• Aucun résultat trouvé

Avec le changement de Couronne en 1763 prend fin la Guerre de sept ans (1756-1763) opposant les Empires français et britannique, la partie Nord-Est de la Nouvelle-France devenant la Province de Québec conquise en 1760 par les Britanniques. À cet événement succèdent des changements démographiques, économiques et culturels qui, avec l’introduction de l’imprimerie et de nouvelles institutions politiques puis l’influence des Révolutions américaine et française, stimuleront la réflexion sur une instruction primaire étendue à toute la population ainsi qu’une certaine remise en question de l’idéal pédagogique humaniste. En même temps, la supériorité numérique des Canadiens français ainsi que l’antériorité de leurs institutions sociales et de leur Église sur le territoire nouvellement conquis inciteront la Couronne britannique à préserver leur loyauté, ce qui aura des conséquences sur le développement du système scolaire public québécois. À compter de la Conquête britannique, le rapport de force politique et économique en faveur des conquérants rencontre la résistance du rapport de force démographique et pédagogique en faveur d’une partie des conquis, les Canadiens. Ces tensions contraignent au dialogue entre les groupes d’intérêts et à la prudence dans les interventions législatives et institutionnelles sur l’éducation.

La Guerre et le changement de couronne eux-mêmes affectent d’abord matériellement l’autorité pédagogique des congrégations religieuses ainsi que leurs effectifs. Des églises, des presbytères, le Séminaire de Québec et les couvents furent détruits ou endommagés, pour la liberté et la reconnaissance individuelle plus élevé que les enfants français de la même époque. Il est possible d’y voir l’influence amérindienne qui contrastait avec la conception traditionnelle de l’enfant en France de qui on exigeait beaucoup d’obéissance. Une éducation libérale explique peut-être la réputation des enfants canadiens d’être difficiles à instruire et peu portés vers les études. Le manque de professeurs compétents devait jouer également dans l’indocilité des élèves canadiens (MAGNUSON, 1992, p. 78-79).

172

tandis que le Collège des Jésuites à Québec ferma ses portes, en 1759 (VOISINE, 1971, p.

23, AUDET, 1951, p. 104-105). Puis les congrégations enseignantes masculines, coupées de

leur maison-mère en France, perdaient leur source de financement et de recrutement75. Les Sulpiciens de Montréal, dont la jeunesse les rendaient moins suspicieux aux yeux des Britanniques (MAGNUSON, 2005, p. 5) restaient liés à leur supérieur général de Paris et

s’efforçaient de conserver leurs biens au pays (LEMIEUX, 1989, p. 102). Un déséquilibre

déjà présent entre les formations scolaires offertes aux garçons76 et aux filles avant la Conquête77, s’accentua néanmoins, puisque les congrégations enseignantes féminines, dont les membres étaient majoritairement d’origine canadienne, étaient considérées comme plus fiables politiquement et purent poursuivre leur recrutement78. L’autorité pédagogique qui dominait l’instruction en Nouvelle-France ne fut pas détruite mais affaiblie en effectifs et en ressources matérielles. D’après Louis-Philippe Audet et Roger P. Magnuson, les petites écoles, dont le nombre ne dépassait probablement pas la trentaine à la veille de la Conquête, furent en revanche peu affectées par la guerre (AUDET, 1951, p. 104-105,

75 Trente ans après la Conquête, il ne restait plus que 146 prêtres pour 160 000 fidèles (AUDET, 1971a, p. 316-

317). D’après Roger Magnuson, ce chiffre est passé de 181 prêtes avant la Conquête à 115 en 1795, pour une population qui avait connu une explosion démographique, passant d’environ 60 000 en 1760 à 200 000 à la fin du siècle (MAGNUSON, 2005, p. 5, 7).

76 Les Jésuites furent particulièrement affaiblis à partir des années 1760 : leur Collège, le seul qui offrait

l’enseignement secondaire depuis 1635, avait été bombardé en 1759. Ce qui en restait était occupé par les militaires britanniques. Leur avenir d’ailleurs n’était pas plus prometteur sur le vieux continent puisque la France expulsait leur congrégation en 1762. En 1768, les Jésuites durent cesser toute activité d’enseignement, leur nombre déclinant et les militaires britanniques continuant d’occuper les deux tiers de leur bâtiment. Les Jésuites furent remplacés par les prêtres du Petit Séminaire de Québec, résidence convertie en école secondaire en 1765, et par un Sulpicien de Longue-Pointe près de Montréal, qui ouvrit un collège en 1767 pour le déplacer 6 ans plus tard dans le Château de Vaudreuil à Montréal sous le nom de Collège Saint- Raphaël (deviendra le Collège de Montréal en 1806). Ce dernier n’offrant que les premières années de l’enseignement secondaire, tout étudiant devait terminer son cycle d’étude au Petit Séminaire de Québec. Avant que les anglo-protestants n’aient leurs propres écoles secondaires en 1816, ils y envoyaient leurs enfants, qui y recevaient l’enseignement en français suivi d’un résumé en anglais, enseignement respectueux de leurs convictions religieuses (MAGNUSON, 2005, p. 9-10).

77 Les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame et les Ursulines tenaient un nombre d’écoles plus élevé que

les Jésuites et les Sulpiciens, soit au-delà de la dizaine pour les religieuses (à Québec et à Trois-Rivières), tandis que leurs homologues masculins n’en comptaient que trois ou quatre. (MAGNUSON, 2005, p. 2)

78 Aussi les congrégations féminines avaient-elles rendu d’importants services à l’armée britannique pendant

la guerre et sous le régime militaire. En 1791, le Quebec Almanach dénombrait parmi les éducateurs actifs 115 religieuses contre seulement 18 religieux. Plusieurs observateurs se surprenaient de l’apparence de cette supériorité en instruction, inégalité en faveur des hommes ailleurs. Les ressources en éducation demeuraient pourtant insuffisantes, le taux d’analphabétisme chez les Canadiens ayant augmenté, passant d’environ 57% dans la décennie 1750-1759 à 69% à la fin du siècle (MAGNUSON, 2005, p. 5-7).

MAGNUSON, 2005, p. 2), bien que l’affaiblissement des effectifs religieux masculins freina

la fondation de nouvelles écoles, alors que la population avait plus que doublé à la fin du siècle (MAGNUSON, 2005, p. 7).

L’introduction de l’imprimerie et de la presse en 1764 permettra ultérieurement la diffusion d’idées politiques et le développement de l’opinion publique79, ouvrant ainsi la possibilité pour les élites idéologiques (intellectuelles ou politiques) d’exprimer des états collectifs (besoins, sentiments, idées) justifiant des projets d’éducation. Le changement politique affecte très peu les cursus, méthodes et visées pédagogique en usage comme le laisse supposer l’histoire des changements pédagogiques qui surviennent dans les collèges canadiens-français du XVIIIe au XXe siècles, hormis l’introduction de l’anglais à partir de 1780 dans certaines classes ou certaines matières enseignées dans les collèges de Montréal et de Québec (GALARNEAU, 1978, p. 176). Parallèlement à cette situation, les immigrants

en provenance de la Nouvelle-Angleterre manifestent un véritable « engouement » pour la scolarisation : la Nouvelle-Écosse adopta dès 1766 une loi scolaire tandis que les anglophones du Québec envoient des pétitions. Une demi-douzaine d’écoles privées anglaises sont créées à Montréal, Québec et Trois-Rivières (CHARLAND, 2000, p. 14).

Malgré le changement de couronne et les instructions officielles, les nouveaux sujets furent temporairement à l’abri d’un projet d’assimilation aux nouvelles lois et à la nouvelle culture. Pour ce qui concerne les Canadiens, il semblait sage au gouverneur James Murray d’ajourner leur assimilation religieuse et linguistique par l’intermédiaire des écoles et l’application des lois anglaises : ces nouveaux sujets étaient en avantage numérique sur les Britanniques, dont l’immigration était encore timide, ils étaient majoritairement établis en milieu rural et donc séparés géographiquement de Québec et de Montréal où s’établissaient

79 D’abord adaptée à la vie politique (publications gouvernementales incluant proclamations, documents de la

milice, de la Chambre d’assemblée, du Conseil législatif, règlements de police, de ville ou de port), religieuse (livres de prières, mandements, sermons, catéchismes) et civile (catalogues commerciaux, comptes rendus de procès, almanachs et calendriers, « étrennes » annuelles du porteur de journaux, poèmes, abécédaires, livres de classes) à ses débuts, la presse contribue de plus en plus à la formation de l’opinion publique (LAMONDE, 2000, p. 72-73). Sous le régime français, les écrits sur la Nouvelle-France étaient destinés au lectorat français. Désormais, une vie littéraire spécifiquement canadienne commençait à prendre forme, les écrits sur le Canada ou le Québec s’adressant à la population coloniale. Après l’introduction d’une Chambre d’assemblée, la diffusion de textes politiques contribuera au développement d’un sentiment nationaliste chez

174

les anciens sujets et leurs institutions, et leur soumission et allégeance politique, après des années de guerre, n’étaient pas garanties (VOISINE, 1971, p. 25, DICKINSON et YONG, 2003,

p. 74-75). Le gouverneur adopta donc une politique de compromis et de tolérance envers les Catholiques et les seigneurs francophones. Si les Canadiens se voyaient obligés de passer le serment du Test pour accéder au Conseil législatif, exécutif et judiciaire ainsi qu’aux plus hautes fonctions publiques, cette obligation ne s’applique pas à certaines fonctions. L’Acte de Québec de 1774 remplaça le serment du test par un serment d’allégeance « sans référence religieuse » (BLAIS, GALLICHAN, LEMIEUX et SAINT-PIERRE,

2008, p. 156 et 174). Les Canadiens continueront donc de pratiquer leur religion, avec la reconnaissance de l’Église catholique, et de vivre en seigneurie, ils conserveront le droit de propriété, jouiront de l’égalité en matière de commerce et observeront les lois françaises, droits qui seront officiellement reconnus dans l’Acte de Québec de 1774 (LAPORTE et

LEFEBVRE, 1995, p. 70-71, WYNN, 1990, p. 225).

Pour ce qui est des Amérindiens, les traités avec le gouvernement britannique leur garantiront la possession de leurs terres et le libre exercice de leurs religions. L’Acte de Québec de 1774 n’abroge d’ailleurs pas ces traités80. L’armée sera quant à elle chargée des « affaires indiennes » de 1763 à 1830 (MCCUE, 2011). Des projets missionnaires

protestants de la Nouvelle-Angleterre, semblables à ceux des premiers missionnaires catholiques, visant à contrer le catholicisme et à « civiliser » les Indiens, seront à l’origine de la fondation d’écoles que fréquenteront des Amérindiens du Québec avant 1791. Jean- Pierre Sawaya a étudié la fondation du Dartmouth college en 1769 au New Hampshire par le ministre protestant Eleazar Wheelock, de la Nouvelle-Angleterre. Ce collège, une école secondaire gratuite, qui enseigne l’arithmétique, la géométrie, la géographie, la grammaire,

les Canadiens francophones, d’autant plus que des lectures publiques étaient faites aux analphabètes (BIRON, DUMONT et NARDOUT-LAFARGE, 2007).

80 Lors du traité de Montréal avant la reddition de Montréal, les représentants de neuf nations viennent pour

signer un traité de neutralité avec les généraux Amherst et Johnson : la Grande-Bretagne garantit la possession de leurs terres et le libre exercice de leur religion. Le 5 septembre, à Longueuil, le traité entre les Hurons de Lorette et le Général Murray garantit aux premiers le libre exercice de la religion, de leurs coutumes et du commerce avec les garnisons anglaises. Même chose dans l’article 40 de l’acte de la capitulation de Montréal sur les Amérindiens alliés des Français : liberté de religion et maintien sur leur territoire ; mêmes dispositions dans le traité avec les nations des Grands Lacs, au cœur du réseau d’alliance

l’alphabet anglais, la littérature grecque et latine ainsi qu’un catéchisme protestant, est situé à proximité de la frontière avec le Québec afin d’y diffuser le protestantisme. Il intègre la

Moor’s Indian Charity School, une « école résidentielle et industrielle » devant préparer les

Indiens aux « études supérieures » (SAWAYA, 2010, p. 28-30). Le Grand Conseil des Sept-

Nations, composé d’Iroquois liés par la parenté et l’histoire aux anglo-protestants de la Nouvelle-Angleterre, soutient le fondateur. Le projet protestant d’évangélisation, « de déculturation et d’enculturation de la jeunesse amérindienne » (SAWAYA, 2010, p. 20)

réussit modestement : deux diplômés fonderont entre autres des écoles dans leur village. Louis Vincent81 en fonde une à Lorette au début des années 1790 pour préparer de jeunes Hurons à entrer au Petit Séminaire de Québec, François Annance en fonde une à Odanak en 1803. Ces écoles furent largement fréquentées, ce qui met en évidence les initiatives de scolarisation peu connues provenant des autochtones et se poursuivant au XIXe siècle (CHAURETTE, 2009 p. 27).

Au lendemain de la Révolution américaine, l’immigration de commerçants américains et britanniques, déjà intégrés dans des réseaux familiaux et commerçants et favorisés financièrement, ainsi que le regroupement de commerçants autour de la Compagnie du Nord Ouest, encouragèrent l’accroissement d’une élite commerciale anglophone, qui se poursuivit avec la persistance de l’immigration et l’essor du commerce du bois d’œuvre après 1800 (DICKINSON et YOUNG, 2003). D’après Dickinson et Young, l’intégration du

Canada à l’Empire britannique et l’augmentation constante de sa population profita également au clergé et à la bourgeoisie francophone, marchande ou professionnelle, qui virent leurs revenus augmenter (DICKINSON et YOUNG, 2003, p. 74). Le développement

économique et les inégalités d’intégration à l’économie atlantique en faveur des paysans près de Montréal contribuèrent à diversifier les classes populaires : aux artisans des villes vinrent se joindre les journaliers tandis que les paysans moins prospères ou moins intégrés se mirent à chercher du travail (DICKINSON et YOUNG, 2003, p. 73-74).

des Français, en été 1761. Aucune clause sur les Autochtones n’apparaît dans le traité de Paris (DELÂGE, 1994, p. 48-49)

81 Vincent est présenté à Georges Washington comme preuve de la réussite de la transformation culturelle des

Indiens, ce qui incitera ce dernier à confier le patronage du collège à Benjamin Franklin, « dans les intérêts de la colonisation et de l’expansion nationale » (SAWAYA, 2010, p. 32).

176

Malgré la pression pour une diversification scolaire que suscite l’accroissement de la population et la diversification économique, l’offre éducative tardait à augmenter. Les protestants anglophones durent pendant plusieurs décennies soit envoyer leurs enfants dans des collèges et universités américaines, parfois anglaises, soit les envoyer dans les institutions catholiques francophones du Québec, d’ailleurs disposées à fournir un enseignement respectueux de leurs convictions religieuses et en partie dans leur langue. Le nombre d’écoles primaires diminua et l’offre éducative de niveau secondaire ne suivait pas le rythme de la croissance démographique ni celui de la diversification des classes sociales chez les francophones et les anglophones. Comme cela était d’usage, les protestants durent compter sur les initiatives privées pour fonder des écoles primaires et secondaires, le gouvernement n’intervenant que très peu82.

Vers 1790, le gouvernement britannique n’accordait de subsides qu’à quatre maîtres protestants dans toute la colonie. Pourtant, à la même époque, leur situation scolaire était bien meilleure que celle des Canadiens, ces derniers n’ayant vraisemblablement qu’une quarantaine d’écoles pour 160 000 habitants alors que les protestants en comptaient dix- sept pour 10 000 habitants (AUDET, 1971a, p. 325). En partie à cause des privilèges

économiques et politiques dont elle bénéficia sous le régime militaire (1760-1764), en partie grâce à sa forte tendance à s’établir en milieu urbain, la population anglaise arrivait plus facilement à se mobiliser pour fonder des écoles et disposait de plus de ressources. Mais surtout, la pratique religieuse protestante accordait beaucoup d’importance à la généralisation de la lecture et de l’écriture, la culture de la foi reposant sur la connaissance personnelle des Saintes-écritures, ce qui favorisait la scolarisation (MAGNUSON, 2005, p.

10). Grâce à leur concentration géographique, leur condition économique et aux prescriptions religieuses qui étaient les leurs, les anglophones qui s’établirent au Canada furent plus prompts à fonder des écoles pour instruire leurs enfants que les Canadiens, dont

82 Dans les Cantons de l’Est, la plupart des enfants des immigrants américains fréquentent une école où

enseignent de jeunes femmes, instruites et plus disponibles que leurs frères engagés dans les multiples travaux de la ferme. Elles continuent une fois mariées. La fréquentation de ces écoles obéit aux cycles saisonniers d’exploitation agricole, introduisant une pause dans une journée remplie de corvées variées, diminuant en été et augmentant en hiver (MACLEOD et POUTANEN, 2004, p. 32).

l’élite religieuse et aristocratique avait été en partie décimée, et qui avaient essuyé plusieurs pertes pendant la Guerre de Conquête de 1754-1760.

Dès les débuts du régime britannique, les marchands britanniques du Québec revendiquent les lois et institutions anglaises. La menace révolutionnaire retient la Couronne d’accorder plus d’autonomie politique : l’agitation révolutionnaire des colonies voisines au sud, le poids démographique des Canadiens attachés à leur religion et à la loi civile française, la crainte d’encourager l’insubordination des sujets et « d’opposer les Britanniques et les Canadiens » incitent le gouverneur Carleton et les parlementaires britanniques à maintenir dans l’Acte de Québec de 1774 le droit civil français tout en écartant l’idée d’une Chambre élue propre à la colonie (BLAIS, GALLICHAN, LEMIEUX et SAINT-PIERRE, 2008, p. 171). Au

fil des années qui suivirent, plusieurs facteurs incitèrent Londres à adopter une nouvelle constitution pour sa colonie en plus des demandes répétées de plusieurs Canadiens et Britanniques pour accorder plus d’autonomie politique : l’influence des révolutions américaine et française, les sollicitations américaines pour une annexion aux États-Unis et l’allégement fiscal important que représenterait pour la métropole l’instauration d’une Chambre d’assemblée avec pouvoir de taxation dans la colonie. Au contexte politique et idéologique qui rendait insoutenable toute absence de démocratie se joignaient donc les intérêts économiques de la métropole. Avec l’Acte constitutionnel de 1791 établissant une Chambre d’assemblée dans les deux nouvelles divisions qu’étaient devenues le Bas et le Haut-Canada, les deux provinces pouvaient maintenant légiférer en matière d’éducation, mais l’Assemblée bas-canadienne essuya plusieurs échecs dans ses tentatives de faire adopter des lois éducatives jusqu’à la fin du siècle (LAMONDE, 2000). Après un houleux

débat dans les tout premiers temps du Parlement, une loi qui reconnaît à tous le droit de s’exprimer et de consulter les « motions » et projets dans sa langue est votée le 23 janvier 1793, ce qui aura pour conséquence de laisser une grande place à la langue française à cause du poids numérique des francophones83.

De 1760 à 1800, les sujets britanniques ne purent pas compter sur une aide de l’État pour instruire leurs enfants, cela étant traditionnellement laissé aux Églises et aux initiatives

178

privées. Insatisfaits devant le peu de ressources en éducation et quelque peu influencés par les idées des Lumières brièvement propagées et débattus dans la Gazette (CURTIS, 2012, p.

33-34), de plus en plus de citoyens demandèrent une plus grande intervention de la part de l’État. Dès 1770, plusieurs membres de l’élite supplièrent sans succès le gouverneur de pallier à ces difficultés par la rétrocession des biens des Jésuites aux fins d’enseignement, le rétablissement du Collège des Jésuites et la venue de professeurs français (AUDET, 1971a,

p. 323). Les idéaux pédagogiques catholiques et classiques français continuaient de s’exprimer dans les institutions d’enseignement en exercice.

La présence et la pression des Britanniques pour plus de ressources scolaires devaient influencer ces idéaux d’origine. En même temps, malgré la faible scolarisation des Canadiens et l’affaiblissement des congrégations religieuses enseignantes, l’antériorité des institutions d’enseignement de la communauté culturelle conquise sur les nouvelles incita les conquérants à les prendre en compte dans leur volonté d’augmenter le nombre d’établissements d’enseignements et dans la mise en place ultérieure des structures d’un système d’instruction publique. De toute façon, les élites libérales des deux communautés culturelles adhéraient à la conviction générale qu’il fallait améliorer l’accès de toutes les classes sociales à l’instruction, quelles que soient leurs sentiments identitaires. Nous ignorons cependant quelle était la conception de l’autorité pédagogique et de la société politique propre aux autochtones.