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II.4. Le réalisme socialiste comme canon autoritaire

II.4.9. Le canon post-totalitaire

Si les deux nouveaux Premiers Secrétaires, Edward Gierek en Pologne et Gustáv Husák en Tchécoslovaquie, qui sécurisèrent leur position aux alentours de l’année 1970, n’avaient pas grand chose en commun (à commencer par l’usage différencié qu’ils avaient des moyens répressifs de l’appareil d’État à leur disposition), ils partageaient néanmoins une même conscience de la limite de leur action. Ils avaient l’un et l’autre tiré les conclusions des tentatives de réforme qui avaient précédé leur accession au pouvoir et avaient fait le constat de l’irréalisme de toute ambition qui excèderait la simple maintenance du régime, la défense du statu quo que leur prise de fonction avait scellé. Il

246 Sur la résistance des journalistes tchécoslovaques à leur « normalisation », voir l’article de Končelík, Jakub. Mediální politika a srpen 1968; Zřízení Úřadu pro tisk a informace jako služba moskevskému protokolu [Politique des médias et août 1968; Création du bureau de presse et d'information en tant que service au protocole de Moscou]. in Magál, Slavomír ; Mistrík, Miloš et Solík, Martin (ed.). Masmediálna komunikácia a realita II [Communication de masse et réalité II]. Trnava : Fakulta masmediálnej komunikácie UCM, 2009, pp. 203–219.

247 Ainsi que Milan Šimečka en fait l’analyse détaillée dans son essai Šimečka, Milan. Le rétablissement de l’ordre : contribution à la typologie du socialisme réel. Paris : François Maspero, 1979.

248 Kaczorowski, Aleksander. Op. cit., pp. 268-272 ; Machovec, Martin. Od avantgardy přes podzemí do undergroundu [De l’avant-garde à l’underground, en passant par la clandestinité]. in Machovec, Martin (ed.). Pohledy zevnitř : Česká undergroundová kultura v svědectvích, dokumentech i interpretacích [Vues de l’intérieur : la culture underground tchèque dans ses témoignages, documents et interprétations]. Prague : Edice Scholares, 2008, pp. 128-133.

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s’agissait là du basculement constaté par Arendt entre un totalitarisme alimenté en permanence par la promesse de son futur glorieux et un despotisme rétrograde qui tirait sa légitimité d’un passé travesti et mythifié250. Havel offre une description poignante de cet état de fait lorsqu’il retrace, dans son essai

Histoires et totalitarismes251, les efforts déployés par le pouvoir pour ralentir puis arrêter le cours de l’histoire, l’enfermer dans un cycle de reproductions de ses rites d’où serait exclu tout événement imprévu, afin que l’histoire suive le scénario immuable que lui a assigné le Parti et qu’elle cesse d’être la somme des menues histoires de ses citoyens. Pareille mesure devait servir de pierre angulaire au nouveau contrat social de conformisme consumériste établi entre le Parti et ses administrés.

C’était là, en somme, l’aboutissement logique de l’opération de raidissement totalitaire du canon. Résumons-nous. Le canon autoritaire type avait connu une mutation sous Staline qui consistait à renverser la hiérarchie des textes qui le fondaient pour substituer aux textes primaires les textes

secondaires, soit les commentaires qu’il en édictait en sa qualité de Premier Secrétaire, vidant ainsi la doctrine de toute substance pour mieux la subordonner à l’usage de son autorité discrétionnaire. Une fois Staline décédé, ses successeurs se trouvèrent dans une posture délicate : il leur fallait condamner les dévoiements infligés au canon sans miner pour autant sa légitimité globale. Or, l’histoire venait de cruellement prouver que la doctrine léniniste sur laquelle il reposait comportait des défauts de taille, à commencer par le pouvoir sans limite qu’elle accordait au Parti, porte ouverte aux abus dont tous avaient eu à souffrir. En outre, ce défaut était précisément le dispositif qui permettait le maintien du Parti au pouvoir, et cela, contre la volonté de plus en plus explicite d’une part croissante de sa population. Le canon était donc piégé entre l’impossibilité d’un retour à une virginité originelle de la doctrine, durablement salie par la faillite manifeste de ses principes fondateurs, et l’impraticabilité de toute réforme qui risquait de mettre en branle son démantèlement (ainsi que cela s’était vu avec le Printemps de Prague et devait se confirmer avec la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev). Cette hémorragie de la croyance devait donc se poursuivre jusqu’à laisser le canon exsangue, purgé de tout soutien passionnel à sa doctrine, aux mains d’une caste de protecteurs cyniques que de rares privilèges et la crainte des accusations qui pourraient leur être adressées persuadaient de la nécessité de son maintien. Les textes primaires étaient donc secrètement raillés par tous, et peut-être même en premier lieu par ceux qui exigeaient qu’on feigne publiquement de les tenir en admiration, alors que les textes secondaires s’évertuaient à contenir cette érosion de la doctrine en la rassemblant en une poignée de principes, pas nécessairement les plus centraux à la pensée léniniste mais à n’en pas douter les plus indispensables à sa reconduction.

250 Arendt, Hannah. trad. Burget, Jean-Loup ; Davreu, Robert et Lévy, Patrick. Le système totalitaire. Paris : Seuil, 2002, p. 99.

251 Havel, Václav. trad. Kahn, Daniel. Histoires et totalitarismes. (1987) in Havel, Václav. Essais politiques. Paris : Calmann-Lévy, 1989, pp. 161-187.

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II.4.10. Le réalisme socialiste tardif

Cette mutation post-totalitaire du canon, sa réduction cynique à une poignée de principes garantissant sa reproduction, entraîna une modification comparable dans la sphère littéraire. Il convient de rappeler que le réalisme socialiste, tout comme le canon dont il procédait, ne fut jamais officiellement réformé et ne tomba qu’avec la chute du communisme en 1989252. Cependant, lui aussi commença à jouir d’un statut ambigu dès après le décès de Staline. Les autorités étaient conscientes d’avoir abouti avec lui à une impasse esthétique mais il leur était malaisé de reconnaître une erreur de cette amplitude, aussi eurent-elles recours à une acrobatie fréquente dans la rhétorique communiste : la méthode était bonne, c’était le zèle excessif avec lequel elle avait été appliquée qui avait posé problème. Ce faisant, le régime s’épargnait la tâche dangereuse de s’essayer à produire et implémenter une nouvelle doctrine esthétique à travers l’entièreté du bloc, ce qui n’aurait pu se dérouler sans un débat explosif sur la légitimité de l’encadrement étatique de la création. Aussi fut-il choisi de prôner un respect « raisonnable » d’un certain nombre de prescrits qui restaient en vigueur. C’est ainsi que le réalisme socialiste fut en quelque sorte atténué et simplifié, qu’il devint une pelote de lignes directrices plutôt qu’un bréviaire d’instructions précises.

Ce bouquet resserré de prescriptions ne fit pas l’objet d’un débat public et nous n’avons pas trouvé de trace de son élaboration dans les archives du Parti ou des institutions censoriales. On peut néanmoins supputer sans prendre de risque excessif qu’il fut élaboré au sein des structures directrices des Partis nationaux sur base d’instructions du Kremlin avant d’être communiqué aux structures auxiliaires qui le relayèrent auprès des auteurs. Les auteurs furent donc des témoins privilégiés de cette reformulation condensée des prescriptions du réalisme socialiste tardif. L’un d’entre eux, le dissident et essayiste hongrois Miklos Haraszti, s’est évertué à consigner les imprécations censoriales qui lui furent alors adressées et à les reformuler en quatre règles minimales : l’interdiction de

l’autofinalité, l’innovation organique, le classicisme bureaucratique et le pouvoir du contexte253. Explicitons les brièvement.

L’interdiction de l’autofinalité était une conséquence directe de l’organisation interne du canon autoritaire qui sacralisait un dogme à partir duquel devait s’articuler toute autre forme de pensée. C’est ainsi que, dans le régime soviétique, l’esthétique était devenue un simple expédient du politique. Analogiquement, l’art véritable était le modelage du réel, et la littérature n’était que son adjuvant. L’œuvre ne pouvait donc explorer vainement les ressources du matériau textuel qui la composait. La gratuité de pareille entreprise aurait fait offense aux immenses besoins du seul art authentique, l’édification du socialisme, vers la réussite duquel devait tendre toute son action.

252 Aucouturier, Michel. Le réalisme socialiste. Paris : Presses Universitaires de France, 1998, p. 125.

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L’œuvre ne pouvait donc jamais faire du ravissement littéraire son objectif premier, c’eût été là une débauche de moyens proche du gaspillage, un délit grave au regard de la juridiction soviétique.

Dans sa version renouvelée, sous la censure post-totalitaire du post-stalinisme, l’interdiction d’autofinalité s’assouplit pour devenir un gage rituel d’inscription de l’œuvre dans une perspective utilitariste qui tendait vers la conservation d’un ordre politique inchangé. Cet interdit était donc maintenu en vue de freiner toute velléité d’autonomisation de la sphère littéraire. En effet, la laisser s’autonomiser, c’eût été perdre tout contrôle sur sa propension à réhabiliter les procédés littéraires modernistes enfouis sous les couches d’interdiction de la censure, c’eût été délivrer son blanc-seing pour la réhabilitation de la tendance romanesque à introduire des décalages significatifs dans la représentation du réel afin d’en exposer les contradictions internes. Autrement dit, c’eut été permettre à la sphère littéraire de se débarrasser de l’obligation d’édification qui pesait sur elle pour restaurer son rôle d’analyse critique. Le pouvoir, relayé en cela par la censure, préférait donc prolonger l’apathie du littéraire en reconduisant cette interdiction de l’autofinalité.

Toutefois, le basculement d’une sommation permanente à se mobiliser pour la grande histoire au profit d’une invitation à jouir de sa seule histoire personnelle devait rendre obsolète le roman de production, typiquement construit comme le récit exemplaire d’un dévouement total de l’individu à la cause d’une humanité neuve. Il fallait donc autoriser l’avènement d’une littérature qui se fasse l’écho de cette révision à la baisse des ambitions d’une société civile désormais presque casernée dans ses appartements. Cela se traduisit par une recrudescence des romans à thématique intimiste, centrés sur la vie familiale et émotionnelle de leurs protagonistes, infusant l’idée que les menus soucis du quotidien constituaient l’horizon légitime de tout destin. Pour que pareille opération soit réalisable, il fallait toutefois qu’elle se dote des moyens littéraires de magnifier les aspects modiques d’une existence repliée sur son versant privé. Il fallait se pourvoir d’outils aptes à dramatiser le sentiment, les tracas de la domesticité, les affres des amours éconduites, etc. Pour ce faire, les auteurs se virent progressivement reconnaître un droit limité à l’usage d’innovations littéraires issues des courants occidentaux contemporains, pour autant que ceux-ci s’emploient à les incorporer à ce cadre littéraire strictement intimiste. C’est là le principe d’une innovation organique, instillée selon les seules doses que les autorités culturelles jugeaient propices à la prolongation de l’anesthésie du roman.

De façon générale, les genres étaient en quelque sorte des gammes de produits que les autorités choisissaient de mettre — ou pas — en production. Les plans d’édition établis sur base annuelle, servaient — comme on sait — de filtre aux ouvrages indésirables, écartés au profit d’autres jugés plus recommandables254. Les impulsions des fonctionnaires de la culture auprès des directeurs des maisons d’édition étaient décisives pour le renfort ou la diminution d’un genre particulier. C’est

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ainsi que l’on vit des genres basculer de l’indésirable au convoité à la faveur d’un réalignement politique. Ainsi, par exemple, la prose intimiste fut un tabou avant d’être érigée en un devoir. C’est à cela que tient le classicisme bureaucratique, à la possibilité d’établir par voie administrative les genres légitimes et d’en saturer le marché de l’édition jusqu’à en écarter les productions divergentes.

Si l’innovation ne pouvait être distillée qu’à petites doses et dans un cadre qui en prévenait toute émancipation incontrôlable, si le texte devait signaler qu’il n’était jamais son propre but et qu’il n’était que le moyen d’une cause qui le transcendait, c’était toujours, en dernière analyse, pour faire la démonstration de la conscience qu’il avait de son contexte de production, à savoir de son appartenance à un système idéologique auquel il était redevable d’un hommage protocolaire. Il n’était désormais plus attendu que chaque facette de l’œuvre reflète l’orthodoxie immaculée de son auteur mais elle se devait tout de même de lui adresser les révérences réglementaires pour lui signaler son allégeance, quitte à parfois l’admonester de quelques remontrances discrètes par la suite. C’est de cette façon que l’on entretenait le pouvoir du contexte, soit l’habitude de lire toute œuvre à l’aune de la relation qu’elle entretenait avec le cadre politique qui en avait autorisé la création. De sorte que même les œuvres qui faisaient preuve d’une relative défiance semblaient le faire avec l’aval du pouvoir, ce qui sapait la valeur des menues transgressions qu’on y voyait poindre. Le pouvoir ne manquait d’ailleurs pas de faire valoir cette magnanimité pour démontrer qu’il autorisait un certain type de critique, qualifiée pour l’occasion de constructive, et qu’il pouvait dès lors opposer à son intolérable contraire, une critique négative, à savoir une critique virulente qui ne cherchait plus à réformer le canon qui l’avait vu naître mais à le renverser en bloc pour lui en substituer un neuf.

Pour les autorités, ce confinement consenti induisait donc un certain degré de complicité des artistes puisqu’ils acceptaient tacitement que leur absence de protestation ou leur reproche mesuré fussent déchiffrés comme des témoignages de soutien au régime. Ce procédé de récupération d’une neutralité qui leur était pourtant imposée devait les pousser, dans la seconde moitié des années 1970, à prendre conscience de l’illusion du désengagement ou du militantisme tiède et, par conséquent, de la nécessité d’une dénonciation sans ambages du bâillon que leur nouait le pouvoir. Des essais sur la fonction de l’art tels que Le monde non représenté d’Adam Zagajewski et de Julian Kornhauser255 paru en 1974, ou encore Le rapport sur la troisième renaissance musicale d’Ivan Martin Jirous256 dont le samizdat circulait à partir de 1975, faisaient l’un et l’autre de l’authenticité et d’une

255 Kornhauser, Julian, and Adam Zagajewski. Świat nie przedstawiony [Le monde non représenté]. Cracovie : Wydawnictwo Literackie, 1974.

256 Jirous, Ivan Martin. Zpráva o třetím českém hudebním obrození [Rapport sur la troisième renaissance musicale]. in Machovec, Martin (ed.). Pohledy zevnitř : česká undergroundová kultura ve svědectvích, dokumentech a interpretacích [Vues de l'intérieur : la culture underground tchèque dans les témoignages, documents et interprétations]. Prague : Pistorius & Olšanská, 2008, pp. 7-37.

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représentation non-allégorique de la vérité les valeurs fondamentales sur lesquelles il convenait de reconstruire la légitimité de l’art qui, de compromis en compromis, s’était engagé sur la voie de sa compromission.

Ainsi, dans le segment chronologique qui s’étale du Printemps de Prague et des événements de Mars jusqu’aux procès des Plastic People et des ouvriers d’Ursus et de Radom, soit jusqu’à la résurrection d’une culture underground et d’un réseau d’officines clandestines qui fassent de l’authenticité de la parole, voire de la violence désinhibée d’une expression crue, un dispositif central de leur programme de rénovation de la culture, dans cet interlude fruste où les chances de publier d’un auteur (s’il n’était pas déjà inscrit sur les listes noires de ceux qui avaient été privés de ce droit) étaient directement fonction des concessions symboliques qu’il était prêt à faire — soit de 1968 à plus ou moins 1976 —, s’étend une courte décennie placée sous le signe de la négociation, d’une tractation permanente entre les principes directeurs énoncés ci-dessus et le refus de l’auteur de pleinement s’aligner idéologiquement. Ainsi, cette décennie fut le théâtre d’une retenue paroxystique : rarement frustration n’avait été aussi vive et rarement sa formulation n’avait été aussi efficacement empêchée.

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III. L’écriture pantomime

III.1. Le roman et ses définitions

Le roman est un genre littéraire qui se caractérise par l’extrême plasticité de ses formes. Stanisław Witkacy n’hésitait pas à le définir, non sans provocation, comme un « sac dans lequel, sans prêter attention à la Forme Pure, on peut tout fourrer257 ». A en croire l’enfant terrible des lettres polonaises, l’unité du roman ne serait assurée que par sa clôture finale, définissant un périmètre d’interactions au sein duquel ses éléments tissent un réseau d’interdépendances qui assignerait à chacun d’entre eux une signification particulière, nourrie du contraste des éléments qui l’entourent.

Milan Kundera y voyait, lui, un espace de densification des rencontres entre des personnages

animés par des passions paradoxales, poussés au-devant les uns des autres par le resserrement artificiel du récit258. Le rôle de l’écrivain est alors d’investiguer la raison de chacun en orchestrant entre eux des tensions qui réclament d’être médiées par une certaine parole, introspective et explicative, qui agit comme une analyse des principes qui les animent. Les personnages se trouvent donc être des incarnations de paradoxes dont l’entrechoquement réclame d’étudier la complexité.

Mikhaïl Bakhtine ne semble pas le désavouer, lui qui voyait dans le roman un espace de mise en contact des personnages et de leurs convictions ; le théoricien russe précisait néanmoins que le roman se distingue d’autres genres en ce que, fidèle à la tradition carnavalesque qui l’a vu naître, il tend naturellement à aplanir les hiérarchies qui, dans l’espace social, ont coutume de privilégier la voix des puissants au détriment de la voix des faibles259. Cette inclination au rétablissement d’une horizontalité des voix au sein du récit fournit au débat des conditions optimales au développement

d’une franchise inégalée, aboutissant à un dialogue d’une profondeur seule accessible à cet exercice littéraire.

Enfin, Milan Kundera ajoute que l’écriture romanesque n’a de sens que si elle prolonge le geste fondateur du Don Quichotte de Cervantes, à savoir si elle déchire le rideau de banalité qui est

257 Witkiewicz, Stanisław Ignacy. O znaczeniu filozofii dla krytyki i inne artykuły polemiczne [De l’importance de la philosophie pour la critique et autres articles polémiques]. Varsovie : Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 1976, p. 159.

[worek, w który nie zwracając uwagi na Czystą Formę wszystko wepchnąć można]

258 Voir notamment la quatrième partie « Entretien sur l’art de la composition » et la septième partie « Discours de Jérusalem » de Kundera, Milan. L’Art du roman. Paris : Gallimard, 1995, pp. 89-116 et p. 185-194.

259 Voir à ce sujet : Bakhtine, Mikhaïl. L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance. Paris : Gallimard, 1982. Bakhtine, Mikhaïl. La poétique de Dostoïevski. Éditions du Seuil, 1998. Bakhtine, Mikhaïl ; Aucouturier, Michel et Todorov, Tzvetan. Esthétique de la création verbale. Paris : Gallimard, 1984.

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tombé sur nos existences, si elle dégage les détails de nos vies de la gangue d’évidence dans laquelle ils s’étaient pétrifiés pour les ramener à l’avant-plan de notre considération et nous forcer à les observer d’un regard neuf260. Par le décalage irréductible qui se forme entre le réel et sa représentation romanesque, l’auteur est amené à proposer et faire partager une certaine vision du monde qui n’a de sens artistique que lorsqu’elle permet d’en révéler les angles morts, d’en dissoudre les certitudes.