• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : LES PREMIÈRES INCURSIONS DES BANDES DESSINÉES AMÉRICAINES AU QUÉBEC

BOOKS AU QUÉBEC

1. Les premières apparitions en français des superhéros dans les journaux québécois

3.2 Le combat du père Paul Gay

Durant les années qui suivent la fondation de Hérauts, le père Paul Gay mobilise différentes tribunes afin de stimuler justement l’intérêt de la population à l’égard des bandes dessinées saines, ce « remède » contre les imprimés obscènes dont il sera le principal ambassadeur. Dès que les discussions sur la « mauvaise littérature » s’animent au Québec, le père Gay rappelle aux lecteurs de la revue Lectures que le combat contre cette littérature populaire malsaine n’est pas perdu d’avance : « Ne disons pas, comme je l’ai entendu avec tristesse : “Il n’y a rien à faire!” Mais si! Tenons-nous au courant de toutes les productions littéraires propres; répandons-les; aimons-les : c’est là de la véritable Action catholique205. » Pour l’homme d’Église, il y a donc un devoir de

prosélytisme qui s’impose afin d’encourager la lecture de publications « propres » et, en conséquence, l’abandon des lectures immorales. La censure proscriptive doit, en d’autres mots, se doubler d’un volet prescriptif, peut-être plus susceptible d’atteindre sans le rebuter le public ciblé. Mais la tâche de l’assainissement des imprimés au Québec incombe aussi aux producteurs de contenu, dont on espère la collaboration :

Oui, il faut des magazines qui, sans esprit « bondieusard », portent la marque authentiquement chrétienne de la joie, de la beauté, de la science et de l’art. […] Il faut ensuite des petits romans à 10¢ bien enlevés, chics, intéressants. Déjà circulent les bonnes collections de Variétés (Récits et

Légendes) et de Fides (Contes et Aventures). […] Il faut enfin de bons « comics ». Nous en avons : François, Hérauts et, en langue anglaise, Treasure Chest et le splendide Topix206.

La substitution des mauvais imprimés par des productions irréprochables d’un point de vue chrétien apparaît ainsi comme un travail de premier ordre. C’est à travers ces œuvres que pourra réellement 204 À partir de 1942, l’éditeur anglophone Educational Projects, situé sur la rue Sainte-Catherine Ouest, à Montréal,

publie le comic book Canadian Heroes, destiné à la jeunesse canadienne-anglaise. Cette publication, qui est devenue extrêmement rare et donc pratiquement impossible à consulter aujourd’hui, présente des portraits de premiers ministres et de gouverneurs généraux, des récits historiques et des aventures mettant en vedette la Gendarmerie royale du Canada. En mars 1943, le comic book intègre une nouvelle série, Canada Jack, qui suit les aventures du héros du même nom. Selon John Bell, ce dernier est une réplique volontairement plus réaliste des superhéros américains dont le lectorat de

Canadian Heroes raffole. Il serait donc question du premier superhéros créé au Québec, apparu dans le premier comic book québécois. Il ne fait nul doute qu’une analyse plus approfondie de la production de cet éditeur serait d’une grande

pertinence et offrirait une meilleure compréhension du rôle qu’elle a joué dans le transfert culturel étudié dans cette thèse; J. Bell. Invaders from the North […], p. 50.

205 P. Gay. « L’art d’abrutir le peuple », […], p. 140. 206 Ibid, p. 139-140.

se produire la transformation des habitudes de consommation du lectorat visé par ces initiatives éditoriales et censoriales.

Sensible à la question de l’image projetée par l’Église et ses représentants, le père Gay souhaite avant tout s’impliquer de manière positive dans la lutte aux comics néfastes, sur lesquels son discours se concentrera à partir de 1950. Cela explique sans doute la prudence avec laquelle il s’attaque initialement à cette production :

Il faut bien le noter en effet : il s’agit de détruire le côté mauvais des histoires illustrées. Il ne s’agit pas d’anéantir un genre qui a du bon et qui plaît tant à la jeunesse et aux adultes non cultivés. C’est ici qu’il faut insister : le rôle catholique ne doit pas être uniquement un rôle négatif : il doit être absolument positif! Ce qu’on doit faire surtout, c’est de propager les bons « comics », de les amplifier, d’en multiplier les numéros, de les rendre attrayants, hebdomadaires, voire quotidiens (pourquoi pas?). Ce qui importe, c’est de faire connaître Hérauts […], François, […], À la page,

Spirou, Cœurs vaillants (trois comics français qu’on peut facilement trouver au Canada. [sic] Que

la voix des bons finisse enfin par couvrir celle des méchants207!

Cette conviction qu’ « on ne détruit bien que ce qu’on remplace », comme le père Gay le répète tel un slogan dans les textes qu’il consacre à la question des comics, est d’ailleurs logiquement partagée par les rédacteurs de la revue Jeunesse et Hérauts, qui prennent le soin de la présenter à leur lectorat. Pour ce faire, ils ont encore une fois recours aux personnages d’Yves et sa bande :

Lebeau : […] je suis d’avis qu’il n’y a pas que de mauvais « comics ». Joly : Il y en a certainement qui peuvent se lire.

Yves : Pourquoi ne parlerions-nous pas de la question avec nos professeurs. Nous pourrions peut- être leur suggérer de tenir un cercle d’étude dans chaque classe à ce sujet?

Belhumeur : Avec l’aide de nos professeurs, nous pourrions peut-être dresser une liste des « Comics » les plus acceptables et les mieux faits.

Yves : Ce serait certainement un fier service rendu à tous les étudiants. La question vaut la peine d’être menée à bonne fin. Ensemble nous nous donnons la main pour que, dans notre école et dans nos familles, il ne circule que des « Comics » absolument irréprochables; il y en a et nous les trouverons208.

Conscients de l’engouement indéfectible de la jeunesse (et des adultes peu scolarisés) à l’égard des comics, la rédaction de Jeunesse et Hérauts ainsi que le père Paul Gay misent donc davantage sur l’encadrement de la lecture de ces imprimés que sur son interdiction totale. En bref, le sentiment qu’il sera possible, avec l’aide des autorités parentales, professorales et religieuses, de remplacer sans heurt les mauvaises lectures par des œuvres pures se fait prédominant.

207 P. Gay. « La nouvelle loi sur les “comics”, Lectures, Tome VI, no 7, Montréal, mars 1950, p. 403. 208 Frère Albéric. « Ceux de la bande », […], p. 15.

Au fil des années, le discours de Paul Gay se durcit néanmoins quelque peu et, en 1957, ce dernier en vient à envisager la création et la diffusion de revues et de comics sains comme une solution temporaire, en attendant que se développe chez le lectorat le goût du livre :

En effet, – et c’est là notre conclusion générale, – c’est une erreur de croire que les « bons comics » sont la vraie et entière solution. La vraie solution, c’est le livre. Nous rétrogradons si nous préférons le « bon comic » au « bon » livre, et ce n’est pas folie de soutenir que la civilisation est menacée par le comic. Quelle pitié si tous nos jeunes n’avaient pas – ou plus – l’amour du livre! Il n’y aurait jamais plus d’intellectuels. Un peuple qui ne lit que des magazines et des comics ne dépassera pas le stade du digest et un peuple qui ne lit que des digests ne sera jamais un peuple cultivé209.

Le père Gay opère ainsi une distinction d’ordre symbolique entre différents supports, inévitablement reliés aux genres (para)littéraires qu’ils exploitent. Les « bons » comics sont préférables aux « mauvais » comics, par exemple, mais, à l’instar des magazines et des digests évoqués par le père Gay, ils demeurent des imprimés populaires à tous les niveaux : leur péritexte est pensé en fonction d’un coût de fabrication et d’un prix de vente minimaux; leur rythme de production est rapide et participe d’une logique sérielle; leur contenu narratif est stéréotypé; il y a une prédominance des illustrations, etc. Or, le père Gay voit ce type de publications, et les comics en particulier, comme un frein au développement intellectuel et culturel du peuple québécois. Seul le livre, qui apparaît ici comme étant socialement valorisé, serait en mesure d’assurer cette évolution. Tout au plus, les comics doivent servir de catalyseurs éveillant le goût de la lecture. Il demeure impératif, toutefois, que « l’école doi[ve] tenter par tous les moyens de passer de l’expression figurative à l’expression écrite. Là est le salut210. » À l’instar de l’enfant qui apprend

éventuellement à pédaler sans ses roues d’appoint, l’élève doit donc développer son plaisir de lire sans l’aide d’illustrations, symboliquement subordonnées au texte par Gay et plusieurs de ses contemporains.

Le respect de la hiérarchie des supports ne constitue pas le seul argument, cela dit, qui explique la préséance que le père Paul Gay accorde au livre. Le lieu de provenance des imprimés populaires massivement consommés par les Québécois explique pourquoi il importe de garder ces derniers à distance, du moins après les premiers stades d’apprentissage de la lecture. Parce qu’elles sont

209 P. Gay. « Les dernières enjambées de Tarzan », […], p. 130.

210 P. Gay. « Les revues obscènes, les combattre mais surtout les remplacer », Lectures, vol. 6, no 6, Montréal, février

majoritairement américaines, ces productions risqueraient de provoquer indirectement un amollissement de l’identité québécoise211 :

S’il est vrai que l’âme nationale se forme et se maintient par la littérature enfantine qui, précisément, reproduit les traits de chaque pays : qualités et défauts, on voit tout de suite que le livre est nécessaire pour garder à nos enfants leur âme canadienne-française. Ce ne sont pas les comics américains, même bons, même traduits en français convenable, qui la leur donneront. La mystique nationale, le petit Canadien français y entrera par le livre qui racontera les prouesses de ses héros. Par cette mystique, il aura tout naturellement cette fierté sans laquelle il n’y a aucune chance de survie212.

Puisque les Québécois ne sont pas représentés dans la plupart des comics lus par la jeunesse, celle- ci risque donc de perdre son identité culturelle propre. Il faut raviver en elle la flamme nationaliste et le support de prédilection pour parvenir à cet objectif, en l’absence de bandes dessinées québécoises aptes à le faire213, demeure le livre.

Après avoir prêché en faveur d’une meilleure connaissance des revues et des comics qu’il estime moralement irréprochables, dans le but de les substituer aux comics obscènes causant la peur et l’émoi de plusieurs intervenants, le père Paul Gay conçoit ensuite la lecture de comics comme un moyen permettant l’atteinte d’une fin idéale, soit la propagation du goût du livre québécois auprès des jeunes et des classes non éduquées. La censure prescriptive qu’il applique en recommandant la consultation et la diffusion de publications telles que Hérauts revêt donc toujours une fonction utilitaire, c’est-à-dire que les œuvres prescrites ne le sont jamais uniquement en raison de leurs qualités fondamentales. Un objectif sous-jacent est constamment poursuivi par les sanctions positives données à différentes productions, qu’il s’agisse de la « destruction » des mauvais comics ou de la préservation de l’identité culturelle canadienne à travers la littérature livresque. Il reste que ces motifs, actualisés sous la forme de prescriptions de lecture, permettent au transfert culturel

211 Cette crainte est déjà exprimée, depuis les années 1920, dans les revues L’Action française et L’Action nationale,

où le sport, la radio, le jazz, le cinéma et même la voiture sont perçus comme les vecteurs d’un pervertissement moral, d’une dénaturalisation de l’âme et des valeurs canadiennes. Voir entre autres : Y. Lamonde. La modernité au Québec […], p. 217-218.

212 Ibid, p. 190.

213 Dans les années 1930, certains journaux québécois, L’Action Catholique en tête, affichent les mêmes préoccupations

et publient des adaptations en bandes dessinées de romans québécois, comme L’Appel de la race, Jean Rivard ou encore Une de perdue, deux de trouvées. Mais comme ces œuvres ne sont pas rééditées, elles sont fort probablement méconnues du lectorat auquel s’adresse Paul Gay. Par ailleurs, l’année où Gay tient ces propos paraissent entre autres des adaptations du Chien d’or (L’Action catholique) et d’Un homme et son péché, intitulée Séraphin (Le bulletin des

agriculteurs), de même qu’une mise en récit des Rébellions de 1837-1838, intitulée Les Patriotes de 1837-38 (L’Action catholique). Ces exemples, exception faite des Patriotes de 1837-1838, témoignent toutefois par leur nature – ce sont

des comics au Québec d’évoluer en partie à l’abri des critiques214, lorsque ce dernier se déploie à

travers les illustrés catholiques et qu’il se soumet à un cadre moral rigide.

***

La percée des comics au Québec commence en force, au début du XXe siècle, avec le concours

incontournable des principaux journaux de la province. Ces derniers se font en effet les véhicules des traductions des comic strips les plus en vogue aux États-Unis et permettent au lectorat de se familiariser avec cette production bédéesque exogène, ancrée dans une américanité qui impose une réinterprétation de la figure – du monomythe – héroïque. Centrés sur un protagoniste infaillible constamment plongé dans des situations périlleuses et des conflits qu’il doit résoudre par la force, la ruse ou l’agilité, les strips d’aventures inventent ainsi les codes narratifs et visuels qui, à la fin des années 1930, seront récupérés à plus grande échelle par un nouveau support, le comic book, et deux nouveaux genres, soit le superhéros et le crime comic. Ceci étant dit, il est pratiquement impossible de savoir dans quelle mesure les comic books, justement, sont diffusés et consommés au Québec. Si l’on se fie au discours censorial, qui n’est pas exempt de quelques exagérations ou emportements, il est permis de croire qu’ils sont au moins très répandus dans la région de Montréal. En supposant que cela s’avère, les comic books contribuent possiblement à une accélération momentanée du transfert en cours en multipliant le nombre d’objets consommés par le lectorat, lequel semble se familiariser rapidement avec les genres nouveaux mentionnés ci-dessus, auxquels s’ajoute celui des comics sentimentaux. Cependant, étant donné la barrière linguistique auxquels sont certainement confrontés plusieurs lecteurs francophones – qui doivent s’en remettre aux images seulement afin de déduire le sens du récit –, on peut penser que l’apprentissage des codes génériques de cette production bédéesque demeure partiel dans plusieurs cas.

La pénétration des comic strips et des comic books américains en sol québécois ne se fait pas sans heurt et le transfert culturel amorcé est confronté à une levée de boucliers de la part d’intervenants principalement issus des cercles catholique et professoral. À ce titre, l’un des chapitres du guide de lecture rédigé par le professeur et journaliste Guy Boulizon, Livres roses et séries noires, agit comme une synthèse parfaite du discours censorial qui a cours pendant une quinzaine d’années, au

214 En partie, car cela n’empêche pas la mise en pratique d’une censure proscriptive dirigée contre les comics immoraux,

Québec, au sujet de ces imprimés indésirables. Intitulé « Le ravage des “comics” ou un nouveau massacre des Innocents » – formule qui n’est pas sans rappeler le fameux Seduction of the Innocent, de Wertham – celui-ci résume en quelques pages la majorité des critiques adressées à ces publications depuis le milieu des années 1940 :

QUE PEUT-ON REPROCHER AUX “COMICS”?

Sur le plan artistique : vulgarité des couleurs, crues et sales, des formes, de la mise en page, du

papier; violence des éclairages.

Sur le plan intellectuel : valeur puérile de l’histoire, texte insuffisant ou réduit, aucun effort exigé

pour suivre le récit, style élémentaire, avec un vocabulaire restreint : Onomatopées, raccourcis phonétiques; car si le mot s’adresse à la pensée, l’image ne s’adresse qu’à l’imagination.

Sur le plan moral : Amoralisme complet. En face de certains êtres privilégiés (ceux qui sont des

forts, des rusés, des astucieux; celles qui sont des pin-up et des bagarreuses) il y a la police qui a toujours tort et les honnêtes gens qui sont des nigauds. Goût de la violence, d’un certain sadisme. Présence indispensable de la “Glamour-girl”. Recette suivie par les fabricants : “Sur la couverture du “comic” une belle fille : sur la belle fille, pas de couverture…”

Disons qu’une génération enfantine nourrie de “comics” est mûre pour faire une génération adulte qui ne lira que des “digests” ou des “pocket-books”215.

En quelques lignes sont ainsi évoqués les principaux arguments pour une censure de ces imprimés, de la dépréciation de l’image comme moyen d’expression à la dénonciation des situations présentées à l’intérieur de ceux-ci, en passant par l’exposition de leur valeur intellectuelle nulle et de leur mise en scène subversive de l’autorité. Et comment ne pas déceler, dans la dernière phrase de cet extrait, l’influence du père Paul Gay qui, deux ans plus tôt, avançait en des termes semblables cette même crainte du développement entravé et insatisfaisant de la lecture chez les Québécois? Bref, même s'il fait l'impasse sur les conséquences comportementales prétendues de la lecture de comics chez les jeunes, cet essai résume bien la logique justifiant le blocage ou, du moins, le ralentissement et l'encadrement du transfert en cours par la mise en œuvre de la censure proscriptive.

Mais la censure n’a pas été qu’un obstacle au transfert culturel de comics au Québec. En choisissant par moments une approche prescriptive, elle a doté certaines publications comprenant une part plus ou moins grande de bandes dessinées américaines, dont la revue Hérauts, d’une légitimité morale ayant assuré leur diffusion massive dans les institutions traditionnelles (les écoles, les bibliothèques, les familles). Par la même occasion, l’édition de la bande dessinée au Québec s’est familiarisée avec un support (le fascicule), un mode de production sériel et des genres bédéesques

foncièrement typiques de l’industrie des comic books américains. Ces initiatives suscitent d’ailleurs les applaudissements de Boulizon, qui reprend à son tour le discours prescriptif mis de l’avant par Paul Gay pour en résumer l’essence :

Mais enfin, il faut prendre les jeunes tels qu’ils sont et, puisqu’ils adorent ces images multicolores qui n’exigent aucun effort, des éducateurs ont cru pouvoir adapter la formule en la contrebalançant d’ailleurs par des pages sérieuses, formatrices, exigeant l’activité de l’esprit. L’édition canadienne, en effet, a fait un effort extrêmement intéressant en publiant deux des meilleurs journaux de jeunes qui soient : François (J.E.C.) et Hérauts (Fides). Ces deux journaux réussissent à unir l’image et le texte, dans un sens fort bien adapté à la mentalité du jeune Canadien216.

En s’opposant aux comics américains qui circulent au Québec, Boulizon, tout comme Gay, sollicite par la bande l’émergence d’œuvres bédéesques périodiques de facture québécoise. On n’en est pas encore à souhaiter la mise en place d’une industrie du comic book québécois – cette volonté sera formulée des décennies plus tard –, mais l’impression qu’il est possible d’accoucher de productions locales imprégnées d’une spécificité québécoise en s’inspirant des comics américains traverse ce discours censorial prescriptif. En d’autres mots, si la bande dessinée de superhéros n’est pas la bienvenue en sol québécois, on en tolérerait un avatar qui serait conforme aux caractéristiques morales et identitaires défendues par l’élite cléricale.

Même si la croisade contre les comics se poursuit jusqu’au tournant des années 1960, on peut toutefois supposer qu’elle s’essouffle depuis un moment déjà. La même année que paraît l’essai de Boulizon, par exemple, une voix divergente se fait entendre dans Le Progrès de Saguenay. Le journaliste Roland Desmarais publie effectivement une enquête aux paramètres et à la méthodologie inconnus, il faut le spécifier, mais dont les résultats détonnent par rapport à ce qu’affirment avec force et vigueur les détracteurs de ces imprimés. Le journaliste suggère entre autres qu’ « [i]l est difficile de prouver qu’une interdiction complète des comics est possible ou