Attend on va faire un relai radio avec les moyens maritimes. Ou un moyen maritime qui sera un peu plus au large et voilà, il va pouvoir avoir, à portée radio, les agents qui sont en pied de falaise. Et faire le relais. Et comme ça, nous, on a l’information et on a le relai en conférence. Donc, on fait des conférences à trois avec le CODIS comme ça, on informe le CODIS en temps réel sur l’évolution de l’opération maritime qui… contribue au succès de son action terrestre. »

L’usage des règles, leur connaissance, leur validation de terrain dans le contenu par leur utilisation contribuent à l’existence d’un ordre social spontané. Cet ordre correspond à la rencontre de différentes conceptions exprimées par les acteurs. Par exemple, lorsqu’il s’agit de prendre en charge une victime alors que le terrain présente de nombreuses contraintes analysables de différentes manières, il faut associer une réflexion sur les possibilités selon les disponibilité du personnel adapté et leurs possibilités d’intervention sur ce terrain contraint. Ces conceptions différentes peuvent appeler des méthodes différentes d’intervention correspondant à des protocoles possiblement différents d’action selon les catégories de professionnels. C’est l’expression des différentes possibilités à l’échelon individuel qui permet de définir

l’orientation de l’action après un débat plus ou moins formel comme l’explique un secouriste sapeur-pompier en ces termes : « Après c’est des trucs un peu plus compliqués, chacun a une vision un peu différente de l’intervention. Comment on doit la faire, le chef d’agrès il a une idée de missions, de comment on va faire. Et puis après entre équipiers on peut aller voir le conducteur et dire, moi je ferais comme ça, plutôt. Ça reste assez ouvert. ». Un secouriste d’une association agrée de protection civile explique à ce propos: « Et là, on s'est déplacé sur le parcours, on a réfléchi ensemble aux demandes tout ça... comme c'était un dispositif global, il fallait tenir compte des marins pompiers qui étaient à certains endroits, des sapeurs-pompiers qui étaient à d'autres... et il fallait essayer de répartir tous les moyens, efficacement quand même. Donc, on a fait un repérage, on a dimensionné, on construit ensemble».

Un véritable ordre spontané résulte de la mise en commun des règles d’action et d’une action collective depuis de nombreuses années. Ces dernières favorisent les relations interindividuelles et l’anticipation des actions de chacun. Un médecin SMUR et également régulateur rapporte : « je pense que notre qu'on soit avec les pompiers et les ambulanciers, avec les hôpitaux, ça fait 20 ans que je travaille avec eux. Je connais tout le monde. Et quand on a des choses à se dire on se les dit. On n'a pas besoin de réunions, on n'a pas besoin de... soit pour être contents, soit pour s'engueuler. On se connait, on s'appelle tous par notre prénom, je n'ai pas besoin de réunions. C'est du direct live. Oui, moi, ça fait 20 ans que je fais ça ici, les pompiers je les connais tous. Et il y en a plein que je connais à terre. Parfois, il y a des pompiers de Coutances, de Saint-Lô. Des gars que je connais depuis un moment, on sait faire ».

En action, il est possible d’observer la spontanéité des gestes coordonnée par un centre de décision. Un secouriste nous l’explique ainsi : « Alors, l'échange est toujours... alors, le chef d'agrès reste l'interlocuteur principal sur l'intervention. C'est lui qui va donner les ordres donc aux personnels pompiers et le secouriste. C'est lui qui va échanger avec le personnel médical ou paramédical. Et après en fonction... On va prendre [la] victime qui a chuté […]. On arrive. Donc nous on va faire toute notre technique d'abordage. Donc le bilan, l'immobilisation de la victime. L'équipe SMUR qui arrive juste derrière nous. Donc eux, ils vont commencer à techniquer leur victime, en sachant que tout ce qui est partie immobilisation de la victime, c'est le rôle des pompiers. Et donc, nous, ils vont pas nous prendre le travail. On va se partager les tâches. Et nous on va être... On va continuer notre mission d'immobilisation et de relevage de la victime. Et à côté, le SAMU va travailler à côté, sans dire « ben attendez, les pompiers vous arrêtez, nous on prend la victime en charge ». C'est pas ça, je veux dire on travaille vraiment

ensemble. [sonnerie] On travaille vraiment ensemble sans qu'il y n’y ait de problème particulier, quoi. D'accord. C'est chacun son rôle, chacun sa place sur la victime. Et après donc, y a toujours un échange, même sur la destination de la victime. Tout est coordonné entre pompiers/SAMU et pompiers/infirmiers. Y a jamais une étape de brûlée, on ne shunte pas... Y a jamais personne de shunté ! ». Nous remarquons également que la spontanéité de l’ordre social est conditionnée par l’usage et la maitrise des règles (d’information, de rôle-position dans l’action). Au sein de cet ordre spontané, il existe des centres de décisions qui peuvent imposer une certaine méthode à tout moment de la situation selon la tâche à effectuer sans que cette contrainte d’action ne soit perçue comme une injonction. C’est le déroulement naturel de l’action : « tout se fait naturellement » dit un chef de groupe sapeur-pompier en intervention ou bien un secouriste en retour d’intervention : « je ne sais pas trop exactement comment l'exprimer mais... C'est tellement l'habitude de travailler avec les mêmes gens, nous ici, que... c'est ça qui fait que ça marche ». Des objectifs communs sont connus et exprimés par tous : la qualité de la prise en charge, la rapidité dans une logique d’adaptation de moyens à la situation. La compatibilité entre règles et objectifs de l’action permet l’autonomie des acteurs, caractéristique du polycentrisme. Cette autonomie s’articule différemment selon les professionnels par la mise en application de la règle choisie, du protocole à mettre en place et dans la liberté d’adaptation de celui-ci si cela peut être justifié.

Chaque centre de décision peut imposer une manière de faire, mais un centre est reconnu comme celui qui peut faire appliquer la décision, comme nous le dit un membre du SIDPC : « ce que l'on me répète à longueur de journée, c'est que pour la prise en charge, sur le vecteur de transport et sur la destination, c'est le 15 qui décide. J'ai cru comprendre que parfois ça frittait avec le 18 ». Cependant, la connaissance des règles et des critères de décision d’un centre par tous les membres, permettent à ces derniers de moduler les informations nécessaires à la prise de décision. Ils peuvent alors coordonner l’action de secours dans le sens qu’ils évaluent comme le meilleur. Un secouriste en situation d’action nous montre que cela peut être fait : « tu vas voir, va falloir négocier avec le SAMU pour les emmener, parce que là, clairement, on n’a rien à faire, mais qu’est-ce qu’on peut leur dire, ils n’ont rien ces gens, c’est de l’humain là. La pauvre gamine elle a 5 ans. On est juste à côté de l’hôpital. Si elle ne modifie pas son bilan, on ne la transportera pas. Faut toujours se débrouiller ». Une forme de compétition entre les centres de décision est également identifiable et s’exprime à travers des acteurs transverses, comme le chef du SIDPC nous le dit : « je dirai que moi, qui ne suis pas un spécialiste, pour moi, les textes du ministère de la santé sont un peu abscons... en fait... j'y comprends rien en fait ! C'est ça que ça veut dire ! Ils ont une façon de faire que... ils jobbent dans leur coin quoi !

Ils sont en train de nous mettre en parallèle du... vous avez dû en entendre parler, du système ORSEC, ils sont en train de créer leur système ORSAN. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Quand moi, on m'a appris ça, on m'a dit, il est où l'intérêt quoi ? On a des choses ! Et non, le ministère de la santé, crée son truc. Son ORSAN à côté. Avec des déclinaisons. Le ministère de la santé... voilà... c'est ça que je trouve.... on n'a plus... de temps à perdre dans notre job à faire pour que chacun créé sa bulle. […] on en paie les conséquences. Et derrière, pour moi, sur le terrain, c'est encore le SAMU qui dit « moi je ne veux pas aller comme marche le SDIS » et le SDIS me dit « moi je ne veux pas bosser comme le SAMU ». Et… on en arrive à des complexités comme... comme la médicalisation du Dragon ».

L’ensemble de ces caractéristiques nous permet de préciser les caractéristiques institutionnelles de l’activité de SUPH. En effet, nous avons pu repérer que les équipes étudiées sont plutôt restreintes en nombre et que chaque participant est en mesure d’identifier voire connaît tous les membres de son institution. Les informations qui permettent d’entrer en action sont connues et partagées au point que les acteurs partagent des normes générales communes (identifiables dans leurs définitions du secours d’urgence pré hospitalier et dans les objectifs qu’ils disent poursuivre). Des règles de choix collectifs sont utilisées parmi un ensemble de règles opérationnelles qui définissent qui doit réaliser une action comment et pourquoi. L’ensemble des règles est connu et validé par les acteurs du système qui les utilisent tous (réalisation du bilan standardisé). Il existe un équilibre dans chacune des institutions et dans la diversité institutionnelle étudiée par la compréhension commune et partagée des situations et des conséquences des décisions de chacun.

2.2.La coordination en action et ses effets sur