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Chapitre 1 : Théories de la coordination, un état des lieux

2. La prise en compte de l’individu et de l’équipe : une perspective cognitive de la

2.2. Cognition collective et modèles mentaux d’équipe : la coordination cognitive

Dans la perspective OB, une organisation peut se caractériser par les différentes dimensions des comportements des individus qu’elle rassemble. Cela nécessite également d’intégrer l’analyse de la rencontre des différents individus qui forment le groupe et l’équipe. Les modèles qui intègrent ces différentes dimensions ont pour ambition de penser la coordination en respectant la singularité des individus (même en groupe), qui peut s’exprimer de différentes façons, à différents niveaux, au sein d’une équipe et entre équipes (Klein et Kozlowski, 2000). Brannick et Salas (1997) avancent alors que la caractéristique centrale du travail d’équipe est la coordination. Nous observons ainsi que le passage individu-équipe-action collective à coordination semble évident dans ces travaux et que l’attention se porte sur les facteurs d’influence, les processus d’interactions et les conditions d’émergence du phénomène équipe (Kozlowski et Ilgen, 2006).

Dans les travaux OB, la définition d’une équipe peut être très variable. La littérature OB présente de nombreuses typologies. Citons par exemple les travaux de Hollenbeck et al (2012), de Mathieu et al (2008) sur les travaux de Cohen et Bailey (1997), de Devine (2002), Hackman (1990). La définition de l’équipe utilisée dans les travaux OB est le plus souvent celle proposée par Kozlowski et Bell (2003) : une équipe est considérée comme un collectif qui existe pour accomplir de manière organisée, des tâches reconnues pertinentes, qui partage un ou plusieurs objectifs, dans un espace social fait d’interactions. Les auteurs insistent sur la réalisation des tâches interdépendantes dans un espace bien délimité. Le contexte organisationnel fixe un ensemble de règles et de limites qui contiennent l’équipe et influencent les échanges dans celle-ci avec les autres unités de l’organisation ou des organisations afférentes. Le collectif, l’équipe coordonnée, agit de manière performante avec des objectifs communs à l’aide d’interactions à la fois sociale et environnementale. Pour Mathieu et al (2008), cette définition a l’avantage de souligner l’interdépendance et les niveaux d’organisation. Pour Boyle (1997), la prise en compte du contexte organisationnel nécessite de définir des types d’équipe qui vont avoir des activités différentes. Il met en évidence cinq types d’équipe : celles constituant la force productive, celles en charge de l’amélioration de la qualité, les équipes transverses, les équipes définissant le travail et les équipes de management. Il existerait ainsi des processus d’équipe, des règles de comportement, des compétences individuelles au sein d’une équipe qui produisent un fonctionnement d’équipe : c’est la dimension cognitive du travail en équipe. En effet, la

cognition est « un ensemble [d’]activités par lesquelles toutes [les]informations sont traitées par un appareil psychique » (Engel, 2001, p. 174). Evoquer le cognitif correspond à s’intéresser à la manière avec laquelle un individu reçoit, sélectionne, transforme, organise les informations pour construire des représentations de la réalité et élaborer des connaissances. Les fonctions de la cognition sont adaptatives et régulatrices : elles permettent d’identifier l’environnement pour qu’il ait un sens et une valeur. La comparaison avec d’autres objets, dans un système relativement stable, permet de catégoriser l’information reçue, et de construire des schèmes comportementaux (Engel, 2001). S’intéresser aux mécanismes cognitifs permet de comprendre à la fois les opérations intellectuelles qui conduisent l’action tout en prenant en compte une part de l’affectif et du motivationnel de l’individu. Ceux-ci joueront un rôle dans la sélection des informations, leurs transformations et organisations.

Dans une méta analyse, De Church et Mesmer (2010) présentent les processus cognitifs d’équipe : ils distinguent les modèles mentaux partagés, les modèles mentaux d’équipes et les systèmes de mémoires transactives qui peuvent être les supports de la coordination collective. Ces construits sont difficiles à distinguer : cela constitue une faiblesse de ces travaux. Les relations entre modèles mentaux partagés (SMM pour Shared Mental Model) et modèles mentaux d’équipe (TMM pour Team Mental Model) sont encore floues et le système de mémoire transactive (TMS pour Transactiv Memory System) est parfois bien abstrait. Nandkeolyar (2008) étudie les liens entre SMM et TMS. Le TMS serait une variable modératrice du SMM sur les résultats du travail d’équipe. Le SMM est une représentation d’un système associé aux comportements attendus dans ce dernier (Johnson-Laird, 1983). Les actions pertinentes nécessitent de comprendre le système dans lequel elles s’inscrivent. Il y a une compréhension organisée d’une connaissance appropriée des actions à mener partagée par les membres de l’équipe (Klimoski et Mohammed, 1994). Quatre types de SMM sont distinguables. Ils concernent la connaissance : des équipements et outils, des tâches et procédures, des stratégies d’action puis des caractéristiques et spécificités des membres de l’équipe. Ainsi, il est possible de distinguer deux domaines principaux : ce qui concerne les taches à effectuer et ce qui concerne l’équipe (Klimoski et Mohammed, 1994). Les SMM permettent aux membres d’une équipe de savoir qui fait quoi et de savoir quand et qui peut compenser dans le cas d’un manque d’expertise sur un domaine d’activité. Le système de mémoire transactive concerne les informations que les membres connaissent individuellement. Il conditionne alors la coordination par la crédibilité associée aux actions et la spécialisation des actions d’une équipe. Le TMS a une fonction de différenciation alors que les SMM auront davantage une fonction d’intégration envisageable par le partage d’information. L’attention est

portée sur les liens interpersonnels dans les SMM alors que le TMS va davantage se concentrer sur la tâche à effectuer et à sa complexité. Cette dernière nécessite de repérer les informations que chacun peut avoir sur le sujet (Nandkeolyar, 2008).

Pour De Church et Mesmer (2010), le travail en équipe résulte de l’association de trois éléments : les comportements d’équipes, la motivation et la cognition. Ces trois éléments sont soumis à des modérateurs de différentes natures. Le type d’émergence de la cognition - composition ou compilation selon Klein et Kozlowski (2000) - la forme de la cognition et son contenu peuvent s’associer différemment et produire une cognition d’équipe variable (tableau n°4 ci-dessous présentant la cognition d’équipe). La cognition, associée au travail d’équipe désigne à la fois la cognition individuelle et la cognition collective. Le tableau ci-dessous présente les différents termes utilisés pour évoquer « cognition » et « cognition d’équipe ». Si la diversité et le nombre de synonymes permet des phrases variées, cette possibilité de fantaisie littéraire contribue surtout à la confusion dans l’usage désordonné du terme « cognition ».

Tableau n°4 – La cognition d’équipe

De nombreux concepts issus de la psychologie viennent alimenter les travaux OB. Les styles cognitifs des individus sont régulièrement analysés. Par exemple, Armstrong et Priola (2001) étudient les comportements des individus intuitifs dans des équipes intuitives ou analytiques. La cognition collective ou partagée n’est pas équivalente à la somme des cognitions individuelles, Cannon-Bowers et Salas (2001) reprennent les travaux de Klimoski et Mohammed (1994) pour détailler la construction de la cognition partagée. Selon eux, quand une équipe partage une connaissance, les membres de l’équipe peuvent interpréter des indices

ensemble et prendre des décisions partagées dans le sens où elles sont comprises, assimilées et validées par tous. La performance des équipes s’améliorerait alors. Une diversité de modèles peut être recensée dans la littérature, nous en présentons une synthèse dans le tableau suivant.

Tableau n°5 – Modèles décrivant la coordination des équipes

Dans l’ensemble de ces modèles, il s’agit principalement de décrire des fonctionnements individuels dans des contextes et de visualiser certains liens entre les niveaux d’organisations. De nombreux mécanismes sont identifiés autant dans la connaissance, l’apprentissage, les psychologies individuelles. Les individus qui partagent des modèles mentaux d’équipe vont mieux se synchroniser et envisager des actions adaptées à la situation à laquelle ils font face. Mohammed et ses co-auteurs (Mohammed, Ferzandi et Hamilton, 2010) décrivent comment la