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Elvira Archer (?) 21.10.2008

Julieta Padesca (1921-2009) 22.10.2007 Elsa Saque (1946) 9.02.2008

Les chanteurs interviewés

Le premier chanteur interviewé a été tout naturellement Julieta Padesca, ma mère, née en 1921. Padesca était douée d’une grande mémoire et se souvenait en détail de spectacles, de contenus de leçons, de partitions, de commentaires fait par des musiciens. Son témoignage nous a été précieux. Elle avait connu personnellement et observé le travail de chanteurs comme Beniamino Gigli, Renata Tebaldi ou Mario del Monaco, qu’elle avait côtoyés dans les années de la Seconde guerre au Teatro Nacional São Carlos de Lisbonne. Ces artistes italiens faisaient une « pause » à Lisbonne et se produisaient à l’Opéra, avant de prendre le bateau pour les Etats Unis.

Padesca avait travaillé avec des professeurs d’origines et d’écoles très différentes, ce qui lui avait donné une vision de la vocalité ouverte à diverses pratiques. Néanmoins, du fait d’avoir une tessiture de soprano coloratura, elle avait trouvé chez son premier professeur Ortigão – également soprano léger – un modèle difficile à retrouver auprès de futurs enseignants, à une époque où ce genre de voix commençait à être démodé. On n’apprend pas à chanter Ombra leggera (Dinorah de Meyerbeer) ou L’air des clochettes (Delibes, Lakmé) seulement avec des explications.

Nous avons rencontré deux autres cantatrices, plus jeunes : Elsa Saque et Elvira Archer. Nous analyserons leurs entretiens en parallèle, après celui de Padesca. Contrairement à Padesca qui est restée au Portugal durant les années de sa formation (années de guerre en Europe), ces deux cantatrices ont été formées par la suite dans différents pays. Leur témoignage appartient à un tout autre contexte.

Julieta Padesca (1921-2009)

A la question sur ses premiers souvenirs du chant, de la découverte de la musique, Padesca nous raconte :

J’étais une petite fille très gaie et heureuse, j’étais tout le temps en train de chanter et de danser. J’ai commencé le chant parce que je chantais tout le temps, les chansons à la mode, ce que ma mère jouait au piano, ce que j’entendais à la radio.

[1925-1926]

Mes parents m’ont amené écouter Mme Buterfly de Puccini, … c’était en 1925 ou 1926. Une troupe d’amateurs chantaient, dans un des meilleurs théâtres de Lisbonne, le St. Luis. J’ai vu des personnes habillées en chinois, avec des queues de cheval et j’ai commencé à avoir peur…mais ils chantaient certainement très bien. Je me rappelle du prince Yamadori, j’ai eu très peur : il avait une sorte de moustache dans le haut de la tête…

La mère de Padesca est pianiste, c’est par cet instrument qu’elle apprend la musique :

J’ai commencé à 5 ans le piano et le solfège.

66 Mon premier professeur de piano était à l’école Luso-brésilienne, j’avais une très bonne mémoire, toutes les notes mes restaient dans la tête… je jouais l’Età felice, le Schmoll et chantais les solfèges de Freitas Gazul et Tomàz Borba. Au retour des vacances mes deux collègues de banc étaient morts : ils avaient eu la méningite, et à l’époque il n’y avait pas encore des antibiotiques! Ma mère m’a sorti de cette école et inscrite dans une école anglaise, où j’avais des cours de musique. Je n’aimais pas le piano : je devais rester assise…j’avais les jambes qui pendaient, le professeur, une dame chinoise très sévère, me battait sur les doigts avec un règle quand je me trompais de note.

Padesca parle couramment cinq langues : portugais, espagnol, français, anglais, italien et lit sans difficulté en allemand. Elle nous raconte ces différents apprentissages :

Le français, je l’ai appris à 8 ans, avec une vieille dame, professeur privé, qui s’endormait pendant les leçons. Mme Mourinho, c’était une « sainte », elle était française, mariée avec un portugais. Quand elle s’endormait je ne bougeais pas pour ne pas la réveiller… L’Allemand je l’appris avec Frau Beck, elle était très âgée. Elle avait 80 ans dans les années 1930… et parlait couramment le français. Elle s’habillait en noir, avec des gants, son sac. Frau Beck avait eu quatre enfants, mais tous sont morts ainsi que son mari. Elle était très pieuse, et malgré son grand âge a dû gagner sa vie. Pour m’enseigner l’allemand, Frau Beck me parlait en français, elle me faisait encore écrire l’allemand en gothique. Elle se levait à 5 heures pour entendre la première Messe, et voulais arriver à 7 heures pour me donner le cours… le personnel de maison n’appréciait pas.

En ayant une base solide de langues étrangères et de musique, elle aborde les études de chant :

Ma mère m’a proposé un professeur de chant, une grande cantatrice portugaise qui avait fait carrière en Amérique du Sud et en Europe, Dona Cacilda Ortigão. Cette dame habitait en face de notre maison. Elle était née en décembre 1886 à Lisbonne. Suite à son veuvage dans l’année 1928, elle était incapable d’administrer ses affaires, et avait résolu de donner des cours de chant. Dans la rue Rodrigo da Fonseca, elle habitait avec sa belle-sœur de même qu’avec une bonne, Ana, qui chantait tous les airs d’opéra, à la cuisine…elles avaient un perroquet, qu’on lui avait donné au Brésil, lors d’une tournée à Manaus [opéra dans la forêt amazonienne]. Ce perroquet chantait les cadences de la cavatina du Barbier de Séville…

Nous lui demandons de nous décrire une leçon de chant, chez Ortigão.

Une leçon de chant en 1939, à Lisbonne

Ses parents n’ont pas voulu qu’elle fréquente le Conservatoire, institution dont les mœurs étaient – d’après eux – très « libres ». Avant l’âge de 25 ans, Padesca n’aura pas la permission de sortir seule à la rue ; la première fois qu’elle le fait, elle a l’impression que tout le monde la regarde :

Les jeunes filles allaient toujours avec leur mère ou une dame de compagnie à la leçon de chant. La leçon durait au début une demi-heure, mais on s’enthousiasmait et à la fin on chantait une heure. Le temps était généralement réparti : 10’ de vocalises, et après des airs. Ortigão avait dans son salon un piano vertical, il y avait parfois des collègues qui assistaient aux cours, des mères d’élèves…Deux fois par semaine elle donnait ses cours, elle ne regardait pas la montre.

Messa di voce et autres exercices

On commençait généralement par une gamme très lente (je n’aimais pas faire la messa di voce, j’aimais le mouvement…), après l’on faisait des vocalises plus rapides. Sur un O « baigné » de A. Ortigão travaillait parfois de longues notes, pour « étirer » la voix. Nous faisions aussi l’ « arpège » de Rossini, en combinant en staccato et legato.

Focalisation du son, résonnance, registres

Il fallait que la voix « monte ». Ortigão parlait de sensation d’appui à l’intérieur du visage, dans le setum (os du nez), du palais et de la luette. Pour la résonnance du son, vers le haut de la tête, en arrière.

On essayait d’égaliser le registre. Les suraigu étaient soutenus… « hors » de la tête. L’émission du son

« naturel », elle était soprano léger, n’utilisait pas de couverture.

Union des registres

67 La voix de poitrine pour les soprani était considérée dangereuse, Ortigão disait inquiète : « le couteau dans la main du singe. » Il ne fallait jamais « forcer » les notes. Certaines notes de « passage » devaient être très « légères ».

Trille

J’avais le trille naturel. Ortigão donnait deux notes, en accélérant, et tout d’un coup, on avait l’impression que le trille s’ « envolait ». Elle disait que la voix de soprano léger était à part [c’est-à-dire, qui correspondait à une « technique » d’émission propre].

Respiration

Les professeurs l’enseignaient sans contrainte, en souplesse. Les soprani légers n’avaient pas recours à une respiration « volontaire ». C’était très libre. Ortigão ne travaillait que très rarement la respiration.

Je nageais quatre mois par année, je n’avais pas de problème. On respirait où l’on voulait [sans spécifier les muscles ou le type de respiration], mais toujours par le nez. Il fallait prendre son souffle et chanter sur l’air (sul fiato).

Imitation et trille

C’était une école basée sur l’imitation, Ortigão me donnait tout le temps des exemples. Elle était très généreuse, femme distinguée mais très simple, elle avait un grand charme. Mon professeur accompagnait ses élèves au piano, et chantait en même temps, même des suraigus. Elle montrait le trille : elle était petite et ronde, et chantait comme un oiseau. Le trille, elle disait qu’il y avait deux notes mais qu’en réalité c’était une. Elle parlait du chevrotement,… c’étaient les artistes qui n’arrivaient pas à le faire…

Action

Le texte était la base de l’interprétation du chant. Ortigão me laissait faire très peu de gestes. Elle appartenait à une génération où les soprani légers représentaient très peu, comme Ebbe Stignani…C’est la Callas qui a commencé à représenter plus. On attendait simplement que les coloratura chantent très bien. Les gestes étaient bas. Au salon, les cantatrices s’appuyaient au piano, s’il y avait des gestes ils devaient être asymétriques.

Répertoire

Ortigão était très artiste, elle cherchait des vieux morceaux qu’elle allait chercher dans sa bibliothèque.

Elle ne pratiquait pas ni Fauré ni Duparc, mais aimait beaucoup Saint-Saëns. Par contre, je chantais des Schubert en français, dans l’édition de Mme Viardot García. On faisait du Panofka, du Vaccai (avec des cadences manuscrites de sa main), la Reine de la nuit (les deux airs), …tout le répertoire de soprano léger. J’aimais beaucoup l’opéra, mais aussi les Lieder, et la musique française et espagnole.

Cadences

Chaque chanteur devait avoir ses cadences, pour mettre en valeur ses qualités. Ortigão avait quelques cadences de Toti dal Monte, les deux cantatrices avaient était ensemble en Amérique. Après quelques mois de chant, chanter était devenu facile, parce que je chantais tout le temps et aussi parce que je nageais beaucoup. Je chantais aussi avec les disques. Il y avait une graphonola [phonographe] : c’est ça qui m’a donné le savoir faire.

Interprétation

L’interprétation, je ne l’ai travaillée que plus tard, avec [le chef d’orchestre] Pedro de Freitas Branco, mon professeur. Ortigão parlait du texte, [et proposait pour l’interprétation] d’imaginer ce que l’on disait pour aller au cœur du personnage. L’expression du visage était utilisée, mais sans exagération, elle montrait. Par exemple, elle proposait d’imaginer une situation réelle : comme la joie de voir son fiancé.

68 Padesca se souvient : « A mon premier concert en public avec orchestre j’ai chanté Frühling stimmen de Strauss, c’était juste avant l’éclatement de la Seconde Guerre : j’avais 18 ans. »

Contraintes sociales

Ma mère voulais que je fasse « carrière », mais beaucoup d’amis avaient dit que si jamais je commençais à courir le monde comme cantatrice, ils ne voulaient plus savoir de moi : c’était « mal vu » d’être cantatrice. Je n’ai pas fait du Fado parce qu’à l’époque, vis-à-vis de mes parents, ça aurait été inconcevable de faire d’autre musique que la classique.

Apprentissage chez un professeur de chant italien, à Lisbonne

Padesca semble encore très émue, quand elle parle de son ancien maître : « A mon grand regret, Ortigão est partie au Brésil : avec la Guerre les lettres étaient parfois perdues. Il a fallu trouver un autre professeur». Elle poursuit : « Mes parents ont cherché un « vieux » maestro de chœur à St. Carlos, Codivilla, il me semblait très vieux - il était dans la soixantaine – c’était dans les années 1940». Maestro Codivilla avait été formé en Italie, il dirigeait les chœurs du Théâtre National d’opéra, à Lisbonne, le São Carlos. Padesca nous explique :

Codivilla n’aimait pas les soprani légers…il n’aimait pas ce type de voix et voulait absolument me

« transformer » en soprano lyrique, il « assombrissait » mon timbre (couverture du son). Il voulait que j’apprenne à faire « de la force », à utiliser une voix brillante mais avec « du corps ». Il ne voulait pas que je chante Ombra leggera…Il m’a fait chanter des romances de Tosti. Des chansons, pezzi da camera. Il ne voulait pas ni du répertoire français ni de l’allemand.

Respiration

Pour la respiration, il insista beaucoup (alors que D. Cacilda ne parlait presque pas). Codivilla parlait des côtes, du dos, et de la respiration ventrale. J’avais la tête qui tournait : c’était l’excès d’air. Chaque professeur voulait une chose différente, et à chaque professeur avait ses théories…et il fallait s’adapter.

Focalisation, appui

Codivilla parlait beaucoup de l’appui palatal, du palais mou, et d’avoir la sensation [d’appui du son]

dans la racine des dents : il fallait « accrocher » la voix.

Répertoire et interprétation

Il m’a changé mon répertoire : dorénavant je chantais La Bohème de Puccini…. Mais j’étais très différente [du personnage] de Mimi. Il me disait : le public est un grand lion et il faut chanter comme le public aime. Et je devais faire les choses très affectées…mais ce n’était pas moi. Je me passionnais par la musique et par les personnages. Il [Codivilla] insistait sur que je devais rester froide mais émouvoir le public [par des attitudes affectées]. Codivilla avait une idée de l’interprétation. Jusqu’au jour où on m’a invitée pour une fête et je chantais ce que j’aimais. Codivilla m’a demandé des nouvelles : est-ce que vous avez eu du succès ? Il m’a embrassé et à partir de ce moment-là il accepta de me faire chanter léger (il m’a même offert une vieille partition de Rigoletto). Codivilla m’aimait beaucoup.

Le maestro italien, accompagne ses élèves au piano :

Codivilla avait un piano à queue, et accompagnait lui-même au piano. Il chantait pour montrer. Il devait avoir autour de 60 ans. Il avait des rhumatismes, et est mort deux ans après. Le compositeur Rui Coelho, ou la chanteuse Violante Montanha venaient dans son salon, écouter ses cours. Les cours étaient individuels. Il ne faisait pas des auditions.

Elsa Penqui-Levi ou l’enseignement « à la française »

Suite au décès du maestro, Padesca change encore de professeur…et de tessiture :

Une amie de ma mère recommanda Mme Elsa Penqui-Levi. Elle était d’origine juive et appartenait à une élite d’intellectuels, à Lisbonne. Elle me prépara comme Soprano dramatique…j’ai dû travailler Fiordiligi, pour une fête. Je l’ai travaillé en quatre mois. Les compositeurs Rui Coelho et Luis de Freitas Branco sont venus au concert, et ont écrit des critiques très élogieuses dans les journaux. Les autres élèves, qui étaient chez Penqui-Levi depuis des années, étaient très jaloux et voulaient partir… j’avais

69 21 ans, c’était une situation difficile pour moi. Penqui-Levi ne parlait pas de respiration, elle avait travaillé en France. Elle faisait chanter du Fauré…Mais, après avoir travaillé avec Ortigão, c’était difficile d’aimer un autre professeur. Je suis restée très peu de temps chez Penqui-Lévi. J’ai passé un concours de chant à la Radio : Tito Schippa et le chef d’orchestre Pedro de Freitas Branco ont beaucoup aimé. Freitas Branco s’est proposé lui-même pour être mon professeur. J’étais tellement heureuse…

Apprentissage de la musique chez le violoniste et chef d’orchestre Freitas Branco Chez Freitas Branco, Padesca aborde l’interprétation d’un large répertoire :

Freitas Branco était violoniste, pianiste, chef d’orchestre et chanteur. Il était très proche de Ravel, qui l’invitait régulièrement diriger ses œuvres à Paris, entre autres avec l’orchestre des Concerts Lamoureux…. aussi avec l’orchestre Pas de Loup : il jouait le violon dans cet orchestre. Je l’admirais énormément : à 14 ans, après l’avoir entendu, j’avais écrit un sonnet !

Soulignons le fait qu’il ne s’agit pas de leçons de technique de chant, mais que le maître apprend la musique par la lecture d’un important volume de partitions. A titre d’exemple, Padesca nous explique que Freitas Branco ne lui faisait pas travailler un air d’opéra décontextualisé de l’œuvre, mais le rôle d’un personnage en entier, et quand il abordait des mélodies, il approchait l’œuvre d’un compositeur par cycles ou par recueils entiers :

J’avais des cours deux fois par semaine. Il faisait « lire » beaucoup de musique. J’ai appris quelques albums de Fauré, Debussy et Duparc. Les trois cahiers d’Arie antiche, des Lieder de Schubert ou de Mozart. A la fin, nous chantions les opéras, des rôles en entier, il chantait les répliques. Freitas Branco me proposait de chanter à nouveau Rossini, Rigoletto, Barbier, nous avons travaillé tout Lakmé. Enfin, Traviata et Lucia.

Travail vocal

Par les précisions données en détail par Padesca, nous déduisons un type d’enseignement qui valorise tout d’abord faire de la musique. Padesca précise: « Freitas Branco faisait faire les vocalises classiques : Rossini…sur A, ou encore d’autres voyelles. Il était assis au piano, chez lui ou chez moi. Il n’enseignait pas le trille, il était baryton. » Padesca explique encore :

« Pour les agilités, il me disait d’enlever l’appui de la voix, de les faire très légères ».

Respiration

La respiration est apprisse dans un contexte d’expression : « Il parlait très peu de respiration.

L’inspiration était faite par le nez. (Par la bouche c’était dangereux à cause du froid). On respirait d’après le poème, dans les virgules. »

Nous questionnons encore Padesca, sur l’organisation des leçons : Répertoire et interprétation

Il aimait commencer par chanter les airs anciens, il les transposait plus « haut », pour moi…

Freitas Branco transposait tout. Il essayait, un demi-ton, un ton… Les doubles consonnes étaient accentuées pour mettre en valeur certains mots. Comme un peintre qui met en évidence une forme par la couleur. Il était un très bon interprète. Il « vivait » la partition.

Méthode de travail

On commençait par lire la partition, et on essayait de comprendre les vers, si nécessaire on battait la mesure. Après on commençait à interpréter. Les virgules donnaient le phrasé. Certains mots étaient soulignés. On avait l’intention…sans altérer la mesure, nous donnions l’intention.

Cadences et coupures

Dans les airs d’opéra, il inventait des cadences pour les élèves. Il avait une liberté très grande parce qu’il savait beaucoup : il connaissait la composition. De mon temps les maestri [ici, chefs d’orchestre]

« coupaient » souvent l’écrit. Par exemple dans la Traviata on supprimait toujours le bal.

70 De la rupture de pratiques dans l’apprentissage du geste

Elle nous fait part des différentes manières de représenter les personnages, qu’elle avait pu observer :

Les [chanteurs] « romantiques » exagéraient tout : Gino Becchi, tombait avec théâtralité. Tito Schippa chanta Werther à Lisbonne. Il n’avait pas une voix très belle mais il chantait très bien. Il entrait sur scène de forme théâtrale…il s’imposait.

J’ai appris la scène avec Maria Llaser. Elle était l’épouse d’Ercole Casale, qui avait était le dernier impresario du Théâtre Real de Madrid avant la guerre d’Espagne. Llasser chantait merveilleusement bien, elle était professeur au Conservatoire de Madrid. Elle avait 20 ou 30 ans de plus que moi.

Maria Llaser m’avait appris à entrer sur scène avec les bras ouverts … elle me faisait boire une cuillère de Porto, avant d’entrer en scène. Llasser m’a appris les gestes dans Rigoletto, dans le Barbier de Séville. Elle avait enseigné aux Conservatoires de Valence et de Madrid. […] Llaser faisait tous les pas, tous les gestes avec une théâtralité qui enthousiasmait l’ancien public. C’était très beau. J’ai travaillé avec elle le rôle de Gilda dans Rigoletto. Je me souviens, elle ouvrait les bras, en silence…en déshabillé, et seulement après elle attaquait l’air. Elle avait un don de communication…Chanter sans geste…c’est difficile.

En quelques années, les pratiques de la tradition ancienne semblent maniérées ou exagérées : les nouveaux metteurs en scène exigent des chanteurs la sobriété des gestes :

Llasser m’enseigna la mise en scène, mais c’était à l’ancienne, considéré comme démodé en 1940.

Quand j’ai travaillé avec Mario Friggerio, de la Scala de Milan, il n’aimait plus cette façon de représenter. J’ai dû tout recommencer…

Entretiens avec Elsa Saque (1946) et Elvira Archer (?)

Entretiens avec Elsa Saque (1946) et Elvira Archer (?)