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par les acteurs

3. Conclusion du chapitre

3.1. La longue construction d’un dispositif stratégique

complexe

Au fil du temps, les particularités locales laissent la place à un outillage national (et européen) qui s’impose à tous. Mais des appropriations locales de ces outils existent, par l’application des accords interprofessionnels en régions ainsi que par les définitions des seuils dans les cdoa pour l’attribution des volumes.

Ainsi, nous voyons émerger des arènes de négociation entre les acteurs, au niveau local (avec les groupements de producteurs) puis national (avec la mise en place des accords de prix interprofessionnels). La coexistence de ces deux niveaux d’organisation de la filière montre les tensions entre les stratégies nationales (à l’interprofession), leurs déclinaisons locales, et leurs appropriations dans les arènes locales.

3.2. Résumé du dispositif de gestion avant la période de

dérégulation

Nous mettons en lumière un dispositif de gestion de la transaction basé sur :

— Un calcul du prix du lait qui s’impose à tous, et correspond aux critères de valorisation des industriels. Ainsi, ce sont les critères de marché qui priment, la question des coûts de production est reléguée au second plan de la négociation dans les instances du cniel. Ce dispositif permet à la fois aux industriels de bénéficier d’un prix qui reflète leurs mar-chés et de limiter la concurrence «prix» sur l’approvisionnement. Il prévoit également les outils d’analyse objective et partagée de la qualité du lait, et ses modalités de paiement identiques pour tous.

Ce dispositif permet une certaine égalité entre producteurs, puisque les prix définis sont des prix «départ ferme». Les coûts de ramassage sont ainsi mutualisés.

70. Dont nous aborderons l’histoire plus loin puisqu’une partie des producteurs de cette coopérative ont été ensuite membres fondateurs de l’op fmb (France MilkBoard).

— Un système cogéré de gestion des volumes, qui s’impose aux industriels. Ce sont en grande partie les représentants des éleveurs qui créent les règles de redistribution des volumes. Cette répartition des volumes est cependant relativement figée, et limite la concurrence sur l’approvisionnement. Cette limitation de la concurrence est encore renforcée par le fait qu’une partie des industriels, par accords tacites, se refusent à se concurrencer sur les volumes en essayant de capter de nouveaux fournisseurs. Les échanges de volumes sont plutôt gérés entre laiteries par des «échanges de tournées» et des reventes de lait sans que les producteurs changent d’acheteur.

3.3. Appropriation des outils et stratégies

Ce dispositif, contrôlé par les membres de l’interprofession laitière, s’impose aux acteurs de la filière, sans laisser de grande marge à une appropriation locale des outils ou à une création d’outils locaux.

Les stratégies de filières nationales se sont focalisées autour d’une revendication sur les niveaux de prix auprès des pouvoirs publics. La place de la filière dans les décisions est importante. Cependant, on peut remarquer que l’européanisation des décisions, et la pression internationale, au travers du gatt puis de l’omc, ont rendus plus délicate l’intervention des producteurs et industriels français, dont les intérêts rentrent en concurrence avec ceux d’autres industries et ceux de l’industrie laitière d’autres pays.

La filière bénéficiait certes d’une régulation publique importante, mais les modalités d’orga-nisation des acteurs étaient cependant assez libres. La réglementation permet de consolider des organisations existantes, pour les syndicats, pour les coopératives, puis pour les interprofessions. La forme prise par ces outils dépend alors uniquement de la volonté des acteurs de la filière. Les formes d’organisation s’adaptent à l’évolution de leur environnement réglementaire (en particulier concernant la régulation des marchés).

Nous avons pu mettre en évidence la construction de dispositifs locaux, puis nationaux. Les acteurs adaptent leurs stratégies aux outils qui se mettent en place : l’organisation des producteurs est contrée par la mise en place d’interprofessions au niveau départemental, puis national. La construction d’un outil de calcul du prix prenant en compte les coûts de pro-duction est rejetée. Les tensions entre acteurs émergent, elles empêchent que l’outil porte une stratégie collective efficace, parce que des intérêts divergent (petits producteurs contre grandes exploitations...).

L’évolution des structures de production et de transformation est le fruit d’une évolution conjointe des outils de régulation de la filière. Imposer une exploitation à faible coût et de bonne qualité a conduit à une sélection voulue des formes d’agriculture, cela également dans le régime de quota qui permettait de favoriser un type d’exploitation. Dans le même temps, les conditions de marché ont permis le développement de l’industrie laitière dans des conditions de sécurité du débouché et de non-compétition sur l’approvisionnement.

Nous avons vu à plusieurs moments que la confrontation frontale des producteurs aux indus-triels n’était pas une stratégie gagnante. Il a semblé plus pertinent de rechercher la construction d’une stratégie organique ou du moins verticale, dans la ligne «économique» planifiée de la fnpl pour la représentation des éleveurs. Les stratégies collectives sont dominées : les

organi-sations ne représentent qu’une partie des acteurs alors que les autres sont dans une stratégie subie au sens de Mintzberg (1987).

Maintenant que nous avons analysé l’historique de ces dispositifs encadrant la transaction, nous allons pouvoir le confronter aux changements récents qui ont profondément modifié l’environnement de la filière : fin des quotas laitiers, ouverture encore plus grande de l’économie et remise en cause de l’organisation professionnelle.

Chapitre 7.

Persistance et émergence des