• Aucun résultat trouvé

Conditions sociales de possibilité de l’imposition d’un principe de vision A la différence des sociétés peu différenciées où les principes de vision sont principalement A la différence des sociétés peu différenciées où les principes de vision sont principalement

Chapitre I : L’appropriation historique de la terre crue dans un espace rural et urbain français crue dans un espace rural et urbain français

1. De l’émergence à la dissolution sociale de la bauge

1.2 Unification et différenciation du champ social : une révolution copernicienne du social copernicienne du social

1.2.1 Conditions sociales de possibilité de l’imposition d’un principe de vision A la différence des sociétés peu différenciées où les principes de vision sont principalement A la différence des sociétés peu différenciées où les principes de vision sont principalement

structurés par l’organisation spatiale et temporelle des agents et des rites d’institution qui établissent des différences entre eux, les instruments de construction de la réalité sociale des sociétés différenciées sont produits et reproduits pour une grande partie par l’Etat. En tant qu’instance méta-champ susceptible d’agir dans les différents espaces sociaux, selon le degré d’autonomie qui les caractérise, l’Etat participe à la structuration des systèmes symboliques structurés et contribue ainsi à construire des schèmes de perception et d’appréciation communs que les agents appliquent à l’ordre social.

L’Etat se construit dans les structures sociales et les structures cognitives, à la fois par institutionnalisation et incorporation, de façon janusienne : disciplinaire et philanthropique. En effet, pour se construire, l’Etat unifie un champ social tout en concentrant et tentant de monopoliser différentes espèces de capital qu’il universalise à mesure de l’imposition et donc de l’unification de son principe de vision dominant. Les dimensions disciplinaire et philanthropique de l’Etat s’observent dans les espèces de capital.

Parmi ces dernières qui sont concentrées par l’Etat155, il existe, d’abord, un capital de coercition pour s’assurer un « monopole de la violence physique légitime », selon l’expression wébérienne156, à

155 La concentration des espèces de capital dans la construction de l’Etat bureaucratique est évoquée ici succinctement et reprend en substance l’argumentaire de Pierre Bourdieu, plus largement développé dans l’article suivant : BOURDIEU Pierre, « Esprits d'Etat » in Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 96-97, mars 1993, Esprits d'État. pp. 49-62.

156 WEBER Max, Le savant et le politique, Paris, 10/18, 2002, p. 125. Reconnaître comme « légitime » la violence physique de l’Etat peut poser au moins deux problèmes. D’une part, celui d’une représentation enchantée de Max Weber, qui occulte tous les usages cyniques qui peuvent être faits de la violence physique étatique, c’est-à-dire qu’il tend à méconnaître le caractère arbitraire de l’usage de cette violence, donc à méconnaître son incorporation d’une pensée d’Etat. D’autre part, le qualificatif de « légitime » peut participer à un « effet de théorie » où le sociologue participe à construire la représentation du monde social à partir de ses schèmes cognitifs étatisés. Autrement dit, il participe à la naturalisation d’une construction sociale qu’il a incorporée et qui s’exprime par sa représentation de l’Etat.

52

l’intérieur du territoire étatique, notamment vis-à-vis des potentiels contre-pouvoirs comme les princes et leur fief ou encore les potentielles résistances des classes dominées, mais aussi pour affirmer une force à l’égard de l’extérieur du territoire, notamment des autres Etats lors de lutte interétatique, supposant ainsi la constitution à la fois de forces de police pour l’ordre intérieur et de forces militaires pour les menaces actuelles ou potentielles relevant de l’extérieur.

Ensuite, la concentration d’un capital économique s’effectue par l’unification de l’espace économique national (associé au monopole du droit de frapper monnaie par l’Etat) et l’instauration d’une fiscalité, l’impôt d’Etat apparaissant selon Pierre Bourdieu dans la dernière décennie du XIIe siècle, peu à peu reconnues par les dons et les largesses du prince, en partie à destination des proconsuls et des seigneurs féodaux, dans le cadre de l’Etat dynastique, puis par les dépenses publiques dans le cadre de l’Etat bureaucratique.

Puis, la concentration du capital informationnel par la production étatique de l’information par le biais des recensements, des statistiques, de la cartographie, et d’un cumul de connaissances par l’écriture et l’impression, etc., permet à l’Etat d’être efficient dans la co-construction des politiques publiques.

Enfin, l’Etat participe à unifier le marché culturel par l’unification des codes juridique, linguistique et l’homogénéisation des formes de communication. Les systèmes de classement inscrits dans le droit (notamment le droit romain introduit par les juristes), le système scolaire, le fonctionnement bureaucratique, les rites d’institution, etc., participent à structurer des schèmes cognitifs communs aux agents du territoire national dont ils relèvent.

En ce sens, l’unification du champ social participe à définir un sens commun157 national. Ce denier correspond aux structures structurantes partagées dans les limites de l’espace social. Ces structures sont globalement homologues aux structures structurées, c’est-à-dire qu’elles font voir et valoir des significations et des valeurs distinctives plus ou moins opposées entre les agents selon leur position sociale au sein de l’espace social. Comme le rappelle Pierre Bourdieu, le sens commun « est

en grande partie national parce que la plupart des grands principes de division sont jusqu’ici inculqués ou renforcés par les institutions scolaires qui ont pour mission majeure de construire la nation comme population dotée des mêmes « catégories », donc du même sens commun. »158 Principe de (di)vision incorporé et partagé, il participe à l’établissement d’un illusio national, plutôt que d’une « intégration »159, et fonde à la fois un « conformisme logique » et un « conformisme moral »160 qui font voir et valoir, entre autres, l’action de l’Etat comme légitime161.

157Il importe d’insister sur le qualificatif « commun » de l’expression pour dissiper tout malentendu faisant valoir un sens « unique » d’un ordre social.

158 BOURDIEU Pierre, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 2003, p. 142.

159 BOURDIEU Pierre, Sur l’Etat : Cours au Collège de France (1989-1992), Paris, Seuil, 2012, p. 566. 160 DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, 4e édition, Paris, Quadrige, 2013, 647 p.

161 Cette reconnaissance accordée à l’Etat est également observée par Max Weber lorsqu’il mentionne l’accroissement du « prestige de l’Etat » où « [p]armi toutes les communautés sociales il est la seule à laquelle

on accorde de nos jours le pouvoir « légitime » sur la vie, sur la mort et sur la liberté ». Max Weber le décrit

comme « « valeur » ultime [...] [à laquelle] toute activité sociale devrait être en dernière analyse mesurée aux

intérêts qui sont déterminants pour son existence. » Voir : WEBER Max, Essais sur la théorie de la science, Paris,

53

Considéré comme « banque centrale de capital symbolique »162, l’Etat peut agir sur les espaces sociaux, notamment en participant à leur construction, sur les espèces de capital et leur convertibilité entre elles, donc sur les rapports de force entre les agents, d’où la lutte pour le pouvoir sur l’Etat pour, entre autres, contrôler les promotions et les destitutions ontologiques163. Celles-ci sont fondées sur la reconnaissance collective dans l’Etat dynastique, puis elles trouvent une objectivation au sein de l’Etat bureaucratique, instance d’autorité autorisée à dire ce qu’il en est de ce qui est, une transcendance immanente codifiée reposant en dernière analyse sur une croyance arbitraire historiquement structurée par des luttes.

L’universalisation et la domination dans la lutte pour la monopolisation de l’universel permettent de consacrer (légitimer, sanctifier) et de destituer (sanctionner) des habitus de classe. La consécration participe à définir les systèmes de dispositions d’un groupe social comme légitimes et, par l’objectivation des pratiques, des représentations et des relations, définit un principe de vision par imposition d’un ensemble systématisé et rationalisé de normes explicites, reconnues comme légitimes mais méconnues comme arbitraires, en assurant une fonction logique et gnoséologique. Il s’agit de naturaliser la position d’un groupe social dans la structure sociale en le consacrant par ce qui le caractérise socialement. Cette légitimation d’un arbitraire implique, entre autres et d’une part, de convertir des limites de fait (sociales, politiques, économiques) en des limites de droit et, d’autre part, de façonner symboliquement les aspirations, les prétentions, qui participent à structurer l’ajustement (c’est-à-dire la correspondance ou le décalage) des espérances socialement structurées aux chances objectives socialement construites, par incorporation des dispositions consacrées. Cette construction naturalisée rend méconnaissable, d’une part, la problématique implicite du principe de vision qui structure l’expérience des agents et, d’autre part, les limites de leurs dispositions à croire en la légitimité de cette problématique164. Cette méconnaissance conditionne en partie l’illusio des agents qui permet au principe de vision d’être maintenu.

162 BOURDIEU Pierre, Sur l’Etat : Cours au Collège de France (1989-1992), Paris, Seuil, 2012, p. 196.

163Dans la lutte pour le pouvoir sur l’Etat, Karl Marx observait au XIXème siècle comment une fraction de la classe bourgeoise instrumentalisait l’Etat pour son propre compte en le faisant recourir à l’endettement, participant entre autres à consolider les activités économiques des entrepreneurs dominant le champ économique du fait en partie de la concentration du capital informationnel au sein du champ de pouvoir : « L'endettement de l'État

était […] d'un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres.

C'était précisément le déficit de l'État, qui était l'objet même de ses spéculations et le poste principal de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or, chaque nouvel emprunt fournissait à l'aristocratie une nouvelle occasion de rançonner l'État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel emprunt était une nouvelle occasion, de dévaliser le public qui place ses capitaux en rentes sur l'État, au moyen d'opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiés. En général, l'instabilité du crédit public et la connaissance des secrets d'État permettaient aux banquiers, ainsi qu'à leurs affiliés dans les Chambres et sur le trône, de provoquer dans le cours des valeurs publiques des fluctuations insolites et brusques dont le résultat constant ne pouvait être que la ruine d'une masse de petits capitalistes et l'enrichissement fabuleusement rapide des grands spéculateurs. » in MARX Karl, Les luttes des classes 1848-1850, Paris, Editions Sociales, 1974, p. 40.

164 Une partie de l’argumentaire de ce paragraphe est basé sur la démonstration développée par Pierre Bourdieu à propos du champ religieux et de l’intérêt (illusio) qu’il engendre pour les agents qui y sont engagés. Cette démonstration peut être certainement généralisée pour l’ensemble des espaces sociaux. Voir : BOURDIEU Pierre, « Genèse et structure du champ religieux » in Revue française de sociologie, 1971, 12-3. pp. 295-334.

54

En cela, la soumission à l’ordre établi, comme à un ordre étatique, ou dans un cas encore plus particulier, à un ordre constructif, est le produit d’une convenance entre l’incorporation, des dispositions corporelles inscrites par les histoires individuelle et collective de chaque agent, et des structures sociales dans lesquelles elle s’accomplit plus ou moins complètement. C’est le degré de cohérence et de systématicité des structures structurantes et leur convenance aux structures structurées qui participent à définir leur consistance et leur résistance au maintien ou au changement de l’ordre établi165. La reproduction d’un ordre social repose sur le rapport de convenance entre les structures cognitives et les structures sociales en assurant la reproduction de la croyance en la légitimité de cet ordre. Or, comme le relève Patrick Champagne à propos de la crise de la reproduction de la paysannerie traditionnelle, elle « permet de saisir l’une des conditions tacites qui, de façon plus large, rend possible la réussite de toute reproduction sociale, à savoir la croyance en la valeur de la position à reproduire. En d’autres termes, pour que le paysan puisse se reproduire comme paysan, il faut aussi qu’il puisse reproduire la croyance que le paysan mérite d’être reproduit. »166

L’unification du champ social, en unifiant les marchés des biens symboliques et des biens économiques, affecte différemment les agents selon leur position et leurs dispositions dans l’espace social villageois. Ces deux principes dynamiques contribuent à déterminer l’illusio des agents, par conséquent variable dans le temps, qui les incline à la conservation ou à la conversion de ce qu’ils sont dans le champ social. De manière générale, plus l’affirmation de l’illusio d’un agent est grande, plus il est disposé durablement au maintien d’un ordre dans lequel il trouve la possibilité de s’accomplir plus ou moins complètement. L’unification du champ social conduit à une véritable « révolution copernicienne » de l’espace social villageois, « lieu central, immuable, siège d’une hiérarchie elle aussi

immuable et unique, n’est plus qu’un point quelconque dans un espace plus vaste, pire, un point bas, inférieur, dominé »167. Les conditions de formation et d’exercice des dispositions sont modifiées et compromettent la perpétuation de l’ajustement entre les habitus et l’état de l’espace social.

1.2.2 Incorporation et institutionnalisation d’un reclassement social : la

restructuration des espaces sociaux villageois

Dans les espaces sociaux villageois, la restructuration du marché matrimonial168, par son unification, conduisait à restructurer l’activité paysanne dont la main-d’œuvre était principalement

165 BOURDIEU Pierre, « Esprits d'Etat » in Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 96-97, mars 1993, Esprits d'État. p. 60.

166 CHAMPAGNE Patrick, L’Héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la paysannerie française, 1950-2000, Paris, Seuil, 2002, p. 235.

167 BOURDIEU Pierre, Le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Editions du Seuil, coll. « Points », 2002, p. 228.

168Avec la constitution du régime d’accumulation primitif par l’appropriation privative des moyens de production et le développement du salariat lors de l’industrialisation de certains territoires français au cours du XIXe siècle, la définition de la famille reposant principalement sur la propriété devient problématique pour le maintien de l’ordre social en raison des « déshérités », ceux n’ayant hérité de rien et ne transmettant rien, comme les familles ouvrières ou les cadets et les femmes des familles paysannes. De nouveaux instruments juridiques conçus par les catégories dominantes permettent de maintenir les rapports entre les groupes sociaux. L’ordre social est assuré par la mise en place d’une législation consacrée au droit social (par exemple la législation relative au travail des enfants), contrastant avec les dispositions du Code civil inscrites dans une philosophie individualiste de l’économie libérale. Ces instruments, couplés au développement de la structure familiale dite « conjugale » accordant au capital culturel une efficience dans les modes de domination des groupes sociaux et dont les « déshérités » sont démunis, permettent de participer au maintien des positions dans l’espace social, donc au maintien de la structure sociale. A la fin du XIXe siècle, trois modalités de gestion et de reproduction des

55

locale, voire familiale. Comme le remarque Patrick Champagne, « le type de famille paysanne dominant

est plus proche de la famille décrite comme « patriarcale » que de la famille dite « conjugale » ou « nucléaire » : il s’agit de familles nombreuses où les parents conservent très tardivement l’autorité sur les enfants et sur l’exploitation. »169 L’état du marché matrimonial déterminait ainsi en grande partie la reproduction de la main-d’œuvre agricole, c’est-à-dire le maintien de l’activité paysanne.

La restructuration du marché économique affectant les espaces sociaux villageois s’effectue au moins par deux modalités. D’abord, l’appropriation privative et la concentration des moyens de production pour une accumulation monétaire indéfinie engendraient une perte de compétitivité pour les agents travaillant dans les plus petites exploitations ou des ateliers caractéristiques de ceux présents dans l’espace rural. Concernant l’agriculture, une loi du 6 décembre 1850 simplifiait la procédure d’aliénation des terres incultes170 telles que les marais et les landes sur lesquelles pouvaient paître les animaux et où s’effectuait la pratique de l’étrépage, c’est-à-dire l’utilisation de sols superficiels et de végétation comme engrais pour les cultures. Les défrichements permis par la loi visaient à développer la surface des exploitations pour accroître la production des paysans. Dans une région comme la Bretagne où, à la différence du Nord-Est de la France, l’agriculture demeurait considérable malgré la révolution industrielle française, cette loi s’articulait à un régime de fermage n’inclinant pas à l’amélioration des conditions d’existence par l’habitat. Les propriétaires investissaient davantage dans les moyens de production, tandis que les fermiers171 privilégiaient les biens mobiliers172.

populations s’articulent au mode familial et se renforcent au cours du XXe siècle : le marché du travail (reposant sur une relation contractuelle sous contrainte structurale qui développe le salariat), le système scolaire (reposant principalement sur les titres scolaires, transformant les inégalités de fait en inégalités de droit, notamment suite à la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui permet à ce dernier de contrôler le contenu de l’enseignement dans les écoles publiques) et le système de protection sociale (systèmes de retraite, prestations sociales, mais aussi compagnies d’assurance, etc., qui assurent des fonctions auparavant détenues par la famille de type patrimonial). Ces trois modes de distribution des ressources sont grandement structurés par l’Etat et participent à affaiblir les mœurs de la bourgeoisie dans les catégories de la morale familiale. Voir : LENOIR Rémi, Généalogie

de la morale familiale, Paris, Le Seuil, 2003, 586 p.

169 CHAMPAGNE Patrick, L’Héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la paysannerie française, 1950-2000, Paris, Seuil, 2002, p. 129.

170 GOHEL Louis-Michel, « La construction de terre en Haute-Bretagne, histoire et techniques », art. cit., p. 39.

171 Pour avoir une représentation des biens mobiliers possédés par les agents disposant de peu de moyens financiers au XIXème siècle, en supposant qu’ils ne soient pas sensiblement différents du XVIIIème et selon les régions françaises, il est possible de se reporter à la description qui en est faite par Fernand Braudel : « [P]auvres

des campagnes ou pauvres des villes, en Occident, vivent dans un dénuement presque complet. Leur mobilier, ce n’est rien, ou presque rien, du moins avant le XVIIIe siècle où un luxe élémentaire commence à se diffuser (les chaises, alors qu’on se contentait jusque-là de bancs, les matelas de laine, les lits de plume), où se répandent, dans certaines régions, les meubles paysans d’apparat, peints ou patiemment sculptés. Mais c’est une exception.

[…] En Bourgogne, au XVIIIème siècle encore, mis à part les paysans cossus, si peu nombreux, le mobilier du

manœuvre et du petit laboureur s’avère identique à lui-même, dans sa pauvreté : « la crémaillère, la marmite dans l’âtre, les fritoires. Les « quasses » [poêles], la « meix » ou pétrissoire [pour le pain]…, le coffre fermant à clef, le bois de lit à quatre colonnes avec la taie de plume et le « guédon » [édredon], le traversin, parfois la

tapisserie [couverture] de lit ; la culotte de droguet, la veste, les guêtres ; quelques outils [pelles, pioches]… ».

Mais avant le XVIIIe siècle, ces mêmes inventaires se réduisent à quelques hardes, un escabeau, une table, un banc, les planches d’un lit, des sacs remplis de paille… » in BRAUDEL Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Tome 1 : Les Structures du Quotidien, Paris, Armand Colin, 1986, p. 245.

56

Ensuite, l’internationalisation du champ du pouvoir, en grande partie par le colonialisme, et des échanges économiques rendus possibles, entre autres, par le développement des moyens de transport, conduisaient à importer des produits à moindre coût que ceux produits en France métropolitaine et contraignaient les paysans les moins compétitifs (d’autant plus lorsqu’ils étaient concernés par la crise du phylloxera), et d’autres agents exerçant une activité qui gravitaient autour de l’existence d’une portion suffisamment importante de la paysannerie, à quitter l’espace rural pour l’espace urbain173.

Ainsi, à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, l’approfondissement de la division et de la monétarisation du travail, qui articule une spécialisation productive et une complémentarité de l’échange marchand, contribue à la « dissolution de la communauté domestique »174 décrite par Max Weber. Le travail est distingué des autres fonctions sociales par son inscription dans le rapport monétaire qui permet d’évaluer et donc de comparer la contribution de chaque agent au collectif, tout en autorisant la satisfaction des besoins individuels, dans la limite de leurs moyens disponibles, sans avoir à passer par le collectif. C’est notamment dans ce cadre que s’opère une distinction, observée par Max Weber, entre le logement et l’exploitation, le ménage et les agents de l’atelier, l’activité domestique et la profession, etc. En matière d’ouvrage, le bâtiment mixte qui conciliait à la fois l’habitat et l’exploitation, comme les demeures des métayers qui étaient souvent annexées aux

Outline

Documents relatifs