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Application à l’étude des idéaux pédagogiques bas-canadiens et québécois

Cette thèse reprend les deux premières démarches de Durkheim, la recherche explicative et la recherche interprétative, mais sans engagement dans une « foi pédagogique », ce qui déborderait les objectifs d’une thèse de doctorat. Nous demeurons cependant convaincue comme Durkheim que le sociologue peut aider une société à prendre conscience de ses « états » collectifs pour l’aider à choisir des moyens d’action qui y seraient conformes, du moins temporairement.

Pour saisir et comprendre les idéaux pédagogiques bas-canadiens, nous essayons d’abord d’identifier ce qui fut marquant tout au long de la période étudié, soit la détermination de l’autorité sur l’éducation et l’articulation entre l’enseignement classique et la préparation aux occupations futures (à l’intérieur de l’école ou dans d’autres milieux). Nous cherchons ensuite les conditions de développement de l’instruction bas-canadienne, ce qui nous ramène à l’origine de l’implantation d’institutions scolaires catholiques et françaises en

Nouvelle-France, avec les intentions qui orientaient leurs missions à l’égard des Autochtones et des colons. La prise en compte des changements constitutionnels sert ensuite à découper les périodes étudiées, puisqu’ils furent étroitement liés à l’autorité sur l’éducation. Il faut donc examiner comment la Conquête britannique et l’immigration anglophone qui suivirent bouleversèrent ces institutions tout en introduisant, pour reprendre l’expression de Durkheim, de nouveaux matériaux de changements, avec de nouvelles traditions et de nouvelles intentions affectant l’éducation de l’ensemble des sujets britanniques de la Province de Québec puis du Bas-Canada. Les institutions politiques favorisant le dialogue entre les anciens et les nouveaux sujets britanniques, les Canadiens, il importe pour saisir un idéal pédagogique spécifiquement bas-canadien d’étudier les lois scolaires qui y furent élaborées. L’Acte d’Union puis la constitution de 1867 modifieront à nouveau l’autorité supérieure sur le système d’instruction.

En l’absence de théorie pédagogique bas-canadienne générale et originale de 1789 à 1875 autre que des manuels et des traités appliqués à certaines matières, d’autres lieux d’expression, tels des articles, des discours et les circulaires du surintendant permettent de saisir certaines expressions des idéaux pédagogiques bas-canadiens en formation.

La situation politique et économique de la province en tant que colonie nord-américaine intervient dans l’interprétation des besoins éducatifs de la province. Par exemple, dans ses articles et ses discours, Étienne Parent a formulé une réinterprétation du rôle des anciens collèges classiques alors qu’on sentait en même temps le besoin d’offrir une meilleure formation professionnelle dans une société dont on encourageait l’industrialisation. Les anciennes institutions d’enseignement et celles à instaurer devaient servir son projet d’assurer la survie de la nation canadienne-française en la faisant participer honorablement à la vie économique et politique de la province et de l’Amérique du Nord, idéalement comme société politique autonome et moderne. Cette vocation que Parent envisageait pour l’enseignement classique n’est pas très éloignée de celle du Rapport Parent dans les années 1960 au Québec. Sauf que dans les années 1960, il semblait aux progressistes que la modernisation de la société québécoise, que l’on voulait démocratique et industrielle, devait passer par le rejet de la pédagogie traditionnelle dans ses contenus et ses méthodes

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(PARENT, 1964, p. 4-16, 235)18. Cela est probablement lié au fait qu’entre-temps, l’idéal

clérico-nationaliste avait fait des collèges classiques les porteurs d’une mission spirituelle des Canadiens français en Amérique du Nord par leur attachement au « génie français » (GROULX, 1931), participant d’un traditionalisme, ou d’un conservatisme (POMEYROLS,

1996, MARTINEAU et GAUTHIER, 2003, DASSYLVA, 2009) avec lequel voulaient rompre les

Québécois progressistes pendant la Révolution tranquille. Pour Étienne Parent au contraire, la mission des collèges classiques pouvait se traduire en une forme particulière d’américanité et de modernité, puisqu’elle pouvait se moderniser dans sa pédagogie et ses matières sans renier son héritage classique.

Des pédagogies élaborées par des étrangers furent appliquées au Bas-Canada. L’influence de Jean-Baptiste de La Salle, fondateur de l’Institut des Frères des écoles chrétiennes en France, a probablement marqué l’enseignement primaire à partir du début du XVIIIe siècle en Nouvelle-France (MAGNUSON, 1992). Au XIXe siècle, sa pédagogie offrait une solution

à des problèmes récurrents dans l’organisation scolaire pour la formation des maîtres et

18 Les collèges classiques seront remplacés par des écoles secondaires et collégiales (pré-universitaires)

privées, et les matières classiques seront définitivement abandonnées dans le secteur public au profit d’un enseignement entièrement moderne (langue maternelle et langue seconde, soit le français ou l’anglais dans les deux cas, les mathématiques, les sciences et l’histoire). La lecture du Rapport Parent montre une nette volonté de rupture avec l’ancien système d’éducation et avec l’idéologie qui le supportait, par exemple dans cette analyse de l’ancienne moralité, comparée à la morale idéalisée d’une participation sociale sincère :

« Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on passe d’une morale civique basée sur le code des interdictions et sur la primauté des intérêts particuliers à une morale civique de la participation positive et réfléchie de chacune des personnes et de chacun des organismes au bien de tous, participation sans tricheries, sans subterfuges pour contourner les lois, dans une loyauté lucide, vraiment généreuse, dans une adhésion véritable aux valeurs proprement sociales. » (PARENT, 1964, p. 235)

Dans ce rapport, des éducateurs laïques et religieux, des sociologues, des représentants de l’industrie, affirment explicitement leur adhésion à tout un ensemble de valeurs progressistes, concernant à la fois l’individu, la société québécoise et une participation active au monde moderne. Elles sont invoquées pour justifier les nouvelles structures, les nouvelles matières, les nouvelles méthodes pédagogiques. Les données de la psychologie et des sciences sociales définissent la nouvelle pédagogie, centrée sur l’enfant et se réfère abondamment à des non-catholiques comme Rousseau, Piaget, Montessori : on réaffirme la spécificité psychique de l’enfance et on désire adapter l’enseignement à ce constat (PARENT, 1964, p. 4-8). Il faut recourir à des méthodes actives, introduire des matières modernes préparant à la vie comme l’éducation physique, l’éducation familiale, la cinématographie, (PARENT, 1964. p. 11-13). La société industrielle et démocratique, dans laquelle seul l’État peut garantir la liberté et l’égalité dans l’enseignement tout en empêchant l’asservissement des individus, est réaffirmée comme référence collective (PARENT, 1966, p. 5, 6, 12-15) : « L’État présente […] cette double particularité d’être responsable du bien commun le plus étendu, celui de la société dans sa totalité, et en même temps d’être le protecteur et le garant des droits et privilèges de chaque citoyen. » (PARENT, 1966, p. 16).

l’enseignement peu coûteux dans de grands groupes. Elle fut intentionnellement introduite au Bas-Canada, après les démarches de l’évêque Lartigue et du supérieur des Sulpiciens de Montréal, dès l’arrivée de France des premiers frères de cet Institut en 1837 (VOISINE,

1987). Ils arrivent l’année suivant le rejet de la méthode de Lancaster (décrite dans le chapitre IV) par le préfet du Petit Séminaire d’origine américaine, John Holmes. Ce dernier conseilla ce rejet après un voyage aux États-Unis et en Europe, où la méthode était discréditée (CURTIS, 2012).

L’arrivée de premiers représentants de congrégations françaises en 1837, ajoutée à la nouvelle situation politique engendrée par l’Acte d’Union des deux Canadas modifiant le rapport démographique entre les francophones et les anglophones en faveur de ces derniers, ajoutent de nouveaux « matériaux de changement », selon l’expression durkheimienne, à l’expérience d’administration scolaire acquise après l’essai des premières lois organisant un système scolaire (DUFOUR, 1996). C’est à ce moment qu’intervient l’interprétation des

besoins et des solutions proposées par des représentants de la Couronne britannique, avec lesquels dialoguent des Bas-Canadiens dans des journaux ou des traités de pédagogie, ainsi que les circulaires du Surintendant. L’analyse de leurs discours a d’abord consisté à rechercher le sens de chacun de ces documents pris isolément, pour ensuite dégager des constantes et des différences, à la lumière de l’idéaltype dégagé au chapitre II, mettant en évidence l’influence persistante de l’idéal pédagogique moderne chez des libéraux canadiens-français aussi bien que britanniques.

Les lois avant 1841 et entre 1841 et 1875 constituent un matériau révélateur de la façon dont se traduisaient politiquement les aspirations pédagogiques de l’époque, plus particulièrement en ce qui concerne la détermination de l’autorité sur l’instruction. Cette autorité est différente de celle qu’exerce directement le maître, ce qui d’ailleurs compliqua la légitimité du projet d’instruction publique comme le montre la deuxième partie de la thèse. La désignation d’une autorité sur tout le système scolaire demeure néanmoins une forme de pratique pédagogique même si elle s’applique à large échelle. Les lois, en désignant les différentes autorités et en décrivant leurs pouvoirs et leurs responsabilités, constituent une source d’information pertinente sur un certain type d’aspirations

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collectives, en ce qu’elles semblaient enregistrer ce qui paraissait légitime aux yeux des citoyens et de leurs représentants politiques, tout en demeurant perméables aux pressions des acteurs et des groupes les plus influents. Si elles intègrent une vision collective des rapports politiques entre les groupes sociaux et les institutions politiques, elles contribuent à leur tour à les structurer.

La méthode idéaltypique, utilisée pour saisir des idéaux pédagogiques bas-canadiens et voir en quoi les lois scolaires répondaient ou non à des visées transcendantes, est rappelée ci- dessous.

Weber

Weber se pencha indirectement sur l’éducation dans L’éthique protestante et l’esprit du

capitalisme, en analysant le rôle des programmes de réforme sociale des protestants dans le

développement de l’esprit capitaliste : on peut voir l’intention de transformer le rapport à la richesse et au travail comme un idéal pédagogique, c’est-à-dire un idéal d’homme à former. Cette étude s’inscrit dans son projet de sociologie des religions. Voulant vérifier l’hypothèse émise dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme d’un lien de causalité entre des croyances religieuses et « l’apparition d’une mentalité économique », Weber entreprend une sociologie comparative des grandes religions comme mode d’expérimentation scientifique (HIRSCHHORN, 1988, p. 49).

Son étude apporte des éléments supplémentaires dans la compréhension du sens de l’idéal que Durkheim désignait par le terme de « pédagogie réaliste ». Elle insiste sur le besoin spirituel que devait satisfaire la réforme sociale protestante, ou l’idéal moral de la pédagogie réaliste, celui de mener une vie terrestre exemplaire dans le but d’accéder au salut dans l’au-delà. Tandis que Durkheim identifiait des traits de l’esprit intellectuel et moral français, Weber éclaire plutôt le rapport de l’homme moderne à la vie économique. C’est la similarité du thème étudié avec celui de l’histoire de l’éducation, comme l’a mise en évidence Nathalie Bulle, qui justifie de porter attention à sa méthode de sociologie historique. Sa sociologie historique, explicitement interprétative, s’appuie sur la recherche

de relations entre des éléments de la réalité sociale, à partir de laquelle dégager un concept, soit la construction d’un idéaltype, sorte de réduction de la réalité en ces éléments essentiels, et sur la recherche de sens pour les acteurs, soit sur les motifs qui les guident. Laurent Fleury découpe didactiquement la méthode de Weber en trois étapes : la compréhension, qui s’interroge sur le sens que l’individu attribue à une action sociale (motif traditionnel, affectif, rationnel en valeur ou rationnel en finalité), l’interprétation de la réalité à partir de l’idéaltype, puis l’explication dans la recherche des causes d’un phénomène. Le travail de recherche obéit à deux principes : la neutralité axiologique et le rapport aux valeurs comme instrument de sélection des faits (FLEURY, 2001, p. 21). Ces

balises posées, la section qui suit les explore davantage dans les écrits de Weber lui-même. Dans son article sur « L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales » paru en 1904 dans la revue Archiv, Weber expose sa méthodologie pour constituer l’idéaltype, qu’il présente comme une construction conceptuelle rigoureuse servant à jeter de la clarté sur la réalité sociale et historique, qui est infiniment riche (WEBER, 1992, p. 177). Il y clarifie deux spécificités des sciences de la culture. D’abord les

caractéristiques des connaissances qu’elles produisent : non exhaustivité, intimement liées à la curiosité du chercheur et à leur sens pour lui, expliquées par des relations qui lui paraissent plausibles. La subjectivité du chercheur sert de guide dans cet océan de faits et dans la construction intellectuelle à laquelle il procédera : la production de concepts est également liée à leur intelligibilité pour le chercheur et joue un rôle central dans la production des sciences de la culture. L’examen de cette méthodologie précèdera l’exposé des résultats de connaissance proposés dans L’éthique protestante et l’esprit du

capitalisme.

Le but de ce que Weber appelle les « sciences de la culture » étant l’effort de connaître « la signification culturelle des phénomènes de la vie » (WEBER, 1992, p. 154), les capacités

intuitives et interprétatives du chercheur sont essentielles. Il ne peut les exploiter qu’à deux conditions : 1) il doit avoir conscience des rapports qu’il a lui-même établis avec la réalité complexe, 2) il doit reconnaître l’impossibilité d’en rendre compte de façon exhaustive. En effet, le chercheur aura pu sélectionner au départ des éléments de la réalité grâce à la

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signification qu’il leur attribue, en s’appuyant sur ses présuppositions de départ. Par la suite, il les étudiera suivant son rapport à ses propres « idées de valeur » : sa curiosité et son interprétation continueront de le guider dans sa recherche explicative et sa reconstitution compréhensive (WEBER, 1992, p. 154-155). Le caractère infini de la réalité sociale oblige

l’historien à recourir à ce moyen de sélection. Pour Weber, l’historicité d’un phénomène que l’on cherche à connaître provient justement du fait qu’il soit « significatif dans sa singularité ». Il n’est historique que parce qu’on s’y intéresse. D’ailleurs, seule une infime partie de « la multitude infinie de phénomènes possède une signification », d’où l’aspect inépuisable de la recherche historique, d’un historien à l’autre et au fil des générations. De même seuls les phénomènes ayant une signification peuvent faire l’objet d’une explication causale, l’exhaustivité étant là aussi impossible. La signification générale pour la culture des phénomènes singuliers demeure le seul objet de l’explication causale. La recherche de la causalité étant liée à une sélection de phénomènes déterminée par leur signification ne peut donc que reposer sur des connexions causales concrètes, entre un nombre restreint d’éléments. Cela doit faire sens pour le chercheur (WEBER, 1992, p. 156-157). La

subjectivité est toujours à l’œuvre chez l’historien au moment de la sélection, de la formulation d’hypothèses et dans la construction de la démonstration.

Cette insistance sur la nécessaire subjectivité de l’historien est un préalable à l’invocation d’une objectivité. Elle repose sur les intuitions et observations concrètes du savant et sur ses propres constructions intellectuelles. Incontournable lors de la sélection et comme outil d’interprétation, l’action de la subjectivité du chercheur ne doit pas inclure, prévient Weber, le jugement de valeur. Il doit au contraire observer au cours de l’analyse une « neutralité axiologique » puisqu’il prétend à la vérité scientifique, déterminée par les normes de la pensée reconnues comme valables par lui et par tous ceux « qui veulent la vérité », c’est-à- dire les autres scientifiques ou ceux qui cherchent des éclaircissements en se tournant vers les réponses apportées par la science (WEBER, 1992, p. 164). Sur cette dimension de la

pratique sociologique, il semble ainsi s’opposer à Durkheim quand ce dernier portait ouvertement des jugements moraux sur les conséquences de choix pédagogiques. Pourtant Weber prévient lui-même, comme nous le verrons plus loin, à la toute fin de son analyse,

contre les effets moraux de l’esprit capitaliste, ce qui peut s’apparenter à un jugement de valeurs. Nous suggérons d’y voir plus précisément un jugement moral émis à la lumière d’un savoir sociologique, jugement qui demeure en fait l’extrapolation de conséquences des phénomènes qu’il aperçoit, et qui semblent inquiétantes au commun des mortels comme au sociologue.

Comme outil d’interprétation de la réalité sociale, Weber recommande la construction d’idéauxtypes. Weber désigne ainsi le tableau d’idées, ou de pensée, obtenu par l’observation d’événements multiples en différents lieux et différentes époques et dont les traits ont été accentués pour repérer une individualité historique, qu’elle soit une chose, un être, un mouvement, un peuple, etc. (WEBER, 1992, p. 171-172, ISAMBERT, 1996, p. 3).

L’impulsion de départ provient d’une intuition du savant, ou du constat qu’il a fait de l’action de certaines relations dans la réalité. Cela le conduit à se les représenter de façon intuitive ou pragmatique, dans la mesure où cela fait sens pour lui, et d’après un idéaltype avec lequel il compose une certaine « idée de la réalité » qui le guide dans « l’élaboration des hypothèses » (WEBER, 1992, p. 172). Le tableau obtenu sert d’outil de comparaison

avec la réalité (WEBER, 1992, p. 173). On en arrive à une « idée » du grand phénomène

historique étudié, par exemple « l’idée de la civilisation capitaliste » (WEBER, 1992, p.

174). Weber insiste sur le caractère utilitaire de la construction idéaltypique, qui demeure au même titre que l’élaboration de lois un moyen de la connaissance et non pas un but. Elle aide la recherche des « relations entre les phénomènes concrets de la culture » qui paraissent logiques à l’imagination du savant, ou, dit plus simplement, les relations entre les éléments essentiels d’un phénomène. Elle permet d’en évaluer la « conditionalité causale » et d’en saisir la « signification ». En somme, cette méthode est la seule dont dispose l’historien de recourir rigoureusement à des concepts, abstraction nécessaire dès qu’il désire dépasser « la constatation de relations concrètes pour déterminer la

signification culturelle d’un événement singulier » (WEBER, 1992, p. 175).

Weber prévient contre la confusion qui pourrait survenir entre les termes d’ « idéaltype » et une variété d’utilisations du mot « idée » ou « idéal », dont celles qui réfèrent aux idées dominantes d’une époque comme dans la présente thèse et qui sont étudiées par l’histoire

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des idées. Pour saisir ces idées rigoureusement, Weber recommande encore la construction idéaltypique en raison de leurs expressions variées chez un nombre de personnes indéterminé (WEBER, 1992, p. 179-180). Cette construction est d’autant plus utile que

malgré la variété d’expressions empiriquement observées suivant des nuances incalculables, une idée originelle peut avoir eu une action historique même quand ses principes fondateurs ou sa structure logique ont été oubliés ou demeurent inconscients, en raison des pensées ou associations d’idées influençant les conduites qui peuvent en être la conséquence (WEBER, 1992, p. 181). Une autre des confusions relevées s’observe dans le

travail théorique auquel mène la construction idéaltypique. Le type de concept élaboré par une construction idéaltypique diffère de la construction de « concepts génériques », qui consiste simplement à repérer la somme des points communs à plusieurs phénomènes empiriques du même type et à les rassembler. La construction idéaltype mène plutôt à la construction de concepts « génétiques », dont le but est de saisir la signification culturelle des relations historiques observées (WEBER, 1992, p. 186).

Dans ses conseils méthodologiques aux praticiens des sciences de la culture, Weber circonscrit les attentes du savant à l’égard des résultats de la recherche en même temps qu’il impose des critères pour les reconnaître comme des connaissances objectives.

D’un côté il limite les attentes du savant. L’exhaustivité de la connaissance des phénomènes culturels est impossible. Cette connaissance passe immanquablement par une sélection des phénomènes et des relations par le savant lui-même, parmi celles qui sont significatives conformément à ses propres idées de valeurs. Le savant doit en conséquence admettre une objectivité toute relative, puisqu’il doit compter sur ses présupposés de départ et son imagination lorsqu’il évalue des relations concrètes qui lui paraissent plausibles. Une fois posées ces conditions de la connaissance scientifique de la culture, Weber explicite l’utilisation d’un outil qu’il juge essentiel dans le travail des historiens pour saisir la réalité sociale, soit la construction idéaltypique de concepts avec lesquelles la réalité est comparée. Ce faisant, Weber identifie des critères pour atteindre le degré d’objectivité propre aux