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VII.  Le modèle d’analyse

4.   Invalidité des restrictions au contenu des négociations et des mesures imposant des conditions de travail : proposition P3

4.1   British Columbia Teacher’s Federation v British Columbia

Cette première décision238 rendue après l’arrêt Health Services et portant également sur l’annulation de certaines clauses de conventions collectives négociées, associée à l’interdiction de renégociation, porte sur une loi semblable à celle examinée dans l’arrêt de la Cour suprême.

4.1.1  Les  dispositions  législatives  en  cause  

La province de Colombie-Britannique a adopté en 2002 une série de mesures par lesquelles elle annulait certaines clauses de conventions collectives dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Les lois affectant les conventions de la santé ont été contestées avec succès pendant que les contestations portées par les associations du secteur de l’éducation étaient suspendues en attendant l’issue de l’affaire Health

Services. La Public Education Flexibility and Choice Act239 et la Education Services

Collective Agreement Amendment Act240 font l’objet de la présente décision.

238 2011 BCSC 469. 239 S.B.C. 2002, c. 3. 240 S.B.C. 2004, c. 16.

Dans leurs grandes lignes, les dispositions contestées de ces lois font en sorte :

- d’annuler des centaines de clauses de conventions collectives portant sur la taille des groupes scolaires, la composition des classes et les ratios élèves/enseignants ;

- d’annuler les nombreuses clauses de conventions limitant la discrétion de l’employeur en ce qui concerne le calendrier scolaire, les horaires et les heures d’enseignement;

- d’interdire la négociation de nouvelles clauses portant sur ces sujets.

Par ailleurs, une disposition avait pour effet d’annuler certaines clauses de conventions locales pour assujettir l’ensemble du personnel enseignant à une seule convention collective et uniformiser leurs conditions de travail suite à une réorganisation administrative. Cet article241 avait un effet temporaire et n’empêchait pas l’association de renégocier les clauses à la prochaine ronde de négociation.

4.1.2  Décision  de  la  Cour  sur  l’atteinte  à  la  liberté  d’association  

Appliquant la démarche d’analyse suivie dans l’arrêt Health Services, la Cour suprême de Colombie-Britannique a conclu que les articles de loi contestés portaient sur des matières d’importance et constituaient une entrave substantielle au processus de négociation collective :

«[255] The legislation deleted hundreds of terms of the collective agreement. Many of these terms dealt with subject matters that the parties had been actively negotiating for several months, with the BCTF providing several proposals dealing with these terms at the bargaining table. All of this negotiating exercise and effort was for naught.

[256] Further, the ability to bargain in the future was considerably restricted. Boards were given wide discretion. For practical purposes, it is likely that the best the union might be able to do is negotiate over the consequences of the board’s exercise of discretion. This had substantially less scope than the ability to bargain over the establishment of class size and composition limits and workload limits.

[257] By negating terms of a collective agreement, and precluding a significant scope of bargaining in the future, I conclude that ss. 8 and 9 of

PEFCA and s. 5 of the Amendment Act interfered with collective bargaining.»

L’ingérence de la législature portait sur des matières importantes pour le processus de négociation collective :

«[283] There can be little doubt that issues of class size and composition, non-enrolling ratios, work load, and hours and days of work, are important issues to teachers. These matters can greatly affect their working conditions.

[284] Teachers have been trying to influence these working conditions since they first began to form associations.»

Le procureur général a fait valoir en défense, sur la question de l’entrave substantielle, que les conventions collectives en cause n’étaient pas le fruit d’une libre négociation collective, mais qu’elles avaient en partie été imposées par arbitrage. Selon le gouvernement, il ne pouvait y avoir entrave à la négociation collective dans ce contexte. La Cour rejette cet argument :

«[199] The government’s argument relies on a distinction made in Health Services. In Health Services, two sections of the challenged legislation, sections 7 and 8 of the Health and Social Services Delivery Improvement Act, S.B.C. 2002, c. 2 [Health and Social Services Delivery Improvement Act], were found not to interfere with collective bargaining, because these sections eliminated programs unilaterally imposed by the government that did not arise out of a process of collective bargaining: at paras. 124-125. These programs provided one year of training, assistance and financial support for employees, administered by a separate society. The Supreme Court of Canada noted that since these programs were outside the power of the employer and did not arise out of collective bargaining, there was no potential for future collective bargaining on them. As such, the Court held that the two sections of legislation modifying these programs did not interfere with collective bargaining.

[200] The circumstances of the impugned sections 8 and 9 of PEFCA in this case are very different than sections 7 and 8 of the Health and Social Services Delivery Improvement Act discussed in Health Services.»

De fait, la Cour a été convaincue que les dispositions des conventions collectives qui étaient visées par les lois contestées avaient été négociées dans le passé, même si la dernière convention avait été imposée par voie législative :

[202] As I have noted earlier, the 1998-2001 Collective Agreement continued most of the negotiated terms that formed part of the parties’ Transitional Collective Agreement, which itself rolled over terms that had been locally negotiated between teachers and school boards.

On constate donc que la Cour rejette l’argument sur la base des faits mis en preuve. Elle rejette également la position du Procureur général voulant que la législation porte davantage sur des politiques en matière d’éducation que sur des conditions de travail :

«[213] The second argument advanced by the government as an answer to the suggestion that the legislation interfered with collective bargaining was its “educational policy” argument. While the government conceded that class size and composition and staffing levels of non- enrolled teachers may affect teachers’ working conditions, it argued that these are not “traditional” labour concerns. It asserted that these are more importantly matters of educational policy. The government argued that determination of these matters requires taking into account a variety of interests: teachers, principals and vice principals, school trustees, parents and students. It submitted that the balancing of these interests is not appropriately done in the “polarized environment of collective bargaining”.»

La Cour répond que ces considérations sont pertinentes au stade de l’analyse de la justification de l’atteinte, mais ne doivent pas être prises en compte pour déterminer s’il y a entrave au processus de négociation collective.

Par contre, la Cour adopte la position du gouvernement lorsqu’elle examine l’effet de l’article portant sur la fusion d’établissements. Elle retient que si cette disposition annule effectivement certaines clauses d’ententes locales, elle assujettit les salariés concernés à des mesures uniformes de même nature, qui ont bel et bien été négociées par leur association, quoique pour d’autres milieux de travail. Enfin, elle note que la mesure a un effet temporaire puisque l’association est libre de renégocier les clauses en question.

On constate donc que la Cour prête peu d’attention aux particularités locales qui ont été démocratiquement décidées par les enseignants dans le cadre d’un processus de négociation qui répondait à leurs intérêts immédiats. La substitution de conditions de travail différentes, sans leur consentement, n’est pas suffisante aux yeux de la Cour pour constituer une entrave substantielle à la négociation collective, du seul fait que les conditions de travail imposées ont été agréées par d’autres salariés.

Enfin, la Cour décide que l’absence de consultation et de processus de négociation à l’occasion de l’adoption des lois en cause rend également l’entrave substantielle :

«[297] If the government prohibited collective bargaining through legislation, but otherwise in the process of implementing the legislation replaced collective bargaining with an equivalent process of good faith consultation or negotiation, then the legislation might not be an interference with freedom of association. However, if in the process of legislating limits to collective bargaining the government did not otherwise allow employees to influence the legislative process or outcome in association, then the interference with s.2 (d) rights will be considered substantial.

[298] Here, the legislative changes were brought about without any consultation with the teachers’ union.

[299] In addition, when considering the changes, the government informed and sought the advice of only one side to the bargaining table about its proposed changes, the employer side, BCPSEA. This occurred in the midst of collective bargaining, distorting the balance of power at the negotiating table and giving BCTF a distinct disadvantage in the bargaining.»

Ce commentaire est intéressant en l’espèce : puisque le législateur a consulté uniquement les employeurs et a légiféré pour répondre à leurs besoins et ce, pendant la tenue des négociations, il a entravé ce processus en déséquilibrant le rapport de force.

4.1.3  La  justification  dans  une  société  libre  et  démocratique  

Suivant le même raisonnement que celui de la Cour suprême dans Health Services, la Cour conclut que le Procureur général n’a pas réussi à rencontrer son fardeau de démontrer la justification à l’étape de l’atteinte minimale. Ce constat vaut tant quant au résultat que quant au processus législatif, puisque le gouvernement n’a pas pu démontrer qu’il avait cherché ou envisagé des solutions alternatives242.

Quant à la proportionnalité, la Cour note que la législation a été perçue par les enseignants comme signifiant qu’ils n’étaient pas dignes de contribuer à la détermination de leurs propres conditions de travail. Cet effet délétère était disproportionné par rapport aux bénéfices escomptés.

4.1.4  L’utilisation  du  droit  international  

Le droit international n’est pas mentionné au soutien des motifs de la Cour sur la portée de la liberté d’association ou sur le droit de négociation collective. Par contre, le Procureur général avait soumis quelques décisions d’organes de l’OIT pour illustrer son argument portant sur les questions de politiques en matière d’éducation, que la Cour n’a pas retenues comme étant pertinentes.

4.1.5  Les  conclusions  

La Cour suprême de Colombie-Britannique déclare que les articles de loi contestés sont inconstitutionnels et invalides, à l’exception de celui portant sur la fusion d’établissements243, et suspend sa déclaration d’invalidité pour une période de 12 mois.

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