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1 - Le cadre indemnitaire des SPP autorise des interprétations extensives de la part des SDIS

Le régime indemnitaire des SPP comprend des indemnités spécifiques instituées par le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels (cf. l’annexe n° 11).

À l’instar des agents de la filière administrative, les SPP peuvent en outre percevoir, selon leur grade, les indemnités d’administration et de technicité (IAT) et les indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) ou l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS).

Les sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ou par nécessité absolue de service ne peuvent pas bénéficier de cette dernière indemnité.

79 Le coût salarial annuel intègre les charges sociales afférentes aux agents concernés.

Leurs rémunérations nettes moyennes (hors cotisations) atteignaient la même année 64 064 € dans les Alpes-Maritimes (en hausse de + 6,3 % par rapport à 2011), 61 664 € dans le Tarn (+ 18 %), 60 588 € dans les Pyrénées-Atlantiques (+ 8,2 %) et 52 076 € en Haute-Saône (+ 14,8 %).

L’attribution de ces primes est facultative. Il revient donc au CASDIS de définir le régime indemnitaire applicable aux SPP. Le nombre d’indemnités servies au sein des SDIS résulte en conséquence des possibilités offertes par le décret du 25 septembre 1990, mais le texte autorise les interprétations les plus extensives, notamment pour l’indemnité de responsabilité. Qui plus est, la détermination des taux individuels applicables pour chaque prime relève de la compétence du président du CASDIS. Ainsi, sur le fondement d’une même réglementation, le régime indemnitaire des SPP est variable selon les SDIS, ce qui en renforce la complexité et le défaut de lisibilité, voire de transparence.

Par ailleurs, au sein des SDIS, ce régime repose fréquemment sur de multiples délibérations et ne fait pas l’objet d’un cadrage général. On trouve ainsi des délibérations successives sans articulation entre elles (Hautes-Alpes80, Gard) ou bien encore des délibérations non mises à jour de la réglementation et de l’évolution des effectifs (Lozère).

2 - L’évolution des primes versées aux SPP

Au niveau national, le montant total des indemnités attribuées aux SPP a progressé de près de 1,9 % en moyenne annuelle entre 2011 et 2016, tous SDIS confondus. Il est passé de 613 M€ en 2011 à 685 M€ en 2017, soit une augmentation de 11,7 % sur la période.

Dans certains SDIS, le rythme de progression des indemnités a été supérieur. Ainsi, sur la période 2011-2016, les dépenses relatives au régime indemnitaire des SPP ont augmenté de 14 % dans les Alpes-Maritimes et de 15,6 % dans le Lot-et-Garonne, que ce SDIS justifie par une diminution importante des attributions de logements pour nécessité absolue de service.

Les indemnités représentent souvent plus de 50 % du traitement indiciaire des SPP. Ce taux atteint près de 58 % en Charente, 60 % dans l’Oise, 61 % en Ille-et-Vilaine.

Les montants les plus importants correspondent à l’indemnité de feu, l’indemnité de responsabilité, l’indemnité de spécialité et l’indemnité de logement.

3 - Une absence généralisée de modulation des indemnités Parmi les facteurs de croissance des dépenses figure la pratique des CASDIS consistant à ne mettre qu’exceptionnellement en œuvre les

80 Ce SDIS entend entreprendre un travail de consolidation de ces délibérations.

possibilités de modulation des indemnités en fonction de la manière de servir ou des responsabilités exercées par les SPP.

De nombreux SDIS augmentent ainsi le coût de leur masse salariale et se privent par ailleurs d’un outil managérial efficace de gestion de leurs ressources humaines (c’est le cas dans l’Yonne, la Haute-Corse, la Loire).

Même lorsqu’elle est pratiquée, comme dans les Pyrénées-Atlantiques, la modulation reste de faible ampleur. La Haute-Saône fait exception avec une forte modulation appliquée en fonction de la manière de servir.

De fait, le régime indemnitaire des SPP apparaît très favorable dans la mesure où les CASDIS adoptent fréquemment les taux maxima d’indemnité prévus par la réglementation (Finistère, Nord, Mayenne), au moins pour le régime spécifique aux SPP (Ille-et-Vilaine).

4 - Des attributions sans cohérence avec la situation individuelle des agents

La prime de feu est versée dans les SDIS concernés à son taux maximum, indépendamment du nombre d’interventions réalisées au titre des incendies. Les dépenses correspondantes atteignent souvent des montants importants (en 2016, 5,2 M€ dans le Pas-de-Calais, 2,2 M€ dans les Pyrénées-Atlantiques et 1,1 M€ en Charente). Cette indemnité est en général versée à tous les SPP, sans considération de leurs activités opérationnelles. Dans le Gard, elle est ainsi attribuée à des SPP affectés de manière permanente à des fonctions administratives. Elle constitue en cela un complément de rémunération, sans prise en compte des missions particulières dévolues aux SPP.

Quelques anomalies concernant l’indemnité de responsabilité ont été relevées. Ainsi, en Charente, elle est versée au montant maximal autorisé à tous les SPP. Par ailleurs trois SPP inaptes sur le plan opérationnel continuent à la percevoir alors qu’ils n’exercent plus aucune responsabilité. Des SPP perçoivent parfois des indemnités de responsabilité ne correspondant pas à leurs fonctions mais à celles de grades supérieurs (Côtes-d’Armor, Landes). L’indemnité de responsabilité pour les sous-officiers de garde a également pu être étendue à d’autres fonctions non prévues par les textes (Finistère). Enfin, dans les Landes, des

indemnités de responsabilité ont été versées à des agents occupant des postes qui n’y ouvraient pas droit, ou à des taux dérogatoires81.

Dans la plupart des SDIS, quasiment tous les SPP perçoivent l’indemnité de spécialité. Or il est permis de douter que tous les intéressés, même ceux exerçant une activité directement opérationnelle, fassent effectivement usage des qualifications techniques concernées. À l’instar de la prime de feu, des SPP exercent de manière permanente des fonctions administratives tout en continuant de bénéficier de cette prime. Dans la Vienne, une délibération du CASDIS prévoyait même le maintien intégral des indemnités de spécialité en cas d’inaptitude à exercer la qualification concernée82. Par ailleurs, il est fréquent que les SPP perçoivent cette indemnité au titre de deux spécialités. Ainsi, dans les Landes, le nombre de SPP concernés est passé de 185 en 2011 à 204 en 2016. D’une manière générale, si les SDIS exercent un suivi des formations et des diplômes acquis pour exercer une spécialité, le contrôle de la cohérence avec les activités opérationnelles des agents n’est pas réalisé.

5 - Des irrégularités récurrentes

Certains SDIS ont irrégulièrement étendu aux SPP le complément annuel de rémunération relevant de l’application de l’article 111 (relatif aux droits collectifs acquis avant 1984 et perçue par les seuls agents administratifs) de la loi du n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Ainsi, le SDIS du Finistère en a étendu en 2010 le bénéfice à l’ensemble de ses agents, alors que le régime de cette prime ne pouvait plus être modifié après le 26 janvier 1984 (les dépenses correspondantes se sont établies à 586 000 € par an pour 440 SPP). De même, ces compléments de rémunération

« historiques » ont été irrégulièrement étendus aux SPP dans les SDIS d’Ille-et-Vilaine et du Lot-et-Garonne.

Le SDIS des Côtes-d’Armor a, pour sa part, maintenu des indemnités issues de la réglementation applicable avant

81 Ainsi certains caporaux, sergents, sergents-chefs, adjudants et adjudants-chefs qui ont pu être affectés à l’état-major du SDIS au cours de la période examinée ont irrégulièrement perçu des indemnités de responsabilité.

82 Cette possibilité visait la seule situation dans laquelle un agent disposant de qualifications techniques particulières lui ouvrant droit à l’indemnité avait fait l’objet d’un accident de service dans l’exercice de missions relevant de sa spécialité et s’était vu, du fait de cet accident, retiré de la liste d’aptitude concernée. Cette situation a été régularisée par délibération du 2 juillet 2018.

la départementalisation résultant de la loi de 3 mai 1996. Or le dispositif mis en place au titre des avantages acquis n’était pas juridiquement justifié.

Il s’est traduit par des versements forfaitaires généralisés à l’ensemble des agents83 et annuellement révisables, contrevenant ainsi à la réglementation.

En outre, un certain nombre de SDIS ont introduit par délibération des dispositifs indemnitaires totalement contraires à la réglementation.

Ainsi, le SDIS des Alpes-Maritimes a mis en place une aide au logement versée aux SPP non logés, ainsi qu’un complément de rémunération attribué à l’ensemble des personnels. Les dépenses correspondantes se sont élevées à, respectivement, 8,7 M€ et 12,8 M€ sur l’ensemble de la période 2011-2016, atteignant, respectivement, 1,9 M€ et 2,1 M€ en 2016.

Par ailleurs, le SDIS de La Réunion a procédé durant plusieurs années à l’indexation irrégulière du régime indemnitaire spécifique aux SPP. En 2013, le CASDIS a renoncé à récupérer les sommes ainsi irrégulièrement versées pour un montant de 5 M€.

Enfin, le SDIS du Finistère a attribué des indemnités horaires pour travaux supplémentaires à des lieutenants sans base légale. Par ailleurs, leur temps de travail ne faisait l’objet d’aucun décompte automatisé permettant de s’assurer qu’ils dépassaient effectivement la durée légale de temps de travail84.

Les juridictions financières soulignent l’importance des coûts résultant des irrégularités constatées pour les SDIS concernés.