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PARTIE I : PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

2. Méthodologie de recherche

2.3 Sources de données et instruments de collecte

2.3.1 Examen de réseaux locaux de services

2.3.1.1 Choix des réseaux locaux

Le choix des trois réseaux locaux que nous avons examinés dans le cadre de nos trois études de cas était basé sur des considérations pratiques et sur des considérations théoriques.

Au plan pratique, il nous fallait choisir des réseaux locaux pour lesquels il était possible d’avoir accès à un maximum de données pour deux types de prestataire de services intégré au réseau (organisme public et prestataire privé) ainsi que des données concernant la protection sociale et les conditions de travail dans les segments externalisés des réseaux.

Le choix des réseaux locaux devait aussi être justifié au plan théorique. La première exigence que nous avons identifiée au plan de la représentativité théorique était celle de respecter des trois « idéaux-types » de réseaux de services d’aide à domicile. Nous devions donc trouver un réseau local impliquant des travailleuses du CES, un autre impliquant une EESAD et un troisième impliquant une agence de location de personnel. Il fallait aussi que dans ces réseaux locaux, les travailleuses à l’emploi des prestataires privés intégrés à ces réseaux locaux dispensent des services d’assistance personnelle car notre recherche nécessitait une comparaison de leurs conditions de travail avec celles des travailleuses du secteur public

dispensant des services d’aide à domicile qui consistent principalement en services d’assistance personnelle. La seconde exigence que nous avons identifiée était de trouver autant que possible un réseau local ou plusieurs réseaux locaux où la présence de « variables » influençant le « pouvoir stratégique » exercé par les « organisations-cerveaux » pouvait potentiellement être identifiée. Enfin, la troisième exigence était de trouver, autant que possible, des réseaux locaux dans trois régions différentes du Québec afin de pouvoir possiblement prendre en compte des éléments spécifiquement liés au contexte.

Nous avons donc cherché des réseaux locaux qui pouvaient correspondre aux considérations pratiques et théoriques énoncées précédemment. Voici donc les justifications à la base du choix de chacun de nos trois réseaux locaux.

Le réseau local intégrant des travailleuses du CES, appelé le réseau local no 1, a été choisi parce qu’en plus de respecter l’ensemble des considérations au plan pratique et au plan théorique, il permettait d’étudier une « variable » influençant le « pouvoir stratégique », soit celle de l’action collective. En effet, nous savions que des pratiques d’action collective avaient eu lieu dans certains réseaux locaux intégrant des travailleuses du CES, pratiques ayant notamment consisté à interpeller le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) au sujet des situations d’emploi de ces travailleuses à l’initiative d’une coordination de cinq associations locales de défense des droits des personnes handicapées (ASAD et al. 2004). Nous avons donc cherché un réseau parmi les cinq réseaux locaux où avaient eu lieu des actions collectives coordonnées par des associations locales où nous pouvions procéder à une cueillette des données nécessaires dans les délais prévus. C’est ainsi que nous avons effectué le choix du réseau local no 1. Nous avons formulé l’hypothèse selon laquelle ce réseau pouvait être représentatif au plan théorique de l’ensemble des réseaux locaux intégrant des travailleuses du CES dans la mesure où le recours au CES par les CSSS de l’ensemble de ces réseaux est régi par un programme gouvernemental national (MSSS 2009b).

En ce qui concerne le choix du réseau local no 2 intégrant une EESAD, notre connaissance empirique ainsi que la littérature ne nous permettaient pas d’identifier de réseaux locaux où des « variables » avaient pu influencer le « pouvoir stratégique » et, ultimement les situations d’emploi des travailleuses des EESAD dispensant des services d’assistance personnelle, qu’il

s’agisse d’action collective ou d’autres types de « variables ». Nous avons donc cherché un réseau local qui pouvait être « représentatif » de l’ensemble de ce deuxième « idéal-type » de réseau local. Nous savions depuis une recherche précédente (Boivin et Pinard 2007) que parmi l’ensemble des 101 EESAD du Québec, celles qui dispensent des services d’assistance personnelle sont principalement les coopératives. L’autre catégorie juridique d’EESAD est celle des organismes sans but lucratif. Nous avons donc cherché, parmi la liste des EESAD constituées en coopératives, une EESAD qui était intégrée à un réseau local. Cela nous a amenée au choix du réseau local no 2, où les conditions étaient réunies pour un accès aux données dont nous avions besoin dans le délai que nous avions prévu. Nous avons pu formuler l’hypothèse selon laquelle ce réseau pouvait être représentatif au plan théorique des réseaux locaux intégrant une EESAD dispensant des services d’aide à domicile incluant notamment des services d’assistance personnelle dans le cadre de contrats de services avec les CSSS. Il y a de fortes probabilités que ces réseaux aient un fonctionnement similaire dans la mesure où le recours aux EESAD par les CSSS pour la production des services d’assistance personnelle est régi par la politique nationale de soutien à domicile (MSSS 2003; 2004).

L’identification du réseau no 3 s’est avérée plus difficile. L’une des principales difficultés était de pouvoir trouver un réseau impliquant une agence de location de personnel au sein duquel il nous serait possible d’obtenir des entrevues à la fois avec des travailleuses à l’emploi de l’agence, avec un-e représentant de la direction de l’agence et avec un-e gestionnaire responsable des services pour l’organisme public présent dans le réseau.

Lorsque nous avons pris connaissance de l’existence du réseau local no 3, nous avons constaté qu’il correspondait à nos considérations au plan pratique. Au plan théorique, cette correspondance était possible à condition de modifier minimalement la définition de certains aspects liés aux services étudiés. Voyons chaque type de considérations séparément.

Au plan pratique, comme les deux agences du réseau no 3 étaient syndiquées, il a été possible d’entrer en contact avec les travailleuses d’agences du réseau no 3 par l’entremise d’un syndicat. De plus, au plan pratique, si nous n’étions pas assurée de pouvoir obtenir des entrevues avec les représentants-es de la direction des deux agences et avec un-e gestionnaire responsable des services pour l’organisme public présent dans le réseau, il nous était par

contre possible d’assister aux témoignages de ces personnes devant un tribunal, en l’occurrence la Commission des relations du travail (CRT).

Au plan théorique, le réseau local no 3 correspondait bien à réseau intégrant une agence de location de personnel dispensant des services d’aide à domicile, incluant des services d’assistance personnelle. Il en intégrait même deux et ce depuis plus d’une vingtaine d’années, les deux agences détenant chacune un contrat de services avec le même organisme public. Ce réseau comprenait non pas un CSSS, comme les réseaux locaux 1 et 2, mais plutôt un organisme public dont le mandat est d’offrir du soutien aux personnes présentant une déficience intellectuelle ou des troubles envahissants du développement.

Cette différence ne pose pas de problèmes au plan théorique dans la mesure où le réseau local no 3 implique néanmoins un organisme public et des agences, tout comme les deux premiers « idéaux-types » de réseaux. Le fait que les services d’aide à domicile soient dispensés auprès de personnes présentant une déficience intellectuelle ou des troubles envahissants du développement nécessitait toutefois que notre conception du « domicile » où sont dispensés les services d’aide à domicile soit plus large que celle que nous avions prévue initialement. Notre conception initiale était celle d’un domicile correspondant au « lieu de résidence privé d’un ménage ou d’un individu », mais il nous a fallu l’élargir aux ressources résidentielles à assistance continue (RAC). Il s’agit de résidences privées communes pour plusieurs personnes, où vivent les usagers-ères des services dispensés par les agences dans le réseau no 3. Notons que, dans notre troisième étude de cas, les autres réseaux locaux qui ont été examinés pour leur part grâce aux dossiers de plaintes déposés à la CNT (voir section 2.3.2) comprennent des CSSS et les domiciles desservis sont des résidences privées où vivent un ménage ou un individu.

Toujours au plan théorique, le réseau local no 3 présentait un grand intérêt pour notre recherche car une requête menée par une organisation syndicale était entendue au moment de notre collecte de données et elle portait sur l’ « identification du véritable employeur » en vertu de l’article 39 du Code du travail. Cela qui supposait que le débat juridique porterait principalement sur la répartition des diverses fonctions exercées par les diverses entités au sein du réseau, l’un des principaux aspects que nous devions étudier en plus de l’application de la

régulation juridique comme telle. De plus, cette requête, ainsi que des actions de type sociopolitique auxquelles les travailleuses des agences participaient, témoignaient de possible pratiques d’action collective visant une amélioration des situations d’emploi, donc d’une possible « variable » influençant le « pouvoir stratégique ».

C’est donc de cette façon qu’a été choisi le réseau local no 3. Sa « représentativité théorique » n’est pas basée sur le fait qu’il peut être représentatif de l’ensemble des réseaux locaux intégrant une agence au Québec. Il s’agit plutôt de ce qui est appelé, en méthodologie de recherche en sciences sociales, un « cas extrême » (Miles et Huberman 2003: 60). Certaines caractéristiques du réseau nous amènent à l’identifier de la sorte : les deux agences intégrées au réseau no 3 sont syndiquées, un recours judiciaire pour faire reconnaître le « véritable employeur » a été mené par une organisation syndicale dans ce réseau et, enfin, la relation contractuelle entre les agences et l’organisme public est une relation de longue durée. Ce « cas extrême », avec ses caractéristiques spécifiques, nous semblait intéressant pour apporter un éclairage particulier à l’analyse.

Pour terminer ces explications concernant le choix des réseaux locaux, spécifions que nous avons pu rencontrer notre objectif de trouver trois réseau dans trois régions différentes du Québec.