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Didactique du belcanto : approche épistémologique des contenus d'enseignement et des pratiques de transmission

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Didactique du belcanto : approche épistémologique des contenus d'enseignement et des pratiques de transmission

MARTIN-BALMORI, Isabel

Abstract

L'objet de cette recherche est, dans un premier temps, à travers des traces écrites laissées entre le début du XVIIe et le milieu du XIXe siècle, de repérer les principaux éléments de didactisation dans les processus de transmission de la tradition vocale belcantiste et la mise en évidence des éléments transpositifs ayant contribué à l'émergence et à la transformation du belcanto comme objet à enseigner. La finalité est de mieux cerner la didactique vocale de cette période, mais aussi de mieux saisir celle en usage de nos jours , notamment le fonctionnement du belcanto comme modèle-référence.

MARTIN-BALMORI, Isabel. Didactique du belcanto : approche épistémologique des contenus d'enseignement et des pratiques de transmission. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2016, no. FPSE 644

URN : urn:nbn:ch:unige-880942

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:88094

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88094

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THESE

Didactique du belcanto : approche épistémologique des contenus d’enseignement et des pratiques de transmission.

par

Isabel MARTIN-BALMORI

Annexe 1

Entretiens avec des chanteurs

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Table des matières

Des récits d’apprentissage d’un autre temps. Des pratiques de nos jours………5

Annexe 1, N°1 : Des chanteurs rencontrés en France………9

Annexe 1, N°2 : Des chanteurs rencontrés en Suisse………23

Annexe 1, N°3: Des chanteurs rencontrés en Italie………..44

Annexe 1, N°4 : Des chanteurs rencontrés en Espagne………53

Annexe 1, N°5 : Des chanteurs rencontrés au Portugal………65

Annexe 1, N°6 : Observations faites au Conservatoire et à l’Université à Shanghai……..75

Conclusion des analyses des entretiens……….85

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Des récits d’apprentissage d’un autre temps.

Des pratiques de nos jours

Comme le rappelle Prost (1986) : « Les questions que l’historien pose au passé sont toujours des questions qu’il se pose, au présent, en fonction de ce qu’il est et de la société dans laquelle il vit. » (Prost, 1986, p. 11). L’analyse comparative des premiers enregistrements de chanteurs (fin du XIXe siècle) avec d’autres enregistrements plus récents met en évidence la constante transformation d’un monde référentiel du « bien » chanter : plus nous nous éloignons dans le temps, plus nous avons de la peine à comprendre les critères d’appréciation des anciens auditeurs. Maisonneuve (2009), sociologue travaillant sur la notion de « goût » dans un contexte d’approche historique du disque, évoque précisément le changement des pratiques de perception, de la fin du XIXe siècle à nos jours :

L’oreille du début du vingt-et-unième siècle n’est pas la même que celle de la fin du dix-neuvième, formatée qu’elle est par l’écoute du disque compact, qui relève d’une technologie de reproduction différente, et par plus de cent ans de formation d’une culture auditive phonographique. (Maisonneuve, 2009, p. 30-31)

Maisonneuve constate encore :

Nous ne sommes pas dotés aujourd’hui d’une oreille plus fine, ni d’une technologie plus avancée, mais d’un dispositif d’écoute différent, qui rend difficile l’accès à l’esthétique des siècles passés. La gêne parfois ressentie aujourd’hui à l’écoute des premiers cylindres ne peut être assimilée à l’étonnement que pouvaient éprouver les premiers auditeurs – le bruit de surface, le son étouffé et lointain, les timbres

« déformés », sont des qualités qui nous frappent par contraste avec le son numérique, qui est tout autant un artefact technique que le cylindre.(Maisonneuve, 2009, p. 31)

Depuis 2005, nous avons pratiqué pendant de longues périodes l’écoute exclusive d’anciens enregistrements, en focalisant notre analyse sur le repérage des procédés et codes d’expression utilisés par les anciens chanteurs. Nous arrivions aux mêmes conclusions que Maisonneuve : il est possible d’entendre autrement ces anciens enregistrements, mais nous devons « oublier » nos repères perceptifs actuels.

Nous avions identifié de profondes transformations de pratiques autour des années de la Second Guerre mondiale. Par exemple, au niveau du rapport à l’écrit (partition), des chanteurs comme Chaliapine étaient moins stricts avec la « fidélité » de lecture que d’autres artistes après la Guerre. De même, certains choix d’émission du son, ou l’emploi du coup de glotte chez des cantatrices comme Toti dal Monte ou (Lilli) Lehmann, nous surprenaient.

Nous nous sommes questionnée sur les raisons de cet important changement de pratiques.

La Rochelle (1997) a constaté, d’après son étude historique, que l’enregistrement sonore a connu un vif succès après la Seconde Guerre mondiale. La diffusion massive du disque, qui serait devenu la référence des pratiques pour beaucoup de musiciens, a certainement joué un rôle dans l’uniformisation des pratiques.

Mais les changements de pratiques ont souvent des racines plus anciennes que le moment où la transformation se manifeste. Nous nous sommes intéressée aux choix technologiques concernant l’enregistrement du son, qui auraient pu contribuer à une toute autre approche perceptive de la voix chantée, notamment l’usage du microphone électrique vers 1925 (Maisonneuve, 2009, p. 124). Cette innovation aurait pu constituer un des facteurs contribuant à changer les pratiques de performance.

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6 A titre d’exemple, la possibilité de fixer des fréquences aiguës rebelles aux premiers enregistrements (Thérien, 2003) a engendré autre perception de la voix enregistrée, et aurait influencé le goût vers un «assombrissement » des voix perçues comme trop « claires », dans les années 1950. Nous assistons ainsi à un phénomène qui ne serait pas nouveau en soi1, mais qui aurait des répercussions à grande échelle : l’adaptation des techniques vocales aux résultats sonores des enregistrements.

Ces nouvelles pratiques vont changer également les approches didactiques du chant : par la transformation de certains contenus d’enseignement, comme l’action dramatique du chanteur (absente du disque) ; mais aussi les critères d’appréciation du timbre ou le rapport à la diction.

Comme Thérien affirme : « le microphone [électrique] rendit désuète cette façon de chanter à bout de voix en articulant à outrance » (Thérien, 2003, p. 133). Le chanteur adapte sa technique au résultat sonore que lui-même constate en se réécoutant, mais aussi aux exigences des ingénieurs du son et aux attentes des critiques dans les revues spécialisées.

L’usage des milieux didactiques est également bouleversé: la fixation de certaines versions interprétatives conditionnent non seulement les pratiques des auditeurs et des chanteurs, mais contribuent aussi à fixer un répertoire (repris par les enseignants) qui correspond à des critères parfois très éloignés de la musique, comme par exemple matériaux (la durée d’un disque) ou commerciaux (comme le « lancement » d’un artiste, considéré comme le spécialiste d’un type de répertoire).

Enfin, la notion de « style », telle que nous la pratiquons actuellement dans le chant d’après la recherche musicologique, semble inconnue avant la Guerre. Cette notion émerge après 1945, associée à la manière de chanter des spécialistes du genre d’opéra italien et du Lied allemand.

Plus tard, ce sera le tour de la musique baroque. Avant la Guerre, les chanteurs utilisent leur propre style : ils constituent eux-mêmes le modèle d’une manière de faire, parmi d’autres.

A la recherche d’autres pratiques vocales et gestuelles

Pour essayer de comprendre ces anciennes pratiques, nous sommes allée à la rencontre de chanteurs et pédagogues du chant classique ayant connu la période d’Avant-guerre (1939- 1945). Prost (1986) insiste précisément sur l’importance de « l’expérience sociale » de l’historien :

Si les incroyants sont rares à s’adonner à l’histoire religieuse, ce n’est pas seulement qu’elle ne les intéresse pas, et qu’ils n’ont donc pas de question à lui poser ; c’est aussi qu’ils ne la comprendraient pas. Et il faudrait beaucoup d’imagination à un historien qui n’a pas fréquenté d’ouvriers pour en faire l’histoire. (Prost, 1986, p. 11).

La majorité des chanteurs d’opéra que nous avions rencontré avaient connu des pratiques bien différentes à celles que connaissent les chanteurs actuels. Notre objectif était celui de questionner ces musiciens et de comparer les contenus des anciens livres et enregistrements avec leur propre expérience et savoirs. Cela nous a permis par exemple de comprendre l’explication du mouvement de la respiration dans la Méthode de chant du Conservatoire de Paris de 1803, qui restait incompréhensible pour nous, du fait du glissement sémantique de certains mots employés dans la méthode; ou encore, la manière où les anciens chanteurs travaillaient de longues notes nuancées, tradition qui actuellement est pratiquement perdue.

1 De tout temps les chanteurs ont adapté l’émission de leur voix au contexte d’une œuvre ou à l’acoustique d’une salle.

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7 Les questions que nous avions posées aux musiciens rencontrés touchaient trois champs de pratiques :

- leur propre apprentissage et les contenus d’enseignement qu’ils avaient reçus;

- leur expérience comme chanteurs, notamment en situation de performance;

- leur expérience comme enseignants, au moment où ils ont transmis à leur tour leurs savoirs.

A cet effet, nous avons rencontré une quarantaine de musiciens et retenu les réponses de vingt-deux chanteurs en Europe, et d’une dizaine de professionnels, dans la ville de Shanghai.

Pour ce faire, nous nous sommes déplacée au Portugal, Espagne, Italie, France, Suisse et Chine. Ces entretiens ont eu lieu en portugais, espagnol, italien, français et un entretien en anglais. En Chine, nous avons bénéficié de la traduction d’une étudiante chinoise bilingue.

Certains de ces chanteurs avaient été formés dans des lieux très éloignés des pays choisis pour leur retraite, comme Athènes, Francfort, Bucarest ou Prague.

Nous avons été reçue par : Mmes Aldea, Archer, Bonay, Bustamante, Del Pozo, De Montmollin, Kolassi, Mandelli, Maretto, Padesca, Penagos, Saque, Sarroca, Sina, Székely, Tarrés, Vasta et MM Catena, Cid, Corboz, Cuénod, Giménez, Leoz, Regidor, Tappy, Sénéchal, Stämpfli, Walker et Zazzetta.

En Chine, nous avons réuni nos observations de cours de chant à Shanghai, d’après l’enseignement de professeurs/chanteurs toujours actifs. Contrairement aux entretiens en Europe, nos observations se sont limitées à trois institutions (conservatoire élémentaire et supérieur, université à Shanghai), durant quatre jours (novembre 2007). Notre point de départ a été un projet : celui de rencontrer une professeure de chant classique (occidental) réputée en Chine, Zhou Xiaoyan (1917-2016).

Lors de notre rencontre en 2007, cette chanteuse avait 90 ans et enseignait toujours. Ayant fondé « école », la plupart des professeurs chinois que nous avons observés (durant la semaine qui a précédé la rencontre avec le maître) ont été formés par cette dame, ou avaient été élèves d’un de ses disciples. Nous avons observé des cours et eu des échanges avec un total de dix professeurs, ayant leurs activités d’enseignement dans deux cadres institutionnels différents : le Conservatoire de musique de Shanghai et l’Institut universitaire de formation des futurs maîtres, de la même ville. Nous avons rencontré Mme Zhou Xiaoyan chez elle. Ensuite, Mme Chen et M. Ge, professeurs au Conservatoire Supérieur de Shanghai, et Mme Zhou, en école de musique. Enfin, Mmes Huang, Yang, Guo, Qian et MM. Yu et Zhou pratiquant à l’Université de Shanghai.

Malgré le fait d’avoir bénéficié de la traduction simultanée des échanges verbaux entre enseignant et élèves, et bien qu’une des professeures chinoises parlait couramment le français, nous restons très prudente concernant les déductions faites dans un contexte culturel très différent du notre. Nous avons longtemps hésité à utiliser ces observations et nous nous limiterons à souligner les ressemblances des pratiques, qui mettent en évidence la reproduction de certains cadres d’organisation de la leçon, de l’usage d’un langage imagé, ou encore du recours à des milieux didactiques très proches des nôtres.

Zhou Xiaoyan avait suivi des cours de chant à Paris en 1938, en même temps que d’autres chanteurs de sa génération, européens, que nous avons rencontrés : ce fait nous a permis d’établir certains liens.

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8 Nous avons résumé les contenus des entretiens de nos interviews par pays : cela nous permet de considérer les différentes écoles de chant qui seraient en lien avec l’enseignement d’un maître, ou avec des traditions de formations, par exemple des chanteurs à Barcelone qui vont systématiquement se perfectionner chez un même professeur en Italie.

Nous aborderons, en premier lieu, les entretiens faits en France.

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Annexe 1, N° 1

Des chanteurs rencontrés en France

Chanteurs interviewés à Paris :

25 Janvier 2008 (Paris) : Irma Kolassi.

10 juin 2008 (Paris) : Malcolm Walker 26 février 2010 (Paris) : Michel Sénéchal.

27 février 2010 (Paris) : Suzanne Sarroca.

A Paris, nous avons rencontré quatre chanteurs d’âges et d’origines très différents. Tout d’abord, Irma Kolassi, la plus âgée d’entre eux, née à Athènes en 1918 ; ensuite les français Michel Sénéchal (Taverny, 1926) et Suzanne Sarroca (Carcassonne, 1927), cette dernière est d’origine espagnole ; enfin, Malcolm Walker, né à Bogotá en 1953, d’origine Nord- Américaine.

Kolassi, dont les parents avaient vécu avant sa naissance à Paris, a été – malgré avoir été formée à Athènes – imprégnée dès son plus jeune âge de culture française. Elle sera reconnue comme une des spécialistes du répertoire français des XIXe et XXe siècles (prix Académie Charles Cros, 1959). La mezzo-soprano commence les leçons de chant en 1932, et nous témoigne d’anciens professeurs de chant grecs – formés à Paris à la fin du XIXe siècle – pratiquant encore les contenus de la Méthode de 1803, qui en France sont considérés, à la même période, comme des savoirs obsolètes.

Michel Sénéchal et Suzanne Sarroca, ayant fait carrière dans l’opéra, témoignent respectivement de leur formation au Conservatoire de Paris en 1947, et dans celui de Toulouse en 1943. Sarroca complète sa formation dans la troupe du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, seulement après deux ans d’apprentissage, à l’âge de 21 ans.

Walker, actuellement professeur du Conservatoire de Paris, appartient à une toute autre génération : il se considère toujours comme un « étudiant » à la recherche des savoirs.

L’entretien avec Walker nous a permis de mettre en relief les différences entre les chanteurs formés avant et après la Guerre.

Apprentissage de la musique et du chant

Dans leur enfance, tous les interviewés ont eu une approche de la musique qu’ils reconnaissent comme expérience marquante. Sarroca découvre le chant par immersion :

Ma mère m'a élevée en chantant. Elle avait une voix magnifique et elle chantait tout le temps, lorsque j'étais bébé. Elle était couturière. Cela a dû m'imprégner, je suppose, mais je n'en ai aucune idée consciente.

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10 Les parents de Walker ou ceux de Sénéchal ont favorisé la découverte de la musique en allant à des spectacles et concerts. Walker se rappelle : « Enfant, j'ai eu la chance d'aller à l'opéra très jeune, à 10 ans. C'était l'ancien Metropolitan à New York, ensuite à Covent Garden vers 13 ans ». Sénéchal se remémore aussi :

J’ai vécu dans un milieu où on aimait beaucoup la musique, qui m'a éveillé vraiment cet art. Mes parents m’avaient amené très jeune à l’opéra comique et j’avais goûté immédiatement le plaisir d’entendre sans me soucier que j’aurais pu entrer dans la carrière un jour.

Sénéchal chante tout jeune dans des chorales. Il explique : « j’aimais chanter et je suis entré dans une chorale officielle dans ma ville de Taverny. Bien entendu, j’avais déjà chanté comme enfant au collège. Dans les collèges, il y avait souvent des chorales… ». C’est une expérience proche à celle de Walker, qui nous raconte : « J'ai été en pension en Amérique, fait partie du grand chœur puis du petit chœur pour la messe du dimanche ». Ensuite, l’Américain commence les études de chant à Paris :

[…] à 18 ans avec Paul Derenne à l'Ecole Normale. Voilà, j'ai été admis très généreusement malgré ma totale ignorance dans les cours du mercredi après-midi chez Nadia Boulanger parce que je travaillais le solfège avec son assistante Annette Dieudonné, la bien nommée. J'ai eu la chance d'entrer à l'école de l'Opéra très vite et j'étais sur scène à 23 ans.

Contrairement aux autres interviewés qui nous parlent d’apprentissage au passé, Walker continue à travailler sa voix à 55 ans. Il fréquente différents professeurs de chant et d’autres techniques du corps (notamment Alexander) ou encore des spécialistes de la pédagogie :

Voilà, j'aime à dire que je fais partie de tout ce que j'ai pu rencontrer sur mon chemin. J'ai beaucoup cherché, rencontré de professeurs des deux côtés de l'Atlantique. Je continue à étudier: j'aime aussi dire que je suis un très vieil étudiant et un tout jeune professeur et j'espère le demeurer jusqu'au bout. Je continue à travailler ma voix.

Walker considère son travail dans un but existentiel : « Très rares sont les chanteurs qui ont ce talent inné... ça existe: Roberto Alagna est un parfait exemple, mais c'est un don divin. Mais nous, moi, tout ce que je fais, c'est du labeur, c'est une œuvre de vie. »

Kolassi, née dans une famille de musiciens, nous explique comment elle a été initiée au chant :

Mon oncle [violoniste, élève d’Enesco] avait des disques. Comment je n'ai pas abîmé ma voix, c'est un mystère, parce que je chantais tout ce qu'il y avait dans les disques: […] je chantais n'importe quoi, des airs de basse, de ténor: ...Gioconda!... […] Méphistophélès, des airs de soprane léger...

Plus tard, c’est l’apprentissage conscient, la grand-mère de Kolassi, pianiste, lui apprend la musique:

J'ai commencé des études de piano avec ma grand-mère qui jouait très bien. J'avais 6 ans, mais évidemment, elle me laissait jouer n'importe quoi. A 8 ans, je suis entrée au Conservatoire et là, j'ai eu un excellent professeur, c'était un Russe. Pendant deux mois, il ne m'a pas fait jouer de morceaux, pour la position de la main. J'ai eu un premier prix de piano à 14 ans, et là, j'ai commencé à travailler:

j'entretenais ma mère, je l'ai fait jusqu'à la fin de sa vie. Mais... j'avais envie de chanter.

A 14 ans, elle est engagée au Conservatoire d’Athènes pour accompagner les classes de chant de Mme Karadja. Kolassi conserve encore le portrait de son professeur sur son piano à Paris, à côté de celui de son oncle violoniste et de Stravinsky avec qui elle a travaillé Œdipus Rex.

Elle nous explique, qu’ayant l’oreille absolue, elle est souvent engagée pour chanteur du répertoire contemporain. Entre autres, elle participe à la création de l’Ange de Feu de Prokofiev (1954), ou à celle de Wozzeck (version française) de Berg.

Kolassi nous parle de son premier professeur de chant:

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11 Karadja […] était une chanteuse avec une petite voix de soprane, mais elle était très musicienne et surtout, c'était une bonne interprète. Son mari avait fait ses études au Conservatoire de Paris, avait eu un prix et avait été son professeur. Quand il est revenu à Athènes, il a été nommé professeur. Il enseignait surtout de la musique française. C'est à partir de lui qu'elle n'a chanté que de la musique française. Tous ses récitals que j'ai accompagnés, c'était Fauré etc. Avant moi, elle a eu comme accompagnateur, imaginez-vous: Mitropoulos.

La mezzo grecque se plaît à raconter – sous forme de dialogue – sa première leçon avec Karadja :

Je lui disais "Madame, donnez-moi des cours de chant"... une fois elle m'a dit: "Mais on ne sait même pas si tu as une voix! Est-ce que tu as une jolie voix?" Elle ne m'a pas auditionné, ça a duré des semaines, et puis un jour, il y a eu un petit creux, une élève qui n'est pas venue. Là j'avais, tenez-vous bien [...], une petite chose de Paolo Tosti: Vorrei morire, parce que j'avais mon petit chagrin d'amour. Et là, elle m'a dit textuellement: "Espèce d'imbécile, tu ne pouvais pas me dire que tu avais une jolie voix?"

Je ne savais pas si j'avais une jolie voix, mais je chantais, c'est tout. J'éprouvais le besoin de chanter.Je chantais naturellement.

D’après son récit, nous identifions sa filiation avec Hettich (éditeur, professeur de chant au Conservatoire de Paris) : le mari de son professeur de chant a été son élève, et ensuite a initié son épouse, Mme Karadja, à la musique française.

Parmi tous les chanteurs interviewés, c’est Kolassi qui a eu un apprentissage le plus proche des contenus de la Méthode de 1803, notamment au niveau de la manière de respirer.

Kolassi obtient, malgré son jeune âge, son diplôme de chant : « [Karadja] m'a donné des leçons et j'ai eu mon prix de chant trois ans après, je l'ai eu très vite.

En 1938, Kolassi est à Rome (Accademia Santa Cecilia). Elle doit choisir entre étudier le piano ou le chant. Même en Italie la formation du musico n’est plus pratiquée :

Quand je suis partie en Italie, c'était le chant, mais je n'abandonnais pas le piano, j'aimais jouer du piano. Et j'ai vu Casella qui m'a tout de suite dit: "C'est bien, tu as du talent, tu peux t'inscrire au Conservatoire, dans ma classe." Il s'est trouvé qu'au concours d'entrée, il y avait dix élèves, pour chaque cours. J'ai réussi le concours de chant et après, je me suis présentée pour le concours de piano et on m'a envoyé promener en me disant: "Tu ne peux pas accaparer deux postes. Tu fais ton année scolaire de chant et l'année prochaine, tu t'inscris au cours de piano." Quand je suis allée dire à Casella que je n'avais pas le droit de passer le concours d'entrée, furieux, il m'a dit que quand on a ce talent de pianiste, on ne s'amuse pas à faire des roucoulades. Il n'a jamais voulu m'entendre chanter. Je le suppliais de m'indiquer ses compositions, il me disait: "Occupe-toi de ton piano". Et il m'a donné des cours gratuits pendant un an et demi, plus spécialement les sonates de Beethoven (...) il y a eu la guerre de '40, je suis partie en catastrophe, et voilà, je vous ai tout raconté pour me situer. Enfin, ça m'a beaucoup aidé d'être pianiste, surtout en Grèce où j'ai gagné ma vie.

La mezzo nous parle ensuite de la Seconde Guerre mondiale, et des difficultés qu’elle a eu pour survivre, à cause des restrictions alimentaires et des maladies :

Et puis il y a eu la guerre et ça a été très difficile. Là, j'ai perdu ma voix complètement. On ne mangeait pas pendant la guerre, en Grèce. J’ai fait de la tuberculose, mais j'ai été vraiment sauvée. Le médecin qui me soignait m'adorait littéralement. Et sa femme me disait: "Irma, il y a un type qui est venu de je ne sais quelle province – en province, ils avaient de quoi manger – tu restes dîner avec nous". Mais j'ai eu une chance inouïe, j'ai eu la tuberculose vers la fin de la guerre. Le docteur m'a dit que les Américains ont apporté un médicament, c'était la streptomycine qui guérit la tuberculose.

Plus tard, Kolassi apprend de collègues plus âgés. Elle se souvient de sa rencontre avec Madeleine Grey, interprète ayant travaillé directement avec Ravel :

J'ai bien connu Madeleine Grey […]. Elle m'a écrit en me disant qu'elle avait une proposition à me faire.

[…] Elle m'a dit textuellement: "Ecoutez, j'ai un concert à Essen: les Madécasses de Ravel. Je pense que c'est tout à fait dans vos possibilités. Voulez-vous y aller à ma place? Je suis âgée, je n'ai plus ma technique, ma voix. Mais je pose une condition: comme je les ai travaillés avec Ravel lui-même, je vous demande de les travailler avec moi." J'ai dit que bien sûr, la question ne se posait pas. J'ai fait ce

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12 concert, j'ai eu de très bonnes critiques et ils ont écrit à Madeleine Grey pour la remercier. C'était une femme formidable. Evidemment, elle était autoritaire, aigrie ayant tout perdu [Grey était juive], mais elle m'aimait bien.

Nous avons rencontré des chanteurs, notamment Sina à la Casa Verdi (c.f. Annexe 1, p. 49), qui ont vécu ce même genre d’apprentissage, d’après un interprète ayant travaillé directement avec le compositeur.

Sénéchal nous parle aussi de la Guerre, et de sa rencontre avec son premier professeur de chant :

A la faveur de la guerre, les jeunes étaient avec l'interdiction de circuler, pratiquement, il y avait le couvre-feu, on ne pouvait pas sortir dans les rues durant les nuits, donc les jeunes étaient un peu prisonniers, ne pouvaient pas partir en vacances et dans mon village de Tavernier nous étions tout un groupe de jeunes contraints de rester toujours ensemble, on sympathisait, nous étions à peu près une douzaine et nous entendions très très bien. Nous n'étions pas des jeunes désœuvrés, parce qu’il y a eu dans notre village un chanteur, un homme absolument merveilleux, très artiste, qui s’appelait Claude Dervieux, qui était un ancien chanteur de l’opéra de Lyon. Je le précise car son époque, il y avait des troupes dans tous les théâtres de France. Par conséquent, être ténor de l’Opéra était déjà un titre.

Dervieux ne chantait plus : « Il n’avait pas pu continuer sa carrière parce que dans la guerre de 14 il avait été gazé… il lui restait quelque fragments de voix, qu'il avait eue absolument superbe, mais il n’avait pas perdu son tempérament d’artiste ». Sénéchal se rappelle :

Il a saisi l’occasion de voir ces jeunes, qui étaient sans travail, sans possibilité de circuler, pour les réunir et faire une chorale. […]. Cette chorale était composée d'environ 24 jeunes chanteurs, sous la direction de Claude Dervieux et nous assurions tous les offices religieux de l’église de Taverny, donc tous les dimanches, naturellement, et tous les jours de fête […]. Ça ne s'est pas uniquement borné aux chants d'église, parce que cette chorale étant devenue assez intéressante, nous avons eu la possibilité de faire des concerts, le dimanche après-midi parce que cela ne pouvait pas avoir lieu le soir, dans différentes localités de notre région, donc ça a pris un petit essor: vraiment une étude du chant très sérieuse. A l’époque j’avais seize ans, j’avais mué.

Sénéchal, sans jamais avoir « appris » savait chanter :

Je chantais naturellement sans avoir eu de cours de chant, suivant la nature et mon inspiration, le goût de la musique que j'avais conscience de devoir respecter scrupuleusement… je chantais juste de nature… Cela n'a pas empêché Claude Dervieux de se pencher sur le don qu'il avait en moi m’a dit un jour " tu sais, je pense que tu peux envisager la carrière de chanteur professionnel, mais il faudrait pour cela que tu travailles ta technique, je te propose une chose: je souhaiterais que tu entres au Conservatoire de Paris, mais surtout que tu n’ailles pas chez n’importe quel professeur, tu iras chez mon propre professeur en qui j'ai une confiance absolue". Cet homme s’appelait Gabriel Paulet.

Le ténor reconstitue deux chaînons dans la lignée de maîtres :

M. Dévrieux avait entre 55 et 60 ans, M. Paulet était plus âgé, je l'ai connu dans ses dernières années de professorat avant d'être mis à la retraite, il avait été formé par un grand maître de sa jeunesse, M.

Duvernois: un grand pédagogue de l'époque.

Une toute autre approche a été celle de Sarroca. C’est à la suite du visionnement d’un film qu’elle décide d’étudier le chant:

J'ai vu un film de Sacha Guitry: La Malibran. Je me suis dit "Voilà ce que je veux faire", mais il n'y avait pas de raison logique, car ma mère chantait tout le temps mais moi pas. Et si on voulait me faire chanter à la maison, où il y avait souvent des fêtes, avec des amis, le soir, on jouait du banjo, je me disais que c'était formidable mais je n'avais pas l'idée de chanter, je ne voulais pas.

Sarroca s’identifie avec le modèle Malibran : ceci marque le début de son apprentissage. Son professeur de musique, à l’école, confirme ses « dons » pour le chant :

Au lycée, il y avait une fête de fin d'année et le professeur de musique m'a dit de chanter quelque chose, et là j'ai chanté Ma poupée chérie de Reynaldo Hahn. Mon professeur m'a dit de travailler le chant. Elle

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13 m'a envoyée à Carcassonne chez une pianiste qui m'a dit d'aller à Toulouse et ça s'est enchaîné comme ça assez simplement.

La jeune cantatrice est admise très jeune au Conservatoire de Toulouse :

A Toulouse, je suis allée voir le professeur de chant Claude Jean, qui était un ancien ténor de l'Opéra comique, assez âgé, un type adorable. […] j'avais 16-17 ans. Mon père m'a dit que je pouvais aller prendre des cours de chant. A ce moment-là c'était le jeudi le jour de congé: je prenais mon train, j'avais ma leçon à Toulouse et je rentrais à la maison.

Sarroca explique comment le fait de commencer à étudier le chant lui a fait prendre conscience de la difficulté :

J'avais une voix assez facile au départ. Après, quand on est au Conservatoire de Toulouse, la peur des autres, la peur de l'aigu: alors j'avais peur de l'aigu. Quand j'ai passé mon audition chez Claude Jean, j'ai chanté Salomé, sans problèmes pour l'aigu; après, j'ai eu peur en prenant conscience des choses.

Par le fait de se questionner sur le faire, Sarroca perd de manière temporelle la capacité d’approcher de manière globale l’apprentissage.

Des différentes approches d’apprentissage

Nous avons interrogé ces différents chanteurs au sujet des pratiques d’enseignement de leurs professeurs. Malgré qu’il s’agisse de souvenirs qui remontent à plusieurs décennies, ils semblent se rappeler bien : ils ont été profondément marqués. Sarroca n’hésite pas à nous expliquer en détail, comment les leçons se passaient chez Claude Jean :

[Les leçons duraient] une heure. Il y avait une pianiste qui faisait des arpèges, lui écoutait et dirigeait. Il ne chantait pas beaucoup, mais donnait des indications. Il était assez âgé, peut-être autour de 75 ans. Il avait chanté à l'Opéra Comique comme ténor, mais je ne sais pas de qui il avait été élève et à cette époque-là je n'aurais pas osé demander. Après, je l'ai perdu de vue je suis montée à Paris et il est mort assez vite.

Sénéchal nous explique la procédure pour entrer au Conservatoire, en 1947 : « j’avais préparé mon entrée au conservatoire en cours particulier avec Gabriel Paulet, qui avait dit à l’avance que si je passais le concours il me prendrait dans sa classe… ». Deux ans après la fin de la Guerre, les futurs élèves qui avaient été fait prisonniers bénéficiaient d’une dérogation au niveau de l’âge d’admission. Sénéchal explique :

[…] parmi les candidats chanteurs, il y avait beaucoup d’anciens prisonniers de guerre, qui sont restés pendant cinq ans prisonniers en Allemagne, et quand ils sont rentrés en France on leur a donné des dispenses d’âge…il y avait une limite d’âge pour entrer… Comme il y avait une dérogation, nous étions très nombreux comme candidats. Moi j’étais parmi les plus jeunes, et parmi les candidats de l’époque il y avait Gabriel Bacquier, Tony Poncet, Régine Crespin, Lillian Berton, et combien d’autres encore…

Paulet, suivant la tradition des professeurs du Conservatoire, édite un cahier d’exercices :

Exercices journaliers pour le chant, c’étaient avant tout des exercices sur des voyelles, […] le style se faisait sur les morceaux. Ce petit opuscule, c’était le moyen d’avoir sous la main les exercices qu’il recommandait à chaque chanteur de faire tous les jours; il avait un ordre précis.

Au Conservatoire de Paris les leçons étaient toujours données en groupe:

Il y avait les classes. Chaque classe avait une douzaine de chanteurs. Le professeur exigeait que tous ses élèves soient présents, il partait du principe qu'on apprend beaucoup en écoutant les autres et il avait raison. Nous avions trois cours de quatre heures par semaine, c'était très bien réparti […] les cours quelque fois dépassaient de beaucoup l’heure normale. Il est très difficile d’enseigner le chant ou la musique en regardant une montre. C'était une époque où on ne contait pas son temps. [Gabriel Paulet] était maître de la vocalisation car chaque fois qu'il enseignait à un élève, il y avait toujours une partie technique, disons 15, 20 minutes et après application de la technique sur les morceaux. Il y avait évidemment un pianiste du maître, qui était toujours le même.

Le ténor insiste sur ce que représentait à l’époque avoir le prix du Conservatoire de Paris :

[…] je suis resté pendant trois ans, et au bout de ces trois ans il y avait le concours de sortie. A l’époque il y avait des prix: que ce soit en chant ou pour un instrument, on était premier prix, ou deuxième prix,

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14 ou premier accessit ou deuxième accessit du Conservatoire de Paris; ce n’était pas une récompense, c’était un véritable titre.

Contenus d’enseignement

Nous nous sommes intéressée aux contenus d’enseignement appris par Kolassi dans sa jeunesse :

Avec Mme Karadja, pour ne rien vous cacher, ce n'était aucune technique, rien du tout. Je chantais.

Mon professeur Karadja savait faire respirer. Regardez, rentrez le ventre. Très légèrement, sans forcer...

et bloquez. Pendant que je chante, c'est bloqué. Et petit à petit...

A notre grand étonnement, Kolassi nous montre le mouvement de respiration décrit dans la Méthode de 1803. Ceci nous permet de confirmer que le mouvement de « rentrer le ventre » (terme qu’elle emploie) correspond au mouvement situé dans la région épigastrique, préconisé par García fils), mouvement qui se fait sans effort, si l’on inspire lentement en

« ouvrant » le thorax. Toutefois, Kolassi résume l’essentiel de sa « technique » à la manière de dire le texte :

Il est indispensable d'avoir une bonne diction. Plus vous êtes naturelle, plus c'est facile. Il faut articuler, bien sûr. A mes débuts, je n'articulais pas. Mon professeur grec me disait: "C'est très joli comme son, mais on ne comprend pas si tu chantes français ou chinois". C'était sa manière, elle m'a appris à articuler. On articule simplement en soulevant le voile du palais. Est-ce que vous avez eu connaissance d'un livre de Lilli Lehmann? …elle parle justement de soulever le voile du palais. J'ai beaucoup appris en lisant son livre.

Kolassi insiste sur le « mauvais » usage de la voix de poitrine :

[…] je suis contre le fait de poitriner, jamais poitrine pure... ce qu'on appelle mixte: un peu poitrine et surtout le masque et pas au-delà d'un Mi. A partir du Fa, c'est ici (derrière les dents) que ça se passe, ces résonances, en tête. Là il n'y a plus de poitrine du tout.

Sénéchal nous explique les principes de l’enseignement de Paulet. La « focalisation » du son apparaît comme essentielle :

[Paulet] utilisait au départ les voyelles le I le É qui sont des voyelles fermées, et sur lesquelles les autres voyelles sortaient: il est très dangereux, c'est ma conception, de commencer à travailler sur A, qui est une voyelle pleine. Il faut commencer par autre chose: avec le A, vous éliminez la place de la voix, il faut commencer sur les voyelles très étroites i, é, u, sur ces voyelles de départ construire i, è, a, o, u, e, a, jusqu’à arriver à a compte tenu que les vibrations sur a devaient être à la même place que sur i […].

Nous retrouvons les anciens principes des traités de chant : la voix ne doit pas être gutturale.

Par contre, le coup de glotte n’est plus pratiqué :

La place de la voix n’est pas en gorge, elle part de la gorge, bien sûr, mais les vibrations sont toutes dans la tête. Mais j’irai plus loin: de la pointe des cheveux jusqu’à la plante des pieds. Il [Paulet] était contre le coup de glotte, parce qu'il prétendait que ça mettait d'emblée la voix en gorge et qu'on n'avait pas les résonances voulues pour l'épanouissement de la voyelle, ce qui était très juste. L’attaque du son doit avoir une préparation du corps qui se met en condition pour chanter. Mettre tout son système respiratoire le soutien, tout le corps, les muscles du visage, avant d'attaquer le son: tout ça doit être visible, c'est ce que j'appelle la mise en condition, quand le diaphragme et tous les muscles sont en suspens … il puisse émettre le son ... C’est un principe que j’ai appris des grands maîtres.

Sénéchal reconnaît que de nos jours les chanteurs ne pratiquent plus les sons filés :

[Messa di voce] Il y a beaucoup de chanteurs qui ne savent plus le faire. La manière de faire le son filé, c’est de diminuer le son au minimum et d’aller le plus loin que l’on peut, mais en gardant le son présent.

C'est-à-dire: il y a malheureusement certains chanteurs qui font le son filé en bâillant, …le son doit rester présent jusqu’à la fin, le son doit être émis comme si l’on pouvait le voir, et non l’avaler. C’est dangereux de diminuer en bâillant, la voix devient paresseuse, elle devient grosse et épaisse.

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15 Nous déduisons, d’après ces explications que, d’après Sénéchal, le son doit garder toute sa richesse harmonique, malgré que le volume diminue. Sénéchal nous parle ensuite du legato, il associe encore ce procédé à l’expression, et affirme :

Le legato est une expression musicale, pour moi c’est une question technique car c’est impossible de faire une phrase legato si vous n’avez pas le soutien. Le fait de chanter legato oblige le travail des muscles et du soutien absolu. Il est difficile de parler d’enseignement du chant, en réalité il y a des règles mais il faut s’adapter à chaque cas particulier. Le portamento n’exclut pas le legato. Le portamento, c’est la manière de porter les notes depuis le bas jusqu'en haut, avec bien sûr tout le système musculaire du corps, qui vous permet de porter le son. Il peut y avoir aussi le portamento à l’envers, de l’aigu vers le grave. On ne peut pas l'expliquer dans les livres.

Sénéchal met en lien, comme la Méthode de 1803, le trille et les agilités. Il s’agit d’un même mécanisme du larynx :

Les trilles et l’agilité, ça va ensemble, c’est la maîtrise absolue du larynx. Cela se rapproche beaucoup de la façon du chant d'autrefois concernant les ornements, c'est très voisin. C'est-à-dire avec une liberté totale du larynx qui obéit à la pulsion nerveuse, qui fait que toute la musculature de l'appareil laryngé soit vraiment soutenue par le souffle. En même temps très libre. Il est impossible de faire un trille si on chante fort. La force vocale ne va pas avec la vocalise. Je me suis acharné à conserver toute ma carrière cette liberté du larynx, qui réagit au son, je dirais… un éclat de rire, rire à gorge déployée…il faut que le larynx soit complètement libre. Les ornements de la musique ancienne devraient être faits de cette manière.

Le chanteur français revendique le « naturel » du timbre :

Un professeur n’a pas le droit de transformer la nature originale d’une voix; l’améliorer, bien sûr. Les chanteurs sont ou devraient être tous différents, je constate que les jeunes maintenant travaillent sur les enregistrements, ils les écoutent et les imitent, c’est un travail de perroquet. Tous les chanteurs se ressemblent et c’est très ennuyeux. Si j’étais directeur de théâtre je m’acharnerais à choisir des types particuliers, les sujets avec toute leur originalité et leur personnalité, parce que c’est ennuyeux que tous les chanteurs se ressemblent.

Le texte est associé plutôt à la prononciation qu’à l’articulation :

Le texte, pour moi c’est absolument capital. Si j’écoute un chanteur qui ne sait pas prononcer et dont on ne comprend pas le texte, ce chanteur ne m’intéresse pas. Qu'il fasse de la vocalise. Le A est la réunion, le mixage de toutes les voyelles…

Au sujet de la respiration, le ténor affirme :

C'est très simple: respirer, se tenir dans une posture normale, prendre son souffle comme si on respirait l’odeur d’une fleur, vous sentez l’air qui pénètre dans vos poumons, il faut avoir conscience que l’air remplit d'abord la base des poumons, comme si vous remplissez une outre de liquide. Si vous inspirez normalement, sans prendre trop de souffle car sinon on s'étouffe, l’air va dans la base. Il faut le sentir, et quand on sent qu’on a assez de carburant, il faut se mettre en position, je ne veux pas dire bloqué, c’est très dangereux de dire bloqué… se mettre en suspension: observer un quart de seconde d’arrêt et ensuite émettre le son.

Nous soulignons l’emploi du verbe « bloquer » que les maîtres de Kolassi employaient encore à Athènes, mais que Sénéchal censure déjà : il s’agit d’un glissement sémantique, pour Kolassi « bloquer » ne signifie certainement pas la même chose que pour Sénéchal ! Celui-ci complète son explication :

Evidemment, la façon de distribuer cet air, qui va passer à travers des cordes vocales, terminer par l’émission vocale: il faut que tout cela soit soutenu par le diaphragme, tout le système musculaire du dos, dont on ne parle pas assez. On pense souvent à la respiration abdominale, il faut toujours y ajouter la respiration du dos.

Walker nous parle tout autrement de la respiration :

Donc l'appoggio... on entend tellement d'aberrations et d'inepties à ce sujet qu'il faut être très délicat.

Chaque chanteur est extrêmement possessif avec son idée de ce qu'est sa respiration. Moi, j'aime venir à l'anatomie des choses, en parlant objectivement. Qu'est-ce qu'est le diaphragme, qu'est-ce la sangle abdominale, où est le transverse, le psoa, les obliques, où est attaché le diaphragme, sur les vertèbres

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16 lombaires, comment cela fonctionne, le plancher pelvien, chez un homme également... toutes ces choses-là sont parties intégrantes de l'appoggio. Encore une fois, je ne suis qu'un étudiant, mais j'essaye de choisir mes maîtres.

Comme référence pour les sensations de soutien Walker fait allusion à Lamperti: « bien avant Alexander, il avait déjà l'intuition de ce qu'est ce clash – c'est lui qui utilise ce mot – des groupes musculaires opposés. C'est l'union des opposés qui est à l'essence de l'appoggio. » (Lamperti, rappelons-nous, a basé ses théories d’après les travaux de recherche de Mandl).

Walker insiste sur une approche réflexive de l’apprentissage par incorporation :

[…] il faut avoir une conscience de son corps. J'encourage beaucoup mes chanteurs à faire tout ce qu'ils veulent pour développer la coordination, n'importe quel sport, si possible avec du rythme. […]. Je suis plus pour un renforcement des muscles profonds mais avec une direction. Ce n'est pas tellement le résultat qui est important, pas le "quoi" mais le "comment" des choses. Vraiment, la qualité du geste avant toute chose: là, je suis intraitable et je pense que si on arrive à leur faire goûter la qualité du

"comment", ce qu'ils recherchent viendra tout naturellement à eux. Je ne crois pas du tout à une obsession d'obtenir à n'importe quel prix un résultat.

De son côté, Sarroca nous explique l’enseignement de son professeur, Claude Jean : « Il avait une technique spéciale: d'abord, on apprenait à poser sa voix, sur des syllabes. Pas que la consonne ni que la voyelle. On a des chanteurs qui n'ont qu'une "pâte vocale", c'est donc nécessaire. » Nous avons questionné Sarroca sur l’enseignement d’autres contenus d’enseignement. Au sujet de la prononciation elle insiste :

Importantissime: je trouve que plus ça va et moins on comprend la plupart des chanteurs. On entend souvent une belle masse sonore, mais quand-même, la consonne, c'est l'intérêt du mot. On privilégie le son, on fantasme la bouche, la grandeur, l'espace vocal. On joue sur les décibels plus que l'intérêt de ce qu'on raconte. C'est dommage.

A notre question sur l’attaque du son, Sarroca répond en utilisant un langage imagé très suggestif :

Il faudrait... comme on prend un morceau de sucre... si on n'a pas de consonne, on ne comprend rien, on n'est même pas intéressé par quelqu'un. Si on a la consonne, on prend l'autre par la main en lui disant

"attention, écoutez". Si les attaques sont floues, on est pris en charge bien après le début de la phrase.

Chez la soprano, le portamento est associé au style : « Je l'admets mieux dans la musique italienne. Dans la musique française, on aime bien une propreté linéaire. »

Sarroca n’exerce pas, non plus, la respiration dissociée de l’émission du son. Elle nous confirme : « Dans la phrase vocale toujours. » Elle se souvient : « Le professeur Jean disait

"souffler et son en même temps", non pas blocage du souffle et puis son: à ce moment-là on pousse, c'est dangereux. […] les côtes ouvertes pour être ouvert à donner, et on ouvre le dos aussi, mais pas tellement le ventre, le plus naturel possible. »

Son discours est proche de celui de Sénéchal, mais il n’y a pas de « quart de seconde d’arrêt », mais une continuité de geste entre l’inspiration et l’expiration.

Ayant une voix de grand volume, Sarroca n’a pas beaucoup travaillé le trille :

Pas tellement. Je n'avais pas de voix à chanter des trilles et des agilités, plutôt une voix assez grande: je n'ai chanté qu'un répertoire où il n'y avait pas de demande de trille. Et je n'ai travaillé que deux ans chez Claude Jean, je suis entrée au Conservatoire et j'ai démarré.

Elle n’exercera, non plus, la messa di voce et nous explique: « J'avais une souplesse de voix. » Parmi les chanteurs interviewés, Sarroca est parmi ceux qui regrettent le moins les

« anciennes pratiques ». Pourtant, elle nous confie au sujet des chanteurs actuels : « […] on entend des gens qui sont tellement formatés qu'ils deviennent tous identiques, il me semble. A l'époque les voix étaient plus différentes. »

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17 Apprentissage de l’action de l’acteur

Sénéchal compare l’apprentissage de l’action dramatique de nos jours, et du temps de sa jeunesse :

[Dervieux] Il veillait à notre présentation. Il y avait des règles à l’époque, ces règles n’existent plus, vous savez qu’elles ont été bannies par les metteurs en scène actuels dont on peu mesurer les catastrophes et les dégâts…

Nous soulignons l’emploi du mot « présentation », la dimension esthétique est implicite. Elle est très importante pour Sénéchal qui préconise la recherche de beauté, dans l’action de chanter. Le ténor nous explique ces principes (proches de ceux que nous avons retrouvé chez Cordero, ou chez Audubert ou Delle Sedie) :

La façon de se tenir sur scène, la posture, la position des jambes, pour que ce soit toujours apte à être compris du public, de façon que nous prenions toujours les poses toujours de façon relativement élégante, correctes […] jamais de face, mais toujours de trois quarts…

Sénéchal nous donne des explications de grand intérêt. Il différencie ainsi l’enseignement de Dervieux d’un enseignement en institution. Il se souvient :

La transmission était faite par l’exemple… c’était tellement naturel en lui que quand il nous donnait l’exemple, il n’avait pas du tout l’air d'enseigner… [...] c'était quand-même succinct, ce n’étaient pas une classe de conservatoire, avec une technique et des règles établies.

Ensuite, il nous explique l’enseignement de l’action, au Conservatoire de Paris :

A Paris, il y avait deux classes: un cours de maintien avec un ancien grand mime, aujourd'hui oublié, qui s'appelait George Vague, un grand mime. Il a enseigné au Conservatoire et c’était passionnant, la façon dont il exprimait avec son corps toutes les idées qui pouvaient traverser son esprit. On se maintenait, il fallait se tenir. Il y avait un autre cours parallèle, un cours d’expression théâtrale avec René Simon, un grand pédagogue.

Sénéchal nous donne encore des précisions :

Le cours de maintien était un cours accessoire mais obligatoire, nous travaillions le répertoire, des opéras entiers. Il avait aussi ce qu'on appelait le professeur de rôle qui était chargé, suivant les directives du maître principal, de travailler un rôle entier de tel ou tel ouvrage […]. Un pianiste chef de chant. Il y avait aussi le professeur de scène qui faisait travailler les scènes assez importantes.

L’enseignement au Conservatoire était adapté, toujours d’après le ténor, au profil des élèves :

Chaque chanteur avait son individualité, ils venaient avec leurs qualités et leurs moindres qualités. Ceux qui avaient du retard, le metteur en scène les faisait travailler. Certains sont plus doués pour chanter que pour le théâtre et inversement. Le professeur de scène indiquait les déplacements, ce qu'ils devaient faire. Une fois que cette mise en place était établie, il parlait ensuite de l'expression théâtrale.

Au théâtre, d’après Sénéchal :

Il y avait des régisseurs qui faisaient répéter régulièrement le chanteur-acteur, pour qu'il poursuive ce qui avait été décidé au départ. Une mise en scène, ça se respecte, elle a des lignes, c'est comme un chemin qu'on doit poursuivre. Quelque fois, cela peut arriver qu'on puisse dévier; le régisseur était là pour remettre les pas du chanteur dans le droit chemin, qui avait été décidé.

Kolassi se rappelle de Grey, la mezzo grecque soulève ainsi la problématique des disques, qui transmettent uniquement le son de la voix, sans geste :

Elle était extraordinaire, surtout quand il y avait des textes plus ou moins comiques […]. C'était une grande interprète. Malheureusement, ses disques ne rendent pas ses grandes qualités, parce qu'elle avait la mimique. Quand elle chantait par exemple Les gros dindons, on les voyait défiler.

Walker nous parle d’un tout autre idéal, celui d’immobilité :

Déjà la verticalité: il n'y a rien de plus difficile que d'avoir une verticalité qui soit créatrice de stimulation propre à inciter une bonne coordination. Donc, dans l'idéal, c'est cette immobilité qui est tout sauf immobile. […]. Mais cette immobilité est une activité de pensée terrifiante. Je n'arrête pas de leur dire [aux étudiants] que ce n'est pas une question de position; une position c'est fixe, c'est mort. On

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18 aura tout le temps, quand on sera mort, de garder une position. Mais c'est de renouveler de l'intérieur par la pensée quelque chose qui doit être maintenu.

Formation des chanteurs en troupe

Sarroca reconnaît qu’elle a eu beaucoup de chance d’être formée dans une troupe: « Après les deux ans au Conservatoire, j'ai été engagée au Capitole de Toulouse, puis je partie un peu à droite et à gauche, à 21 ans ». Elle explique :

Je trouve malheureux qu'il n'y ait plus de troupes. Pendant sept ans, on faisait des rôles avec des chefs de chant magnifiques. On travaillait en scène, avec des chefs d'orchestre. Tout ça, c'est une expérience que les jeunes n'ont plus, hélas. C'est rare, les théâtres où il y a une troupe. Si on travaille en studio et qu'on n'expérimente pas en scène, cela ne sert pas à grand'chose. […] Par rapport à moi et à ceux qui ont débuté et ont été dans le bain tellement jeunes, ils travaillent tellement avant de commencer, ils sont tellement rodés et patinés que peut-être que ça perd le caractère, je ne sais pas.

Sarroca se rappelle de l’époque avant les metteurs en scène. Le « travail » de scène était fait avec les régisseurs au Capitole de Toulouse :

[…] un régisseur qui vous disait "vous entrez là, vous sortez là, vous revenez par là". Le personnage, si on est inspiré par le sujet, on est dedans quand-même. C'étaient des régisseurs qui vous mettaient en place. On répétait une semaine, pas trois.

Sarroca souligne que des troupes existent encore actuellement :

Je viens d'être invité au Théâtre Marinski St. Petersburg. J'ai assisté à Eugène Oniéguin, c'était la perfection vocale, scénique. Mise en scène vieillotte, je veux bien, cela aurait pu être un peu modernisé;

mais musicalement parfait, chef d'orchestre impeccable. J'ai passé une soirée absolument merveilleuse, tout était beau, équilibré. On m'a dit "C'est la troupe, nos chanteurs qui sont ici toute l'année". En France, on se plaint que l'opéra coûte cher: avec une troupe, il coûterait moins. […] Par définition, un jeune chanteur doit être épaulé par les aînés, et ainsi apprendre le métier. On ne peut pas faire autrement, c'est la transmission. Tout est là.

Sénéchal, qui a vécu ce même genre d’expérience, insiste également sur les avantages d’avoir une troupe habituée à travailler ensemble :

[troupe] Le travail en troupe est absolument nécessaire. Il est impossible d’exprimer un opéra dans sa totalité, quand on engage M. X de Londres, Mme Y de Moscou, Mme Z de Rome… comment voulez- vous qu'en arrivant quelques jours avant, ils expriment l’opéra. C’est le système des stars… On va maintenant à l’opéra pour écouter les stars et artistes qui a eu la plus belle publicité, comme un dentifrice… on veut connaître. Mais le travail artistique en profondeur est sacrifié.

Sénéchal nous parle de l’apprentissage par imitation :

On n'apprend pas le chant comme on apprend les mathématiques. C'est pour ça que le travail du professeur est difficile, tout est basé sur l’essence, le professeur travaille avec le corps de l’élève, et son esprit, et son intelligence. L’exemple est la manière de transmettre, l’art du chant nous est transmis par les maîtres, donc il faut montrer l’exemple. Il n’y a pas ou plus beaucoup de professeurs de chant qui montrent l’exemple, c'est très triste à dire. […] Mais comment voulez-vous que quelqu'un enseigne le chant s'il n'a pas chanté lui-même? Et je vais aller très loin: l'exécution du chant en public... il faut savoir ce que c'est que le public! Il faut avoir chanté dans une grande salle et avoir cette expérience pour pouvoir le transmettre.

Milieux didactique

Kolassi nous donne des détails de grand intérêt, au sujet de comment elle travaillait une partition :

Je lisais, pas seulement les textes que j'avais à chanter, mais par exemple, pour chanter les Trois chansons de Bilitis de Debussy, j'ai acheté le livre avec tous les poèmes, un autre recueil avec d'autres poèmes, toujours sur le même texte et encore je ne sais quoi. Vous comprenez, je n'ai jamais chanté quelque chose sans approfondir. La Chanson d'Eve, j'ai lu toute la correspondance de Fauré avec cette jeune fille qui lui avait inspiré cette musique. Plus le recueil de poèmes qui n'est pas de Fauré... donc je me documentais avant de chanter la moindre petite chose.

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19 Ainsi, pour présenter quelques pages de musique, il y avait une préparation importante, mais – Kolassi souligne – en « lecture silencieuse » :

Trois mélodies de Debussy: cent pages de littérature pour rentrer dans l'atmosphère. Mais je ne les ai jamais moi-même déclamés. C'était comme ça: je lisais les textes en silence, je m'imprégnais de cette atmosphère et après, tout de suite la musique, surtout avec ces compositeurs qui avaient donné une importance capitale au texte: Fauré, Debussy, Ravel. Voilà. Pour moi, ça c'est sublime.

Kolassi, qui ne parle pas l’allemand, n’a jamais aimé chanter du Schubert : « C'est pour ça qu'en général, Schubert, au bout d'un moment, ça m'ennuie. Il arrive que le texte devienne sérieux, et parfois dramatique. Ça ne fait rien: talala... vous comprenez? ». Kolassi nous explique encore sa préférence pour la musique française : « Ma spécialité était la musique française. Je ne suis pas de culture allemande. J'ai chanté des Schubert en me disant "Irma, ce n'est pas ton job". […] Les grands Lieder, Schubert: vous avez 6 ou 7 couplets et c'est toujours la même chose. Il n'y a pas moyen de changer, d'en faire une interprétation. Vous voyez? »

Répertoire

Sénéchal, dans son village natal, aborde non seulement le répertoire de musique d’église (à l’époque exclusivement en latin), mais les premières œuvres scéniques :

Nos activités de la petite chorale marchaient tellement bien que nous avons dépassé notre activité pure de chorale. On a monté, toujours grâce à Claude Dervieux qui était un homme passionné, des petits ouvrages d’Offenbach, de Monsigny, de Grétry, que nous donnions en représentation dans la salle paroissiale à Taverny.

Sarroca avant l’âge de 21 ans a étudié les « grands » opéras. Elle nous raconte comment son professeur à Toulouse lui fait chanter : « Quelques arie antiche, puis Salomé, les Werther, Carmen, Tosca, Aïda. J'ai commencé en chantant certains mezzos, à cheval avec les sopranes. » Contrairement à Kolassi, Sarroca a abordé très peu le répertoire de concert:

Très peu, parce que j'en ai une peur épouvantable. En concert, on est dénudé: pas de perruque, pas de costume on est soi. Au théâtre, on n'est pas soi, il y a l'autre qui vous protège, quand-même. Il faut défendre le personnage qui est là, et on oublie un peu qu'on est là. A Bruxelles, monsieur Mortier me faisait faire des petits concerts à midi. J'ai essayé, mais ça me terrorisait un peu. A mon époque, à moins d'être très performante, on faisait moins des concerts comme maintenant.

Les interviewés et leur expérience d’enseignement

Ni Kolassi, ni Sarroca ne m’ont beaucoup parlé de leur propre expérience d’enseignantes.

Cette dernière nous explique : « C'est un métier difficile et ingrat, on se sent une responsabilité. »

Néanmoins, Kolassi a contribué à la formation de la Callas : elle était son « chef de chant » au Conservatoire d’Athènes. Elle se rappelle:

Je travaillais à l'Opéra d'Athènes comme répétitrice. C'est ce qui fait dire que j'ai été professeur de la Callas. C'est archi faux. Evidemment, tout ce qu'elle a chanté à Athènes, j'étais répétitrice, on appelle ça chef de chant. Mais je ne lui ai pas donné de leçons de chant! Je suis devenue cheffe de chant et j'ai fait travailler la Callas. Je l'ai vue se battre avec la fille qui chantait Butterfly, (juste celle-là qui avait chanté avec moi) qui avait une très jolie voix, était une bonne artiste. Naturellement, la Callas ne supportait pas que l'autre joue Butterfly. Elles se sont disputées. Et la Callas, qui avait à l'époque un langage... mais je ne peux pas vous dire […]. Comment elle est devenue apparemment distinguée, chapeau! Ceci dit, ça a été une grande artiste, surtout une grande comédienne. Et elle a eu une période où elle a vraiment bien chanté.

La Callas avait travaillé avec Elvira de Hidalgo, professeur au Conservatoire d’Athènes.

Kolassi se rappelle bien de cette chanteuse, d’origine espagnole :

Elle était en Grèce, elle enseignait le chant au Conservatoire, et alors cette femme qui n'était pas particulièrement musicienne était un bon professeur. C'est elle qui a formé la voix de la Callas, parce

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