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L’intégration, les outils

3. les résultats de l’étude et le début de l’Observatoire de l’Eau

3.1. Les attentes des usagers

Avant même de commencer la description des attentes des usagers, il nous semble indispensable de revenir sur la question de l’hétérogénéité des usagers. En effet, les usagers sont pluriels, ce qui va de manière logique nous conduire à des attentes variées. De plus, nous avons pu constater que les attentes des usagers ne sont parfois pas claires pour eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils ne savent

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pas toujours très bien ce qu’ils veulent92. C’est devant ce foisonnement d’attentes qu’il va falloir

ordonner que l’intervention des chercheurs peut être bénéfique, non pas pour hiérarchiser ces attentes en fonction d’un « bien » ou d’un « juste » universel mais par rapport à un modèle. C’est ainsi qu’afin d’ordonner notre description des attentes des utilisateurs, nous en avons établi une typologie en identifiant les attentes dont la satisfaction permettrait de répondre du mieux possible aux exigences de l’action collective telle que nous l’avions décrite précédemment : animée par un double mouvement d’exploration et de prescription reposant sur les savoirs et les relations. Dans cette partie, nous avons recensé et classé les besoins exprimés par les différents types d’acteurs de l’eau dans le Bas-Rhin. Tous les acteurs ont exprimé des besoins même si, dans un premier temps, les détenteurs de données93 répondent en chœur qu’ils n’ont pas de besoin

spécifique en ce qui concerne un Observatoire de l’eau ; et que certains d’entre eux déclarent même pouvoir vivre sans problème « en autarcie ». Toutefois, même s’ils n’en ressentent pas la nécessité, ils ajoutent qu’il pourrait y avoir quand même une plus-value à la création d’un Observatoire en ce qui concerne leur action ou bien qu’ils pourraient de manière bénéfique profiter d’un tel outil pour une partie de leur travail.

3.1.1 Une typologie des attentes des usagers

Les attentes exprimées par les utilisateurs ont ensuite été recensées puis situées par rapport à ce modèle d’action collective. L’attente prédominante chez un grand nombre d’utilisateurs concerne le recueil, la mise en forme et le partage des informations. Que ce soit des professionnels du domaine qui le souhaitent afin de simplifier leur travail, des associations qui le revendiquent en tant que droit du citoyen, des élus qui le demandent en tant que retour sur les décisions qu’ils peuvent prendre ou des administrations qui le trouverait utile dans leur travail, ce partage semble être réclamé de manière quasi-unanime. Celui-ci peut ensuite se décliner selon différents niveaux, depuis la fourniture d’information à la demande jusqu’à la base de données unique sur le Département (cf. encadré infra sur cette question) en passant par la diffusion de documents de synthèses et l’échange de données. La réponse à cette attente nous semble être une condition nécessaire afin que l’exploration des savoirs permise par l’observatoire soit de qualité. Derrière ce partage et cette diffusion d’informations, il faut, à notre avis, distinguer deux niveaux : un niveau

92 Ce qui est toutefois totalement normal puisqu’ils ne sont pas à l’origine du projet, que celui-ci est flou, qu’ils se débrouillent très bien sans l’OE, …

93 i.e. Agence de l’Eau Rhin-Meuse, Syndicat De l’Eau et de l’Assainissement, Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, …

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à destination du grand public, et un autre en direction des professionnels du domaine. Par rapport au grand public, ce qui serait intéressant, d’après les associations et certains élus c’est d’avoir une plate-forme pour informer de ce qui se passe au niveau de l’eau afin que « le grand

public prenne conscience que l’eau est une denrée très précieuse, que c’est l’enjeu du XXIe siècle »94. Même si

certains font remarquer qu’à l’intérieur même du grand public, il faut encore distinguer plusieurs types de public : les associations, les avertis, les candides, … Un autre problème soulevé par les différents porte-parole de consommateurs interrogés (association de consommateurs, d’industriels, de protection de l’environnement, …) est l’opacité du système, notamment en ce qui concerne les flux financiers et la répartition des responsabilités. De manière générale, une information en direction du grand public est considérée par les acteurs rencontrés comme nécessaire. En ce qui concerne les professionnels, ils sont intéressés par un partage d’informations plus grand et par un accès plus facile aux données. On peut noter que leur attrait vers ceci est inversement corrélé à leur possession propre de données.

Encadré 12

La base de données unique, un besoin ou un rêve ?

Plusieurs acteurs « rêvent » d’une base de données unique par rapport à l’eau, surtout chez les associations ou chez certains professionnels. D’après eux, cela apporterait une facilité d’accès par rapport à ce qui existe déjà et cela pourrait aussi mettre en évidence la nécessité de compléter certains réseaux de mesure, par exemple, pour ce qui concerne le suivi des zones humides ou de définir un réseau plus serré s’il en existe déjà un. Les associations et les consommateurs souhaitent avoir les informations disponibles afin de pouvoir se faire une opinion tandis que certains professionnels aimeraient avoir accès aux données publiques en ligne afin de simplifier leur travail. D’autres viennent soutenir la même idée : « Actuellement, tous les documents sont séparés et les données ne sont pas toutes valorisées. La centralisation des données pourrait permettre de mettre en place une cohérence au niveau du regard sur l’eau ». Chez un autre encore : « Un outil regroupant ces différentes BD serait intéressant. Ce serait bien si on pouvait, en partant d’une zone géographique (une commune par exemple), être relié directement aux données la concernant. On pourrait ainsi voir le réseau de mesure, les points les plus proches et on pourrait travailler à partir de cette base géographique. » N’est ce pas une utopie technique ? Est-ce réalisable ? Car cela semble méconnaître tout le travail préalable sous-jacent (uniformisation des protocoles, partage des données, …). De plus, la technique est-elle à même de résoudre tous les problèmes de communication entre acteurs ?

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Une deuxième attente revenant fréquemment dans le discours des acteurs concerne l’aide à la

décision. Depuis les élus qui souhaitent que l’Observatoire leur fournisse une information

pertinente à même de leur permettre de prendre les « bonnes »95 décisions jusqu’aux gestionnaires

qui souhaiteraient des indicateurs et des guides pour faciliter leur prise de décision quotidienne, ils sont nombreux à avoir besoin d’un appui pour pouvoir se positionner. Ainsi afin de simplifier leur travail, certains souhaiteraient un guide pour orienter leurs actions. Celui-ci servirait par exemple à la fois aux techniciens pour évaluer la pertinence du renouvellement des réseaux d’eau potable et savoir comment classifier les conduites à renouveler mais aussi aux politiques afin d’évaluer la pertinence du financement de ces actions. Enfin plusieurs professionnels seraient preneurs d’indicateurs communs afin de pouvoir faire des comparaisons au niveau départemental et national dans l’objectif de pouvoir évaluer leurs actions. En effet, face à la masse d’informations et données existantes, le gestionnaire a besoin d’avoir recours à des « abrégés du vrai » comme les nomme Riveline (Riveline 1991). On constate ici que c’est finalement ce que demandent ces usagers lorsqu’ils souhaitent des indicateurs, des guides et des synthèses. Cette capacité à produire des abrégés du vrai sur les savoirs nous semble un point de passage obligé avant de pouvoir prescrire les actions de manière adéquate.

Un autre point sur lequel les différents acteurs rencontrés nous ont fait part de leurs attentes concerne l’ouverture du processus à différents acteurs et la possibilité pour chacun de s’exprimer et de participer au pilotage de cet outil. La qualité démocratique de l’exploration des relations dépend de la qualité de la réponse à cette attente. Celle-ci peut notamment être évaluée via la diversité et indépendance des participants et la représentativité des porte-parole.

Enfin, une attente exprimée à de nombreuses reprises également concerne les résultats concrets rendus possibles via l’Observatoire. En effet, nombreux sont les acteurs qui espèrent que l’Observatoire ne sera pas une « coquille vide », qu’il permettra de « déboucher sur des mesures concrètes ». Il faut pour cela s’assurer que la prescription des actions est robuste, c’est-à-dire qu’elle est légitime, que les acteurs qui la portent sont reconnus comme tels et qu’il existe une capacité de contrôle de la réalisation de ces prescriptions. En cela, les avis sont partagés quant à la légitimité du Conseil Général pour porter ce projet d’Observatoire.

95 Finalement, de manière caricaturale, on pourrait dire que ce qui intéresse les élus, ce n’est de n’avoir presque plus besoin de décider ; les actions à mener s’imposant via la force des chiffres.

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Savoirs Relations

Exploration

Recueil et partage d’informations - Fourniture à la demande - Documents diffusés - échanges de données - Base de données unique

Ouverture à d’autres acteurs Représentativité de ceux-ci

Prescription

Aide à la décision (production d’abrégés du vrai) :

- indicateurs - synthèses

Légitimité du Conseil Général

Figure 15 : Typologie des attentes des usagers de l’Observatoire

Les différentes attentes sont récapitulées et classées dans le tableau ci-dessus. On peut se faire la remarque qu’elles ressemblent grandement aux exigences de l’action collective à visée intégrative.