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Le caractère vectoriel du symbole

Dans le document L'incréé chez Maître Eckhart (Page 103-109)

1°) La dimension métaphorique des textes

1.1 Le caractère vectoriel du symbole

La notion d’incréé se prête particulièrement bien à ce travail métaphorique dans la mesure même où elle échappe aux appréhensions premières. Ainsi « le caractère vectoriel du symbole », tel qu’en parle Jean Ladrière s’adapte bien à la notion d’incréé : il s’agit davantage de faire signe vers une réalité inédite que de tenter de la décrire et d’en dégager les caractéristiques propres. Mais Eckhart ne confère-t-il pas à l’incréé plus qu’un « caractère vectoriel de symbole » ?

Le Thuringien introduit donc dans le discours métaphorique, cette veine mystique, part d’indicible où l’ungeschaffen trouve un terrain propre à sa modalité expressive. Qu’il s’agisse de l’incréé de Dieu ou de l’incréé de l’âme, Eckhart retrouve le mode d’expression des mystiques, et donc quelque chose de l’ordre de la transgression. Et celle-ci se lit d’abord dans les contradictions qui émaillent ses textes : « Plus l’homme est pauvre en esprit, plus il

276 La métaphore permettant ainsi en quelque sorte de faire le lien entre le monde temporel et le monde éternel, le visible et l’invisible.

277 Sermo mysticus, Studien zu Theologie und Srache der deutschen Mystik, Universitätsverlag Freiburg Schweiz, 1979.

278 Page 232 / Cf Robert C. Zaehner, Mystik Hamonie und Dissonanz / Die östlichen und westlichen religionen, chapitre VI : Die Geburt Gottes.

est détaché et considère toutes choses comme néant ; plus il est pauvre en esprit et plus toutes choses lui appartiennent et sont son bien propre. »279 Il semble apparemment impossible de lier ces affirmations. Or si l’on fait exception de cette contradiction apparente, on constate que cette dernière devient l’un des moteurs possibles de la vection symbolique, et l’on recherche un effet de sens. Autrement dit, ces contradictions se donnent comme autant de clés du chiffre, l’incréé étant ce lieu « chiffré » vers lequel tend tout parole. En quel sens la métaphore appelle-t-elle alors ce décryptage ? Ainsi si l’on reprend les affirmations des minutes du procès, Eckhart semble là encore se contredire, mais là encore, dans l’ordre de l’interprétation, les phrases s’entr’appellent et construisent du sens. Ainsi, si l’on reprend le thème de « l’incréé de l’âme » qui fut notablement reproché à Eckhart, on relève des réponses du Maître apparemment divergentes, mais qui cependant convergent dans la conception eckhartienne de l’Imago Dei. Les métaphores de l’Incréé traduisent la difficulté même à définir de quoi il retourne : « scintilla », « bürgelîn », « syndérèse » ? Mais de quoi est-il exactement question ? Autant d’images pour traduire l’incréé de l’âme humaine comme en témoignent les Sermons 2, 10, 12 et 48 – pour ne citer que ceux-là –.

« Ce petit château fort où Dieu Lui-même ne pénétrera jamais un instant. »280

« Une puissance dans l’âme .... qui saisit Dieu dans son désert et dans son propre fond. »281 « Il est dans l’âme quelque chose de si apparenté à Dieu que c’est un et non uni. »282 « Une lumière qui est dans l’âme, qui est incréée et incréable ... qui saisit Dieu tel qu’Il est en lui-même »283 Or ici ce qui est désigné est si difficile à nommer qu’Eckhart parle d’un « quelque chose » (etwas). Mais tout le problème est de savoir s’il assimile ce « quelque chose incréé » à l’âme toute entière ou bien à une partie de l’âme. Dans certaines déclarations, Eckhart insiste sur le caractère créé de cette chose : « La petite étincelle de l’âme qui est créée par Dieu et qui est une lumière imprimée d’en haut. »284 « Dieu créa l’âme, il la créa selon sa plus sublime perfection, afin qu’elle soit une fiancée du Fils unique. »285

Quel est le sens de la prédication d’Eckhart lorsqu’il exhorte son disciple à revenir à l’incréé de l’âme, à ce « grund ohne grund » qui passe le temps et l’espace ? L’intentio

279 Sermon 72, JAH III, p. 95, Paris, Seuil. Ce passage est d’ailleurs confirmé par un Sermon prononcé à l’occasion de la fête de saint François et confirmé par ce texte extrait des Sermons spirituels : « En vérité, si un homme abandonnait un royaume et le monde entier et qu’il se garde lui-même, il n’aurait rien abandonné. Oui, et si un homme s’abandonnait lui-même, quoi qu’il garde, richesse, ou honneur, ou quoi que ce soit, il aurait abandonné toutes choses. »

280 2, I, 56. 281 10, I, page 111. 282 12, I, 122. 283 48, II, 113. 284 20a, I, page 175 285 22, I, p 195

auctoris est-elle d’expliciter l’unité de la relation entre l’âme et Dieu, le « baiser de la Déité », comme il le dit au Sermon 10 ? Et dans ce cas, le maître rhénan donnerait-il la priorité au mystique sur le théologique ?

L’incréé caractérise ce « fond sans fond » de Dieu et de l’âme humaine, Gotheit et Etwas in der Seêle. Mais ce lieu est-il un simple réceptacle ? N’a-t-il pas une fonction qui lui est propre ? Empreinte du sceau divin, dépositaire de l’Image de Dieu en moi, il échappe pourtant à toute image. Son statut paradoxal, son absence de qualités, son insaisissabilité même en font un Néant au sens d’une surabondance qui dépasse toute appréhension conceptuelle et qui nous oblige ainsi à toujours nous dépasser à toujours aller au-delà de nous- mêmes : d’où le titre du Sermon 84 : Puella surge286! Le Christ enseigne ainsi à l’âme que, par une seule parole, elle doit surgir au-dessus de toutes choses corporelles, s’élever au-dessus d’elle-même et atteindre au fond incréé pour y demeurer. C’est en effet là qu’elle vivra la réalité spirituelle de la naissance éternelle. Car la quête spirituelle d’Eckhart est mue par la nécessité de la transfiguration : Und als der sun ein wort des vaters ist, alsô lêret er die sêle mit éinem worte, wie si ûf sol stân und wie si sich sol erheben boben sich selber und wonen boben ir selber287.

C’est pourquoi il s’agit d’en venir au « Néant de Dieu », à l’apophase ou à l’inconnaissance : « Ce à quoi il nous parvenir ici, c’est à un savoir transfiguré. »288 Et cette phrase s’éclaire par le passage du Sermon 52, lorsque le Maître pose comme principe au retour à l’Incréé de se libérer de Dieu même : Her umbe sô bîten wir got, daz wir gotes ledic werden289 Il nous faut donc nous détacher du créé, de la dualité, pour revenir à l’incréé, à l’unité. C’est à ce chemin de détachement qu’Eckhart engage l’homme : détachement radical où tout notre savoir doit être aboli, quitte ensuite à être réintégré à la place subordonnée qui est la sienne. Telle est la stricte exigence de la voie négative, « recherche où l’on se voit obligé à rejeter successivement tout ce qui peut être trouvé ou nommé, en niant finalement la recherche même, pour autant qu’elle implique encore l’idée de ce qui est cherché. »290 C’est ainsi qu’Eckhart nous amène à nous détacher de Dieu même (daz wir gotes ledic werden), c’est-à-dire de l’idée du Dieu Créateur. Il s’agit donc de s’affranchir de la possession même du savoir de Dieu, d’atteindre à la nescience. Car « notre savoir « naturel » n’est qu’un non-

286 ‘Stant ûf !’ Autre écho au Sermon 43 : ‘Adolescens, tibi dico : surge !’

287 Et comme le Fils est une Parole du Père, il enseigne à l’âme par une seule parole qu’elle doit surgir et s’élever au-dessus d’elle-même et demeurer au-dessus d’elle-même. Sermon 84, JAH III, page 157, Paris, Seuil. / Kohlammer, page 455.

288 Sermon 102, page 84.

289 « C’est pourquoi nous prions Dieu d’être dépris de Dieu », Sermon 52. 290 Vladimir Lossky, Théologie négative, page 13.

savoir en ce qui concerne à la fois Dieu et le sens de notre propre vie »291 Et en effet ce savoir naturel n’atteint pas Dieu en son fond, en sa nature incréée. C’est pourquoi le Got doit devenir objet de détachement si l’on veut parvenir à l’essence nue de Dieu, par-delà toute motivation accidentelle comme par-delà tout savoir exprimé. La prière à Dieu ne doit donc pas être une prière de demande, mais une prière de détachement de Dieu même, car Dieu tel que la connaissance naturelle le connaît n’est pas Dieu, c’est-à-dire qu’Il n’est pas Dieu dans son essence.

Abolir notre vision et notre intelligence de Dieu semble donc être une condition préalable à toute connaissance de Dieu lui-même. L’homme ainsi détaché ne sait rien, car seul le vide du savoir permet à Dieu de faire sa percée (durchrbruch) en lui292. L’exigence de la nescience est donc avant tout une exigence de vacuité intérieure, c’est-à-dire de disponibilité ou d’ouverture à la grâce de Dieu. C’est pourquoi Eckhart dit au Sermon 52 que « l’homme doit être aussi vide de son propre savoir qu’il l’était lorsqu’il n’était pas. » L’homme « vide293 » ou « pauvre » doit donc avant tout laisser l’initiative à Dieu : Dieu seul doit opérer en lui, l’homme ne doit rien y ajouter de lui-même. Telle est la pureté ou la noblesse de l’âme chez Maître Eckhart : une âme parfaitement disposée à Dieu, et qui ainsi reconnaît toute la transcendance divine : il doit être tellement dépris de tout savoir qu’il ne sait ni ne reconnaît ni ne ressent que Dieu vit en lui ; plus encore (mêr), il doit être dépris de toute connaissance vivant en lui, car lorsque l’homme se tenait dans l’être éternel de Dieu, rien d’autre ne vivait en lui et ce qui vivait là, c’était lui-même. Wan, dô der mensche stuont in der êwigen art gotes, dô enlebete in im niht ein anderz ; mêr : waz dâ lebete, daz was er selber. Nous disons donc que l’homme doit être aussi dépris de son propre savoir qu’il l’était lorsqu’il n’était pas ; qu’il laisse Dieu opérer ce qu’il veut et que l’homme soit dépris294. On constate ainsi que dans la théologie eckhartienne tout concourt à revenir à l’Incréé de Dieu par la voie négative, et par à retrouver cette part de l’Incréé divin en l’homme lui-même : « Si je regarde un miroir, mon visage y est reflété. Il n’en serait jamais ainsi si une couche de plomb n’avait été posée derrière. Ainsi, il faut que l’âme soit recueillie et concentrée dans la plus noble puissance qui

291 Emilie Zum-Brunn, Métaphysique du Verbe et théologie négative, page 177.

292 Car un tel homme est sorti de lui-même et a atteint la connaissance de Dieu par l’inconnaissance, selon cette unité qui est au-delà même du savoir naturel ou de l’intelligence humaine.

293 Cet état renvoie au concept de gelâzenheit (délaissement) qui comme le détachement, n’est pas une simple vertu morale, mais est le fruit de la grâce et a lieu dans la grâce. La délaissement renvoie au gotlîden, au sens d’un « laisser Dieu être Dieu en soi » sans rien ajouter ni retrancher, et donc sans nulle intervention personnelle de notre volonté ou de notre intellect. Comme le dit Alain de Libéra, « le délaissement est donc un état de libre vacuité, que l’on atteint en se « laissant » soi-même, en « sortant de soi », pour que Dieu « entre ». Alain de Libéra, Eckhart, Tauler, Suso et la divinisation de l’homme, Bayard éditions.

se trouve en elle (Alsô muoz diu sêle zesamengezogen sîn und dîhte an die edelste kraft) pour recevoir le flot divin qui la comble et la réjouit. »295 Dans cette perspective, qu’est-ce que cela implique pour l’essence de l’âme ? L’âme n’est alors plus considérée comme étant l’intellect, mais comme ce « quelque chose » (etwas) d’où fluent la connaissance et l’amour, parallèlement à la différenciation en Dieu de l’Intellect au sein de l’Etre non étant, c’est-à-dire au sein de la Gotheit ou de la nature incréée du fond divin, de ce qu’Emilie Zum Brunn appelle « la réalité transintellective » dont le Verbe émane et dont Il est l’Image296 » Car pour Eckhart, l’âme doit être comprise non pas à partir du créé, mais à partir de l’incréé, c’est-à- dire partir de l’Image divine incréée déposée en elle dès avant sa naissance de le temps. C’est pourquoi, au Sermon 52, il ne cesse de rappeler à ses auditeurs que l’homme doit devenir pleinement homme en redevenant ce qu’il a été de toute éternité, dans l’idée même de Dieu. Et en tant que tel, l’homme doit se situer dans le monde incréé ou surnaturel qui est, a été et sera le sien de toute éternité. Que veut dire « surnaturel » ?

Il s’agit ici de la nature originelle de l’âme, ou son essence en Dieu. Et cette dernière ne trouve la pleine mesure de sa réalité que dans le cosmos exemplaire, ce monde intelligible que l’âme doit devenir quand elle se tourne vers l’Incréé de Dieu, c’est-à-dire vers l’essence nue de Dieu correspondant à la pureté qui n’est pas dans le monde ni hors du monde, et donc à celle de « l’Un qui jaillit en lui-même » C’est pourquoi il faut saisir Dieu comme « mode sans mode, être sans être »297, et ainsi se saisir soi-même comme âme incréé, homme « surnaturel »298 Comme l’a bien dit Alain de Libéra : « Tous les instruments de la théologie eckhartienne se rejoignent » dans une seule et même visée : « la venue de la grâce en l’âme, en son fond détaché de tout.299 » On touche ici au cœur de la mystique d’Eckhart : la

295 Sermon 81, JAH III, page 138, Paris, Seuil. Stuttgart, Kohlhammer, page 396. 296 Emilie Zum-Brunn, Métaphysique du Verbe et théologie négative, page 175. 297 Sermon 71, JAH III, page 80

298 Eckhart s’inscrit ici dans la lignée d’Albert mais va plus loin que lui dans sa conception de la pauvreté spirituelle : « L’évêque Albert dit qu’un homme pauvre est celui qui ne peut se contenter de toutes les choses créées par Dieu, et c’est une parole juste/ Mai nous parlerons encore mieux et considérerons la pauvreté selon une signification plus haute : est un homme pauvre celui qui ne veut rien et qu ne sait rien et qui n’a rien. » Mais comme Albert, Eckhart pense l’âme comme « surnaturalis », c’est-à-dire par-delà le monde créé ou le cosmos. A ce propos, il s’inscrit dans la lignée d’Avicenne, assimilant ainsi l’intellect à la faculté de se détacher de son propre être déterminé, faculté qui permet de rejoindre l’identité avec Dieu et avec soi-même dans la sphère de l’incréé. En cela la conception eckhartienne de l’âme s’éloigne de celle d’Aristote ( et de saint Thomas). Car pour le Stagirite l’âme est a forme du corps. Aussi cette définition situe-t-elle l’homme à l’intérieur de la nature, le conditionnant ainsi à n’être qu’un homme cosmologique. Un tel homme, selon Eckhart, ne pourrait connaître Dieu que comme un « quelque chose » entendu selon la voie naturelle du savoir, voie qui s’oppose à celle, surnaturelle, de la dynamique apophatique ou de la négativité. Il s’agit donc, pour Eckhart de parvenir au-dessus de la nature, dans la surnature ou l’incréé de Dieu et de l’âme, parente en cela de la Gotheit et comme elle, insondable. C’est pourquoi cette doctrine du fond de l’âme se rattache à la tradition de la mystique rhéno- flamande.

naissance éternelle de Dieu dans l’âme. Car, selon le maître dominicain, dans et par cette naissance, je réalise mon humanité, c’est-à-dire que je deviens tel que j’ai été de toute éternité dans la pensée de Dieu. Et dans cette réalisation, Eckhart accorde une place majeure à la grâce, et donc à l’Esprit Saint300, en ce qu’il s’agit de « devenir par grâce ce que Dieu est par nature », c’est-à-dire de revenir au fond incréé de l’âme qui est uni par grâce au fond incréé de Dieu : la grâce que le Saint-Esprit apporte à l’âme est accueillie sans ce qui est autre qu’elle, si l’âme est recueillie dans la puissance simple qui connaît Dieu. La grâce jaillit dans le cœur du Père et flue dans le Fils et de leur union à tous deux elle flue de la sagesse du Fils et flue dans la bonté du Saint-Esprit et est envoyée dans l’âme avec le Saint-Esprit. Et la grâce est un visage de Dieu, elle est imprimée dans l’âme avec le Saint-Esprit sans ce qui est autre qu’elle et elle rend l’âme conforme à Dieu. Si l’âme était élevée aussi loin au-dessus de toutes choses jusqu’à sa plus sublime liberté, en sorte qu’elle touche Dieu dans la nudité de la nature divine, elle ne reposerait jamais avant que Dieu ne s’insère en elle et elle en Dieu. La plus grande félicité au ciel et sur la terre réside dans l’égalité. Ce que la nature divine réalise dans le plus élevé de l’âme est l’égalité301. » Tel est le sens de la liberté pour Maître Eckhart : devenir fils dans le Fils pour sourdre dans le Saint Esprit du cœur du Père.

Ainsi l’anthropologie du Thuringien s’allie à une théologie christologique et trinitaire, centrale si l’on veut comprendre de quoi il retourne quand à l’Incréé divin, c’est-à-dire à l’Un originel de Dieu et à l’incréé de l’âme, c’est-à-dire à ce fond qui rayonne par grâce l’Image divine elle-même – dans son pur éclat incréé –. C’est pourquoi il faut se placer à partir de l’éternité, comme le recommandait déjà Jean Tauler, pour comprendre la pensée d’Eckhart. Tel est le sens de l’ In der Stunde (« à cette heure ») du Sermon 81, Fluminis impetus laetificat civitatem Dei : il s’agit ici du perpétuel présent de l’Incréé divin ; c’est dans cet autre temps que s’accomplit la naissance, « car à cette heure, il a tellement élevé l’âme au- dessus de sa demeure naturelle qu’aucune créature ne peut parvenir jusqu’à elle.302 » Ainsi le Dieu incréé conduit l’âme vers son fond incréé hors de la dignité et de la noblesse de toutes les créatures, c’est-à-dire qu’ Il la rend « égale à lui-même par grâce » : er machet sie im selber glîch an der gnâde.303 C’est cette exigence qui signe notre dignité d’Image de Dieu:

300 « Et la grâce est un visage de Dieu, elle est imprimée dans l’âme avec le Saint-Esprit sans ce qui est autre qu’elle et elle rend l’âme conforme à Dieu. » Sermon 81, JAH III, page 139.

301 Sermon 81, Fluminis impetus laetificat civitatem Dei, JAH III, p. 140.

302 Sermon 81, JAH III, page 139.

303 DW I,3, page 400. Et la grâce divine s’imprime directement au plus intime de l’âme, « pour que, si quelque difficulté assaille l’homme dans son corps et dans son âme, la grâce demeure et ne soit en rien perdue. » 81, III, page 141.

dépassement incessant vers ce « plus » de nous-même, l’incréé créé une asymptote et non une droite ascendante qui aurait un point de départ et un point d’arrivée. L’originalité d’Eckhart est de décrire une courbe spirituelle dans un mouvement sphérique qui rappelle cette définition de Dieu « une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part » du Livre des 24 philosophes. L’incréé de Dieu et de l’homme se rejoignent au lieu de ce fond sans fond où nul n’est chez soi et n’a ainsi ni point d’ancrage situable ni marque temporelle précise et linéaire : l’éternité de la naissance de Dieu dans l’âme dit une circularité spatiale et temporelle où aucun point, aucun sol n’est assuré : ainsi la monade engendre la monade et

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