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RESULTATS Chapitre 5 : Comment devient-on associé d'audit dans un

1. Les conséquences théoriques du « moule » sur l’identité de l’associé

La littérature comptable, comme nous venons de le voir, analyse la construction de l’identité de l’auditeur à travers le processus de socialisation, et définit l’identité dans les cabinets d’audit Big 4 autour de l’idée de « moule » identitaire, à savoir une standardisation comportementale et morale des auditeurs. C’est la structure, et le sentiment d’appartenance organisationnelle qui forgent la façon de se comporter, et les valeurs dans lesquels les auditeurs se reconnaissent professionnellement. C’est par la socialisation en cabinet que les auditeurs acquièrent le comportement adéquat, les règles tacites à respecter et le « mode d’emploi » informel pour s’approcher au mieux du « professionnel idéal » (Kosmala et Herrbach 2006) qui semble s’imposer à chaque auditeur animé par la volonté de bien faire.

Cette littérature que nous venons d’explorer ne semble toutefois pas faire de distinction entre les auditeurs et les associés. Grey (1998), par exemple, étudie dans un article séminal, ce qu’être professionnel signifie dans un cabinet d’audit de type Big, intitulé : « On being a professional

in a “Big Six” firm », à partir d’une observation ethnographique dans un cabinet régional d’un

des Big 6, à l’époque. 80 entretiens ont été menés dans le cadre d’une étude globale sur les carrières dans les cabinets d’audit au Royaume-Uni et l’auteur précise, dans la méthodologie

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que deux tiers des interviewés sont des « staff on training contracts » correspondant à des assistants débutants ou confirmés dans la hiérarchie française, et que le reste sont des « recently

qualified staff and junior managers », soit des seniors et jeunes managers. L’auteur ajoute :

« A small number of other interviews were conducted less systematically with more senior managers and with Partners » (Grey 1998, p. 573)

L’article s’attache donc à définir l’identité des auditeurs, sans inclure véritablement d’associés dans l’échantillon des personnes interviewées. De la même façon, dans leur article de 2006, Kosmala & Herrbach, justifient leur non-inclusion des associés de leur étude sur la construction de l’identité des auditeurs de la façon suivante :

« We excluded audit partners from the study as, in our view, partners do not engage with operational approaches per se, except for the final review, so they do not appear to be explicitly affected or “defined” by the structure of everyday mundane audit tasks. Although they are still subjected to powerful ways of organizational control (Covaleski et al., 1998), we also think that the identity work of partners is tainted by a stronger commitment to the firm and an involvement in its business affairs, implying performance- related benefits and status privileges. Their identity strategies are therefore different from those of seniors and managers4.” (Kosmala et Herrbach 2006, p. 1402)

Les auteurs de l’article excluent donc les associés au titre d’une stratégie identitaire différente de celle des auditeurs de terrain ou des managers, en mentionnant que les associés sont assez souvent absents du terrain, ou au moins du lieu de la mission, et qu’ils ne sont pas soumis ou « définis » par la structure opérationnelle et quotidienne de la pratique de l’audit en mission. Par ailleurs les auteurs rappellent l’engagement très fort de cette population qu’ils mettent « à part » pour justifier d’un statut différent et d’une non-inclusion des associés dans l’étude de l’identité des auditeurs.

Les études nombreuses sur la socialisation des auditeurs en cabinet (cf annexe 1) sont basées sur des études ethnographiques de missions d’audit ou de mise en œuvre des pratiques d’audit au quotidien, desquelles les associés sont la plupart du temps absents, ou bien sur des entretiens qui, en règle générale, ne concernent pas les associés, que ce soit pour des raisons d’accessibilité à cette population peu disponible, ou bien de « stratégie identitaire » différente du reste de la population des auditeurs. On peut donc conclure que la revue de littérature menée sur la

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socialisation et la définition de l’identité des auditeurs en cabinet ne concerne pas l’associé. La littérature comptable parle de l’auditeur, mais pas de l’associé.

Toutefois, ne peut-on pas considérer l’associé comme un auditeur ? Il est en effet membre de l’équipe d’audit et, selon le schéma pyramidal de la carrière-type dans un cabinet, il a franchi tous les grades qui sont concernés par le « moule » identitaire. Ainsi, si le moule formate l’auditeur, et si l’auditeur qui n’adhère pas aux valeurs sort de l’organisation, peut-on penser qu’il s’opère, tout au long de la carrière des auditeurs, une sélection des profils en fonction des valeurs, des comportements et des attitudes, selon le mode de sélection du up-or-out en œuvre dans les cabinets Big. Dans ce cas, le processus de socialisation aurait pour conséquence un formatage efficace du professionnel d’audit qui, à l’issu de sa « carrière » d’audit, deviendrait le « clone » parfait décrit par Disrsmith et Covaleski (1998) quand ils évoquent les associés, le professionnel coulé dans le moule de l’auditeur des Big 4. Ce raisonnement nous conduit à envisager l’associé, figure ultime du succès en cabinet, et à force de sélections, comme le produit de la culture des cabinets, le produit du « moule ». En parlant de l’auditeur en cabinet, la littérature projette sur l’associé une identité standardisée qui est celle des populations étudiées, à savoir celles des auditeurs de terrain ou des managers.

Nous proposons alors de mener une revue de la littérature en nous focalisant uniquement sur la figure de l’associé dans la littérature comptable, pour valider ou non la définition d’une identité standardisée de l’associé dans les grands cabinets d’audit.

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